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10/10/2023 | FRANCE | N°21BX03233

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 octobre 2023, 21BX03233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La mutualité française de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la restitution du crédit d'impôt, assortie des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dont le principe avait été admis par décision d'agrément du 28 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900866 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 jui

llet 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 28 avril 2022, la mutualité française de La Réuni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La mutualité française de La Réunion a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la restitution du crédit d'impôt, assortie des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dont le principe avait été admis par décision d'agrément du 28 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900866 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 28 avril 2022, la mutualité française de La Réunion, représentée par Me Ramond, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900866 du 26 mai 2021 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt, assortie des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dont le principe avait été admis par décision d'agrément du 28 décembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'examen des circonstances propres à son cas particulier n'a pas été opéré avec diligence par le service, lequel a mal identifié le contribuable, partie prenante à l'opération d'investissement ; l'intégralité des pièces versées aux débats par l'administration fiscale mentionne la " SAS Mrimmo " comme bénéficiaire du crédit d'impôt alors que cette entité juridique n'a aucun lien avec cette opération ;

- le service fait reposer la notion d'achèvement sur la date de la déclaration d'achèvement des travaux le 15 janvier 2018 par le promoteur, acte frauduleux qui doit être écarté des débats ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier versé à la procédure ;

- elle justifie, par les pièces produites, que les logements de la résidence étaient inutilisables les 22 février 2018 et 5 avril 2018 contrairement à la déclaration d'achèvement des travaux du 15 janvier 2018, et que la résidence ne pouvait être considérée comme achevée au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la doctrine BOI-IF-TFB-10-60-20 du 12 septembre 2012 préalablement à la date du 17 juillet 2018 .

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 17 juin 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2019 par laquelle le directeur régional des finances publiques de la Réunion a rejeté sa réclamation préalable sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la mutualité française de la Réunion ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juin 2022 à 12 h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteur publique,

- et les observations de Me Pénisson, pour Me Ramond, représentant la mutualité française de La Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. La mutualité française de La Réunion a investi dans un programme immobilier " Le Clos de Sofia ", composé de quatorze logements et de vingt emplacements de stationnement, situés 10-14 rue du Stade sur le territoire de la commune de L'Etang-Salé et destinés à la location dans le secteur locatif intermédiaire. Cet organisme a sollicité le bénéfice de l'agrément prévu au VII de l'article 244 quater W du code général des impôts, pour se voir octroyer, sous conditions, un crédit d'impôt au taux de 35 %. L'agrément a été délivré par décision du 28 décembre 2017 de l'administration fiscale. Le 16 mai 2018, la mutualité française de La Réunion a sollicité la restitution d'un crédit d'impôt de 676 549 euros au titre de l'année 2017, que l'administration fiscale lui a refusée par décision du 14 mars 2019, au motif qu'il n'était pas justifié de la location des quatorze logements dans les six mois de leur achèvement, conformément au I du 4 de l'article 244 quater W du code général des impôts. La mutualité française de La Réunion fait appel du jugement du 26 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande de restitution du crédit d'impôt.

2. Aux termes des dispositions de l'article 244 quater W du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I (...) /4. Pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou pour les organismes mentionnés au 1 du I de l'article 244 quater X, le crédit d'impôt s'applique également :/1° Aux acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif situés dans les départements d'outre-mer, à l'exception des logements neufs répondant aux critères mentionnés aux b et c du 1 du I de l'article 244 quater X, si les conditions suivantes sont réunies :/a) L'entreprise ou l'organisme s'engage à louer l'immeuble nu dans les six mois de son achèvement, ou de son acquisition si elle est postérieure, et pendant cinq ans (1) au moins à des personnes qui en font leur résidence principale ;/b) Le loyer et les ressources du locataire n'excèdent pas des plafonds fixés par décret ;/2° Aux logements neufs à usage locatif mis à leur disposition lorsque les conditions suivantes sont respectées :/a) Le contrat de crédit-bail est conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ; (...) ".

3. En premier lieu, la mutualité française de La Réunion soutient que le service a commis une erreur d'identification du contribuable engagé dans l'opération d'investissement en visant la société Mrimmo. Il résulte de l'instruction que cette société par actions simplifiée, membre du groupe intégré fiscalement dont la mutualité française de La Réunion est la société mère, a participé aux investissements immobiliers pour l'acquisition du programme immobilier " Le Clos de Sofia ". Si, dans son courrier du 16 mai 2019, adressé au conseil de l'organisme appelant, dont l'en-tête mentionne " Mutualité de La Réunion/SAS Mrimmo " le conciliateur fiscal départemental a cité, par erreur, la société Mrimmo comme étant à l'origine de la demande de restitution du crédit d'impôt, présentée sur le fondement de l'article 244 quater W du code général des impôts, cette seule circonstance est sans incidence sur la procédure d'imposition et n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen des pièces du dossier de la part de l'administration fiscale. Au demeurant, le rejet de la réclamation en date du 14 mars 2019 est adressé au président de la mutualité de La Réunion, désignée sans aucune ambiguïté comme ayant réalisé l'investissement immobilier " Résidence Sophia ".

4. En second lieu, il appartient au contribuable qui revendique le bénéfice d'un avantage fiscal d'établir qu'il satisfait aux conditions requises pour son obtention. Si la date de l'achèvement des travaux est en principe attestée par le certificat de conformité ou le récépissé de la déclaration d'achèvement des travaux, la présomption résultant de ces documents peut être renversée par la preuve de la date à laquelle ont été effectivement achevés les travaux de construction. En l'espèce, l'administration fiscale a refusé la restitution du crédit d'impôt de 676 549 euros sollicité par la requérante, au motif qu'entre le 15 janvier 2018, date de déclaration d'achèvement des travaux dans le bâtiment A, et le 15 juillet 2018, aucun des quatorze logements n'était loué, en méconnaissance de la condition fixée par le 4 a) de l'article 244 quater W précité du code général des impôts. Il résulte de l'instruction que les locataires de la résidence " Le Clos Sofia " bâtiment A ne sont entrés dans les lieux qu'à compter du 11 août 2018, au plus tôt. Or, l'organisme appelant ainsi que le constructeur ont signé le 12 février 2018 les déclarations H2 des appartements du bâtiment A, mentionnant une date d'achèvement des travaux permettant une utilisation effective du bien au 31 décembre 2017, avec eau courante, électricité, installations sanitaires, tout à l'égout, climatisation, ascenseur et escalier de service. Le bureau Veritas a attesté le 27 décembre 2017 de l'accessibilité aux personnes handicapées sans aucun commentaire notamment sur les accès aux bâtiments, les cheminements intérieurs et extérieurs, les conditions de stationnement, les caractéristiques de base pour tous les logements. Si la mutualité de La Réunion produit un constat d'huissier dressé le 25 janvier 2018 à la demande d'un tiers, acquéreur d'un appartement, faisant état de travaux inachevés, ce constat ne précise pas s'il concerne le bâtiment A abritant les 14 logements en cause. Il en va de même des prises de vue d'un bâtiment en cours de travaux entre février et avril 2018, sans référence précise, des échanges de courriels relatifs aux opérations préalables à la réception, ainsi que de la production d'une attestation de conformité de l'installation électrique, émise le 20 février 2018 et visée le 17 juillet 2018 sans aucun cachet. Les pièces ainsi produites sont insuffisantes pour démontrer que les travaux en cause ont été achevés à une date postérieure au 15 janvier 2018. Au surplus, la mutualité de La Réunion qui ne démontre pas avoir dénoncé auprès des instances pénales le caractère frauduleux, selon elle, de la déclaration d'achèvement des travaux, n'a pas déposé des déclarations rectificatives H2, pas plus qu'elle n'a produit devant l'administration des éléments factuels, tels que les factures ou marchés de travaux permettant de justifier d'une autre date d'achèvement des travaux que celle qu'elle a déclarée, méconnaissant ainsi d'ailleurs les conditions posées par l'agrément délivré le 31 décembre 2017. Dans ces conditions, la mutualité de La Réunion n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées.

5. Enfin, l'appelante ne peut se prévaloir des modalités de détermination de la date d'achèvement des travaux figurant au bulletin officiel des finances publiques BOI-IF-TFB-10-60-20 publié le 12 septembre 2012 dès lors que cette instruction concerne exclusivement les conditions d'application de l'exonération de taxe foncière temporaire sur les propriétés bâties.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la mutualité française de La Réunion n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la mutualité française de La Réunion au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la mutualité française de La Réunion est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la mutualité française de La Réunion et au ministre de l'économie et des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2023.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX03233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03233
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : RAMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-10;21bx03233 ?
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