Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de la Corrèze a prononcé son expulsion du territoire français à destination du pays dont il a la nationalité.
Par un jugement n° 2205338-2205339 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2023, M. C... A..., représenté par Me Payet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 décembre 2022 précité ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2022 par lequel le préfet de la Corrèze a prononcé son expulsion du territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui restituer sous quinzaine sa carte de résident et son passeport, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et de lui délivrer un laisser-passer consulaire pour lui permettre de revenir en France chercher ses documents ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il réside en France depuis plus de dix ans et qu'il pouvait en conséquence bénéficier de la protection prévue au 3° de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 5 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au
14 juin 2023.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
16 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Duplan, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant de nationalité congolaise né le 3 mars 1986, qui est entré en France le 18 novembre 1999 à l'âge de 13 ans dans le cadre d'une mesure de regroupement familial, a été condamné, entre 2004 et 2021, à quatorze reprises par les tribunaux correctionnels de Limoges, Châteauroux, Angoulême, Mont-de-Marsan ainsi que par la chambre des appels correctionnels de Limoges. Il a ainsi été condamné à des peines d'emprisonnement, le 29 août 2005 à deux ans d'emprisonnement pour violences aggravées, le 21 septembre 2005 à trois mois d'emprisonnement pour usage illicite, acquisition, détention et offre de produits stupéfiants, le 26 mai 2010 à un mois d'emprisonnement pour les mêmes faits, le 3 juin 2010 à un mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule sans permis en récidive et délit de fuite, le 16 juillet 2010 à un an d'emprisonnement pour circulation avec un véhicule sans assurance, recel de bien provenant d'un vol, le 13 avril 2011 à deux ans d'emprisonnement dont un an et six mois avec sursis pour recel de bien provenant d'un vol en récidive et détention, transport, acquisition et usage illicite de stupéfiants, le 3 septembre 2014 à quatre mois d'emprisonnement pour remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d'argent ou objet de détenu, le
18 septembre 2014 à un mois d'emprisonnement pour recel de bien provenant d'un vol, le
5 avril 2016 à quatre mois d'emprisonnement pour acquisition, transport, détention de stupéfiants et le 28 mai 2021 à deux ans d'emprisonnement pour les mêmes faits ainsi que pour la détention non autorisée d'arme, munitions ou de leurs éléments de catégorie B. Après avoir saisi la commission d'expulsion qui a émis un avis favorable à l'expulsion du requérant lors de sa séance du 30 septembre 2022, le préfet de la Corrèze a, par un arrêté du 3 octobre 2022, prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté et relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles
L. 631-2 et L. 631-3 ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ".
3. Ne peut être regardée comme une période de résidence régulière au sens de ces dispositions, les périodes durant lesquelles l'étranger est incarcéré à la suite d'une condamnation à une peine privative de liberté ou bénéficie d'une mesure d'exécution de sa peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique, dès lors qu'elle emporte une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part et ce, y compris si l'étranger est titulaire d'un titre de séjour durant cette période.
4. Si M. A..., qui est entré en France le 18 novembre 1999, a obtenu une carte de résident valable du 21 avril 2004 au 20 avril 2014, puis du 7 décembre 2015 au 3 octobre 2022, date de l'arrêté litigieux, il ressort des pièces du dossier qu'il est demeuré en situation irrégulière du 20 avril 2014 au 7 décembre 2015 soit pendant 18 mois, faute d'avoir sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Ainsi, alors que la circonstance que l'intéressé se trouvait en détention entre le 20 avril 2014 et le 7 décembre 2015 ne faisait pas obstacle par elle-même à ce qu'il puisse solliciter le renouvellement de son titre de séjour, l'intéressé doit être regardé comme résidant régulièrement en France seulement depuis le 7 décembre 2015. Il en résulte, qu'ainsi que le fait valoir le préfet de la Corrèze, M. A... ne peut se prévaloir d'une présence régulière de plus de dix ans et entrer dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... se prévaut, comme en première instance, de sa durée de résidence en France depuis l'âge de ses 13 ans et de la présence de sa mère et de sa sœur sur le territoire français depuis 1999. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 1, il ressort des pièces du dossier que
M. A... a été condamné à quatorze reprises depuis son entrée en France en 1999 notamment pour violences aggravées en 2005, pour délit de fuite après accident de la circulation en 2010, pour détention, usage illicite, et acquisition illicite de stupéfiants à cinq reprises entre 2005 et 2021 ainsi que pour détention non autorisée d'armes et de munitions en 2021. Eu égard à la gravité, à la récurrence et au caractère récent des faits reprochés à l'intéressé, lesquels sont de nature à caractériser la menace pour l'ordre public que représente son comportement, et à son absence manifeste d'intégration dans la société française, la décision attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'objectif de préservation de l'ordre public qu'elle poursuit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2022 en litige. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera délivrée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
Caroline B...
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX01061 2