Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 26 juillet 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2202526 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés, les 28 mars 2023 et 6 juillet 2023, Mme B... représentée par Me Rabesandratana, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 février 2023
précité ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 26 juillet 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer sa situation et, dans l'attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur l'arrêté dans son ensemble :
- il a été signé par une autorité incompétente ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle indique qu'elle est entrée en France dépourvue des visas exigés par la réglementation en vigueur et qu'elle s'est rendue coupable d'une fraude à l'identité ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;
Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnait le principe général du droit de l'Union Européenne relatif au droit à une bonne administration, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations écrites ou orales ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2023.
Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante de Guinée équatoriale née le 27 avril 1979, est, selon ses déclarations, entrée en France le 10 juillet 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 janvier 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 octobre 2020. Elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 17 juin 2021. Par un arrêté du 26 juillet 2022, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours suivant sa notification et a fixé le pays de destination. La requérante relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté dans son ensemble :
2. A l'appui de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté en litige, la requérante ne se prévaut devant la Cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation exposée devant les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents du jugement attaqué.
Sur la légalité du refus de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de la requérante, qui déclare être entrée sur le territoire en juillet 2018, tendant à obtenir le statut de réfugié a été rejetée comme présentée pour son fils mineur. La requérante n'établit pas les violences qu'elle aurait subies dans son pays d'origine. Si elle produit plusieurs attestations, indiquant qu'elle est adhérente ou bénévole dans plusieurs associations et souhaite s'intégrer, fait valoir qu'elle travaille comme employée familiale et que son fils est scolarisé en France, ces circonstances ne permettent pas d'établir que l'admission au séjour de Mme B... répond à des considérations humanitaires et n'est pas davantage justifiée par des circonstances exceptionnelles au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de Charente-Maritime aurait méconnu les dispositions précitées doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté en litige que le préfet de Charente-Maritime n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'intéressée.
6. En dernier lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée que si le préfet de Charente-Maritime a mentionné à tort l'absence de visa de Mme B... lors de son entrée sur le territoire et sa fraude à l'identité, il n'a pas entendu se fonder sur ces éléments pour prendre l'arrêté en litige lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, ces erreurs de fait sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Si l'article 41 de la charte s'adresse non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union européenne, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne.
8. Il appartient à l'autorité préfectorale comme à toute administration de faire application du droit de l'Union européenne et d'en appliquer les principes généraux, dont celui de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique, qu'informé de ce qu'une décision est susceptible d'être prise à son encontre, l'intéressé soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.
9. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ainsi, à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français, ni sur les décisions fixant le délai de départ ou encore le pays de renvoi qui sont prises concomitamment et en conséquence du refus d'admission au séjour.
10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pu, à l'occasion de cette demande, apporter toute précision et tous éléments au soutien de sa demande. Dès lors, Mme B..., qui, a pu exposer à l'administration sa situation personnelle, familiale ou professionnelle, n'est pas fondée à soutenir que le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu a été méconnu.
11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, entrée en France en 2018 à l'âge de 39 ans, est célibataire avec un enfant et n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine. En outre, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine et que son fils y poursuive sa scolarité. Enfin, ainsi qu'il a été dit, si la requérante se prévaut de son intégration sociale en France en produisant les bulletins scolaires de son fils et les attestations relatives à ses activités associatives ainsi que des fiches de salaires pour un emploi familial, ces éléments n'établissent pas en l'espèce que la mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, ni à l'intérêt supérieur de son enfant dès lors que la mesure d'éloignement n'a ni pour objet, ni pour effet de la séparer de son fils. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante dont la demande d'asile a été rejetée par la CNDA, n'établit pas être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2022. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2023.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX00860 2