La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°22BX00524

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 22BX00524


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société CG Finance a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le directeur de la société d'économie mixte Incité Bordeaux La Cub a décidé d'acquérir, par voie de préemption, l'immeuble situé 2 rue Paul Bert à Bordeaux.



Par un jugement n° 2100604 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2022 et le 3 avril 2024, la société CG Finance, représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CG Finance a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 décembre 2020 par laquelle le directeur de la société d'économie mixte Incité Bordeaux La Cub a décidé d'acquérir, par voie de préemption, l'immeuble situé 2 rue Paul Bert à Bordeaux.

Par un jugement n° 2100604 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2022 et le 3 avril 2024, la société CG Finance, représentée par Me Achou-Lepage, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du directeur de la société d'économie mixte Incité Bordeaux La Cub du 8 décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la SEM Incité une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la décision n'a pas été précédée d'une consultation régulière du service des domaines en méconnaissance de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme ; le service des domaines n'a été saisi d'un dossier complet que postérieurement à l'édiction de la décision litigieuse ; ce vice de procédure entache la décision d'illégalité ; si l'adjoint au pôle d'évaluation domaniale du service des domaines atteste de la complétude du dossier à la date de saisine de son service le 14 octobre 2020, il n'est pas l'agent qui a instruit le dossier, il n'est pas assermenté et son attestation ne satisfait pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile ; les pièces communiquées au service des domaines le 16 novembre 2020 étaient indispensables à la complétude du dossier et l'avis du service du domaines lui-même indique que le dossier était " en état " le 12 novembre 2020 ; le service d'horodatage électronique de la plateforme " demarches-simplifiees.fr " est une preuve irréfutable des informations qu'il mentionne ; eu égard aux pièces complémentaires sollicitées par le service des domaines le 16 novembre 2020, le dossier ne peut être regardé comme complet le 14 octobre 2020 ; en particulier, le bail existant n'a été produit que le 16 novembre 2020 et était également nécessaire le document de création de l'opération d'aménagement qui n'avait pas été produit initialement ;

- la décision a été édictée par une autorité incompétente, le président de la société d'économie mixte Incité ne disposant pas d'une délégation de signature régulière compte tenu de l'échéance du mandat du délégant à la suite des élections municipales de juin 2020 ; il n'est pas justifié du caractère exécutoire des délégations consenties le 22 juillet et 14 septembre 2020 au regard des prescriptions des articles L. 5211-3 et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ;

- la décision est intervenue postérieurement au délai de deux mois prévu par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ; l'absence de visite dans le délai de quinze jours calendaires après le courrier adressé par la SEM Incité au propriétaire du bien le 28 septembre 2020 doit être regardée comme un refus de visite de sorte que le délai de préemption suspendu par la demande de visite a recommencé à courir le 5 octobre 2020, conformément aux règles prévues à l'article D. 213-13-2 du code de l'urbanisme ; la seconde demande de visite n'était pas de nature à suspendre le délai de préemption, la SEM Incité n'établissant pas qu'elle a été faite dans les conditions prévues par ces mêmes dispositions ;

- la SEM Incité doit être regardée comme ayant abusé de ses prérogatives dans le seul but de prolonger artificiellement le délai de préemption ;

- la décision est insuffisamment motivée s'agissant de la réalité du projet envisagé sur la parcelle en litige au regard des objets des opérations d'aménagement prévu par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2023, la SEM Incité Bordeaux métropole territoires, représentée par Me Carton de Grammont, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société CG Finance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 5 décembre 2016 relatif aux opérations d'acquisitions et de prises en location immobilières poursuivies par les collectivités publiques et divers organismes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- les observations de Me Caparros, représentant la société CG Finance, et de Me Carton de Grammont, représentant la SEM Incité Bordeaux.

Une note en délibéré présentée par Me Carton de Grammont, pour la société CG Finance, a été enregistrée le 14 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Réseau Paul Bert, propriétaire d'un immeuble situé sur la parcelle cadastrée HD 242, 2 rue Paul Bert à Bordeaux, a adressé une déclaration d'intention d'aliéner ce bien immobilier à la commune de Bordeaux, reçue le 25 août 2020. Par une décision du 8 décembre 2020, le directeur de la SEM Incité a décidé d'exercer son droit de préemption sur cet l'immeuble. La société CG Finance, qui s'était portée acquéreur de cet immeuble le 19 août 2020, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cette décision. Elle relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " I. - La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) / 2° En matière d'aménagement de l'espace métropolitain : / a) Schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d'urbanisme, document en tenant lieu ou carte communale ; (...) ". L'article L. 211-2 du code de l'urbanisme dispose, dans sa version applicable à l'espèce : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, la compétence d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (...) en matière de plan local d'urbanisme, emporte leur compétence de plein droit en matière de droit de préemption urbain. (...) Le titulaire du droit de préemption urbain peut déléguer son droit à une société d'économie mixte agréée mentionnée à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation (...). Leur organe délibérant peut déléguer l'exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Par dérogation à l'article L. 213-11 du présent code, les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa ne peuvent être utilisés qu'en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation. " Aux termes de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales : " (...) Le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, par délégation de son organe délibérant, être chargé d'exercer, au nom de l'établissement, les droits de préemption, ainsi que le droit de priorité, dont celui-ci est titulaire ou délégataire en application du code de l'urbanisme. (...) " Enfin, aux termes de l'article R. 211-5 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable : " L'exercice du droit de préemption urbain peut être délégué au président-directeur général, au président du directoire, au directeur général ou à l'un des directeurs par le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le directoire des sociétés ou organismes mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 211-2. Cette délégation fait l'objet d'une publication de nature à la rendre opposable aux tiers. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable en l'espèce : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) / Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. (...) ". L'article L. 5211-3 du même code dispose, dans sa version alors applicable : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les mentions apportées, sous la responsabilité du président d'un établissement de coopération intercommunale, pour certifier le caractère exécutoire des délibérations de cet établissement font foi jusqu'à la preuve du contraire.

5. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de Bordeaux Métropole, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, a délégué à son président le pouvoir d'exercer le droit de préemption urbain par une délibération du 17 juillet 2020, sur le fondement de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales précité. Le président de Bordeaux Métropole a, par un arrêté du 22 juillet 2020, délégué sa signature à Mme B... A..., responsable de la direction du foncier au sein de l'établissement public de coopération intercommunale, à l'effet de signer notamment les actes relatifs à l'exercice du droit de préemption urbain. Mme A..., par un arrêté du 14 septembre 2020, a délégué, ainsi que le permet l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme précité, l'exercice du droit de préemption urbain à la société Incité, société d'économie mixte agréée. Le conseil d'administration de cette société, qui a été chargée d'une opération de requalification urbaine du centre-ville de Bordeaux décidée par une délibération du 2 juillet 2002 par une première convention d'aménagement du 25 juillet 2002 et une seconde du 22 mai 2014, a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à son directeur général par une délibération du 20 octobre 2016, sur le fondement de l'article R. 211-5 du code de l'urbanisme. Ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal, la circonstance que la délégation de pouvoir dont bénéficiait le directeur général de la société Incité, signataire de la décision litigieuse, n'ait pas été renouvelée postérieurement au changement du président de Bordeaux Métropole intervenu à la suite des élections municipales du mois de juin 2020, est sans incidence sur sa validité, une telle délégation n'étant pas affectée par les changements survenant dans la personne du délégant ou du délégataire et subsistant tant qu'une décision du délégant ne l'a pas abrogée.

6. La société CG Finance soutient, pour la première fois en appel, que le caractère exécutoire des délégations des 22 juillet 2020 et 14 septembre 2020 n'est pas établi. Toutefois, les mentions portées sur la délégation du 22 juillet 2020 de la date de réception de l'acte par le préfet et de ce que celle-ci sera publiée au recueil des actes administratifs, qui ne sont pas contestées par la société requérante, sont de nature à établir le caractère exécutoire de cet acte. S'agissant de la délibération du 14 septembre 2020, le tampon apposé par les services de la préfecture le 16 septembre suivant établit sa transmission au représentant de l'Etat dans le département et la SEM Incité a produit devant les premiers juges une attestation du président de Bordeaux Métropole indiquant que cette délégation a été affichée du 16 septembre 2020 au 16 novembre 2020 au siège de la collectivité. Dans ces conditions, le caractère exécutoire de ces délégations est établi et le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". L'article L. 300-1 du même code dispose, dans sa version applicable au litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) "

8. La décision de préemption attaquée mentionne qu'elle intervient dans le cadre de l'opération d'aménagement pour la requalification du centre historique de Bordeaux, qui s'inscrit dans une démarche de renouvellement urbain, de lutte contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine bâti conformément aux objectifs énoncés par les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Elle ajoute qu'elle est motivée par la réalisation d'un projet de création de sept à neuf logements sociaux et de nouveaux locaux à vocation sociale après la réalisation de travaux de rénovation nécessaires, projet qui contribuera à la satisfaction du besoin de logements sociaux en centre historique et constituera un lieu d'animation sociale important en cœur de ville. Par suite, la décision mentionne l'objet pour lequel le droit de préemption urbain est exercé et le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

9. Aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. (...) / L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. (...) ". Arrêté du 5 décembre 2016 relatif aux opérations d'acquisitions et de prises en location immobilières poursuivies par les collectivités publiques et divers organismes, article 2 : " Les montants prévus au 2° de l'article L. 1311-10 du code général des collectivités territoriales, au 2° du II de l'article 23 de la loi du 11 décembre 2001 susvisée, à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques et au 2° de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé sont fixés à 180 000 euros. "

10. Il ressort des pièces du dossier que la société Incité a saisi le service des domaines pour avis, en application des dispositions précitées de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme, le 14 octobre 2020. Si des pièces complémentaires ont spontanément été produites par la société Incité au service des domaines le 16 novembre suivant, ce service atteste que le dossier était complet dès la saisine initiale et que les pièces nouvelles n'étaient pas utiles et n'ont pas été utilisées pour émettre l'avis du 15 décembre 2020. En particulier, il ne ressort d'aucun texte ni des pièces du dossier que le contrat de bail produit le 16 novembre 2020 aurait été nécessaire à l'appréciation du service des domaines qui explique, en outre, que le document de création de l'opération d'aménagement n'est nécessaire que dans le cas où le bien est " évalué en mode projet ", ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Au vu des explications précises fournies par le service des domaines, est sans incidence sur le caractère complet du dossier dont il a été saisi 14 octobre 2020, la circonstance que l'application informatique par laquelle est effectuée cette saisine ait généré le 15 décembre 2020 seulement, soit à la date de l'avis émis, une mention " dossier complet ". Les circonstances que l'agent du service des domaines qui a fourni les explications nécessaires dans le cadre de l'instance contentieuse ne soit pas celui qui a instruit le dossier, qu'il ne soit pas assermenté et que son attestation ne satisfasse pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas de nature à faire douter des explications fournies. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière faute pour le service des domaines de s'être prononcé au vu d'un dossier complet doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. (...) ". L'article R. 213-7 du même code dispose : " I.-Le silence gardé par le titulaire du droit de préemption dans le délai de deux mois qui lui est imparti par l'article L. 213-2 vaut renonciation à l'exercice de ce droit. / Ce délai court à compter de la date de l'avis de réception postal du premier des accusés de réception ou d'enregistrement délivré en application des articles L. 112-11 et L. 112-12 du code des relations entre le public et l'administration, ou de la décharge de la déclaration faite en application de l'article R. 213-5. / II.-Il est suspendu, en application de l'article L. 213-2, à compter de la réception par le propriétaire de la demande unique formée par le titulaire du droit de préemption en vue d'obtenir la communication de l'un ou de plusieurs des documents suivants : / 1° Le dossier mentionné à l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation ; / 2° S'il y a lieu, l'information prévue au IV de l'article L. 125-5 du code de l'environnement ; / 3° S'il y a lieu, le diagnostic technique prévu à l'article L. 111-6-2 du code de la construction et de l'habitation ou, à compter du 1er janvier 2017, s'il existe, celui prévu à l'article L. 731-1 du même code dans sa rédaction issue du II de l'article 58 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; / 4° S'il y a lieu et s'ils existent, les documents dont la transmission à l'acquéreur est prévue aux articles L. 125-7 et L. 512-18 du code de l'environnement ; / 5° L'indication de la superficie des locaux prévue par l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et par l'article 4-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 relatif à l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée ou, s'il existe, le mesurage effectué par un professionnel ; / 6° Les extraits de l'avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et l'état de l'immeuble ; / 7° Sous réserve qu'ils soient mentionnés dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 : / -la convention ou le bail constitutif de droits réels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; / -la convention ou le bail constitutif de droits personnels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; / 8° Sous réserve qu'il soit mentionné dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 et qu'il ait été publié au registre de la publicité foncière, l'acte constitutif de la servitude et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; (...) ". Aux termes de l'article D. 213-13-1 du même code : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25. / Le délai mentionné au troisième alinéa de l'article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire. " L'article D. 213-13-2 du même code prévoit : " L'acceptation de la visite par le propriétaire est écrite. / Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. / La visite du bien se déroule dans le délai de quinze jours calendaires à compter de la date de la réception de l'acceptation de la visite, en dehors des samedis, dimanches et jours fériés. / Le propriétaire, son mandataire ou le notaire est tenu d'informer de l'acceptation de la visite les occupants de l'immeuble mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier. / L'absence de visite dans le délai prévu au troisième alinéa vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite. Dans ce cas, le délai suspendu en application du quatrième alinéa de l'article L. 213-2 reprend son cours. " Enfin, l'article D. 213-13-3 du même code dispose : " Le propriétaire peut refuser la visite du bien. / Le refus est notifié au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. En l'absence de réponse dans ce délai, le refus est tacite. "

12. En application des dispositions précitées, le délai de préemption a commencé à courir à compter de la date de réception par la commune de la déclaration d'intention d'aliéner, soit le 25 août 2020. La demande de visite faite le 28 septembre 2020 par l'association Incité à l'association Réseau Paul Bert n'a pas suspendu ce délai faute d'avoir été réalisée selon les modalités prévues par les dispositions des articles D. 213-13-1 et R. 213-25 du code de l'urbanisme. Le délai a en revanche été suspendu, le 30 septembre suivant, à la date de réception par l'association Réseau Paul Bert, de la demande de pièces faite par la société Incité. Il a recommencé à courir à compter de la réception des documents par la société Incité, soit le 10 novembre 2020. Le délai restant étant inférieur à un mois, la société Incité disposait ainsi d'un délai d'un mois pour prendre sa décision. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse édictée par la société Incité le 8 décembre 2020 serait intervenue alors que, ce délai d'un mois étant expiré, elle aurait implicitement renoncé à l'exercice du droit de préemption.

13. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la société Incité aurait abusé de ses prérogatives dans le but de prolonger artificiellement le délai de préemption. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un détournement de pouvoir à cet égard ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que société CG Finance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CG Finance une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de la société Incité, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CG Finance est rejetée.

Article 2 : La société CG Finance versera à la société Incité la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CG Finance, à la société d'économie mixte Incité et à l'association Réseau Paul Bert.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00524 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00524
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22bx00524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award