La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2024 | FRANCE | N°22BX00792

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 17 octobre 2024, 22BX00792


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le ministre de la culture a procédé à son intégration dans le corps des maîtres de conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA), en tant que ce classement n'a pas pris en compte l'ensemble de ses services et activités professionnelles universitaires antérieurs, ensemble la décision implicite rejetant son recours gr

acieux du 18 octobre 2019, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par laquelle l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le ministre de la culture a procédé à son intégration dans le corps des maîtres de conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA), en tant que ce classement n'a pas pris en compte l'ensemble de ses services et activités professionnelles universitaires antérieurs, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux du 18 octobre 2019, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par laquelle le ministre de la culture l'a classé à compter du 2 septembre 2019 au 2ème échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe des ENSA, enfin d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2021 par lequel la ministre de la culture l'a classé à compter du 2 septembre 2021 au 3ème échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe des ENSA.

Par un jugement n° 2000926 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux arrêtés du 26 août 2019 et l'arrêté du 27 juillet 2021 du ministre de la culture ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté le 18 octobre 2019 par M. B..., a enjoint à la ministre de la culture de procéder à un nouveau classement de M. B... dans le corps des maîtres de conférences des ENSA selon les modalités précisées dans les motifs du jugement et de reconstituer sa carrière, enfin a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 10 mars, 31 août et 26 octobre 2022, la ministre de la culture demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 janvier 2022 ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'est pas signé, en violation des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a accueilli le moyen tiré de ce que le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 méconnaitrait les dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche ; en effet, l'article 16 de ce décret permet de prendre en compte l'expérience professionnelle résultant de la formation à la recherche et par la recherche sanctionnée par l'obtention du doctorat ; si le dernier alinéa de cet article fait obstacle à ce que M. B... soit placé dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non-titulaire, aucun principe n'impose, lors de la titularisation dans un corps de reprendre tout ou partie de l'ancienneté antérieure pour déterminer l'ancienneté dans le nouveau corps ;

- les autres moyens soulevés en première instance devront être écartés ; en effet, premièrement, M. B... ne peut utilement faire valoir que la commission administrative paritaire aurait dû être consultée, dès lors que le recrutement des maîtres de conférences des ENSA doit uniquement être précédé d'une réunion du comité de sélection de l'établissement concerné ; deuxièmement, elle n'a pas commis d'erreur de fait ou de droit dans l'application des dispositions des articles 16 et 18 du décret du 15 février 2018, dès lors qu'il a été retenu, parmi les possibilités ouvertes, le classement le plus avantageux pour l'agent ; troisièmement, le décret du 15 février 2018 ne méconnait pas le principe d'égalité entre agents publics, pas davantage que les articles L. 612-7 du code de l'éducation et L. 412-1 du code de la recherche ; enfin, le décret du 15 février 2018 ne méconnait pas non plus l'article 1er du 1er protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, M. B..., représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy, conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a limité à la période du 1er octobre 2010 au 31 août 2015 la durée qu'il a enjoint à la ministre de la culture de prendre en compte au titre de son nouveau classement dans le corps des maîtres de conférences des ENSA à compter du 1er septembre 2019 et de la reconstitution de sa carrière ;

- à ce qu'il soit enjoint à la ministre de la culture de procéder à un nouveau classement et de reconstituer sa carrière à compter du 1er septembre 2019 en tenant compte de ses années d'exercice professionnel en qualité d'agent non titulaire et de son expérience acquise pendant la période où, même sans bénéficier d'un contrat, il continuait de se consacrer à la recherche pour l'obtention de sa thèse ;

- qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- si l'ampliation du jugement attaqué n'est pas signée, il ne fait aucun doute que la minute du jugement comporte les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- la ministre de la culture ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en accueillant le moyen tiré de ce que le décret du 15 février 2018 méconnait les dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche, dès lors qu'il n'appartient pas aux juges d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre les décisions administratives ;

- le décret du 15 février 2018 méconnait les dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche, dès lors qu'il ne tient pas compte du temps consacré à la recherche en vue de l'obtention du doctorat et fait même obstacle, en ce qu'il prévoit qu'il ne peut être placé dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou à défaut immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire, à la prise en compte de l'expérience professionnelle sanctionnée par la délivrance du doctorat ;

- au titre des conclusions d'appel incident, les premiers juges se sont mépris sur l'étendue de la mesure d'exécution qu'impliquait l'annulation prononcée ; il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche que l'expérience professionnelle à prendre en compte devrait être limitée à celle acquise dans le cadre d'un contrat doctoral.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'éducation ;

- le code de la recherche ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2009-462 du 23 avril 2009 ;

- le décret n° 2018-105 du 15 février 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté par l'école nationale supérieure d'architecture et de paysage de Bordeaux comme enseignant contractuel en architecture pour une durée d'un an à compter du 1er septembre 2017. Son contrat a été renouvelé à compter du 1er septembre 2018. A la suite de sa réussite au concours d'accès au corps des maîtres de conférences des écoles nationales d'architecture au titre de la session de 2019, il a été intégré par un arrêté du 26 août 2019 du ministre de la culture dans le corps des maîtres des conférences de 2ème classe des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) au 1er échelon du grade de maître de conférences de 2ème classe, avec un indice majoré de 460 et une ancienneté conservée de 11 mois et 29 jours. Par un arrêté ministériel du même jour, il a été reclassé au 2 septembre 2019 au 2ème échelon de ce grade, avec un indice majoré de 517, sans ancienneté conservée. Estimant que ce reclassement ne prenait pas en compte toute son expérience professionnelle, il a, par recours gracieux reçu le 22 octobre 2019, demandé la prise en compte des activités exercées en tant qu'agent public non titulaire, y compris l'ancienneté acquise pendant son doctorat. Le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois a fait naître, le 22 décembre 2019, une décision implicite de rejet. Par la suite, le ministre de la culture, par un arrêté du 27 juillet 2021, l'a classé à compter du 2 septembre 2021 au 3ème échelon du grade de maître des conférences de 2ème classe des ENSA, avec un indice majoré de 585. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement du 12 janvier 2022, annulé les trois arrêtés ministériels des 26 août 2019 et 27 juillet 2021, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux intervenue le 22 décembre 2019, a enjoint à la ministre de la culture de procéder à un nouveau classement de M. B... dans le corps des maîtres de conférences des ENSA selon les modalités précisées dans les motifs du jugement et de reconstituer sa carrière, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La ministre de la culture relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 412-1 du code de la recherche : " (...) Les concours et procédures de recrutement dans les corps et cadres d'emplois de catégorie A relevant du statut général de la fonction publique sont adaptés, dans les conditions fixées par les statuts particuliers des corps et cadres d'emplois concernés, afin d'assurer la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle résultant de la formation à la recherche et par la recherche lorsqu'elle a été sanctionnée par la délivrance du doctorat. / Les statuts particuliers de chaque corps ou cadre d'emplois prévoient les modalités de prise en compte de cette expérience professionnelle pour le classement effectué lors de la nomination ou de la titularisation en leur sein, sans distinguer les modalités contractuelles de réalisation des recherches ayant été sanctionnées par la collation du grade de docteur. / (...) ". Les dispositions précitées des 3ème et 4ème alinéas de l'article L. 412-1 du code de la recherche doivent être regardées comme indissociables, le premier traitant de l'ouverture aux docteurs de l'accès aux corps et cadres d'emplois de catégorie A grâce à l'adaptation des concours et procédures de recrutement, et le second, après cet accès, des modalités présidant au classement du lauréat dans son nouveau corps ou cadre d'emplois.

3. Aux termes de l'article 16 du décret du 15 février 2018 portant statut particulier du corps des professeurs et du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes nommées dans [le corps des maîtres de conférences des ENSA] (...) qui, avant leur nomination, avaient la qualité d'agent non titulaire de l'État, des collectivités locales ou de leurs établissements publics sont classées à un échelon de la 2ème classe de ce corps déterminé en prenant en compte, sur la base des durées de service fixées pour l'avancement dans chacun des échelons de ce corps, une fraction de leur ancienneté de service, dans les conditions suivantes : / 1° Les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et à raison des trois quarts au-delà de cette durée ; / (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux agents qui possédaient la qualité d'agent non titulaire pendant au moins deux mois au cours de la période de douze mois précédant la date de clôture des inscriptions aux concours (...) / Les dispositions du présent article ne peuvent avoir pour effet de placer les intéressés dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire ". Aux termes de l'article 18 du même décret : " Lorsque des personnes sont nommées dans [le corps des maîtres de conférences des ENSA] (...) après avoir exercé dans des organismes privés des fonctions d'un niveau équivalent à celui des fonctions exercées par les membres de ce corps, une fraction de la durée de ces services est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté des intéressés dans ce corps, à raison du tiers de la durée de ces services si celle-ci est inférieure à douze ans et de la moitié de cette durée si elle excède douze ans (...) / Les intéressés sont classés à un échelon de la 2ème classe du corps déterminé en fonction des durées de service fixées pour l'avancement à l'ancienneté dans chacun des échelons ".

4. Après avoir retenu que, en méconnaissance de l'article L. 412-1 du code de la recherche, le décret du 15 février 2018 ne permettait pas de tenir compte de l'expérience sanctionnée par la délivrance d'un doctorat et qu'en conséquence ce décret était entaché d'illégalité, le tribunal administratif de Bordeaux, pour annuler les mesures contestées, a jugé que, du fait de ces illégalités, le doctorat dont est titulaire M. B... n'avait pu être pris en considération pour procéder à son classement.

5. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 16 du décret du 15 février 2018, qui prennent notamment en compte les services accomplis dans un emploi du niveau de la catégorie A, comme celles de son article 18, qui intéressent les personnes qui ont exercé dans des organismes privés des fonctions d'un niveau équivalent à celui des fonctions détenues par les membres du corps des maîtres de conférences des écoles nationales supérieures d'architecture, couvrent nécessairement l'expérience professionnelle des doctorants qui ont conduit des travaux de recherche sous contrat doctoral de droit public ou de droit privé, le calcul des services de l'agent devant, le cas échéant, la prendre en considération. Dès lors, aucune violation de l'article L. 412-1 du code de la recherche ne saurait, à cet égard, être retenue. C'est par conséquent à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a jugé que, compte tenu de ces vices, les arrêtés contestés étaient eux-mêmes illégaux.

6. Il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par l'intéressé.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

7. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la commission administrative paritaire compétente devrait être consultée avant de procéder au classement d'un candidat reçu au concours d'accès au corps des maîtres de conférences des ENSA, ni avant la décision prononçant un avancement d'échelon. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure menée par l'administration ne peut qu'être écarté comme inopérant.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le diplôme de doctorat est accompagné de la mention de l'établissement qui l'a délivré ; il confère à son titulaire le titre de docteur. Ce titre vaut expérience professionnelle de recherche qui peut être reconnue dans les conventions collectives. (...) ". Contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions précitées n'imposent pas que le décret du 15 février 2018 prévoie, pour déterminer le classement dans le corps des maîtres de conférences des ENSA, une prise en compte du temps consacré antérieurement à la recherche en vue de la préparation du doctorat.

9. En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 16 précité du décret du 15 février 2018 que l'administration a l'obligation, non pas d'opter pour la solution la plus favorable, mais de reprendre, dans les limites indiquées par ce texte, l'ancienneté des services accomplis en tant qu'agent non titulaire de droit public par les personnes qui, comme M. B..., avaient cette qualité dans l'année qui a immédiatement précédé la clôture des inscriptions au concours de recrutement, tandis qu'aucune disposition du décret n'ouvre la faculté de cumuler l'expérience acquise dans le secteur privé avec celle des fonctions exercées dans le secteur public, l'ouverture d'un tel droit, qui ne se présume pas, se heurtant, en outre, à l'interdiction, posée par le dernier alinéa de l'article 16, de prononcer un reclassement à un échelon qui ne serait pas égal ou immédiatement supérieur à celui du dernier emploi de non titulaire. En limitant la reprise d'ancienneté à une partie des services accomplis par M. B... en tant qu'agent non titulaire de droit public, les arrêtés litigieux n'ont donc pas méconnu les dispositions précitées.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour le calcul de l'ancienneté conservée par M. B... au 1er septembre 2019, l'administration a retenu, en application des dispositions de l'article 16 du décret du 15 février 2018, une fraction égale à la moitié des services accomplis dans des emplois du niveau de la catégorie A comprenant les 730 jours durant lesquels, du 1er septembre 2017 au 31 août 2019, M. B... a été " enseignant contractuel en architecture ", soit une fraction retenue de 365 jours. Si l'intéressé invoque l'absence de prise en compte des services effectués à l'université de Bordeaux Montaigne entre 2010 et 2015, l'attestation rédigée par la directrice de la direction des ressources humaines qui se borne à faire état, sans plus de précision d'un recrutement en tant que contractuel doctorant du 1er octobre 2010 au 31 août 2013 et d'un recrutement comme attaché temporaire de l'enseignement supérieur et de la recherche (ATER) du 1er septembre 2013 au 31 août 2015, et qui ne peut être assimilée à un certificat de service, ne permet pas d'attester de la réalité et de la quotité des services dont il est fait état. En tout état de cause, M. B... n'établit pas que la prise en compte de ces activités lui aurait permis d'obtenir un meilleur reclassement, alors qu'il est constant, d'une part, que compte tenu de sa dernière rémunération en tant qu'agent non titulaire à l'indice majoré 460, il a été reclassé au 1er échelon de la 2ème classe du corps d'accueil à compter du 1er septembre 2019 avec un indice majoré de 460 et une ancienneté conservée de 11 mois et 29 jours, soit au niveau le plus favorable compte tenu de la limite fixée par le dernier alinéa de l'article 16 précité du décret du 15 février 2018, d'autre part, qu'eu égard à son ancienneté conservée et à la durée prévue d'un an dans le premier échelon et de deux ans dans le deuxième échelon en vertu de l'article 40 du décret du 15 février 2018 et de son ancienneté conservée, il a bénéficié d'un avancement au 2ème échelon dès le 2 septembre 2019 et d'un avancement au 3ème échelon au 2 septembre 2021. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions litigieuses seraient entachées d'erreur de fait et de droit doivent être écartés.

11. En cinquième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. S'agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires.

12. Il résulte de ce qu'il a été dit au point précédent, que le principe d'égalité de traitement ne trouve à s'appliquer qu'aux agents appartenant à un même corps sauf à ce que la norme en cause ne soit pas, en raison de son contenu, limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Dès lors, M. B... ne peut utilement se prévaloir de dispositions plus favorables de reprise d'ancienneté ouvertes par le décret du 23 avril 2009 portant statut particulier des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur, quand bien même les fonctions de maître de conférences de ce statut présenteraient de nombreuses analogies avec celles de maître de conférences des écoles nationales supérieurs d'architecture.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Aux termes de l'article 14 de cette même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ".

14. En l'absence de principe imposant, lors de la titularisation dans un corps, de reprendre tout ou partie de l'ancienneté antérieure pour déterminer l'ancienneté dans le nouveau corps, le fait que les dispositions du décret du 15 février 2018 ne permettent pas une prise en compte cumulée des services précédemment accomplis et interdisent d'être placé dans une situation plus favorable que celle résultant du classement à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui perçu dans le dernier emploi d'agent non titulaire, ne saurait permettre de reconnaître l'existence d'une espérance légitime d'obtenir une somme d'argent et, dès lors, d'un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel. Par ailleurs, ne pouvant se prévaloir d'un bien dont le respect serait garanti par ces stipulations, M. B..., ne peut utilement invoquer celles de l'article 14 de la même convention qui prohibent les discriminations dans la jouissance des seuls droits et libertés que cette convention reconnaît.

15. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que la ministre de la culture est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ses arrêtés des 26 août 2019 et 27 juillet 2021.

16. Par voie de conséquence les conclusions d'appel incident présentées par M. B... au titre de l'injonction prononcée par les premiers juges ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 janvier 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. B... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00792


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00792
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : SCP MASSE - DESSEN - THOUVENIN - COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22bx00792 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award