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17/10/2024 | FRANCE | N°22BX01109

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 17 octobre 2024, 22BX01109


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Bufaki a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler le permis de construire tacite délivré le 24 novembre 2020 à la SCP RCP par le président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin, régularisant la construction d'une maison d'habitation et d'un abri anticyclonique.



Par un jugement n°2100057 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé le permis de construir

e tacite délivré à la SCI RCP.



Procédure devant la cour :



Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Bufaki a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler le permis de construire tacite délivré le 24 novembre 2020 à la SCP RCP par le président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin, régularisant la construction d'une maison d'habitation et d'un abri anticyclonique.

Par un jugement n°2100057 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé le permis de construire tacite délivré à la SCI RCP.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2022, la SCI RCP, représentée par Me Chevalier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Martin du 20 janvier 2022 ;

2°) de rejeter la requête de la SCI Bufaki ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Bufaki une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- le tribunal a statué ultra petita en accueillant le motif tiré de la méconnaissance de l'article NB1 du plan d'occupation des sols (POS) de la collectivité de Saint-Martin, au motif que la maison d'habitation B ne peut être regardée comme une extension mesurée du bâtiment existant ;

- c'est à tort que le jugement a estimé que la demande de première instance de la SCI Bufaki était recevable, dès lors qu'elle ne dispose pas d'un intérêt à agir ;

- le projet litigieux n'est pas contraire aux dispositions de l'article NB1 du POS de Saint-Martin ;

- le projet litigieux n'est pas contraire aux dispositions de l'article NB8 du POS de Saint-Martin.

La SCI Bufaki n'a pas produit d'observations malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 janvier 2023 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

La collectivité de Saint-Martin n'a pas produit d'observations malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 janvier 2023 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 28 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme de Saint-Martin ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Perotin, représentant la SCI RCP.

Une note en délibéré présentée pour la SCI RCP, a été enregistrée le 2 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 septembre 2020, la société civile immobilière (SCI) RCP a déposé auprès de la collectivité de Saint-Martin une demande de permis de construire, sur les parcelles situées 241 rue des Terres-Basses, cadastrées section BI n°202, 482, 483 et 484, en vue de la régularisation de la construction d'une maison d'habitation et d'un abri anticyclonique. Par un certificat du 27 janvier 2021, le président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin a confirmé que la SCI RCP était titulaire d'un permis de construire tacite obtenu le 24 novembre 2020. La SCI Bufaki a demandé au tribunal de Saint-Martin d'annuler ce permis de construire. Par un jugement du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé ce permis de construire. Par la présente requête, la SCI RCP relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance qu'au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance du c) de l'article NB1 du plan d'occupation des sols (POS) de la collectivité de Saint-Martin, la SCI Bufaki n'a pas explicitement évoqué la construction de la maison d'habitation B. Toutefois, en indiquant, qu'en application de l'article NB1 du POS, le deuxième logement ne peut constituer qu'une simple dépendance du logement principal, elle doit être regardée comme ayant nécessairement entendu soutenir que la maison d'habitation B, qualifiée d'extension dans un plan de coupe du dossier de demande de permis de construire de régularisation, ne pouvait être qualifiée de simple dépendance de la maison d'habitation principale A. Dans ces conditions, en relevant que la maison d'habitation B, présentée comme une extension de la maison d'habitation A dans le dossier de demande, constituait en réalité une extension non mesurée de la maison d'habitation A existante, le tribunal s'est borné, à partir des éléments versés au dossier, à répondre à l'une des branches soulevées par le demandeur de première instance au soutien du moyen tiré de ce que le projet, dans son ensemble, méconnaissait l'article NB1 du POS de Saint-Martin. Il n'a ainsi nullement statué ultra petita en méconnaissance de son office, contrairement à ce que soutient la société requérante.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Aux termes de l'article 61-3 du code de l'urbanisme de Saint-Martin : " Une personne autre que l'Etat ou la collectivité territoriale ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. La SCI Bufaki est propriétaire de la parcelle située 242 rue des Terres-Basses, contiguë au terrain d'assiette du projet litigieux. D'une part, il ressort des pièces du dossier que cette société a soutenu devant le tribunal que le pétitionnaire avait, depuis 2018, remblayé le terrain de manière sauvage en utilisant des matériaux de récupération provenant de démolitions issues du cyclone Irma, et que cette situation était susceptible d'engendrer une instabilité du terrain pour les propriétés voisines et d'être à l'origine de dégradations environnementales. D'autre part, il ressort du dossier de demande du permis de construire produit par la SCI Bufaki devant le tribunal que le projet, qui se situe en zone NB du POS, zone peu équipée avec des constructions dispersées et dont le caractère rural est dominant, et qui tend à régulariser la construction d'une maison d'habitation de 248 mètres carrés et d'un abri anticyclonique de 230 mètres carrés, est susceptible, compte tenu de sa localisation et de son ampleur, d'affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien appartenant à la SCI Bufaki également situé en zone NB, et ce, alors même que la maison dans laquelle réside le gérant de la SCI Bufaki est située à plus de 100 mètres de l'abri anticyclonique et à plus de 160 mètres de la maison d'habitation B. Si la SCI RCP se prévaut d'une végétation dense entre sa parcelle et celle de la SCI Bufaki et de la végétalisation de la toiture de l'abri anticyclonique, les photographies du chantier produites devant le tribunal révèlent que la construction litigieuse, qui a déjà débuté, porte atteinte à la préservation de l'environnement naturel du secteur dans lequel s'insère la parcelle appartenant à la SCI Bufaki. Dans ces conditions, et alors même que la société Bufaki n'établit pas avec certitude que le projet litigieux serait susceptible d'aggraver significativement les conditions de circulation au niveau de l'accès au terrain d'assiette du projet, cette société justifie d'un intérêt pour agir contre le permis de construire tacite en litige. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée à ce titre par la SCI RCP.

En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :

6. Pour annuler le permis de construire tacite délivré le 24 novembre 2020 à la société RCP, le tribunal a accueilli les moyens tirés de ce que le projet méconnaît les articles NB1 et NB8 du règlement du plan d'occupation des sols applicable au projet litigieux.

7. En premier lieu, aux termes de l'article NB1 du plan d'occupation des sols de Saint-Martin, applicable à la zone NBa correspondant au secteur de Terres-Basses : " A. Rappels : 1. L'édification des clôtures est soumise à autorisation / 2. Les installations et travaux divers sont soumis à autorisation (...) / 3. Les démolitions sont soumises au permis de démolir (...) / B. Sont notamment admis : / 1. Les constructions à usage uniquement d'habitation ; / 2. Les extensions mesurées des bâtiments et installations existantes ; / (...) C. Les types d'occupation et utilisation du sol suivants ne sont admise que s'ils respectent les conditions ci-après. / Pour l'ensemble de la zone, le deuxième logement peut être autorisé, sa surface ne devra pas dépasser 1/3 de la surface de plancher autorisé sur ce lot. / Toutefois, dans la zone NBa, ce deuxième logement ne pourra consister qu'en une simple dépendance du logement principal (de type " logement de gardien "), et ne pourra entraîner aucune division en propriété ou en jouissance contraire aux dispositions de l'article NB5. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la SCI RCP a fait l'acquisition, le 4 octobre 2017, d'une propriété située sur le territoire de la collectivité de Saint-Martin, au 241 rue des Terres-Basses, comportant notamment un bâtiment principal d'habitation, intitulée maison A, d'une surface de plancher au niveau 0 de 87 mètres carrés, au niveau 1 de 230 mètres carrés, au niveau 2 de 153 mètres carrés et au niveau 3 de 112 mètres carrés, composé de quatre logements d'une à deux chambres, avec salon-cuisine, salle de bains et dégagements, ainsi que d'une piscine, de dix locaux de dépôt, d'un local technique, d'un bureau et de terrasses. Alors que le terrain est inclus par le POS de la collectivité de Saint-Martin en zone NB protégée en raison de son caractère rural dominant et que la surface existante avant travaux s'élevait à 641 mètres carrés, il ressort du dossier de demande du permis de construire litigieux que la SCI RCP projette la construction, d'une part, d'une nouvelle maison, intitulée maison B, de 248 mètres carrés composée d'un salon-cuisine, d'une buanderie-cellier, de quatre chambres dotées de dressings et de salles d'eau, ainsi que de plusieurs aménagements extérieurs tels qu'une piscine, un solarium, une citerne, un gazebo et plusieurs places de stationnement, d'une surface totale de 478 mètres carrés, d'autre part d'un abri anticyclonique de 230 mètres carrés comportant un salon-cuisine, trois chambres avec salles de bains, un parking couvert pour deux voitures et une piscine. A ce titre, il ressort des pièces du dossier que les travaux en cause, en ce qu'ils portent sur la maison B, impliquent un accroissement de plus d'un tiers de la surface de plancher de la surface existante avant travaux, et ne peuvent, en conséquence, être assimilés à une extension mesurée de la construction existante. Si la société requérante peut être regardée comme soutenant que cette maison ne constituerait pas une construction nouvelle à prendre en compte dans le calcul de la surface totale des travaux, dès lors qu'elle constituerait la reconstruction d'un bâtiment préexistant détruit lors du passage de l'ouragan Irma, elle n'apporte en tout état de cause pas d'élément de nature à attester des caractéristiques du bâtiment qui aurait été détruit et, par suite, de ce que le bâtiment projeté en constituerait une simple reconstruction à l'identique. Par ailleurs, les travaux en cause, en ce qu'ils portent sur la construction d'un abri-anticyclonique de 230 mètres carrés, ne peuvent pas davantage, eu égard à la surface de l'immeuble et à ses aménagements, être regardés comme une dépendance du logement principal, de type " logement de gardien ". Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que l'autorisation en litige avait été délivrée en méconnaissance des dispositions de l'article NB1 du POS de Saint-Martin.

9. En second lieu, aux termes de l'article NB8 du plan d'occupation des sols, relatif à l'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété : " La distance entre tout point d'un bâtiment à tout point d'un autre bâtiment ne peut être inférieure à 10 mètres ".

10. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du plan de masse du projet que la distance entre le muret du bâtiment anticyclonique et le bâtiment 3 comportant le gazebo et la piscine est inférieure à dix mètres. Si la SCI RCP soutient que les dispositions citées au point précédent ne s'appliqueraient pas à l'abri anticyclonique dès lors qu'il serait enterré, il ressort du plan de coupe du projet en litige que ce bâtiment, dont la construction s'insère dans un terrain en pente, comporte en contre-bas des baies vitrées et en contre-haut un muret et ne peut dès lors être regardé, même s'il est doté d'un toit végétalisé, comme un bâtiment enterré. Par suite, c'est également à bon droit que le tribunal a considéré que le président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin avait méconnu les dispositions de l'article NB8 du POS de Saint-Martin.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI RCP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a prononcé l'annulation du permis de construire tacite qui lui a été accordé le 27 janvier 2021.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la SCI Bufaki, qui n'a pas la qualité de partie perdante en l'espèce, une somme quelconque à verser à la SCI RCP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI RCP est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI RCP, à la SCI Bufaki et à la collectivité de Saint-Martin.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01109
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22bx01109 ?
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