Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel la maire de la commune du Barp ne s'est pas opposée à la déclaration préalable déposée par M. D... B... pour une division en vue de construire sur un terrain situé chemin du Sardinon sur le territoire de cette commune, ensemble la décision implicite par laquelle la maire a refusé de retirer cette décision.
Par un jugement n° 2003731 du 14 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2022 et le 18 octobre 2023, M. D... B..., représenté par Me Fonseca, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par M. et Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la maire du Barp aurait dû opposer un sursis à statuer à sa déclaration préalable sur le fondement des dispositions de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ; la circonstance qu'un projet apparaisse en contrariété avec les dispositions futures d'un document d'urbanisme ne suffit à établir qu'il serait de nature à compromettre l'exécution du futur plan ; tel n'était pas le cas en l'espèce compte tenu de l'ampleur modeste du projet ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu que l'objectif de préservation des espaces naturels figurant dans le projet d'aménagement et de développement durables est compromis par son projet, compte tenu de son ampleur et de son environnement ; le jugement est insuffisamment motivé sur ce point ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Ballade, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable faute de présenter des moyens d'appel ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Fonseca, représentant M. B....
Vu la note en délibéré présentée par M. B... a été enregistrée le 28 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 novembre 2019, M. B... a déposé une déclaration préalable pour la division en deux lots, en vue de construire, d'un terrain situé chemin du Sardinon sur le territoire de la commune du Barp. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la maire de la commune ne s'est pas opposée à cette demande, ainsi que de la décision implicite par laquelle elle a rejeté leur demande tendant au retrait de cette décision. M. B... relève appel du jugement du 14 septembre 2022 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. A supposer que M. B... ait entendu soulever un moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement, celui-ci ne peut qu'être écarté, le jugement ayant exposé avec suffisamment de précision, à son point 5, les raisons pour lesquelles la décision de la maire de Barp de non opposition à sa déclaration préalable devait être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. " L'article L. 424-1 du même code dispose, dans sa version applicable à l'espèce : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) ".
4. Un sursis à statuer ne peut être opposé, sur le fondement des dispositions précitées, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le conseil de la communauté de communes du Val de l'Eyre, à laquelle appartient la commune du Barp, a prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal par une délibération du 17 décembre 2015. A la date de la décision de non-opposition litigieuse, le 19 décembre 2019, le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables, qui s'est tenu pour la seconde fois lors de la séance du conseil communautaire du 4 février 2019, avait eu lieu.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le terrain sur lequel porte la division en vue de construire, déclarée par M. B... et à laquelle la maire du Barp ne s'est pas opposée, est situé à environ 500 mètres à l'est du bourg et qu'il est encadré, à l'est et à l'ouest par une vaste zone boisée, au sud par quelques équipements publics de l'autre côté du chemin de la Forêt et au nord par quelques maisons individuelles. Le projet d'aménagement et de développement durable du futur plan local d'urbanisme intercommunal fixe trois principes fondamentaux à l'élaboration de ce document au nombre desquels figure celui de " préserver les grands paysages, les espaces naturels, le patrimoine bâti en œuvrant pour un développement maitrisé, durable et respectueux du cadre de vie ". Ce principe se décline notamment par des objectifs de " maitriser et assurer une extension de l'urbanisation de qualité et [de] lutter contre la banalisation du paysage " ainsi que de " modérer la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers ; lutter contre l'étalement urbain ". En outre, il n'est pas contesté qu'à la date de la décision litigieuse, le plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'adoption prévoyait de classer en zone N l'intégralité du terrain en cause, l'article 1.1. du règlement de la zone N du futur plan prévoyant l'interdiction de tout nouveau logement, sauf exception au nombre desquelles ne compterait pas le projet en cause. Le projet de M. B... consistant à diviser son terrain, actuellement entièrement boisé, pour construire selon ses indications une maison individuelle sur le lot situé au nord, requerra de déboiser la portion de terrain correspondante et portera nécessairement atteinte au vaste espace naturel dans lequel il s'insère. Dans ces conditions, compte tenu de la nature du projet en cause, des caractéristiques de son environnement et de l'importance des répercussions du projet sur celui-ci, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le projet de M. B... était de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme intercommunal et qu'en s'abstenant de surseoir à statuer sur sa déclaration préalable en application des dispositions précitées, la maire du Barp avait entaché la décision litigieuse d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 19 décembre 2019 par laquelle la maire de la commune du Barp ne s'est pas opposée à sa déclaration préalable, ainsi que la décision implicite par laquelle la maire a refusé de retirer cette décision.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit mise à la charge de M. et Mme A... qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A... au titre des frais qu'ils ont exposés pour les besoins du litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme C... A..., à M. E... A... et à la commune du Barp.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02850 2