Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'université de Pau et des Pays de l'Adour à lui verser une somme de 61 600 euros en réparation du dommage qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 7 juillet 2015 par laquelle sa demande d'inscription pour l'année universitaire 2015-2016 en master 2 de droit pénal et criminologie a été rejetée.
Par un jugement n° 1901962 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Pau a condamné l'université de Pau et des Pays de l'Adour à verser à M. A... une somme de 1 000 euros en réparation de son dommage, a mis à la charge de cette université une somme de 1 000 euros à verser au conseil de l'intéressé au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, a supprimé des écritures de l'intéressé certains de ses passages et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2022 et le 3 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Roncucci, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a limité le montant que l'université de Pau et des Pays de l'Adour a été condamnée à lui verser à la somme de 1 000 euros ;
2°) de condamner l'université de Pau et des Pays de l'Adour à lui verser une somme globale de 61 000 euros en réparation de son dommage ;
3°) de supprimer les propos injurieux, outranciers ou diffamatoires contenus dans les écritures de l'université de Pau et des Pays de l'Adour ;
4°) de mettre à la charge de l'université de Pau et des Pays de l'Adour une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit en refusant de tenir compte des quittances d'hébergement produites après la clôture de l'instruction pour évaluer son préjudice matériel et en refusant de procéder au retrait des propos désobligeants de l'université le concernant ;
- la somme de 1 000 euros allouée par le tribunal en réparation de son préjudice moral est insuffisante ; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 2 600 euros ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les troubles dans les conditions d'existence dont il demandait réparation n'étaient pas établis ; un tel préjudice est caractérisé dès lors qu'en raison du refus illégal d'inscription en master 2 qui lui a été opposé par l'université de Pau, il a été contraint de s'inscrire à Toulouse à plus de 150 km de son domicile et de vivre dans un squat avant d'être recueilli chez un ami ; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros ;
- il a subi un préjudice universitaire qui doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ; il n'y a pas lieu, pour indemniser ce préjudice, de tenir compte de la circonstance qu'il a poursuivi ses études dans une autre université minimisant de ce fait son dommage, ce à quoi il n'était pas tenu ; en tenant compte de la " gestion d'affaires " à laquelle il a procédé en minimisant son préjudice, celui-ci doit être indemnisé comme s'il n'avait pas procédé à son inscription dans une autre université ;
- son préjudice matériel doit être indemnisé au regard des quittances d'hébergement produites devant le tribunal à la somme de 5 400 euros ;
- l'université de Pau oppose une résistance abusive à ses demandes, préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros ;
- le refus d'inscription litigieux repose sur une discrimination liée à l'âge ;
- il a subi un préjudice professionnel lié à la difficulté de trouver un emploi de juriste en raison du tort que lui a causé la nécessité de contester la décision de l'université, préjudice qui doit être évalué à la somme de 20 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés le 29 septembre 2023 et le 10 novembre 2023, l'université de Pau et des Pays de l'Adour, représentée par Me Marcel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions d'appel présentées par M. A... sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 50 100 euros demandée en dernier lieu devant les premiers juges ;
- la somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges en réparation du préjudice moral est suffisante ;
- c'est à bon droit que le tribunal a estimé que les autres préjudices allégués par l'intéressé ne pouvaient être indemnisés faute de démonstration de leur réalité ou de leur lien de causalité avec le fait générateur du dommage.
Par ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 novembre 2023 à 12h00.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 8 octobre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Maître Marcel représentant l'université de Pau et des Pays de l'Adour
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 7 juillet 2015, le directeur de l'unité de formation et de recherche droit, économie et gestion de l'université de Pau et des Pays de l'Adour a refusé à M. A... l'inscription qu'il avait sollicitée en deuxième année de master " droit pénal et criminologie " au titre de l'année universitaire 2015-2016. Cette décision a été annulée, à la demande de M. A..., par un jugement du tribunal administratif de Pau du 7 juillet 2015. L'intéressé a alors saisi cette même juridiction d'une demande tendant à la condamnation de l'université de Pau et des Pays de l'Adour à lui verser une somme globale de 61 600 euros en réparation du dommage résultant de l'illégalité de cette décision. Il demande la réformation du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal a limité le montant de cette condamnation à la somme de 1 000 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. En premier lieu, à supposer que M. A... ait entendu soulever un moyen tiré de l'irrégularité du jugement en indiquant que les premiers juges ont commis une " erreur de droit " en ne tenant pas compte des quittances de loyer produites au soutien de la première de ses notes en délibéré, la seule indication que ces quittances égarées ont été retrouvées par l'intéressé ne saurait suffire à justifier qu'il n'était pas en mesure d'en faire état avant la clôture d'instruction, au sens du principe rappelé au point précédent. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
4. En second lieu, il résulte de ce qui a été exposé au point 2 ci-dessus que les premiers juges n'avaient pas l'obligation de tenir compte de la demande de suppression de propos présentée, pour la première fois, par M. A... dans sa note en délibéré du 12 septembre 2022 concernant un mémoire de l'université de Pau et des Pays de l'Adour du 20 mars 2020, dès lors qu'il était en mesure de formuler une telle demande avant la clôture d'instruction intervenue le 21 décembre 2021. Ainsi, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en ne répondant pas à cette demande.
Sur les conclusions à fin de condamnation :
5. Par un jugement n° 1501758 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du 7 juillet 2015 par laquelle l'université de Pau et des Pays de l'Adour a refusé l'inscription de M. A... en master 2 de droit pénal et criminologie pour l'année universitaire 2015-2016 au motif, notamment, qu'aucune base légale ne permettait à l'université, à la date de la décision litigieuse, d'opposer à un candidat ayant obtenu les 60 premiers crédits européens du diplôme de master un refus d'inscription en deuxième année au motif que l'effectif de la formation était complet et que les prérequis de l'étudiant étaient insuffisants. Ce jugement n'a fait l'objet d'aucun recours et est ainsi revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée. L'illégalité de la décision du 7 juillet 2015 caractérise une faute qui engage la responsabilité de l'université de Pau et des Pays de l'Adour ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
6. M. A... soutient, en premier lieu et pour la première fois utilement en appel, que l'illégalité du refus d'inscription qui lui a été opposé par l'université de Pau et des Pays de l'Adour lui a causé un préjudice financier s'élevant à la somme de 5 400 euros, correspondant au montant du loyer qu'il a versé à un ami ayant accepté de l'héberger à Toulouse où il s'est inscrit à l'université pour l'année 2015-2016. Il justifie, par les pièces qu'il produit, avoir versé des mois de novembre 2015 à juin 2016, une somme mensuelle de 680 euros correspondant à un " hébergement en pension complète ". Si la nécessité de trouver un logement à proximité de Toulouse, sa situation familiale le contraignant à garder un domicile à Tarbes pour pouvoir y accueillir son fils, résulte de l'illégalité du refus d'inscription qui lui a été opposé par l'université de Pau et des Pays de l'Adour, il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait exposé, en habitant chez son ami, des frais de repas supérieurs à ceux qu'il aurait en toute hypothèse dû acquitter s'il était resté à Tarbes. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier du requérant en l'évaluant à la somme de 3 200 euros.
7. En deuxième lieu, si M. A... demande la réparation d'un " préjudice professionnel " au motif qu'il rencontrerait des difficultés à trouver un emploi de juriste, d'une part, la réalité d'un tel préjudice n'est démontrée par aucun élément et, d'autre part, l'illégalité de la décision du 7 juillet 2015 ne saurait être à l'origine d'un tel état de fait à le supposer même établi, M. A... ayant poursuivi sans prendre de retard son parcours universitaire à l'université de Toulouse où il a obtenu son diplôme de master 2 à la fin de l'année universitaire 2015-2016.
8. En troisième lieu, le requérant, après avoir sollicité la réparation d'un " préjudice universitaire ", demande à la cour l'indemnisation de la " gestion d'affaire " à laquelle il aurait procédé pour le compte de l'université de Pau et des Pays de l'Adour en réduisant de lui-même l'ampleur du dommage résultant de l'illégalité de la décision de cet établissement par son inscription à l'université de Toulouse pour son année de master 2. Toutefois, une telle demande ne peut qu'être rejetée, la prétendue " gestion d'affaire " ne caractérisant pas un préjudice indemnisable et l'intéressé, qui a obtenu son diplôme de master à l'université de Toulouse au terme de l'année universitaire 2015-2016, n'ayant eu à subir aucun ralentissement dans le déroulé de son parcours universitaire, ni par suite, aucun préjudice universitaire.
9. En quatrième lieu, M. A... expose avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'obligation d'étudier à plus de 150 km de son domicile et de celle d'avoir dû dormir dans un squat à son arrivée à Toulouse, avant d'être hébergé par un ami. De tels éléments ne caractérisent pas, toutefois, un préjudice distinct de celui réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral, somme qui résulte d'une juste appréciation et qu'il y a lieu de confirmer.
10. En cinquième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'illégalité de la décision de refus d'inscription du 7 juillet 2015 résulterait d'une discrimination à raison de l'âge de M. A.... En outre, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, aucun élément au dossier ne permet de retenir que l'université de Pau et des Pays de l'Adour aurait opposé à l'intéressé une " résistance abusive ".
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander à la cour de porter la somme que le tribunal a condamné l'université de Pau et des Pays de l'Adour à lui verser à 4 200 euros. Ce montant n'excédant pas la somme globale demandée par M. A... devant les premiers juges, il n'est pas besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'université de Pau et des Pays de l'Adour.
Sur la demande de suppression de passages injurieux, outrageants ou diffamatoires :
12. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
13. Si M. A... demande à la cour de supprimer des écritures de première instance de l'université de Pau et des Pays de l'Adour la mention de ce qu'il " tente désormais de battre monnaie ", cet écrit ne saurait être regardé comme injurieux, contrairement à ce qu'il soutient. La demande de suppression d'un passage injurieux présentée par le requérant doit, par suite, être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
14. M. A... ne justifiant avoir exposé aucun dépens pour la présente instance, les conclusions qu'il présente à ce titre ne peuvent qu'être rejetées. Par ailleurs, le requérant ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et son avocate ne présentant pas de demande sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les conclusions tendant à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'université de Pau et des Pays de l'Adour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce que la somme demandée par l'université de Pau et des Pays de l'Adour au titre des frais exposés pour les besoins de l'instance soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 1 000 euros que l'université de Pau et des Pays de l'Adour a été condamnée à verser à M. A... par le jugement du tribunal administratif de Pau du 22 septembre 2022 est portée à 4 200 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1901962 du 22 septembre 2022 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'université de Pau et des pays de l'Adour.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président de la cour,
Mme Evelyne Balzamo, présidente de la 1ère chambre,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLe président,
Luc Derepas
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22BX02879 2