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06/11/2024 | FRANCE | N°23BX01703

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 06 novembre 2024, 23BX01703


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe Mme C... B..., épouse A..., comme prévenue d'une contravention de grande voirie pour avoir édifié sans autorisation une structure de restauration en bois avec un toit couvert de tôles d'une surface de 107 mètres carrés au droit de la parcelle cadastrée section AB no 154 située sur le domaine public maritime de l'Etat sur la commune de Deshaies, au lieu-dit " La Perle ".





Par un jugement n° 210717 du 16 février 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a déféré au tribunal administratif de la Guadeloupe Mme C... B..., épouse A..., comme prévenue d'une contravention de grande voirie pour avoir édifié sans autorisation une structure de restauration en bois avec un toit couvert de tôles d'une surface de 107 mètres carrés au droit de la parcelle cadastrée section AB no 154 située sur le domaine public maritime de l'Etat sur la commune de Deshaies, au lieu-dit " La Perle ".

Par un jugement n° 210717 du 16 février 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné Mme A... à payer une amende d'un montant de 1 500 euros, à remettre les lieux dans leur état initial dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a autorisé l'Etat à faire procéder d'office à l'exécution de ces travaux, avec le concours de la force publique si nécessaire, aux frais exclusifs de la contrevenante.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Kouassigan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 février 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la matérialité de l'infraction n'est pas établie ; par un bail du 8 décembre 2011, la commune de Deshaies lui a loué un local de 10,85 mètres carrés en vue d'y exercer son activité de restauration rapide et lui a mis à disposition la partie de deck directement attenante audit local ; en l'absence de documents établissant la consistance des locaux donnés en location, il est impossible d'établir qu'elle aurait réalisé des travaux d'extension d'environ 100 m².

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2024 à 12 heures.

Par un courrier du 10 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en ce qu'il n'a pas constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la condamnation au paiement d'une amende en raison de la prescription de l'action publique dès lors qu'aucun acte d'instruction n'est intervenu en première instance pendant plus d'une année entre la communication du mémoire en défense produit par Mme A... le 2 août 2021 et l'envoi de l'avis d'audience le 16 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Gueguein ;

- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie, notifié par voie d'huissier le 8 avril 2021, a été dressé le 10 novembre 2020 à l'encontre de Mme C... A..., pour avoir bâti, sans autorisation, une structure de restauration en bois avec un toit couvert de tôles d'une surface au sol d'environ 107 m² au droit de la parcelle cadastrée section AB no 154 située dans la zone des cinquante pas géométriques sur le territoire de la commune de Deshaies. Le préfet de la Guadeloupe a déféré Mme A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et lui a demandé de condamner la contrevenante au paiement d'une amende pour l'occupation sans autorisation du domaine public maritime, de lui enjoindre de remettre en état les lieux sous astreinte et d'autoriser l'administration à procéder d'office à la remise en état de cette parcelle à ses frais et risques. Mme A... relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à payer une amende d'un montant de 1 500 euros, à remettre les lieux dans leur état initial dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a autorisé l'Etat à faire procéder d'office à l'exécution de ces travaux, avec le concours de la force publique si nécessaire, à ses frais exclusifs.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 9 du code de procédure pénale : " L'action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise. ". Aux termes de l'article 9-2 de ce code : " Le délai de prescription de l'action publique est interrompu par : 1° Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l'action publique, prévu aux articles 80,82,87,88,388,531 et 532 du présent code et à l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; 2° Tout acte d'enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ; 3° Tout acte d'instruction prévu aux articles 79 à 230 du présent code, accompli par un juge d'instruction, une chambre de l'instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ; 4° Tout jugement ou arrêt, même non définitif, s'il n'est pas entaché de nullité. Tout acte, jugement ou arrêt mentionné aux 1° à 4° fait courir un délai de prescription d'une durée égale au délai initial. Le présent article est applicable aux infractions connexes ainsi qu'aux auteurs ou complices non visés par l'un de ces mêmes acte, jugement ou arrêt (...) ". Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques, qui permettent de prononcer une peine d'amende pour chaque jour où l'infraction est constatée, font obstacle, antérieurement à la saisine du juge, et tant que se poursuit l'occupation sans titre de la dépendance du domaine public, à la prescription de l'action publique prévue par les dispositions précitées du code de procédure pénale. Il résulte de ces dispositions que seules peuvent être regardées comme des actes d'instruction ou de poursuite, en matière de contraventions de grande voirie, outre les jugements rendus par les juridictions et les mesures d'instruction prises par ces dernières, les mesures qui ont pour objet soit de constater régulièrement l'infraction, d'en connaître ou d'en découvrir les auteurs, soit de contribuer à la saisine du tribunal administratif ou à l'exercice par le ministre de sa faculté de faire appel.

3. Il résulte de l'instruction qu'aucun acte d'instruction ou de poursuite n'est intervenu en première instance pendant plus d'une année, soit entre le 2 août 2021, date de la communication du mémoire en défense produit par Mme A..., et le 16 janvier 2023, date de l'envoi de l'avis d'audience. Dans ces conditions, la prescription de l'action publique étant acquise à la date du jugement du tribunal, la demande du préfet de la Guadeloupe était devenue sans objet. Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 février 2023, qui a statué sur cette demande, doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande du préfet tendant à la condamnation de la contrevenante au paiement d'une amende, non plus que sur les conclusions de première instance et d'appel de l'intéressée devant être regardées comme tendant à sa relaxe aux fins de poursuites. L'effet extinctif de la prescription de l'action publique a pour conséquence la restitution à l'intéressée des sommes que Mme A... a, le cas échéant, payées en exécution du jugement précité.

Sur l'action domaniale :

4. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) / 4° La zone bordant le littoral définie à l'article L. 5111-1 dans les départements de la Martinique, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion. ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ".

5. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 10 novembre 2020, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que Mme A... exploite une structure de restauration en bois sous tôles d'une superficie de plus de 100 m² sur le rivage de la mer au droit de la parcelle cadastrée section AB n° 154, laquelle relève du domaine public maritime. L'appelante, qui ne peut justifier de la régularité de cette occupation du domaine public par la production d'un bail conclu le 6 décembre 2011 avec la commune de Deshaies l'autorisant à exploiter un local de 10,85 m² en bois en vue d'y exercer une activité de restauration rapide, ne conteste pas avoir la garde des constructions qu'elle exploite et ne peut donc utilement soutenir qu'elle n'est pas à l'origine de l'infraction. Elle ne peut également critiquer la régularité de la procédure au seul motif d'une supposée imprécision de la mesure de la surface de l'établissement irrégulièrement édifié sur le domaine public lors de l'établissement du procès-verbal du 10 novembre 2020. Dans ces conditions, cet empiètement sur le domaine public maritime est constitutif d'une contravention de grande voirie et pouvait valablement donner lieu à l'engagement de poursuites à son encontre.

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques que, dans le cadre de la procédure de contravention de grande voirie, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action domaniale, et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations afin que le domaine public maritime naturel retrouve un état conforme à son affectation publique. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où le contrevenant produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.

8. Mme A..., qui ne conteste pas les mesures ordonnées par le jugement contesté pour ce qui concerne la remise en état du site, ne se prévaut, ni en première instance ni en appel, d'aucun cas de force majeure ni même d'une faute de l'administration assimilable à un tel cas. Dès lors que, comme il l'a été dit au point 6 du présent arrêt, l'infraction est constituée et se poursuit jusqu'à ce jour, c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné Mme A... de remettre les lieux dans leur état initial, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a autorisé l'administration à faire procéder d'office, aux frais, risques et périls de la contrevenante à cette injonction.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme réclamée par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 210717 du tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 16 février 2023 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'action publique, non plus que sur les conclusions présentées devant le tribunal et en appel par Mme A... devant être regardées comme tendant à sa relaxe des fins de poursuite.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat et de la Prévention des risques.

Copie en sera transmise pour information au ministre chargé des Outre-mer et au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.

Le rapporteur,

Stéphane Gueguein La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

23BX01703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01703
Date de la décision : 06/11/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL RICOU ET KOUASSIGAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-06;23bx01703 ?
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