Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer, pour chacun d'eux, la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui ont été mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016, pour un montant total de 7 060 euros.
Par un jugement n° 2001805 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juillet 2022 et 15 mars 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Richard, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 mai 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017 et d'ordonner la restitution des sommes payées par la société civile dont ils sont associés au titre de ces mêmes années.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique des faits au regard des articles 206-2 et 34 du code général des impôts en considérant que les sociétés civiles qui se livrent à des opérations de nature commerciale ne revêtant pas un caractère prépondérant dans leur activité sont soumises de plein droit à l'impôt sur les sociétés ;
- l'administration a procédé à une décomposition artificielle des prestations de service et des livraisons de biens effectuées par les lieux de vie et d'accueil dans le cadre de leur mission d'insertion sociale ;
- l'administration a commis une erreur de droit et une erreur dans la qualification juridique des faits au regard des dispositions de l'article 92-1 du code général des impôts en faisant abstraction du rôle de " permanents " des associés de la société et du caractère réglementé de la profession qu'ils exercent ;
- compte tenu de l'objet social de la société Arc-en-Ciel, elle ne peut être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts, ce d'autant que les prestations commerciales de logement, nourriture, blanchisserie, transport, loisirs ne revêtent pas un caractère prépondérant au sein de son activité et ne constituent pas une fin en soi ;
- son activité est de surcroît strictement réglementée, ce qui atteste de l'exercice par ses gérants d'une profession non commerciale ;
- la société relève par conséquent, au titre des années 2015, 2016 et 2017, du régime fiscal prévu par l'article 8 du code général des impôts et non de l'impôt sur les sociétés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 février 2023 et le 4 avril 2024, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 19 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 avril 2024 à
12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est gérante et associée, à hauteur de 55 %, de la société civile Arc-en-Ciel, qui gère un lieu de vie et d'accueil au sens du III de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. M. A..., son époux, est associé et détient le solde du capital de la société. Tous deux sont " permanents " de ce lieu de vie et d'accueil dans lequel ils résident avec les mineurs et jeunes majeurs accueillis et exercent à leur égard la " mission d'éducation, de protection et de surveillance " prévue par l'article D. 316-1 du même code. La société Arc-en-Ciel a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du
1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration, constatant que la société était soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés a, en conséquence, requalifié les revenus perçus par Mme A... en qualité de gérante au titre des années 2015, 2016 et 2017, déclarés dans la catégorie des traitements et salaires, en bénéfices non commerciaux, et les a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. M. et Mme A... ont par ailleurs fait l'objet d'un contrôle sur pièces. Par deux propositions de rectification, respectivement intervenues les
26 décembre 2018 et 13 février 2019, Mme A... a été informée des rehaussements envisagés en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 puis des années 2016 et 2017. Par une dernière proposition de rectification du 28 février 2019, l'administration fiscale a informé
Mme A... d'une réduction de l'impôt au titre de l'année 2017, après application du régime micro-BNC. Leur réclamation préalable ayant été rejetée le 16 juin 2020, M. et Mme A... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Poitiers. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2015 et 2016.
2. Il résulte de l'instruction qu'au terme de la vérification de comptabilité dont la société civile Arc-en-Ciel a fait l'objet, l'administration fiscale a conclu à une réduction de l'impôt établi sur la base de la déclaration de revenus déposée par les contribuables au titre de l'année 2017, qui s'est traduite par un dégrèvement de 4 501 euros. Aucune imposition supplémentaire au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 2017, concernant un rehaussement de bénéfices non commerciaux, n'a été mise en recouvrement. Dès lors, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, M. et Mme A... doivent être regardés comme demandant, pour chacun d'eux, la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016, au prorata de la participation de chacun d'eux dans la société civile Arc-en-Ciel.
3. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...). / Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées au 1 de l'article 206 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; / (...) ". Aux termes de l'article 206 du même code : " 1°. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) 2°. (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que la société Arc-en-Ciel gère un lieu de vie et d'accueil d'enfants et adolescents en difficulté. Mme A... accueille ainsi des mineurs et jeunes majeurs confiés par le département des Deux-Sèvres. Elle est, à ce titre, rémunérée sur la base d'un forfait journalier arrêté par l'administration et versé pour chaque jeune, lequel comprend notamment les charges d'exploitation à caractère hôtelier et d'administration générale. Dans ces conditions, et alors même que les opérations de nature commerciale ne revêtent pas un caractère prépondérant dans son activité, la société Arc-en-Ciel doit être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens de l'article 34 du code général des impôts. La circonstance que les jeunes qui sont accueillis par la société Arc-en-Ciel soient placés par l'administration ou que les activités commerciales exercées (hébergement, nourriture, blanchisserie, transport) ne constituent que le prolongement des missions d'accompagnement social des jeunes en difficulté est sans incidence sur la nature de l'activité exercée par la société. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la société Arc-en-Ciel était soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés et a rehaussé, par conséquent, les rémunérations de Mme A..., en qualité de gérante, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts.
5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis et, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M B... et Mme C... A..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02136