Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le maire de la commune de Lacanau a délivré à M. et Mme E... un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle et d'un garage sur une parcelle cadastrée section CR n° 43 située 33 boulevard des Roses sur le territoire de cette commune, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé dans le cadre du contrôle de légalité.
Par un jugement n° 2201221 du 18 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 février 2023 et le 7 juin 2024, la commune de Lacanau, représentée par Me Boissy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande de la préfète de la Gironde ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'être signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme sans répondre à l'argumentation de la commune et à celle des pétitionnaires, ce qui entache le jugement d'un défaut de motivation ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'arrêté du 26 août 2021 méconnaissait l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme au motif que le projet constituait une extension de l'urbanisation ne s'inscrivant pas en continuité d'une agglomération ou d'un village existant au sens de ces dispositions ; le tribunal a commis une erreur de droit en faisant application des critères fixés par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme à une parcelle située dans la bande littorale ; le terrain d'assiette, qui se situe dans un lotissement dense et structuré, supporte déjà une construction et jouxte des constructions de part et d'autre ; le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Médoc Atlantique, arrêté par une délibération du conseil communautaire du 22 décembre 2022, identifie le lieu-dit D..., où se situe le projet, comme un village à conforter dans la limite d'une reconfiguration de leur frange ; par une délibération du 22 février 2024, le conseil communautaire a approuvé le schéma de cohérence territoriale Médoc Atlantique qui prend acte de l'urbanisation existante en qualifiant le lieu-dit D... de village au sens de la loi Littoral ;
- c'est également à tort que le jugement a retenu que l'arrêté du 26 août 2021 méconnaissait l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme alors que le projet se situe dans un espace urbanisé au sens de la loi Littoral.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier Kerjean,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Lacanau.
Considérant ce qui suit :
1. La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le maire de la commune de Lacanau a délivré à M. et Mme E... un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle et d'un garage sur une parcelle cadastrée section CR n° 43 située 33 boulevard des Roses sur le territoire de cette commune, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé dans le cadre du contrôle de légalité. La commune de Lacanau relève appel du jugement du 18 janvier 2023 par lequel le tribunal a fait droit à sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.
3. Au point 6 de leur jugement, les premiers juges ont retenu, notamment en renvoyant à ce qu'ils avaient précédemment exposé au point 4, que le terrain d'assiette du projet, qui est implanté dans la bande littorale de cent mètres à compter des plus hautes eaux et en bordure immédiate du lac de Lacanau, ne saurait être regardé comme s'insérant dans un espace urbanisé au sens des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme. Le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a ce faisant suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par les décisions litigieuses.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Pour annuler l'arrêté du maire de Lacanau du 26 août 2021 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la préfète de la Gironde contre cet arrêté, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu que le permis de construire délivré à M. et Mme C... méconnaissait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ainsi que celles de l'article L. 121-16 du même code.
5. D'une part, aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " (...) / Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation. " L'article L. 121-8 du même code, dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dispose : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement. "
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet en cause est situé dans la bande littorale de cent mètres à compter des plus hautes eaux du lac de Lacanau. Ainsi, sont seules applicables les dispositions précitées au point 6 de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et non pas également celles de l'article L. 121-8 du même code. Par suite, la commune de Lacanau est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est notamment fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions pour annuler les décisions litigieuses.
8. En second lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.
9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe en limite sud-est du lieu-dit D..., relevant de la commune de Lacanau. Ce lieu-dit comprend une centaine de maisons individuelles réparties autour de quelques voies de circulation et s'insère dans un environnement arboré, bordé au nord, à l'est et au sud par le lac de Lacanau et sur une large partie ouest par une vaste zone naturelle. Si la commune de Lacanau indique que le territoire est couvert par le schéma de cohérence territoriale des Lacs Médocains approuvé par une délibération du 6 avril 2012, ce document, applicable à la date des décisions litigieuses, se borne à définir le quartier lacustre D... comme un espace d'urbanisation limitée, composé d'un groupe d'habitations situées à l'écart de tout village ou agglomération. Par ailleurs, la commune ne saurait utilement se prévaloir ni du document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Médoc Atlantique, arrêté par une délibération du conseil communautaire du 22 décembre 2022, ni du schéma de cohérence territoriale Médoc Atlantique, approuvé par une délibération du 22 février 2024, qui sont tous deux postérieurs à l'édiction de l'arrêté du 26 août 2021. Il ressort des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet ne compte aucun commerce ni équipement collectif. Si le nombre des constructions situées au lieu-dit D..., à savoir une centaine, est conséquent, leur implantation, relativement lâche et pour la plupart sur des parcelles assez vastes, ne saurait être regardée comme étant d'une densité significative au sens du principe rappelé au point précédent. Par suite, le secteur ne peut être qualifié d'espace urbanisé au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le permis de construire délivré par le maire de Lacanau méconnaissait ces dispositions.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lacanau n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la préfète de la Gironde tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2021 et du rejet de son recours gracieux. Sa requête ne peut, par suite, qu'être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Lacanau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lacanau, au préfet de la Gironde, à M. B... E... et à Mme A... E....
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Kolia Gallier KerjeanLa présidente,
Béatrice Molina-Andréo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX00561 2