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09/01/2025 | FRANCE | N°22BX02902

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 09 janvier 2025, 22BX02902


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... D... et Mme B... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge totale ou partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, pour un montant global, en droits et pénalités, de 103 206 euros.



Par un jugement n° 2001073 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... et Mme B... C..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge totale ou partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, pour un montant global, en droits et pénalités, de 103 206 euros.

Par un jugement n° 2001073 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 novembre 2022 et le 13 mars 2024, Mme B... C..., veuve D..., représentée par Me Ribes, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire, en droits et pénalités, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les revenus et de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 à concurrence d'une réduction de la base imposable à une somme de 35 783,40 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'opération d'apport, au bénéfice de la SCI Les Châtaigniers, de l'usufruit temporaire de parts sociales qu'elle détenait dans plusieurs SCI à prépondérance immobilière productives de revenus fonciers, n'entre pas dans le champ d'application du 5.1. de l'article 13 du code général des impôts ;

- le service n'a pas suivi le raisonnement préconisé par l'instruction référencée BOI-IR-BASE-10-10-30, publiée le 6 avril 2017 ;

- le calcul de la valeur d'apport de l'usufruit temporaire est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte de l'application du taux de 23% prévu par les dispositions du II de l'article 669 du code général des impôts ; le revenu imposable doit donc être porté à la somme de 35 783,40 euros ;

- lorsque la vente porte sur des titres détenus depuis plus de cinq ans, le revenu dégagé doit être diminué de l'abattement pour durée de détention prévue par l'article 150 VC du code général des impôts ; la durée de détention à prendre en compte au sens de ces dispositions est de dix années, soit à compter de l'acquisition de la nue-propriété des titres, le 8 juillet 1991 ; le revenu imposable après abattement doit être porté à la somme de 25 161 euros ;

- en refusant de la faire bénéficier de cet abattement, l'administration méconnait les doctrines référencées BOI-RFPI-PVI-20-20 et BOI-RFPI-SPI-20, relatives aux plus-values immobilières, et applicables, mutatis mutandis, aux gains retirés de la cession à titre onéreux de titres de sociétés à prépondérance immobilière ;

- l'opération ne pouvait être taxée en tant que cession à titre onéreux portant sur des parts de sociétés à prépondérance immobilière ayant dégagé une plus-value et dont le redevable relève d'un des régimes d'impositions fixés aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts, sans que le prix d'acquisition des titres ait fait l'objet d'un retraitement permettant d'établir la plus-value réalisée afin d'assurer le neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés de personnes ; ce retraitement fait disparaître toute plus-value taxable ;

- l'administration ne pouvait lui refuser le bénéfice de ce retraitement au regard de la doctrine issue des réponses ministérielles à M. E..., n° 66675 - JO AN 31 janvier 2006, p. 985 et à M. A..., n° 66494 - JO AN 31 janvier 2006, p. 985 ;

- à titre subsidiaire, l'application à cette opération d'apport d'usufruit temporaire de parts sociales du régime d'imposition prévu au point 5.1. de l'article 13 du code général des impôts est contraire à l'intention du législateur, telle qu'elle est notamment révélée par les travaux parlementaires ;

- l'apport d'usufruit temporaire ne générant aucun produit de cession, Mme D... aurait dû se voir appliquer, à titre principal, le régime de l'article 150 UB du code général des impôts et, à titre subsidiaire, celui de l'article 150-0 B ter du même code si les sociétés en cause n'étaient pas considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière, avec la possibilité de voir reporter l'imposition personnelle induite par l'opération ;

- l'apport de l'usufruit temporaire à une société de parts de sociétés civiles à prépondérance immobilière soumises à l'impôt sur les sociétés doit échapper aux dispositions de l'article 13-5.1 du code général des impôts en raison de l'application de l'article 150 UB-II de ce code ;

- les dispositions du 5.1. de l'article 13 du code général des impôts sont contraires aux mécanismes de sursis et de report d'imposition prévu aux articles 150-0, 150-0 B, 150-0 ter et 150 UB du même code prévoyant l'imposition des opérations d'apport ; ces dernières dispositions ayant un effet sur la détermination du fait générateur de l'impôt, elles priment sur les dispositions de l'article 13 qui ont pour objet de déterminer les bases d'imposition ;

- l'application rétroactive des dispositions du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts aux cessions à titre onéreux d'un usufruit temporaire intervenues à compter du 14 novembre 2012, qui résulte de l'article 15 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, n'est pas conforme à la Constitution ; le législateur n'est pas en mesure de présenter les conséquences financières du dispositif proposé ;

- l'application rétroactive des dispositions du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts aux cessions à titre onéreux d'un usufruit temporaire intervenues à compter du 14 novembre 2012, qui résulte de l'article 15 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, porte atteinte au respect du droit au bien protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle n'a pas cherché à profiter d'un effet d'aubaine ; la modification rétroactive du régime fiscal d'une opération n'est pas justifiée ; elle pouvait légitimement espérer attendre l'application du régime fiscal des plus-values immobilières ou le régime du report de plus-value selon le régime applicable à la date de l'opération ;

- la portée des dispositions du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts est contraire aux objectifs de la directive n° 2009/133/CE du 19 octobre 2009 dite " fusion " notamment en ce qu'elle prévoit que les opérations d'apport d'actifs et d'échanges d'actions ne devraient pas être entravées par des restrictions, désavantages ou distorsions résultant des dispositions fiscales des Etats membres ; les dispositions de l'article 8 de cette directive prévoient expressément que l'attribution de titres ne devrait pas, par elle-même, donner lieu à imposition dans le chef des associés ;

- si l'administration, qui a apporté tardivement, pour la première fois, des éclaircissements sur les conditions d'application du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts dans ses commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFIP) du 5 août 2015, avait publié ces commentaires " en temps et en heure ", ils auraient modifié les modalités de l'apport en recourant à un usufruit viager et préconstitué, ce qui leur aurait permis de ne pas se voir appliquer ces dispositions.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 27 mars 2023 et 4 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 avril 2024, la clôture de l'instruction a été en dernier lieu fixée au 3 mai 2024 à 12 heures.

Deux mémoires, présentés pour Mme D... ont été enregistrés le 13 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1er protocole additionnel à la convention ;

- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Gueguein,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public

- et les observations de Me Ribes, représentant Mme B... C..., veuve D....

Une note en délibéré, présentée pour Mme D..., a été enregistrée le 19 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., veuve D..., a créé la SCI Les Châtaigniers le 30 septembre 2011 et détenait 99% de son capital social de 1 000 euros, composé de 100 parts sociales de 10 euros chacune. Par un procès-verbal d'assemblée générale du 12 janvier 2012, le capital social de cette société a été augmenté de 750 000 euros à la suite de l'apport par Mme C... de 75 parts de la SCI Le Parc. Par un second procès-verbal du 13 décembre 2012, le capital de la SCI Les Châtaigniers a de nouveau été augmenté de 155 187 euros, par l'apport de l'usufruit temporaire des parts appartenant à Mme C... dans la SCI Les Lilas, apport en contrepartie duquel l'intéressée s'est vue remettre 15 137 parts et une prime d'apport global de 2 017 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a estimé que cet apport d'usufruit temporaire, dont le produit n'avait pas été déclaré pour l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers, devait se voir appliquer les dispositions du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts issues de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, et a, par une proposition de rectification du 15 décembre 2015, informé Mme C... et son époux, des rehaussements de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux envisagés en conséquence. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande par laquelle elle et son défunt époux avaient sollicité la décharge totale ou partielle de ces impositions supplémentaires.

Sur l'application de la loi fiscale :

En ce qui concerne l'application du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts :

2. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts, dans sa version issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 : " (...) 5.1. Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé. (...) / 2. Pour l'application du 1 du présent 5 et à défaut de pouvoir déterminer, au jour de la cession, une catégorie de revenus, le produit résultant de la cession de l'usufruit temporaire, ou le cas échéant sa valeur vénale, est imposé : / a) Dans la catégorie des revenus fonciers, sans qu'il puisse être fait application du II de l'article 15, lorsque l'usufruit temporaire cédé est relatif à un bien immobilier ou à des parts de sociétés, groupements ou organismes, quelle qu'en soit la forme, non soumis à l'impôt sur les sociétés et à prépondérance immobilière au sens des articles 150 UB ou 244 bis A ". Conformément à l'article 15 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, ces dispositions du 5.1. sont applicables aux cessions à titre onéreux d'un usufruit temporaire intervenues à compter du 14 novembre 2012.

3. Ces dispositions trouvent à s'appliquer tant à la cession à titre onéreux, par le propriétaire d'un bien ou droit, d'un usufruit portant sur celui-ci qu'à la première cession à titre onéreux, par son titulaire, d'un usufruit préconstitué, dans le cas où le cessionnaire bénéficie du droit d'usufruit pour une période qui n'est pas exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine.

4. En premier lieu, l'apport de l'usufruit temporaire de parts sociales de sociétés civiles immobilières à la SCI Les Châtaigniers, en contrepartie de parts de la même société et d'une prime d'apport, constitue une cession à titre onéreux, en dépit de la circonstance que l'apport n'a pas été rémunéré par des liquidités. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'apport en cause ne relèverait pas des dispositions du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts, mais du régime des articles 150 UB ou 150-0 B ter du même code.

5. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions législatives en cause ne présentent pas d'ambiguïté, Mme C... ne peut utilement soutenir que le régime du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts serait contraire à l'intention du législateur. De plus, eu égard à la précision, donnée par les dispositions citées au point 2 du a) du 5.2 de l'article 13 du code général des impôts, selon lesquelles les produits résultant de la cession d'un usufruit temporaire d'une société non-soumise à l'impôt sur les sociétés et à prépondérance immobilière au sens des articles 150 UB ou 150-0 B ter du code général des impôts pourront, à défaut de pouvoir déterminer, au jour de la cession, une catégorie de revenus, être imposés dans la catégorie des revenus fonciers, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les sociétés à prépondérance immobilière seraient exclues du champ d'application des dispositions du 5.1 du même article 13 du code général des impôts.

6. En troisième lieu, la requérante soutient que la loi est rétroactive, dès lors que l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2012, qui a introduit le paragraphe 5 de l'article 13 du code général des impôts, a été votée le 29 décembre 2012 et prévoit une entrée en vigueur du dispositif au 14 novembre 2012, et que cette rétroactivité est contraire à la Constitution. Toutefois, en tout état de cause, le Conseil constitutionnel, saisi de ce moyen d'inconstitutionnalité dirigé contre la loi de finances rectificative pour 2012, a déclaré cet article 15 conforme à la Constitution dans sa décision n° 2012-661 du 29 décembre 2012.

7. En quatrième lieu, l'opération d'apport en cause ne concernant que des sociétés de droit français, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009, laquelle, en tout état de cause, aux termes de son article 1er, ne s'applique qu'aux " opérations de fusion, de scission, de scission partielle, d'apport d'actifs et d'échange d'actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs États membres ".

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

9. Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

10. La requérante fait valoir que l'article 15 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 est contraire au principe d'espérance légitime compte tenu de son application à des opérations réalisées antérieurement à son entrée en vigueur. Toutefois, ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-661 DC du 29 décembre 2012, publiée au Journal officiel du 30 décembre 2012, les dispositions en litige, applicables aux impositions dues en 2013 au titre de l'année 2012, qui ont pour objet d'instituer un mécanisme nouveau de taxation du produit résultant de la cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire et visent à lutter contre les stratégies d'optimisation fiscale et à rétablir la réalité économique de ce type d'opération en matière de taxation, ont été portées à la connaissance des contribuables lors de l'annonce de la mesure à l'issue du Conseil des ministres du 14 novembre 2012 et ne modifient l'état du droit que pour les cessions à titre onéreux ayant pris date certaine à compter de cette même date. Ces dispositions ne peuvent donc être regardées comme portant atteinte à un bien au sens des dispositions précitées de l'article 1er du premier protocole. Au surplus, eu égard à la réalisation de l'opération à l'origine de l'imposition contestée le 17 décembre 2012, soit postérieurement au 14 novembre 2012, Mme C... ne peut se prévaloir d'une espérance légitime que l'opération réalisée le 17 décembre 2012 puisse bénéficier de l'ancien régime de taxation de la plus-value immobilière. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole doit être écarté.

En ce qui concerne le calcul du produit de la cession :

11. En premier lieu, en application du 5.1 de l'article 13 du code général des impôts, la base imposable est constituée du produit résultant de la cession ou, si elle est supérieure, de la valeur vénale de cet usufruit. Si Mme C... soutient que le calcul de la valeur d'apport de l'usufruit temporaire au bénéfice de la SCI Les Châtaigniers est erroné et que son montant doit être ramené de 155 580 euros à la somme de 35 783,40 euros, elle ne conteste toutefois pas que le prix retenu a été librement fixé en assemblée générale du 13 décembre 2012 sur la base de l'actualisation des revenus à percevoir sur la durée de l'usufruit. Il est constant qu'en contrepartie de l'apport, Mme C... a reçu 15 317 parts de 10 euros dans le capital de la SCI Les Châtaigniers et une prime d'apport globale de 2 017 euros, pour un montant total de 153 170 euros. Mme C... ne peut donc utilement soutenir qu'il y aurait lieu d'appliquer le pourcentage de 23 % prévu par le II de l'article 669 du code général des impôts, qui est relatif, non à l'impôt sur le revenu mais aux droits d'enregistrement.

12. En second lieu, dès lors que le 5.1 de l'article 13 du code général des impôts s'applique " par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values ", Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'il y aurait lieu d'appliquer l'abattement pour durée de détention prévu par les dispositions de l'article 150 VC du code général des impôts au prix de cession de l'usufruit temporaire. Elle n'est pas non plus fondée à soutenir que ce prix de cession doit être majoré des bénéfices précédemment imposés et des pertes antérieures comblées par l'associée, et minoré des déficits déduits ainsi que des bénéfices répartis.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

13. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

14. Eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des interprétations ou des appréciations de l'administration en vertu de cet article, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures, que des interprétations et appréciations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration.

15. Mme C... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-IR-BASE-10-10-30, dans ses versions publiées le 5 août 2015 et le 6 avril 2017 qui sont postérieures à l'expiration du délai de déclaration des revenus au titre de l'année 2012. De même, elle ne peut utilement revendiquer le bénéfice des doctrines relatives à l'imposition des plus-values référencées BOI-RFPI-SPI 20 et BOI-RFPI-PVI-20-20 et issues de l'interprétation contenue dans les réponses ministérielles à MM. A... et E... publiées au Journal officiel le 31 janvier 2006.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., veuve D..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

Le rapporteur,

Stéphane Gueguein La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02902
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : RIBES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;22bx02902 ?
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