Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Elan Jump and Co a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge de l'intégralité, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012.
Par un jugement n° 2001384 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Limoges a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles la société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 à concurrence de la différence entre les cotisations supplémentaires qui ont effectivement été mises à sa charge et celles auxquelles elle aurait dû être assujettie si la valeur des titres des dix-neuf sociétés détenues par la SCI Le Parc avait été évaluée à 6 095 922 euros et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août 2023 et le 11 décembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SARL Elan Jump and Co, représentée par Me Ribes, demande à la cour :
1°) de prononcer la décharge de l'intégralité, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
- la procédure est irrégulière au motif du rejet par l'administration de sa demande de nouvelle saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires pour apprécier l'évaluation de la valeur des titres des dix-neuf sociétés détenues par la SCI Le Parc ; cette commission a refusé de se prononcer à l'issue de la séance du 12 juillet 2017 ; contrairement à ce qu'elle soutient, l'administration pouvait matériellement organiser cette seconde consultation ; la persistance du litige après l'interlocution départementale justifiait cette nouvelle saisine ; le délai de trente jours prévu à l'article R. 59-1 du livre des procédures fiscales devant être laissé au contribuable pour demander la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été respecté ;
- selon la documentation administrative référencée au point 3, du A du I du BOI-CF-CMSS-20-30, I. A. 3. A, l'administration est tenue de donner suite aux demandes de saisine de la commission que lui font parvenir les contribuables ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
- eu égard au sens de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 12 juillet 2017, l'administration supporte la charge de la preuve ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence d'un acte anormal de gestion en l'absence d'établissement de l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale des dix-neuf SCI ; par un jugement du 18 février 2022, devenu définitif, le tribunal judiciaire de Brive-la-Gaillarde a fait droit à la demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur la fortune immobilière auxquelles M. A... C... et son épouse Mme D... C... ont été assujettis ;
- l'évaluation par la valeur mathématique a été mise en œuvre sans décote au titre de la vétusté des immeubles ou de leur mise en location ; l'agent vérificateur n'a pas visité tous les locaux ; les rapports d'expertises établis à sa demande font état de la nécessité d'appliquer des taux de décote situés entre 5 et 10% pour la vétusté selon les immeubles détenus par les dix-neuf SCI et 20% pour l'occupation ; la valeur mathématique des titres des dix-neuf SCI appartenant à la SCI Le Parc n'a pu être évaluée à 5 864 415 euros qu'à la suite d'une erreur de calcul du service dans la mesure où, à supposer qu'il y ait lieu de se fonder sur l'évaluation faite par le vérificateur de la valeur des titres de chacune de ces dix-neuf SCI, la valeur mathématique des titres aurait dû, après déduction du coût des travaux de désamiantage, être globalement évaluée à 5 821 980 euros, soit une différence en sa défaveur de 42 435 euros ;
- l'évaluation de la valeur de productivité est critiquable ; elle repose sur le seul coefficient de capitalisation sans tenir compte de leur localisation ; le vérificateur s'est fondé sur le résultat net et a systématiquement surpondéré le dernier exercice ; il n'a pas tenu compte de la vétusté des immeubles pour s'assurer du caractère reproductible du bénéfice ; il n'a pas tenu compte de l'inflation ; l'application systématique d'un même coefficient bêta de 0,7 pour l'ensemble des dix-neuf SCI ne correspond pas aux taux de 1,1 à 1,5 applicables pour un risque important dans les secteurs de l'automobile et des biens d'équipement préconisés par le guide de l'administration fiscale ; le vérificateur n'a jamais apporté la preuve que les loyers perçus par les dix-neuf SCI correspondaient bien au marché local ; l'absence d'étude du marché locatif permettant de comparer les loyers pratiqués localement et ceux issus des baux constitue une lacune fondamentale ; le service ne pouvait retenir un taux de 4,68% pour toutes les communes sans estimer que le rapport entre loyers et valeur vénale est identique partout en France ; le taux de capitalisation de 8,78 % retenu dans un rapport d'évaluation de la SCI Le Parc n'a pas été retenu pour les dix-neuf SCI filiales ;
- trois des quatre méthodes d'évaluation arrivent à des résultats homogènes concentrés autour de deux millions d'euros alors que la valeur de productivité retenue par l'administration dépasse de près de neuf millions la plus élevée des trois autres méthodes.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Gueguein,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public
- et les observations de Me Ribes, représentant la SARL Elan Jump and Co.
Une note en délibéré, présentée pour la société Elan Jump and Co, a été enregistrée le 19 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Le Parc, dont le capital est divisé en 600 parts sociales, est détenue par M. A..., et Mmes E..., Nathalie et B... C..., qui sont frère et sœurs, et exerce, dans le cadre du groupe C..., une activité de location de biens immobiliers à usage de concessions automobiles, garages et ateliers poids lourds et utilitaires par l'intermédiaire de ses participations dans le capital de dix-neuf SCI, à savoir les SCI Euler 97, Les Sapins, Saint- Alban 96, Paris Pompadour, Les Quatre Vents, Les Vignes, Les Acacias, Les Saules, Saint- Flour, Estival, Fauriom, Faurillac, Les Charmes, Les Oliviers, Les Chênes Verts, Les Moulins 2006, Premium Invest, Cebi et Les Peupliers. Le 30 septembre 2011, Mme B... C... et son époux ont créé la SCI Les Châtaigniers, devenue par la suite la SARL Les Châtaigniers puis la SARL Elan Jump and Co, ayant notamment comme objet, d'une part, l'achat, la vente, l'élevage et le courtage de chevaux et poneys et toutes activités annexes, et d'autre part, l'acquisition par voie d'achat ou d'apport, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, l'administration et la location de tous biens et droits immobiliers. Le 12 janvier 2012, Mme B... C... a apporté à l'actif de cette société les 75 parts sociales qu'elle détenait dans le capital de la SCI Le Parc. Le 20 février 2012, la SCI Le Parc a distribué à la société Les Châtaigniers les titres de participation détenus dans les dix-neuf SCI ci-avant mentionnées à proportion de sa participation à son capital.
2. La SCI Le Parc et la société Les Châtaigniers ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices correspondant aux années 2012, 2013 et 2014. A l'issue de cette vérification, le service a estimé que l'apport des parts de la SCI Le Parc et la distribution des titres des dix-neuf SCI avaient été inscrits à l'actif de la société Les Châtaigniers à une valeur significativement inférieure à leur valeur réelle, ce qui caractérisait une libéralité consentie à cette dernière société. Il en est finalement résulté, pour la société Elan Jump and Co, des suppléments d'impôts sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2012 d'un montant, en droits, intérêts et pénalités, de 409 544 euros, qui ont été mis en recouvrement le 14 décembre 2018. La société Elan Jump and Co, dont la réclamation contentieuse a été rejetée par une décision du 31 juillet 2020, a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge de l'intégralité des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012. Elle relève appel du jugement du 20 juin 2023 par lequel ce tribunal administratif a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012 à concurrence de la différence entre les cotisations supplémentaires qui ont effectivement été mises à sa charge et celles auxquelles elle aurait dû être assujettie si la valeur des titres des dix-neuf SCI détenues par la SCI Le Parc avait été évaluée à 6 095 922 euros et a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts ". Selon l'article L. 192 de ce livre : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. / L'administration notifie l'avis de la commission ou du comité consultatif au contribuable et l'informe en même temps du chiffre qu'elle se propose de retenir comme base d'imposition, comme montant du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ou comme montant du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B bis du même code ". L'article R. 60-3 du même livre prévoit que : " L'avis ou la décision de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou du comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts ".
4. S'il résulte de ces dispositions que lorsque la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires estime qu'elle n'est pas en mesure d'émettre, en l'état du dossier qui lui est soumis par l'administration, un avis sur les redressements envisagés par celle-ci, il lui appartient de procéder à un supplément d'instruction, il demeure que seul un vice de forme et de procédure de nature à entacher d'irrégularité l'avis de cette commission peut être utilement invoqué pour faire obstacle aux conséquences, quant à la régularité de la procédure d'imposition, que la loi attache à sa consultation.
5. Il résulte de l'instruction que la société Elan Jump and Co, après avoir reçu le courrier du 12 avril 2016 répondant à son courrier du 12 février 2016 portant observations du contribuable, a sollicité la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Cette dernière a relevé, lors de sa séance du 12 juillet 2017, qu'il lui était impossible de procéder en l'état à un examen minutieux des nombreux documents susceptibles d'avoir une influence déterminante sur l'évaluation des biens que la société avait produits pour la première fois devant elle, à savoir les baux commerciaux conclus entre les dix-neuf SCI et les sociétés exploitant les locaux et les dix rapports d'expertise portant sur l'évaluation de la valeur des immeubles concernés, et donc a invité la société à se rapprocher de l'administration pour qu'il soit procédé à une nouvelle évaluation des dix-neuf sociétés filiales de la SCI le Parc.
6. D'une part, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, s'il appartenait à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a estimé ne pas être en mesure de se prononcer sur le fond du désaccord relevant effectivement de sa compétence, de fixer une nouvelle date ultérieure de réunion, le cas échéant après avoir procédé à un supplément d'instruction, pour pouvoir rendre un avis régulier, la circonstance qu'elle se soit contentée d'inviter les parties à se rapprocher pour régler leur différend n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité.
7. D'autre part, la société n'est pas non plus fondée à soutenir que la notification de l'avis de mise en recouvrement ne pouvait intervenir avant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne se prononce effectivement sur le fond du litige.
8. Enfin, et quelle que soit la teneur du courrier transmis par le défenseur des droits du 4 octobre 2019, aucun texte ni principe ne conditionne la régularité de la procédure d'imposition à la possibilité pour la société Elan Jump and Co de solliciter une nouvelle fois la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires préalablement à l'envoi de l'avis de recouvrement malgré la persistance du différend sur la valorisation des parts de la SCI Le Parc postérieurement à la confirmation de la position du service par la décision du 16 novembre 2018 rejetant le recours hiérarchique et la décision de l'interlocuteur départemental du 11 décembre 2018. Par suite, la société Elan Jump and Co, qui ne peut utilement invoquer, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la documentation administrative référencée au point 3, du A du I du BOI-CF-CMSS-20-30 qui est relative à la procédure d'imposition, n'est pas fondée à critiquer la régularité de la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé des impositions :
9. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : (...) c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que si les opérations d'apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n'est toutefois pas le cas lorsque la valeur d'apport des immobilisations, comptabilisée par l'entreprise bénéficiaire de l'apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l'apporteur à l'entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine des immobilisations apportées à l'entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l'actif net de l'entreprise dans la mesure de l'apport effectué à titre gratuit.
10. La valeur vénale des actions non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession ou l'apport est intervenu. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.
En ce qui concerne la méthode d'appréciation retenue :
11. Ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 2, le 20 février 2012, la société Le Parc a distribué à la société Les Châtaigniers les titres de participations qu'elle détenait dans le capital social des dix-neuf sociétés propriétaires des biens immobiliers hébergeant les activités des sociétés commerciales membres du groupe C..., titres dont la valeur a été comptabilisée à 3 132 063 euros. À l'issue de la vérification de comptabilité dont ont fait l'objet les sociétés Le Parc et Les Châtaigniers, l'administration, après avoir estimé à 12 165 319 euros la valeur vénale réelle des titres des dix-neuf SCI, a, à la suite du recours hiérarchique, et à défaut de termes de comparaison pertinents, réévalué la valeur desdits titres à la somme de 9 033 256 euros par combinaison de la valeur mathématiques globale (VM) et de la valeur de productivité globale (VP) des dix-neuf SCI, telles que définies par les usages synthétisés dans son guide de l'évaluation des entreprises, fixées respectivement à 5 864 415 euros et à 14 511 968 euros, selon la formule de pondération (4 VM + 1 VP) / 5.
12. Le tribunal administratif, dans le jugement critiqué, a retenu, d'une part, que la VM globale des SCI devait être fixée à la somme de 3 991 910 euros, soit une valeur inférieure de 1 872 505 euros par rapport à celle de 5 864 415 euros qui a été retenue par le service, a écarté, d'autre part, la critique de la VP globale desdites sociétés et a retenu que les titres distribués auraient dû être comptabilisés pour une somme de 6 095 922 euros.
13. La société Elan Jump and Co critique la méthode d'évaluation appliquée et soutient, d'une part, que l'administration aurait dû, comme elle l'a fait, combiner la méthode mathématique et la méthode de valorisation par la marge brute d'autofinancement (MBA) et, d'autre part, que la méthode de la VP, dont la mise en œuvre aboutit à un résultat très différent des autres méthodes, était inadaptée.
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la valorisation par la MBA est plus particulièrement adaptée aux sociétés industrielles qui nécessitent des investissements en matériels et outillages et constatent des amortissements importants et n'est donc pas particulièrement adaptée pour valoriser les titres des dix-neuf SCI dont les titres ont été distribués alors que d'une part, elles sont toutes d'une taille relativement modeste et ont pour activité unique la location d'un seul bien immobilier, que, d'autre part, en dehors de la SCI Cebi, elle ne sont pas assujetties à la tenue d'une comptabilité et n'enregistrent donc aucun amortissement, et enfin, qu'aucun élément ne permet de retenir que les biens exploités nécessiteraient de manière régulière d'importants travaux pour leur renouvellement, réfection ou amélioration.
15. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'au regard des caractéristiques des dix- neuf sociétés concernées, les éléments les plus significatifs pour déterminer la valeur vénale des titres distribués étaient la valeur mathématique, dont l'utilisation n'est pas contestée, et la valeur de productivité, qui permet de prendre en compte les bénéfices générés par les biens immobiliers exploités. C'est ainsi sans erreur que l'administration a évalué les titres en cause en combinant ces deux méthodes selon la formule mentionnée au point 11.
En ce qui concerne l'évaluation de la valeur vénale des titres des dix-neuf SCI détenus par la SCI Le Parc par la méthode mathématique :
16. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a pris en compte la valeur d'acquisition des terrains et constructions telle qu'inscrite au bilan comptable de chacune des dix-neuf SCI, diminuée des dettes de chacune et des frais correspondant aux travaux de désamiantage. La VM globale retenue par le jugement critiqué résulte d'une évaluation de la valeur des terrains et bâtiments prenant en compte l'intégralité des demandes de décotes invoquées par la société en première instance au titre de la vétusté des bâtiments et la totalité des charges liées au coût de désamiantage de certains bâtiments. La société Elan Jump and Co ne peut donc utilement soulever en appel les mêmes arguments au soutien de la minoration de la VM globale des titres comptabilisés.
17. En second lieu, il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges, après avoir écarté la demande tendant à appliquer un coefficient de minoration de la valeur des biens appartenant aux SCI d'un taux indifférencié de 20% au motif de ce qu'ils étaient loués pour une longue période, ont mis en œuvre une décote de 20 % pour l'évaluation de la valeur mathématique des titres des SCI Les Sapins, Les Vignes, Les Saules, Estival, Fauriom, Faurillac, Les Moulins 2006, Cebi, Saint-Alban 96, Les Acacias, Les Charmes, Saint-Flour 2005, Les Oliviers, Les Chênes Verts et Premium Invest, et de 10 % pour l'évaluation de la valeur mathématique des titres des SCI Euler 97, Paris Pompadour et Les 4 Vents. La société Elan Jump and Co ne justifie pas plus en appel que devant les premiers juges des raisons pour lesquelles, contrairement à ses premières écritures, la location de longue durée des locaux en question par des sociétés du groupe C... justifierait l'application d'un taux forfaitaire de 20% pour tous les biens concernés. Ce moyen doit donc être écarté.
18. La société Elan Jump and Co n'est donc pas fondée à critiquer la VM globale des titres fixée à la somme de 3 991 910 euros par le jugement attaqué.
En ce qui concerne l'évaluation de la valeur vénale des titres des dix-neuf SCI détenues par la SCI Le Parc par la méthode de productivité :
19. Il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé la valeur de productivité des titres en retenant le résultat net pondéré de chacune des dix-neuf SCI sur les trois exercices ayant précédé la distribution de leurs titres, auquel elle a appliqué un taux de capitalisation de 6,48 %, résultant d'un taux de rendement de base, correspondant au taux de rendement sans risque équivalent à celui des emprunts d'Etat à long terme corrigé du taux d'inflation pour l'année 2011 de 2,8%, majoré de la prime de risque historique du marché français de 5 %, elle-même affectée d'un coefficient dit bêta intégrant le risque propre à l'entreprise et à son secteur, fixé à 0,7 et augmentée d'une décote de moindre liquidité de 20%.
20. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 1, le groupe C..., qui exerce ses activités dans le secteur de l'automobile et des biens d'équipements, a choisi de détacher la propriété des immeubles hébergeant ses activités auprès de dix-neuf SCI auxquelles les sociétés commerciales versent un loyer. Compte tenu de la structuration particulière de leurs activités économiques, gérées initialement par le biais d'une holding, la SCI Le Parc, soumise à l'impôt sur les sociétés, le service a pu procéder à une évaluation de la valeur desdites sociétés par l'attribution de taux de risque et de pondérations communs. La seule circonstance que les bâtiments exploités présentent des différences, notamment en termes de vétusté et de localisation, n'est pas de nature à établir le caractère erroné de l'application d'une méthode d'évaluation globalisée, correspondant à celle de la SCI Le Parc. De même, dès lors que l'activité de ces dix-neuf sociétés relève exclusivement du secteur immobilier, la société Elan Jump and Co n'est pas fondée à critiquer le coefficient de risque mis en œuvre par le service.
21. En deuxième lieu, la société Elan Jump and Co critique l'établissement de la valeur du résultat net pondéré au motif que l'administration a attribué au résultat net dégagé au titre de l'année 2011 un coefficient 3 supérieur à celui attribué aux résultats nets dégagés au titre des années 2010 et 2009, soit respectivement les coefficients 2 et 1. Toutefois, et alors qu'ainsi qu'elle le mentionne, les contrats de bail conclus par les dix-neuf SCI incluent des clauses de révision de loyer, il résulte de l'instruction que le service a procédé à cette pondération pour intégrer la dynamique de progression que connaissaient, de manière globale, ces sociétés sur les trois années précédant la distribution. Eu égard à l'objet poursuivi par cette pondération, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle fait double emploi avec la correction du taux mise en œuvre pour tenir compte de l'inflation.
22. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les valeurs comptables des résultats nets fournies au service à l'occasion du contrôle nécessitaient de nouveaux retraitements comptables.
En ce qui concerne l'existence du caractère anormal de la valorisation des titres distribués :
23. Lorsqu'une société bénéficie d'un apport pour une valeur que les parties ont délibérément minorée par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix ne comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être regardé comme une libéralité consentie à cette société. La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien apporté et, d'autre part, d'une intention, pour l'apporteur d'octroyer, et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l'apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.
24. D'une part, il résulte de ce qui précède qu'eu égard à la valeur mathématique des titres des dix-neuf SCI détenues par la SCI Le Parc de 3 991 910 euros et à la valeur de productivité de 14 511 968 euros qui a été justement retenue par l'administration, la valeur vénale de ces titres devait ainsi être fixée, après mise en œuvre de la formule (4VM + 1 VP)/5, à 6 095 922 euros, soit un écart de 49%, caractérisant un écart significatif, par rapport à la somme de 3 132 063 euros initialement déclarée par la SCI Le Parc. Il s'ensuit que l'administration apporte la preuve, dont elle supporte la charge, de l'existence de l'élément matériel d'une libéralité consentie à la société Les Châtaigniers, devenue la SARL Elan Jump and Co.
25. D'autre part, en dépit de la circonstance que Mme B... C... présentait des intérêts divergents de ceux des membres de sa fratrie dans le cadre de la gestion de leurs droits et intérêts respectifs au sein du Groupe C..., il demeure qu'eu égard à sa qualité d'actionnaire des sociétés Le Parc et Les Châtaigniers à la date de la distribution, l'intention libérale est présumée. Aucun élément ne permet de renverser cette présomption.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Elan Jump and Co n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges lui a uniquement accordé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Elan Jump and Co est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Elan Jump and Co et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publics en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02279