Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2021 par lequel le président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin a délivré un permis de construire à la SNC Themis pour la construction d'une maison individuelle, sur un terrain situé au lot 9 du lotissement des Terres Basses à Saint-Martin, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°2200056 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Saint-Martin a annulé l'arrêté du 22 décembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 30 janvier et 4 août 2023, la collectivité de Saint-Martin, représentée par Me Benjamin, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Saint-Martin et rejeter la demande du préfet ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer aux fins de régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article NB 10 du plan d'occupation des sols de Saint-Martin ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la construction projetée remplit les conditions posées par l'article NB1 C du plan d'occupation des sols de Saint-Martin pour être autorisée en tant que deuxième logement :
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la construction projetée ne méconnaît pas les dispositions de l'article NB10 du plan d'occupation des sols de Saint-Martin dès lors qu'elle pouvait bénéficier des adaptations prévues au 4 de cet article compte tenu de la déclivité de son terrain, et ce sans en faire expressément la demande.
La requête a été communiquée au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et à la SNC Thémis qui n'ont pas produit de mémoire en réponse dans la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme de Saint-Martin ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héloïse Pruche-Maurin,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 décembre 2021, le président du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin a délivré un permis de construire à la SNC Themis pour la construction d'une maison individuelle, sur un terrain situé au Lot 9 du lotissement des Terres Basses à Saint-Martin, sur la parcelle cadastrée section BI n°14. Le 2 février 2022, le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin a, dans le cadre du contrôle de légalité, formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin a demandé au tribunal administratif de Saint-Martin d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement du 24 novembre 2022, le tribunal a annulé l'arrêté du 22 décembre 2021, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux. La collectivité de Saint-Martin relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 22 décembre 2021 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article NB1 du plan d'occupation des sols de Saint-Martin, applicable à la zone NBa correspondant au secteur de Terres-Basses, et relatif aux occupations et utilisations du sol admises : " A. Rappels : 1. L'édification des clôtures est soumise à autorisation / 2. Les installations et travaux divers sont soumis à autorisation (...) / 3. Les démolitions sont soumises au permis de démolir (...) / B. Sont notamment admis : / 1. Les constructions à usage uniquement d'habitation ; / 2. Les extensions mesurées des bâtiments et installations existantes ; / (...) C. Les types d'occupation et utilisation du sol suivants ne sont admise que s'ils respectent les conditions ci-après. / Pour l'ensemble de la zone, le deuxième logement peut être autorisé, sa surface ne devra pas dépasser 1/3 de la surface de plancher autorisé sur ce lot. / Toutefois, dans la zone NBa, ce deuxième logement ne pourra consister qu'en une simple dépendance du logement principal (de type " logement de gardien "), et ne pourra entraîner aucune division en propriété ou en jouissance contraire aux dispositions de l'article NB5. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige s'implante à l'extrême nord-ouest de l'île de Saint-Martin, en zone NB du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de Saint-Martin, définie comme une zone à caractère rural dominant, comportant des constructions dispersées, dépourvue d'équipements communs, et plus précisément dans le sous-secteur Nba, correspondant au secteur de Terres Basses dans lequel les terrains ont une grande superficie. Il porte sur la construction d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section BI n°14 d'une superficie de 17 250 m2, s'insérant, au Lot 9 du lotissement Terres Basses, entre la rue de la Falaise et le lagon. Le terrain accueille une grande villa existante agrémentée d'une piscine, d'une surface de plancher de 172,20 m2, implantée au nord-est de la parcelle, à flanc de falaise et surplombant le lagon, villa qui est conservée, ainsi qu'une maison de gardien et un garage, implantés dans le quart sud-ouest de la parcelle du côté de la rue de la Falaise, d'une surface de plancher de 36,38 m2, qui sont démolis. La construction projetée s'implante dans le quart nord-ouest de la parcelle, à flanc de falaise, à l'ouest de la maison existante. Elle consiste en une maison individuelle de 5chambres, d'une surface de plancher totale de 356,9 m2, axée sur une piscine à débordement, agrémentée également d'un jacuzzi, et orientée vers le lagon, en surplomb. Elle bénéficie d'un accès sur l'allée centrale et d'une grande aire de stationnement dédiée. Ainsi, si sa surface de plancher ne dépasse pas 1/3 de la surface de plancher autorisée sur le lot, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice architecturale et de l'insertion paysagère, que la construction projetée ne peut eu égard à son implantation, ses aménagements, et à ses dimensions, plus de deux fois supérieures à la maison existante, être regardée comme une dépendance du logement principal, de type " logement de gardien ". La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que cette nouvelle construction deviendrait la construction " principale " au sens et pour l'application des dispositions précitées du C de l'article NB1 du PLO de Saint-Martin, qui visent à limiter les possibilités de construire dans cette zone, tandis que la construction existante deviendrait la dépendance type " maison de gardien ". Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le préfet délégué auprès du représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin était fondé à soutenir que le permis de construire du 22 décembre 2021 méconnaissait les dispositions de l'article NB1 du POS de Saint-Martin.
4. En second lieu, aux termes de l'article NB10 du règlement du plan d'occupation des sols de Saint-Martin relatif à la hauteur des constructions : "1. La hauteur à l'égout de toiture est la plus grande distance mesurée verticalement entre tout point de l'égout du toit d'un bâtiment et le sol naturel. / 2. La hauteur maximum des constructions est fixée à 3 mètres à l'égout de toiture, 3.5 mètres en zone NBa ; / 3. La hauteur mesurée entre l'égout de toiture et la ligne de faîtage ne doit pas dépasser 3 mètres ; / 4. Des adaptations rendues nécessaires par la configuration au terrain (constructions implantées à flancs des coteaux ou sur sols inclinés) seront autorisées sur justifications techniques. Dans ce cas des demi-sous-sols pourront être admis. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige présente une hauteur à l'égout de toiture supérieure à 3,5 mètres. La société requérante se prévaut de ce que la configuration du terrain d'assiette du projet, en sol incliné à flanc de falaise, rend nécessaire certaines adaptations et qu'ainsi le demi-sous-sol qu'elle a prévu est conforme aux dispositions du 4. précité de l'article NB10 du POS de Saint-Martin. Toutefois, il résulte de ces mêmes dispositions que le POS de Saint-Martin prévoit que ces adaptations sont autorisées " sur justifications techniques ". Or, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier de demande de permis de construire que la société pétitionnaire ait apporté de telles justifications techniques, la notice architecturale se contentant d'indiquer que le terrain présente " une déclivité faible ", que " la topographie du site est respectée (...) " et que " le terrain naturel général de la parcelle est conservé avec un remodelage léger et soigné, accompagné d'un jardin paysager ". Par suite, le préfet est fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article NB10 du POS de Saint-Martin.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la collectivité de Saint-Martin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Martin a prononcé l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 2021, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du préfet.
Sur la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
9. Si le vice retenu au point 5 du présent arrêt est régularisable, il ressort des pièces du dossier que le projet de la société pétitionnaire consiste en la construction d'une villa imposante de plus de 350 m2, agrémentée d'une piscine et d'un jacuzzi, sur un terrain qui ne peut, en réalité, supporter, en application des dispositions de l'article NB1 du POS de Saint-Martin, en sus de la maison existante, qu'une dépendance type " maison de gardien " qui ne correspond en rien au projet de la pétitionnaire et impliquerait d'y apporter un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Dans ces conditions, le vice retenu au point 3 n'est pas, en application des principes rappelés au point 7, régularisable.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante en l'espèce, une somme quelconque à verser à la collectivité de Saint-Martin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la collectivité de Saint-Martin est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité de Saint-Martin, au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la SNC Thémis.
Copie en sera délivrée au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et au procureur de la République du tribunal de Basse-Terre.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Héloïse Pruche-MaurinLa présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00279