Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Holding Eric A... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par le jugement n° 1902713 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2022, des mémoires complémentaires enregistrés les 5 janvier et 7 avril 2023, 28 juin, 27 septembre, 25 novembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, deux mémoire enregistrés les 5 et 20 décembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant également pas été communiqué, la société de participations financières de professions libérales à responsabilité limitée Holding Eric A..., représentée en dernier lieu par Me Calderini et Me Lemoine, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Pau ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants, sous réserve des dégrèvements accordés par le service en cours d'instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, et ne précise pas si des recherches ont été effectuées et si des opérations comparables ont été exclues par l'administration et sur quelle base, ne démontre pas que la méthode de l'administration est plus pertinente et que la méthode par comparaison n'était pas applicable ; le service n'a pas suffisamment motivé la présomption d'intention libérale ;
- le service vérificateur a nécessairement considéré que l'acte d'apport à titre onéreux dissimule une libéralité de sorte qu'il s'est implicitement fondé sur l'existence d'un abus de droit sans respecter les garanties du contribuable propres à cette procédure ;
- l'administration fiscale ne lui a pas communiqué tous les éléments lui permettant de discuter des termes de comparaison retenus et exclus pour valoriser le fonds de commerce et a manqué à son obligation de motivation ; le vérificateur n'a pas indiqué la dénomination des entreprises, ni le chiffre d'affaires, ni la moyenne du chiffre d'affaires, mais a seulement indiqué une moyenne pondérée des chiffres d'affaires des sociétés concernées, sans communiquer le détail de ses calculs pour chacun des termes de comparaison, ni expliquer les critères et les modalités de calcul de la pondération retenue ;
- aucune information ne lui a été communiquée concernant les cinq transactions visées dans la proposition de rectification et exclues par le service vérificateur, l'empêchant de vérifier la pertinence du bien-fondé de ces exclusions ;
- le service vérificateur ne s'est pas contenté de ne pas " documenter " les raisons pour lesquelles il a écarté la méthode du multiple de l'EBE pour déterminer une valeur de rentabilité des titres de la SELARL Pharmacie A... ; il n'en fait aucune mention dans sa proposition de rectification ;
- le service n'a pas respecté son obligation de motivation de la réponse aux observations du contribuable, prévue par le dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, et aucune réponse n'est apportée sur ses observations portant sur la méthode de productivité ;
- le service vérificateur a choisi de recourir à la méthode de productivité de façon arbitraire, sans rechercher préalablement quelle méthode est habituellement utilisée par les praticiens et experts en valorisation pour ce type de marché en particulier pour déterminer la valeur des titres ;
- la méthode de productivité utilisée par l'administration fiscale pour valoriser les titres de la SELARL Pharmacie A... n'est pas pertinente pour évaluer une officine de pharmacie et n'est jamais utilisée par les experts en valorisation pour ce secteur d'activité ;
- compte tenu des pratiques du marché et des caractéristiques propres de la SELARL Pharmacie A..., seule la méthode patrimoniale peut être appliquée pour valoriser les titres détenus par elle, ce qui a été validé par la commission départementale des impôts directs et l'expert indépendant mandaté ; elle a correctement appliqué cette méthode sur la base des données comptables arrêtées au 31 janvier 2015 correspondant à l'arrêté le plus proche, antérieur à la date de l'augmentation de capital du 1er avril 2015 ; la valeur du fonds de commerce ainsi déterminée présente un écart de 5,67 % avec la valeur déterminée par l'administration fiscale, ce qui est insuffisant pour justifier une quelconque rectification ;
- à titre subsidiaire, la valeur retenue par l'administration fiscale de 108,86 euros par titre ne peut être retenue ; seule la méthode du multiple de l'excédent brut d'exploitation (EBE) ; peut être utilisée pour déterminer une valeur de rentabilité de la SELARL Pharmacie A... ;
- pour d'autres cessions de parts sociales intervenues pour des officines de pharmacie en 2015 la méthode mathématique a été mise en œuvre pour déterminer la valorisation des titres de société ; si on écarte l'endettement financier net, cette méthode conduit à une valeur par titres de 48,7 euros, valeur plus de 2 fois inférieure à celle retenue par l'administration ;
- cette démonstration, sur la base des variables retenues par l'administration fiscale, met en évidence l'incohérence à appliquer la méthode de productivité pour déterminer la valeur des titres de la SELARL Pharmacie A... compte tenu, notamment, de l'importance de l'écart entre la valeur de productivité et la valeur mathématique déterminées par le service ;
- sur l'application de la méthode de l'administration à la cession des titres de la SELARL Pharmacie de la Négresse, l'administration fiscale ne remet pas en cause le constat selon lequel la cession des titres de cette pharmacie a été réalisée uniquement sur la base de la méthode mathématique pour tenir compte de son endettement ; ainsi, seule la méthode patrimoniale peut être mise en œuvre selon les circonstances, pour valoriser les titres de société d'officine de pharmacie ;
- l'application de la méthode de productivité à la cession des titres de la SELARL Pharmacie de la Négresse démontre que cette méthode est inadaptée pour valoriser les titres d'une officine de pharmacie ;
- la méthode mathématique a été mal appliquée par le service vérificateur, qui s'est basé sur les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2015, soit sur des données comptables postérieures au fait générateur de l'augmentation de capital (1er avril 2015) et inconnues à la date de l'opération (5 octobre 2015) ;
- les capitaux propres de l'exercice clos le 30 septembre 2015 n'ont pas été retraités des indemnités de départ à la retraite de M. A... et de la double saison estivale comprise dans les données comptables de l'exercice 2015 ;
- le service vérificateur constate une plus-value latente sur son fonds de commerce ce qui est incohérent avec la réalité économique ;
- à titre infiniment subsidiaire, la méthode de productivité a été mal appliquée par le service vérificateur, dès lors que le résultat courant avant impôt retenu est incorrect puisqu'il tient compte des données comptables de l'exercice clos le 30 septembre 2015, mais ne tient pas compte du caractère volatile des recettes liées au marché conclu avec l'EHPAD ; le taux de capitalisation est calculé de façon incorrecte au regard de la réalité du risque économique propre à son exploitation ainsi que des modalités selon lesquelles l'illiquidité des titres a été calculée ; la moyenne des taux publiés par la Banque de France sur cette période est égale à 0,90 % soit un écart de 0,52 % avec le taux de référence retenu par le service ; une décote générale pour illiquidité de 30% sur la valeur pondérée des titres doit être appliquée ;
- la majoration de 40 % pour manquement délibéré ne lui est pas applicable, en l'absence d'intention délibérée d'éluder l'impôt ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 février 2023, 25 avril 2024, 6 septembre 2024, 24 octobre et 20 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.
Une mesure d'instruction a été diligentée le 28 novembre 2024 pour demander à l'administration de produire la lettre n° 3926 du 20 novembre 2017 de réponse aux observations en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lemoine, représentant la société Holding Eric A....
Considérant ce qui suit :
1. La société de participation financière de professions libérales à responsabilité limitée (SPFPL-SARL) Holding Eric A..., créée le 14 septembre 2014 et détenue à 100 % par M. A..., a pour objet la participation directe ou indirecte dans toute société d'exercice libéral d'officine de pharmacie. Par acte sous-seing privé du 5 octobre 2015, dans le cadre de l'augmentation du capital de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie A..., qui exploite une officine à Biarritz, de 7 650 euros à 101 650 euros, elle a souscrit 6 156 nouvelles parts sociales de cette société, pour une valeur unitaire de 15,27 euros, en contrepartie d'un apport en numéraire de 94 000 euros et a inscrit ces titres à son actif pour ce même montant. A la suite d'une vérification de comptabilité ayant porté sur l'exercice clos au 31 décembre 2015, par une proposition de rectification du 22 août 2017, l'administration fiscale, retenant une valeur unitaire de 130,16 euros, lui a signifié son intention de rehausser son bénéfice en raison d'une minoration d'actif d'un montant de 707 265 euros. Malgré l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, émis le 25 mai 2018, qui a estimé la minoration au plus à 129 889 euros, en retenant une valeur unitaire de 36,37 euros, l'administration a assujetti la société Holding Eric A... à un supplément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015 à raison d'une minoration d'actif de 707 265 euros. La société a contesté ce supplément d'impôt devant le tribunal administratif de Pau. Par jugement du 20 octobre 2022, le tribunal a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en première instance, l'administration ayant ramené à 108,86 euros le montant unitaire des titres et ayant réduit le montant de la minoration d'actif à 574 142 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La société Holding Eric A... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions de première instance.
2. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".
3. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit, en vertu de l'article L. 57 du LPF, être motivée et intervenir avant la mise en recouvrement des impositions. Toutefois, une telle irrégularité demeure sans conséquence sur le bien-fondé de l'imposition s'il est établi que, n'ayant privé le contribuable d'aucune garantie, elle n'a pas pu avoir d'influence sur la décision de redressement.
4. Par la proposition de rectification du 22 août 2017, le service a retenu une sous-évaluation de la valeur d'inscription à l'actif de la société appelante des 6 156 parts de la SELARL Pharmacie Eric A..., à partir de l'évaluation des parts sociales de l'officine par la combinaison de la méthode mathématique et de la méthode de productivité. Dans ses observations en date du 17 octobre 2017, la société Holding Eric A... a, dans un premier temps, contesté le recours à la méthode axée sur la productivité en raison de son caractère inadapté au secteur professionnel de la pharmacie d'officine aux très petites entreprises et au motif qu'elle ne tient pas compte des éléments d'actif et de passif. Après avoir également écarté la méthode des " discounted cash-flow ", elle a préconisé la méthode comparative ainsi que la méthode mathématique. La société a, dans un second temps, discuté les valeurs obtenues par la méthode mathématique, sur laquelle elle entendait s'appuyer de manière exclusive, en avançant deux indicateurs, selon elle couramment utilisés dans son secteur d'activité, le ratio prix de cession/chiffre d'affaires d'une part, et le recours à un multiple de l'excédent brut d'exploitation (EBE) retraité d'autre part, avant de les détailler. Dans sa réponse à ces observations en date du 20 novembre 2017, l'administration, après avoir rappelé les observations de la contribuable, s'est bornée à répondre sur le choix de la période retenue par le service pour évaluer le capital, la justification de la valorisation du chiffre d'affaires, le choix de ne pas recourir au multiple de l'EBE et la raison du maintien de la détermination de la valeur mathématique. En s'abstenant de répondre aux observations relatives à l'application de la méthode de la valeur par la productivité, lesquelles revêtaient pourtant un caractère essentiel et déterminant, dès lors que, combinée avec la valeur mathématique, qui retenait une évaluation de la part unitaire à 62,15 euros, la valeur finale, qui fondait le redressement, était de 130,16 euros, l'administration a privé la contribuable d'une garantie et méconnu les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, par ce moyen qu'elle est recevable à soulever pour la première fois en appel, la société appelante est fondée à soutenir que la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Holding A... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 20 octobre 2022 et à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, en droits, majorations et pénalités, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015.
Sur les frais liés à l'instance :
6. ll y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Holding A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau n° 1902713 du 20 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : La société Holding A... est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, en droits, majorations et pénalités, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015.
Article 3 : L'Etat versera à la société Holding A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à société Holding A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 20 février 2025.
La rapporteure,
Bénédicte Martin La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 22BX03119 2