Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le maire de Fort-de-France a repositionné son activité de garage automobile sur les parcelles cadastrées section BY n° 15 et 23 et la décision implicite par laquelle cette même autorité a rejeté ses demandes tendant au retrait de cette décision de repositionnement, à la cession de la parcelle cadastrée section AO n° 871 et à l'indemnisation de son préjudice, d'autre part, de condamner l'administration à lui verser une somme 425 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du comportement de l'administration.
Par un jugement n° 2100339 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 août, 20 décembre 2022, 22 août 2023, 16,28 et31 octobre, 2 décembre 2024 et 6 janvier 2025, ces derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, M. C..., représenté par Me Tagne, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le maire de Fort-de-France a repositionné son activité de garage automobile sur les parcelles cadastrée section BY n° 15 et 23 et la décision implicite par laquelle cette même autorité a rejeté ses demandes tendant au retrait de cette décision de repositionnement, à la cession de la parcelle cadastrée section AO n° 871 et à l'indemnisation de son préjudice ;
3°) d'enjoindre au maire de Fort-de-France de retirer la décision administrative procédant au repositionnement de son activité de garage automobiles sur les parcelles cadastrées BY 15 et BY 23 et de lui céder la parcelle cadastrée section AO 871 sous astreinte de 407 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune de Fort-de-France à lui verser des indemnités d'un montant total de 425 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Fort de France une somme de 14 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie de sa qualité à agir ;
- la délibération du conseil municipal de Fort-de-France du 29 juin 2004, qui a décidé de la cession de la parcelle AO n° 871 à son père et l'a autorisé à exercer l'activité de garage automobile qu'il a reprise, confirmée à plusieurs reprises par la commune, constitue une promesse de vente qui a créé des droits pour son père et ses ayants-droits ; le retrait de cette délibération, par les décisions attaquées, est irrégulier ;
- le retrait illégal de la promesse de vente constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Fort-de-France
Par des mémoires enregistrés le 2 janvier et 24 août 2023, la commune de Fort-de-France, représentée par Me Nicolas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. C... ne justifie pas de sa qualité à agir, dès lors que les pièces produites n'établissent pas qu'il aurait des droits sur la parcelle cadastrée section AO 871 ;
- en tout état de cause, la délibération du 29 juin 2004 n'a pas créé de droits à son profit ; par ailleurs, le requérant n'apporte aucune contestation sérieuse du jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire.
Par une ordonnance du 3 décembre 2024, la clôture a été fixée en dernier lieu au 6 janvier 2025 à 12h00
M. C... a produit un mémoire complémentaire, enregistré après clôture d'instruction, le 8 janvier 2025, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 13 mars 2025 :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
et les conclusions de M. Mickael Kauffmann, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., père du requérant, disposait d'un garage automobile à Fort de France, dans le quartier situé à Volga Plage. Afin de procéder à des travaux d'aménagement pour lutter contre l'habitat insalubre, la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Fort-de-France (SEMAFF) a déplacé provisoirement son garage au cours de l'année 1994. Par décision du maire du 17 octobre 2003, celui s'est vu attribuer un espace de 180 mètres carrés, construit par la ville, au lieu-dit Somadim, rue de la cimenterie, pour l'établissement de son garage. Ayant repris l'exploitation du garage automobile de son père et s'estimant bénéficiaire d'une délibération municipale en date du 29 juin 2004 de cession à son profit de la parcelle cadastrée section AO n° 871 sur laquelle serait édifiée ledit garage, M. B... C... a demandé à la commune de Fort de France de lui céder cette parcelle. Sa demande a été transmise au gestionnaire de la zone artisanale de Volga Plage, la société d'économie mixte d'aménagement de la ville de Fort-de-France (SEMAFF), devenue en 2019 la société d'aménagement et d'équipement (SOAME). Par courrier du 5 mars 2020, la SOAME a indiqué à M. C... que son garage automobile n'avait pas été repositionné sur la parcelle cadastrée section AO n° 871, comme il était initialement prévu, mais sur les parcelles cadastrées section BY n° 15 et 23, nécessitant l'acquisition par la commune d'une de ces parcelles appartenant à l'Etat, avant de pouvoir réaliser la cession. Par un courrier réceptionné le 24 février 2021, M. C... a saisi la commune de Fort-de-France d'une demande tendant, d'une part, au retrait de la décision repositionnant son activité de garage automobile sur les parcelles cadastrées section BY n° 15 et 23, d'autre part à la cession de la parcelle cadastrée section AO n° 871, ainsi que d'une demande indemnitaire. Le silence gardé par la commune a fait naitre une décision implicite de rejet le 24 avril 2021. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de la Martinique de demandes que les premiers juges ont interprétées comme tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Fort-de-France a repositionné l'activité de garage automobile sur les parcelles cadastrées section BY n° 15 et 23 et de la décision implicite par laquelle cette même autorité a rejeté ses demandes tendant au retrait de cette décision de repositionnement, à la cession de la parcelle cadastrée section AO n° 871 et à l'indemnisation de son préjudice, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 425 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 9 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes d'une part de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
3. Aux termes de l'article 1582 du code civil : " La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer (..) ". Aux termes de l'article 1583 du même code : " Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ".
4. La délibération d'un conseil municipal autorisant, décidant ou approuvant la cession d'un bien de son domaine privé dans les conditions mentionnées à l'article 1583 du code civil constitue un acte créateur de droits dès lors que les parties ont marqué leur accord inconditionnel sur l'objet et le prix de l'opération et que la réalisation du transfert de propriété n'est soumise à aucune condition. Elle ne peut dès lors être retirée que si elle est illégale et si ce retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette délibération. Si un tel retrait est légalement décidé en raison de la constatation d'une illégalité, il appartient à la commune de diligenter l'action nécessaire devant le juge judiciaire afin que celui-ci détermine les conséquences de l'illégalité de la délibération retirée et, en particulier, s'il y a lieu, en raison de la nature de l'illégalité affectant cet acte détachable du contrat de vente, de remettre en cause le caractère parfait de la vente et d'en constater la nullité.
3. M. C... se prévaut de ce que par une délibération du 29 juin 2004, non produite au dossier, le conseil municipal de Fort-de-France aurait décidé de céder la parcelle cadastrée section AO n° 871 à son père. A l'appui de cette affirmation, il produit diverses attestations du maire, postérieures à la délibération en cause, actant d'une décision du conseil municipal de céder une parcelle de terrain au garage C... dans la zone artisanale de bas Volga plage et autorisant, dans l'attente de l'établissement du titre de propriété, l'exercice de l'activité de garage automobile sur ladite parcelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courrier de la SOAME du 5 mars 2020 et d'une réponse de cette société à la sommation interpellative qui lui a été adressée le 15 juin 2020 par M. C..., ainsi que de la consultation du site géoportail, librement accessible, que s'il avait été initialement prévu de déplacer le garage C... sur la parcelle cadastrée section AO n° 871, celui-ci a en réalité été déplacé sur les parcelles cadastrées BY 15 et BY 23, de sorte que la parcelle cadastrée section AO n° 871 dont M. C... revendique la cession n'est pas celle qu'il occupe au titre de son activité de garage automobile. D'ailleurs, l'examen de la décision mentionnée ci-dessus du maire de Fort-de-France en date du 17 octobre 2003 attribuant au père de M. C... un espace de 180 mètres carrés, sous la forme d'une structure métallique couverte d'un hangar reposant sur une dalle en béton, assorti d'un chemin d'accès de 76 mètres carrés, débouchant sur la rue de la cimenterie, pour l'établissement de son garage, confirme que le positionnement du garage sur les parcelles cadastrées BY 15 et BY 23 est antérieure à la délibération du 29 juin 2004. A ce titre, il ne peut être regardé comme établi que la délibération du 29 juin 2004, qui n'a jamais été produite à l'instance, aurait marqué un accord entre la commune et M. C... sur la chose, à savoir la cession de la parcelle cadastrée section AO n° 871, plutôt que sur celles cadastrées BY 15 et BY 23. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un prix de cession aurait été convenu entre les parties. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas davantage allégué que la réalisation du transfert de propriété n'aurait été soumise à aucune condition, la délibération du 29 juin 2004, à supposer même qu'elle existe, ne peut être regardée comme ayant le caractère d'une décision créatrice de droits. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de positionnement, au demeurant antérieure, du garage C... sur les parcelles cadastrées BY 15 et BY 23 et la décision implicite du 24 avril 2021 portant rejet du recours gracieux formé par M. C... procéderaient au retrait illégal de cette délibération du 29 juin 2004, au regard des dispositions précitées de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne peut qu'être écarté.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses conclusions à fin d'annulation. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. En l'absence d'illégalité fautive des décisions en litige, les conclusions à fin d'indemnisation présentées sur ce fondement par M. C... doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Les dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande M. C... au titre des frais liés à l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Fort-de-France.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,
Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne, et à tous commissaire de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 22BX02231