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03/04/2025 | FRANCE | N°23BX00758

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 03 avril 2025, 23BX00758


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Almosnino a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélémy d'annuler la délibération du 13 janvier 2022 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a rapporté sa décision n° 2021-966 du 2 septembre 2021 et a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Ocean's Dream Resort un permis de construire une villa de cinq chambres, un studio indépendant et un parking sur un terrain cadastré AL 230

, situé au 3, rue de la Colline, à Gustavia.



Par un jugement n° 2200019 du 14 décembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Almosnino a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélémy d'annuler la délibération du 13 janvier 2022 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a rapporté sa décision n° 2021-966 du 2 septembre 2021 et a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Ocean's Dream Resort un permis de construire une villa de cinq chambres, un studio indépendant et un parking sur un terrain cadastré AL 230, situé au 3, rue de la Colline, à Gustavia.

Par un jugement n° 2200019 du 14 décembre 2022, le tribunal administratif de Saint-Barthélémy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 15, 22 mars, 21 avril et 2 mai 2023, la SCI Almosnino, représentée par Me Ladaoui, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélémy du 14 décembre2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 13 janvier 2022 par laquelle le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a rapporté sa décision du 2 septembre 2021 et a délivré à la SAS Ocean's Dream Resort un permis de construire ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Ocean's Dream Resort une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la délibération attaquée méconnait les dispositions de l'article U 2 du règlement de la carte d'urbanisme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que la superficie des deux piscines, en tenant compte des murs extérieurs et des débords, excède 100 mètres carrés ;

- elle méconnait les dispositions de l'article U 8 du règlement de la carte d'urbanisme relatives aux dimensions et à l'emplacement des lucarnes.

Par des mémoires, enregistrés les 26 avril, 18 juillet 2023, 29 février et 8 octobre 2024, la SAS Ocean's Dream Resort, représentée par Me Moustardier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCI Almosnino en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ; premièrement, la requête de première instance, qui a été enregistrée après l'expiration du délai de recours, est tardive ; deuxièmement, la société requérante ne justifie pas lui avoir notifié son recours contentieux à l'adresse indiquée par la délibération attaquée, ni que cette notification comportait la reproduction ou la copie du recours introduit, en méconnaissance des exigences résultant des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; troisièmement, alors que la société n'a fourni en première instance aucun document justifiant de son droit de propriété en méconnaissance de l'article R. 600-4 du code l'urbanisme, de tels documents ne peuvent être produits pour la première fois en appel ; quatrièmement, alors que la requête de première instance a été formulée pour le compte de Mme D... A..., il n'a pas été justifié de son intérêt à agir ; cinquièmement, alors que la requête de première instance a été signée par M. C... B..., gérant de la SCI Almosnino, il n'est pas justifié de sa qualité à agir au nom de cette société ; enfin, la société requérante ne justifie pas d'un intérêt pour agir, en méconnaissance de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés à l'encontre du permis de construire initial ; la limitation des piscines à 100 mètres carrés s'entend de la surface des bassins, sans comptabilisation des murs extérieurs et débords ; les lucarnes de toit représentent bien les deux tiers de la hauteur de la toiture, en conformité l'article U 8 du règlement de la carte d'urbanisme ;

- conformément aux dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, le permis de construire modificatif qui lui a été délivré par une délibération n° 2023-787 CE du 4 juillet 2023 a régularisé les vices invoqués tirés de la méconnaissance des articles U2 et U8 de la carte d'urbanisme, à les supposer établis ; d'une part, le projet autorisé au titre du permis de construire modificatif diminue l'emprise des piscines initialement autorisées, en supprimant l'une d'entre elles, réduisant la surface totale des bassins à 73 mètres carrés ; d'autre part, le projet autorisé au titre du permis de construire modificatif supprime toute lucarne sur la façade côté rue et diminue la dimension de la lucarne sur la façade côté mer en abaissant sa position sur la toiture ;

- conformément aux dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, elle transmet les permis de construire modificatifs qui lui ont été délivrés par des délibérations n° 2024-160 CE du 12 février 2024 et n° 2024-1343 CE du 3 octobre 2024, tout en entendant conserver l'entier bénéfice de ses écritures.

La procédure a été communiquée à la collectivité de Saint-Barthélemy, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme, de l'habitation et de la construction de Saint-Barthélemy ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Crottet, représentant la SAS Oceans's Dream Resort.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Ocean's Dream Resort a déposé le 6 avril 2021 une demande de permis de construire pour la construction d'une villa de cinq chambres, d'un studio indépendant et d'un parking sur un terrain cadastré AL 230, situé au 3, rue de la Colline, à Gustavia. Par une première délibération 2021-966 CE du 2 septembre 2021, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Le 12 novembre 2021, la société Ocean's Dream Resort a formé un recours gracieux contre cette délibération. Par une délibération n° 2022-023 CE du 13 janvier 2022, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a retiré le refus opposé à la société Ocean's Dream Resort et lui a délivré le permis de construire sollicité. La société civile immobilière (SCI) Almosnino, voisine immédiate du projet, a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler cette délibération du 13 janvier 2022. Par la présente requête, la SCI Almosnino demande l'annulation du jugement du 14 décembre 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

3. Aux termes de l'article U 2 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy, applicable dans les zones urbaines UG, UV, UR et URa, à vocation principale d'habitation : " Sont autorisés, à condition que les activités qui sont exercées dans les constructions ne soient pas incompatibles avec la proximité de l'habitat, notamment du fait de leurs nuisances (bruit, odeurs, fumée, poussières, vibrations ...) et de la pollution qu'elles génèrent : / 1) Dans les zones UG (...) / d) Les piscines, dans la limite de 100 mètres carrés par unité foncière. Cette limite n'est pas applicable aux équipements sportifs et aux hôtels. / (...) ".

4. L'édification d'une piscine non couverte est soumise au respect des règles d'urbanisme relatives à l'occupation et à l'utilisation des sols, notamment à celles qui régissent de manière générale l'emprise au sol des constructions, sous réserve des prescriptions propres aux piscines non couvertes. Selon le lexique du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy, qui ne contient pas d'exception applicable aux piscines construites, l'emprise au sol est la surface de la construction calculée à l'extérieur des murs. A ce titre, si le projet litigieux, qui se situe partiellement en zone UG, comportait initialement la réalisation de deux piscines, situées au rez-de-chaussée et au rez-de-jardin, de surfaces de bassin de 20 mètres carrés et 80 mètres carrés, il ressort des pièces du dossier que la superficie totale de ces piscines, calculée à l'extérieur des murs, excédait 100 mètres carrés, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article U 2 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que, par délibération n° 2023-787 CE du 4 juillet 2023, le conseil exécutif de la collectivité de Saint-Barthélemy a délivré un permis de construire modificatif à la société Ocean's Dream Resort, portant " modification du projet initial de Villa de luxe, suite à des ajustements techniques nécessaires à sa réalisation, visant à favoriser une architecture plus traditionnelle et d'en améliorer l'insertion paysagère, notamment par une réduction des volumes, des hauteurs et des surfaces construites du projet ". Ce permis ne prévoit plus que l'édification d'une seule piscine, d'une surface de bassin de 73 mètres carrés, dont l'emprise au sol est inférieure à 100 mètres carrés, permettant ainsi de régulariser le vice tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article U 2 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy. Par suite, et alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué que le permis de construire modificatif délivré le 25 septembre 2024, portant notamment sur la modification de la piscine, aurait apporté de nouvelles modifications sur la superficie de celle-ci, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

5. Aux termes du 2) du II de l'article U 8 du règlement de la carte d'urbanisme, applicable dans les zones UG, UV, UR et URa, à vocation principale d'habitation : " Les lucarnes et les fenêtres de toit sont autorisées. / Les lucarnes doivent être situées dans la partie inférieure de la toiture, sous les 2/3 de la hauteur de la toiture et ne pas occuper plus de la moitié de la largeur du pan de toiture. ". Selon le lexique du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy, les lucarnes ou fenêtres de toit sont des ouvertures de petites tailles construites dans la toiture permettant d'éclairer ou d'aérer les combles.

6. La société requérante soutient que le projet litigieux, tel qu'il a été autorisé par la délibération du 13 janvier 2022, méconnait l'article U 8 précité du règlement de la carte d'urbanisme. Il ressort effectivement des pièces du dossier, que le projet litigieux comprenait initialement, la réalisation, au niveau du bâtiment B, de deux ouvertures de toiture de type " chien-assis ", l'une située sur la façade côté rue et l'autre sur la façade côté mer. Si ces deux ouvertures occupaient moins de la moitié de la largeur du pan de toiture, elles étaient dotées de couvertures en pente inverse de celle de la toiture les faisant se situer au-dessus des deux tiers de la hauteur de celle-ci, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article U 8 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy. Toutefois, il ressort également du permis de construire modificatif mentionné ci-dessus, délivré en cours d'instance d'appel, le 4 juillet 2023, que le bâtiment B du projet ne contient plus d'ouverture de toit sur la façade côté rue et ne prévoit plus, sur la façade côté mer, que deux ouvertures construites, sans couverture en pente inverse, dans la partie inférieure de chaque double-toiture, sous les deux tiers de la hauteur de celles-ci, et occupant moins de la moitié de la largeur du pan de toiture. La société requérante, à qui le permis de construire modificatif a été communiqué, ne soutient pas qu'il n'aurait pas permis de régulariser le vice tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article U 8 du règlement de la carte d'urbanisme de Saint-Barthélemy. Par suite, et alors qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que le permis de construire modificatif délivré le 31 janvier 2024 aurait apporté des modifications sur la largeur des ouvertures de toit qui les feraient occuper plus de la moitié de la largeur du pan de toiture, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent, tel qu'il est soulevé, ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense par la société Ocean's Dream Resort, que la SCI Almosnino n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ocean's Dream Resort, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI Almosnino demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Ocean's Dream Resort sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Almosnino est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Ocean's Dream Resort présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Almosnino, à la société Ocean's Dream Resort et à la collectivité de Saint-Barthélemy.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andreo, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet délégué auprès du représentant de l'Etat dans les collectivités territoriales de Saint-Barthélémy et de Saint Martin en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00758


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00758
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : ATMOS AVOCATS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23bx00758 ?
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