La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/04/2025 | FRANCE | N°23BX00966

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 24 avril 2025, 23BX00966


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Bowling du Bassin a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2100518 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, et

un mémoire complémentaire enregistré le 21 juin 2024, la société à responsabilité limitée Bowling du Bassin, représentée en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Bowling du Bassin a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2100518 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 juin 2024, la société à responsabilité limitée Bowling du Bassin, représentée en dernier lieu par Me Amiel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100518 du 9 février 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, pour un montant total, en droits et pénalités, de 374 560 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les indications données par le service sur la nature des traitements à effectuer sur le fondement de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, trop générales et imprécises, la mettent dans l'incapacité d'évaluer l'ampleur et la nature des investigations et des traitements informatiques à réaliser; le service a réalisé des traitements non prévus dans la demande du 14 novembre 2016, à savoir la comparaison des fichiers de gestion avec les fichiers " roulement de caisse " ; elle a été privée de la possibilité de procéder elle-même aux opérations pour vérifier les résultats obtenus et choisir la procédure de contrôle ;

- alors que l'article L. 47 A, ll-c du livre des procédures fiscales impose à l'administration de communiquer au contribuable le résultat des traitements réalisés qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, il ne lui a pas été laissé le choix de la forme de restitution des résultats des traitements, alors même qu'une restitution sur support informatique aurait simplifié leur examen ;

- alors que le service fait état de pièces saisies lors d'opérations de perquisitions fiscales sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, documents qui figuraient sur un système informatisé, la nature et les résultats des traitements informatiques opérés par le service ne lui ont pas été communiqués en méconnaissance de l'alinéa 3 de l'article L 16 B, VI du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification portant sur l'année 2013 est insuffisamment motivée et méconnait les articles L. 57 alinéa 2 et L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- s'agissant des exercices 2013 et 2014 : l'absence de documents obtenus de tiers, demandés sur le fondement de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales constitue une irrégularité de procédure ;

- l'avis de mise en recouvrement du 15 février 2018 a été adressé en méconnaissance des dispositions des articles L. 256 et R. 256-6 du livre des procédures fiscales, non pas au lieu du siège de la société redressée mais à l'adresse de Mme B... ; compte tenu de cette confusion, elle n'a pas bénéficié pleinement du délai prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales pour formuler une réclamation contentieuse ; le service a méconnu les principes du droit de la défense ;

- s'agissant du rejet de la comptabilité, l'affirmation selon laquelle elle n'aurait présenté aucun justificatif détaillé des recettes journalières est erronée ; elle a justifié des données entrées de chaque activité ; elle a produit les rapports d'activité journaliers pour l'activité de bowling et celle de bar ; la comptabilisation des différentes opérations répond aux exigences comptables et du code du commerce ; la facturation ne comporte aucun trou ; elle a produit les inventaires de stocks ; sa comptabilité était régulière ; l'administration ne démontre pas que des chèques auraient été encaissés par d'autres sociétés ;

- il n'est pas justifié des reconstitutions de recettes au titre des années 2014 et 2015 ;

- le service a procédé à une reconstitution erronée et viciée par la méthode employée ; il retient les montants de chiffres d'affaires à déclarer à taux plein et à taux réduit et en déduit des taux de TVA ce qui révèle une incohérence ;

- les tableurs Excel saisis sont incomplets ; le service aurait dû intégrer le chiffre d'affaires de l'activité billard à ces montants ;

- la reconstitution de recettes comporte des erreurs de calcul ; les rappels de TVA et les rehaussements d'impôts sur les sociétés sur l'année 2014 sont erronés ;

- les pénalités pour manœuvre frauduleuse de 80 % ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 19 septembre 2023 et 2 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société requérante sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 juillet 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Bowling du Bassin, dont le siège social est situé à Gujan-Mestras, exploite une salle de bowlings et de billards et est gérée par Mme B..., qui détient 20 % du capital. Elle a fait l'objet du 29 septembre au 2 décembre 2016, d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Au terme de ce contrôle, qui a donné lieu à deux propositions de rectification, l'une en date du 16 décembre 2016 pour l'année 2013, l'autre en date du 31 juillet 2017 pour les années 2014 et 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés lui ont été réclamés au titre des exercices vérifiés, pour un montant global en droits et pénalités, de 374 561euros. La réclamation formée par la société Bowling du Bassin le 22 octobre 2020 a été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 30 novembre 2020. La société relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. /Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés./ L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. /II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes:/a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; /b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. /Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. Par un courrier du 14 novembre 2016, l'administration a informé la société, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, de son souhait de réaliser des traitements informatiques sur ces systèmes sur le fondement de l'article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales. Ce courrier précisait que l'administration entendait, pour l'ensemble de la période vérifiée, contrôler et valider le chiffre d'affaires déclaré, par analyse des données des caisses à partir des deux logiciels utilisés, l'un pour l'activité de bowling, l'autre pour l'activité de bar, contrôler la cohérence des enregistrements de caisse et valider les taux de TVA appliqués aux produits et prestations. Le courrier présentait ensuite les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ainsi que les attentes de l'administration dans l'hypothèse du choix de l'option c par la contribuable s'agissant des données à extraire des logiciels utilisés. Par suite, l'administration a suffisamment précisé la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support./(...)/ VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies, y compris celles qui procèdent des traitements mentionnés au troisième alinéa, qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. / (...)/ En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui, et sous le contrôle desquels, les opérations sont réalisées. ".

6. Il résulte de l'instruction que suite à sa réponse apportée le 21 novembre 2016 à la demande présentée par l'administration sur le fondement de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales, la société a transmis le 24 novembre 2016 sur une clé USB les fichiers de gestion. Toutefois, à la date d'émission de la proposition de rectification relative à l'année 2013, le 16 décembre 2016, les traitements informatiques étaient toujours en cours. S'agissant des années 2014 et 2015, le service a constaté un défaut de conservation des données et que le regroupement de la totalité du chiffre d'affaires étant regroupé dans un seul compte interdisait toute comparaison des éléments comptables et de gestion par type de prestation. Il résulte surtout de l'instruction que les rectifications en litige reposent, principalement, sur l'exploitation de quatre fichiers informatiques Excel saisis au cours d'une visite domiciliaire effectuée le 24 mars 2016, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de plusieurs sociétés détenues ou gérées par Mme B... et son frère, exploitant de nombreux bowlings sur l'ensemble du territoire national, en vertu d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 mars 2016. L'un de ces fichiers comprenait un suivi des recettes réalisées par jour et par activité par la société Bowling du Bassin, présenté dans douze tableaux informatiques mensuels et dans un tableau récapitulatif annuel. Il résulte de l'instruction, notamment du contenu des propositions de rectification du 16 décembre 2016 et du 31 juillet 2017, que la vérificatrice s'est bornée à consulter ces tableaux par simple lecture et à les comparer aux déclarations de résultats de la société Bowling du Bassin, sans procéder à des traitements informatiques au sens du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Par suite, la société appelante ne peut utilement faire valoir ni que l'administration ne lui a pas laissé le choix des conditions de restitution du résultat des traitements informatiques réalisés sur les fichiers saisis, ni que l'administration ne lui a pas communiqué la nature et le résultat de ces mêmes traitements informatiques.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) /En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

8. Pour l'année 2013, la proposition de rectification du 16 décembre 2016 adressée à la société Bowling du Bassin mentionne les textes applicables, la catégorie d'imposition et les années d'imposition concernées. Elle indique les conditions de déroulement du contrôle, sur le fondement de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales puis de l'article L. 16 V du même livre ainsi que la nature des informations recueillies par l'exercice du droit de communication auprès de cinq organismes bancaires. Elle explique les motifs à l'origine du rejet de la comptabilité et relate les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires d'après les saisies effectuées par la brigade interrégionale d'intervention de Marseille. Il n'est pas contesté qu'elle s'accompagne de 21 annexes, retraçant les crédits et encaissements bancaires. La circonstance qu'à la date de son émission, les traitements informatiques des données obtenues conformément à l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales étaient en cours est sans incidence dès lors qu'il résulte de l'instruction que les rehaussements contestés n'ont pas été fondés sur ces documents mais procèdent des visites domiciliaires. L'administration a ainsi exposé avec une précision suffisante les motifs sur lesquels elle s'est fondée pour calculer la TVA due et soumettre à l'impôt sur les sociétés le bénéfice reconstitué. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

10. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition.

11. En réponse à ses demandes des 17 février et 29 novembre 2017, il n'est pas contesté qu'était joint à la réponse aux observations du 29 novembre 2017 copies des réponses des différents établissements bancaires sollicités dans le cadre de l'exercice du droit de communication, des ordonnances autorisant la perquisition fiscale des locaux visités, des procès-verbaux de visite et de saisie, des procès-verbaux de restitution des originaux des documents saisis, des saisies papier n° 65001 à 65428 correspondant aux fiches recettes de l'année 2015 et des facturettes émises au cours de l'année 2015. Il résulte aussi de l'instruction qu'ont été joints en annexes des propositions de rectification des 16 décembre 2016 et 31 juillet 2017 les tableaux issus du disque dur externe de Mme B.... Alors même que le tableau joint page 135 de la proposition de rectification ne comportait pas mention de l'année 2014, les indications de la proposition de rectification relatives à la numérotation des annexes permettaient sans aucune ambigüité d'en déduire à quels exercices contrôlés se rapportaient les tableaux joints. Si la société appelante invoque la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, précité, au motif que l'administration ne lui a pas transmis les documents TVA Bassin 2013 et 2014, ni les tableaux CA15GM.xls et CA15GMBIS.xls, une telle circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la vérificatrice se serait référée à ces documents pour établir les impositions en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit ainsi être écarté.

12. En cinquième lieu, la société appelante ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les documentations administratives BOI-CF-IOR-60-40-30 et BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40 du 13 décembre 2013, pour contester la régularité de la procédure d'imposition.

13. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l' " ampliation " prévue à l'article R. 256-3 ". Les modalités de notification des avis de mise en recouvrement ainsi prévues constituent une garantie pour le contribuable. Le contribuable ne peut être regardé comme privé de cette garantie, lorsque le pli contenant l'avis de mise en recouvrement a été envoyé à une autre adresse, si ce pli lui est effectivement parvenu.

14. S'il est constant que l'avis de mise en recouvrement du 15 février 2018 a été notifié à l'adresse de Mme B..., à Marseille, et non au siège de la société Bowling du Bassin, à Gujan-Mestras, cette société a cependant, dans le cadre d'un contentieux de l'assiette, contesté, par deux réclamations en date des 20 juillet 2018 et 22 octobre 2020, lesquelles visaient expressément l'avis de mise en recouvrement émis le 15 février 2018 et le joignaient en annexe, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2013, 2014 et 2015. Par suite, dès lors que le pli lui est effectivement parvenu, la société Bowling du Bassin n'a pas été privée d'une garantie et ne peut utilement se prévaloir de ce que les avis de mises en recouvrement concernant les autres sociétés du groupe informel ont été adressés à leur siège social.

15. Dès lors que les règles découlant du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues, la société ne peut utilement invoquer un principe de loyauté en matière de procédure fiscale.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de comptabilité et la charge de la preuve :

16. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité./Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge./Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

17. La société Bowling du Bassin soutient que sa comptabilité était conforme aux dispositions comptables et du code du commerce dès lors qu'elle a été en mesure de justifier, pour chaque activité, des entrées et de l'activité journalière et qu'elle produit une facturation continue et des inventaires de stock. Il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, lors de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté l'absence de caisse enregistreuse, de tickets ou de reçus pour les activités bar et bowling, de système de gestion de l'activité billard. Les rapports d'activité produits par la société ne retracent pas le mode de paiement. Le chiffre d'affaires est relevé manuellement à la fin de chaque journée, sans faire de distinction entre les différentes activités proposées. Tous les produits sont enregistrés sur le même compte " travaux et prestations de service ". Les factures émises comportent des anomalies de numérotation. Aucun inventaire des stocks n'a été présenté au cours du contrôle. D'autre part, la procédure de visite domiciliaire et de saisie diligentée le 24 mars 2016, en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, a révélé l'existence pour chacune des sociétés gérées par Mme B..., d'une double comptabilité tenue à partir de fichiers et tableaux Excel, qui rendent compte des encaissements réels des sociétés contrôlées, et des dissimulations de recettes en raison notamment de l'absence de comptabilisation des recettes en espèces et des minorations substantielles des chiffres d'affaires déclarés. A cet égard, la société appelante ne peut sérieusement soutenir que ces fichiers auraient été élaborés à des fins statistiques, pour des " objectifs commerciaux ". Au vu des anomalies entachant la comptabilité de la société Bowling du Bassin, et alors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir la véracité de ses allégations, la vérificatrice a pu valablement considérer que la comptabilité n'était pas probante et procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires.

18. Sur le terrain de la doctrine, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine BOI-CF-IOR- 10-20 n°80 et 90 du 12 septembre 2012 ni de la doctrine BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 n°1 du 17 mars 2014 qui ne donnent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

19. Pour obtenir la décharge des impositions en litige, il appartient à la société Bowling du Bassin, soit d'établir que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires, suivie par l'administration est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle proposée par le service.

20. La société Bowling du Bassin fait valoir, dans ses dernières écritures, que la méthode de reconstitution utilisée serait erronée et radicalement viciée, dès lors que la vérificatrice, tout en constatant l'absence de distinction comptable des activités et produits soumis respectivement à taux plein et à taux réduit, retient les données déclarées sur les formulaires CA3, et se fonde, pour déterminer les chiffre d'affaires des années 2013 et 2014 sur les montants indiqués dans les tableurs Excel saisis, pourtant incomplets, faute d'intégrer le chiffre d'affaires relatif à l'activité billard. Elle soutient en outre que la vérificatrice a commis des erreurs de calcul s'agissant des trois exercices. Toutefois, en l'absence de comptabilité probante, le service a pu se fonder sur les fichiers Excel saisis dans le cadre des perquisitions précédemment évoquées, qui récapitulaient les chiffres d'affaires réalisés par la société, en réintégrant les différences dues aux minorations de recettes. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2013 et 2014, la vérificatrice a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires à partir de l'exploitation de quatre fichiers informatiques détenus sur les ordinateurs portables de Mme B... et de son frère, M. B..., lesquels ont permis de prendre connaissance des chiffres d'affaires, arrêtés au centime près, réellement réalisés dans toutes les activités, excepté le billard et la facturation de l'emplacement des machines de jeux, des chiffres d'affaires déclarés aux services fiscaux, et du constat dans les deux autres fichiers d'un retraitement des chiffres de recettes journalières, mensuelles et annuelles, mentionnés dans les tableaux pour les faire correspondre aux montants effectivement déclarés à l'administration et correspondant peu ou prou aux paiements des clients par cartes bancaires. La vérificatrice a ainsi retenu des chiffres d'affaires respectifs au titre des années 2013 et 2014 de 727 860 euros et 653 093 euros. S'agissant de l'année 2015, ont été saisies par la brigade interrégionale d'intervention (BII) de Marseille 364 fiches de recettes journalières, précisant le mode de paiement et l'établissement bancaire, ayant opéré l'encaissement par carte bancaire. Leur addition a permis de retenir un chiffre d'affaires au titre de l'année 2015 de 619 334,40 euros toutes taxes comprises. Les taux de TVA de 10 et 20 % ont été appliqués aux chiffres d'affaires dissimulés conformément à la ventilation effectuée par la société sur les montants de chiffres d'affaires effectivement déclarés. Ni les erreurs marginales affectant les montants des chiffres d'affaires initialement déclarés retenus par l'administration, ni l'absence de prise en compte de l'activité " billards ", faute de mention dans les documents exploités, ne sont de nature à établir que la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires de la société appelante serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire, alors qu'au demeurant, de telles circonstances, minorant le chiffre d'affaires effectivement réalisé, se révèlent favorables à la société contrôlée. Dans ces conditions, l'administration, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires des activités de la société Bowling du Bassin, qui n'est pas exagérée.

Sur les pénalités :

21. La société Bowling du Bassin n'apporte aucun élément à l'appui de ses conclusions dirigées contre les pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Elles ne sauraient dès lors être accueillies.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bowling du Bassin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Bowling du Bassin la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bowling du Bassin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bowling du Bassin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera délivrée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 avril 2025.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00966


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00966
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : LOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;23bx00966 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award