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24/04/2025 | FRANCE | N°23BX01324

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 24 avril 2025, 23BX01324


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Bowling des rives d'Arcins a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1 er janvier 2013 et le 31 décembre 2015.



Par un jugement n° 2102848 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e

nregistrée le 16 mai 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 29 janvier 2025, la société à responsabilité limité...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Bowling des rives d'Arcins a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1 er janvier 2013 et le 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2102848 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 29 janvier 2025, la société à responsabilité limitée Bowling des rives d'Arcins, représentée en dernier lieu par Me Amiel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102848 du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1 er janvier 2013 et le 31 décembre 2015, d'un montant total en droits et pénalités, de 623 455 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les indications données par le service sur la nature des traitements à effectuer sur le fondement de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, trop générales et imprécises, la mettent dans l'incapacité d'évaluer l'ampleur et la nature des investigations et des traitements informatiques à réaliser; le service a réalisé des traitements non prévus dans la demande du 14 novembre 2016, à savoir la comparaison des fichiers de gestion avec les fichiers " roulement de caisse " ; elle a été privée de la possibilité de procéder elle-même aux opérations pour vérifier les résultats obtenus et choisir la procédure de contrôle ;

- alors que l'article L. 47 A, ll-c du livre des procédures fiscales impose à l'administration de communiquer au contribuable le résultat des traitements réalisés qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, il ne lui a pas été laissé le choix de la forme de restitution des résultats des traitements, alors même qu'une restitution sur support informatique aurait simplifié leur examen ;

- alors que le service fait état de pièces saisies lors d'opérations de perquisitions fiscales sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, documents qui figuraient sur un système informatisé, la nature et les résultats des traitements informatiques opérés par le service ne lui ont pas été communiqués en méconnaissance de l'alinéa 3 de l'article L. 16 B, VI du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification portant sur l'année 2013 est insuffisamment motivée et méconnait les articles L. 57 alinéa 2 et L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- s'agissant du rejet de la comptabilité, l'affirmation selon laquelle elle n'aurait présenté aucun justificatif détaillé des recettes journalières est erronée ; elle a justifié des données entrées de chaque activité ; elle a produit les rapports d'activité journaliers pour l'activité de bowling et celle de bar ; les écarts entre les données issues des logiciels de gestion et le compte 411 " clients divers " s'expliquent d'une part par des erreurs du service de retranscriptions du chiffre d'affaires billard et d'autre part par les encaissements d'acomptes sur anniversaire qui ne figurent pas dans le tableau fourni par le service ; le compte 4111 reflète les mouvements quotidiens enregistrés TTC ; la comptabilisation des différentes opérations répond aux exigences comptables et du code du commerce ; la facturation ne comporte aucun trou ; elle a produit les inventaires de stocks ; sa comptabilité était régulière ; l'administration ne démontre pas que des chèques auraient été encaissés par d'autres sociétés ; aucune date ne figure sur les documents communiqués par le service ;

- il n'est pas justifié des reconstitutions de recettes au titre des années 2014 et 2015 ; s'agissant de l'exercice 2014, le fichier CA1433BIS.xls ne comporte aucune information permettant une reconstitution de recettes ; s'agissant de l'exercice 2015, la reconstitution de recettes ne peut se baser tantôt sur un tableur Excel tantôt sur des fiches tenues manuellement retranscrites sur un tableur par le service lui-même, de plus incomplètes ;

- les pénalités pour manœuvre frauduleuse de 80 % ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense enregistrés les 27 septembre 2023 et 12 février 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas fait l'objet de communication, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la demande présentée en première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- les moyens soulevés par la société requérante sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Par une ordonnance du 29 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 mars 2025 à 12h00.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1.La société à responsabilité limitée Bowling des rives d'Arcins, dont le siège social est situé à Bègles, exploite une salle de bowlings et de billards et est gérée par Mme B.... Elle a fait l'objet du 5 avril 2016 au 28 juin 2017, d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. Au terme de ce contrôle, qui a donné lieu à deux propositions de rectification, l'une en date du 16 décembre 2016 pour l'année 2013, l'autre en date du 31 juillet 2017 pour les années 2014 et 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés au titre des périodes vérifiées, pour un montant global en droits et pénalités, de 623 455 euros. La réclamation formée par la société Bowling des rives d'Arcins le 16 octobre 2020 a été rejetée par une décision de l'administration fiscale du 25 novembre 2020. La société relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I. Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. /Le premier alinéa du présent article s'applique également aux fichiers des écritures comptables de tout contribuable soumis par le code général des impôts à l'obligation de tenir et de présenter des documents comptables autres que ceux mentionnés au premier alinéa du même article 54 et dont la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés./ L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. /II. En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes:/a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; /b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. /Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. Par un courrier du 14 novembre 2016, l'administration a informé la société, qui tenait sa comptabilité au moyen de systèmes informatisés, de son souhait de réaliser des traitements informatiques sur ces systèmes sur le fondement de l'article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales. Ce courrier précisait que l'administration entendait, pour l'ensemble de la période vérifiée, contrôler et valider le chiffre d'affaires déclaré, par analyse des données des caisses à partir des deux logiciels utilisés, l'un pour l'activité de bowling, l'autre pour l'activité de bar, contrôler la cohérence des enregistrements de caisse et valider les taux de TVA appliqués aux produits et prestations. Le courrier présentait ensuite les trois possibilités prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ainsi que les attentes de l'administration dans l'hypothèse du choix de l'option c par la contribuable s'agissant des données à extraire des logiciels utilisés. Par suite, l'administration a suffisamment précisé la nature des investigations qu'elle souhaitait effectuer afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. (...) / VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies, y compris celles qui procèdent des traitements mentionnés au troisième alinéa, qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47. / (...)/ En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui, et sous le contrôle desquels, les opérations sont réalisées. ".

6. Il résulte de l'instruction que suite à sa réponse apportée le 21 novembre 2016 à la demande présentée par l'administration sur le fondement de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales, la société lui a transmis le 24 novembre 2016 sur une clé USB les fichiers de gestion. Toutefois, à la date d'émission de la proposition de rectification relative à l'année 2013, le 16 décembre 2016, les traitements informatiques étaient toujours en cours. S'agissant des années 2014 et 2015, le service a constaté un défaut de conservation des données et que le regroupement de la totalité du chiffre d'affaires étant regroupé dans un seul compte interdisait toute comparaison des éléments comptables et de gestion par type de prestation. Il résulte surtout de l'instruction que les rectifications en litige reposent, principalement, sur l'exploitation de sept fichiers informatiques Excel, portant sur les trois exercices vérifiés, saisis au cours d'une visite domiciliaire effectuée le 24 mars 2016, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de plusieurs sociétés détenues ou gérées par Mme B... et son frère, exploitant de nombreux bowlings sur l'ensemble du territoire national, en vertu d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 mars 2016. Certains de ces fichiers comprenaient un suivi des recettes réalisées par jour et par activité par la société Bowling des rives d'Arcins, présenté dans douze tableaux informatiques mensuels et dans un tableau récapitulatif annuel. D'autres fichiers avaient la même présentation en distinguant les activités bowling et billards et indiquant les versements en espèces calculés, une fois soustraits les montants payés par carte bancaire, chèque, chèque cadeaux et les règlements différés. 365 fiches de recettes journalières relatives à l'année 2013 et 364 fiches relatives à l'année 2015 ont également été saisies, comportant la mention des recettes, des offerts, des dépenses en espèces et indiquant dans la colonne " recettes ", le montant du total perçu dans la journée ainsi que le type de règlement (espèces, chèque, carte bancaire). Il résulte de l'instruction, notamment du contenu des propositions de rectification du 16 décembre 2016 et du 31 juillet 2017, que la vérificatrice s'est bornée soit à analyser les fiches recettes journalières, soit à consulter les tableaux, contenus dans des fichiers informatiques, par simple lecture et à les comparer aux déclarations de résultats de la société Bowling des rives d'Arcins, sans procéder à des traitements informatiques au sens du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Par suite, la société appelante ne peut utilement faire valoir ni que l'administration ne lui a pas laissé le choix des conditions de restitution du résultat des traitements informatiques réalisés sur les fichiers saisis, ni que l'administration ne lui a pas communiqué la nature et le résultat de ces mêmes traitements informatiques.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".

8. Il résulte de ce qui précède que, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à l'exercice 2013, la procédure de rectification contradictoire a été mise en œuvre. La proposition de rectification du 16 décembre 2016 adressée à la société Bowling des rives d'Arcins mentionne les textes applicables, la catégorie d'imposition et les années d'imposition concernées. Elle indique les conditions de déroulement du contrôle, sur le fondement de l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales puis de l'article L. 16 V du même livre ainsi que la nature des informations recueillies par l'exercice du droit de communication auprès de six organismes bancaires. Elle explique les motifs à l'origine du rejet de la comptabilité et relate les modalités de reconstitution du chiffre d'affaires d'après les saisies effectuées par la brigade interrégionale d'intervention de Marseille. Il n'est pas contesté qu'elle s'accompagne de 44 feuilles annexes, comprenant notamment le tableau de rapprochement entre les fiches recettes et les sommes inscrites en comptabilité. La circonstance qu'à la date de son émission, les traitements informatiques des données obtenues conformément à l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales étaient en cours est sans incidence dès lors qu'il résulte de l'instruction que les rehaussements contestés n'ont pas été fondés sur ces documents mais procèdent des visites domiciliaires. L'administration a ainsi exposé avec une précision suffisante les motifs sur lesquels elle s'est fondée pour calculer la TVA due et soumettre à l'impôt sur les sociétés le bénéfice reconstitué. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

9. En quatrième lieu, la société appelante ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les documentations administratives BOI-CF-IOR-60-40-30 et BOI-BIC-DECLA-30-10-20-40 du 13 décembre 2013, pour contester la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de comptabilité et la charge de la preuve :

10. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité./Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. /Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. ".

11. La société Bowling des rives d'Arcins soutient que sa comptabilité était conforme aux dispositions comptables et du code du commerce dès lors qu'elle a été en mesure de justifier, pour chaque activité, des entrées et de l'activité journalière et qu'elle produit une facturation continue et des inventaires de stock. Il résulte toutefois de l'instruction que, d'une part, lors de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté l'absence de caisse enregistreuse, de tickets ou de reçus pour les activités bar et bowling, de système de gestion de l'activité billard. Les rapports d'activité produits par la société ne retracent pas le mode de paiement. Le chiffre d'affaires est enregistré mensuellement à la fin de chaque journée, sans faire de distinction entre les différentes activités proposées. Tous les produits sont enregistrés sur le même compte " travaux et prestations de service ". Les factures émises comportent des anomalies de numérotation. Aucun inventaire des stocks n'a été présenté au cours du contrôle. D'autre part, la procédure de visite domiciliaire et de saisie diligentée le 24 mars 2016, en application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, a révélé l'existence pour chacune des sociétés gérées par Mme B..., d'une double comptabilité tenue à partir de fichiers et tableaux Excel, qui rendent compte des encaissements réels des sociétés contrôlées, et des dissimulations de recettes en raison notamment de l'absence de comptabilisation de toutes les recettes perçues en espèces ou par chèques et des minorations substantielles des chiffres d'affaires déclarés. Au vu des anomalies entachant la comptabilité de la société Bowling des rives d'Arcins, et alors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir la véracité de ses allégations, la vérificatrice a pu valablement considérer que la comptabilité n'était pas probante et procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires.

12. Sur le terrain de la doctrine, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine BOI-CF-IOR- 10-20 n°80 et 90 du 12 septembre 2012 ni de la doctrine BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 n°1 du 17 mars 2014 qui ne donnent pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

13. Pour obtenir la décharge des impositions en litige, il appartient à la société Bowling des rives d'Arcins, soit d'établir que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires, suivie par l'administration est excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe, soit de proposer une méthode de reconstitution plus précise que celle proposée par le service.

14. La société Bowling des rives d'Arcins fait valoir que la méthode de reconstitution utilisée serait erronée, dès lors que la vérificatrice se fonde, pour déterminer le chiffre d'affaires de l'année 2014, sur un fichier ne comportant aucune information et s'agissant de l'année 2015, sur une méthode tenant compte à la fois d'un tableur Excel et de fiches incomplètes tenues manuellement et retranscrites sur un tableur par le service lui-même. En l'absence de comptabilité probante, le service a pu se fonder à bon droit sur les fichiers Excel saisis dans le cadre des perquisitions précédemment évoquées, qui récapitulaient les chiffres d'affaires réalisés par la société, en réintégrant les différences dues aux minorations de recettes. Il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2014, la vérificatrice a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires à partir de l'exploitation de deux fichiers informatiques détenus sur le disque dur externe de Mme B..., lesquels ont permis de prendre connaissance du chiffre d'affaires réellement réalisé au centime près dans toutes les activités, excepté le billard et la facturation de l'emplacement des machines de jeux, d'un montant de 1 685 543,80 euros. S'agissant de l'année 2015, ont été saisies par la brigade interrégionale d'intervention (BII) de Marseille 364 fiches de recettes journalières, précisant le mode de paiement et l'établissement bancaire, ayant opéré l'encaissement par carte bancaire. La société appelante ne peut sérieusement soutenir que ces fichiers auraient été élaborés à des fins statistiques, pour des " objectifs commerciaux ". Leur addition a permis de retenir un chiffre d'affaires au titre de l'année 2015 de 1 408 135,50 euros toutes taxes comprises, entraînant un rehaussement de 493 270 euros. Dans ces conditions, l'administration, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires des activités de la société Bowling des rives d'Arcins, qui n'est pas exagérée.

Sur les pénalités :

15. La société Bowling des rives d'Arcins n'apporte aucun élément à l'appui de ses conclusions dirigées contre les pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Elles ne sauraient dès lors être accueillies.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Bowling des rives d'Arcins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Bowling des rives d'Arcins la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1 er : La requête de la société Bowling des rives d'Arcins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bowling des rives d'Arcins et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 avril 2025.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01324
Date de la décision : 24/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : LOUP

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-24;23bx01324 ?
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