Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Numissima Angoulême a demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, de prononcer la décharge du rappel de taxe sur les métaux précieux mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2018 ainsi que de la majoration de l'article 1761 du code général des impôts et des pénalités y afférentes et, d'autre part, de prononcer la décharge de la cotisation de contribution à la réduction de la dette sociale à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2015 au 31 mars 2018 ainsi que des pénalités.
Par un jugement n° 2101780 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mai 2023 et 26 janvier 2024, la SARL Numissima Angoulême, représentée par Me Zimbris, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 mars 2023 ;
2°) de prononcer la décharge du rappel de la taxe sur les métaux précieux en droit et pénalités auquel elle a été assujettie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'exonération de taxe sur les métaux précieux prévue par le 4° de l'article 150 VJ du code général des impôts pour les bijoux et assimilés dont le prix de cession unitaire est inférieur à 5 000 euros dès lors que, d'une part, elle établit que les pièces d'or qu'elle a acquises ont, du fait de leur prix d'achat, la nature de jetons ou de refrappes et non de pièces de monnaie originales et, d'autre part, que les jetons ou refrappes et médailles qu'elle a acquis entrent nécessairement dans la catégorie des bijoux et assimilés au sens de l'article 150 VI du même code, en application de la doctrine administrative, et non dans la catégorie des métaux précieux ; enfin, les refrappes ne peuvent correspondre à la définition fiscale de l'or d'investissement dès lors que ces pièces n'ont jamais eu cours légal dans leur pays d'origine et ne peuvent donc pas être qualifiées de support d'investissement assimilable à des métaux précieux ;
- dès lors que c'est à tort que l'administration fiscale a soumis à la taxe sur les matériaux précieux les cessions de médailles et refrappes, qu'elle a acquises pour un prix unitaire inférieur à 5 000 euros, elle ne pouvait régulièrement lui appliquer l'amende de 25 % prévue au 2° de l'article 1761 du code général des impôts pour les infractions aux articles 150 VI à 150 VM du même code.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 novembre 2023 et 29 octobre 2024, ce dernier non communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Zimbris-Golleau, représentant la société Numissima Angoulême.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Numissima Angoulême exerce une activité d'achat auprès de particuliers de pièces d'or et d'argent, de bijoux et de débris de bijoux, qu'elle revend au comptoir général des métaux précieux lorsque les marchandises sont destinées à la fonte et à la société Numissima Bordeaux pour les pièces dépourvues de défaut majeur. En 2019, elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a assujettie à des rappels de taxe forfaitaire sur les ventes de métaux précieux, de bijoux, d'objets d'art, de collection et d'antiquité, prévue à l'article 150 VI du code général des impôts, au titre de la période allant du 1er juillet 2015 au 31 mai 2018, assortie de l'amende de 25 % prévue à l'article 1761 du même code. Par la présente requête, la société Numissima Angoulême relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette taxe, des intérêts de retard et des pénalités correspondantes, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée au titre de cette même période.
Sur le bien-fondé de la taxe en litige :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes du I de l'article 150 VI du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux (...) : 1° De métaux précieux ; / 2° De bijoux, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité ". Selon l'article 150 VJ de ce même code : " Sont exonérées de la taxe : (...) 4° Les cessions (...) des biens mentionnés au 2° du I de l'article 150 VI lors que le prix de cession (...) n'excède pas 5 000 euros ". Les bijoux, au sens et pour l'application de ces dispositions, s'entendent des objets ouvragés, précieux par la matière ou par le travail, destinés à être portés à titre de parure, y compris lorsqu'ils ne sont pas composés de métaux précieux.
3. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a soumis à la taxe des métaux précieux l'ensemble des marchandises d'une teneur en or ou en argent supérieure à 500/1000° dénommées débris ou déchets, portés dans le champ " object " ou " produits " du livre de police de la société, à l'exception des déchets ou débris expressément désignés comme provenant de bijoux, ainsi que l'ensemble des marchandises dénommées " pièces " dans le champ " object " ou en présentant les caractéristiques dans le champ " produits ". La société Numissima Angoulême soutient que l'intégralité des pièces d'or qu'elle a acquises et revendues au cours des exercices vérifiés correspondait à des copies de pièces de monnaie démonétisées, appelées " Jetons " ou " Refrappes ", et à des médailles ne pouvant qu'être qualifiées de bijoux, dont la vente est exonérée de taxe à concurrence de 5 000 euros. Toutefois, la société n'apporte au soutien de ses allégations aucune preuve. Si elle fait valoir que le prix d'achat des " Jetons " ou " Refrappes " est inférieur à celui d'une pièce originale, cette circonstance ne suffit pas à établir que la société aurait exclusivement acquis des " Jetons " ou " Refrappes " dès lors que, comme l'a relevé le vérificateur, le prix d'achat ne peut présumer de la valeur intrinsèque d'une pièce. En outre, et en tout état de cause, les pièces d'or et les médailles ne peuvent être qualifiées de bijoux au sens des dispositions de l'article 150 VI du code général des impôts précitées. Elles ne répondent pas davantage à la définition d'objet d'art, de collection ou d'antiquité dès lors qu'elles ne satisfont pas aux critères de rareté et d'ancienneté. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'exonération prévue par les dispositions du 4° de l'article 150 VJ de ce même code.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
4. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
5. La société requérante se prévaut des énonciations des paragraphes n° 20, 30, 50 et 60 de la doctrine administrative publiée le 23 avril 2013, sous la référence BOI-RPPM-PVBMC-20-10, selon lesquelles " Les métaux précieux sont définis par la législation qui leur est propre. Il s'agit, en pratique, des articles suivants : -or, (...) - monnaies d'or et d'argent postérieures à 1800. Les autres monnaies d'or et d'argent sont considérées comme des objets de collection / Pour l'application de la taxe, ces articles sont à retenir qu'ils soient à l'état natif, à l'état brut (barres, masses, lingots), à l'état de produits semi-ouvrés (feuilles, poudre, plaques, fils, tubes), ou à l'état de résidus. Les alliages à retenir sont ceux dont le métal précieux représente une part essentielle par rapport aux métaux d'addition " et, au titre des " Bijoux et assimilés ", " il s'agit notamment des articles suivants : (...) -autres ouvrages en métaux précieux. / Les objets d'or et d'argent travaillés sont classés parmi les bijoux et assimilés, par analogie avec la bijouterie, et ne relèvent donc pas de la catégorie des métaux précieux. Cette règle comporte toutefois une exception : les monnaies d'or et d'argent sont considérées soit comme des métaux précieux lorsqu'elles sont postérieures à 1800, soit comme des objets de collection lorsqu'elles sont antérieures à cette date ".
6. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a extourné des marchandises soumises à la taxe sur les métaux précieux les pièces de " 10 dollards-or " et les " Ecu argent " à titre de bienveillance, l'administration ayant considéré, en dépit de toute précision, qu'elles avaient été émises avant 1800. En se bornant à soutenir que les pièces d'or et médailles qu'elle a acquises entraient nécessairement dans la catégorie de bijoux et assimilés en application de la doctrine administrative, elle ne l'établit pas et ni le registre de police, ni les factures, ni la comptabilité de la société ne distinguaient les pièces antérieures à 1800 de celles postérieures à cette même année. Elle ne démontre pas davantage qu'il s'agirait de médailles et de refrappes. La société n'est donc pas davantage fondée, en se prévalant de l'interprétation de la loi fiscale, à obtenir la décharge du rappel de taxe sur les métaux précieux auquel elle a été assujettie.
Sur le bien-fondé de l'amende en litige :
7. Aux termes de l'article 1761 du code général des impôts : " Entraînent l'application d'une amende égale à 25 % du montant des droits éludés : (...) 2. Les infractions aux articles 150 VI à 150 VM ".
8. La société Numissima Angoulême ayant appliqué, à tort, l'exonération prévue par le 4° de l'article 150 VJ du code général des impôts, elle n'est pas fondée à contester l'application par l'administration fiscale de l'amende prévue par les dispositions précitées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Numissima Angoulême n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Numissima Angoulême est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Numissima Angoulême et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01432