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13/06/2019 | FRANCE | N°16DA00518

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 16DA00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe (CREA), aux droits de laquelle est venue la métropole Rouen Normandie, a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement les sociétés Systra, Attica, Artefact, Bureau d'études Bailly, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, venue aux droits de la société Devaux, à lui verser les sommes de 1 085 858,28 euros hors taxes au titre de la réparation des désordres, 49 477,16 euros toutes taxes comprises au titre des fr

ais d'expertise et frais d'huissiers et 159 382,56 euros au titre des inté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté d'agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe (CREA), aux droits de laquelle est venue la métropole Rouen Normandie, a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement les sociétés Systra, Attica, Artefact, Bureau d'études Bailly, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, venue aux droits de la société Devaux, à lui verser les sommes de 1 085 858,28 euros hors taxes au titre de la réparation des désordres, 49 477,16 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise et frais d'huissiers et 159 382,56 euros au titre des intérêts bancaires, à défaut, de condamner individuellement les sociétés susmentionnées à l'indemniser d'une partie de cette somme à proportion de leur part de responsabilité respective telle qu'évaluée par le rapport d'expertise du 17 mai 2004, et, en tout état de cause, de condamner la société Systra, en sa qualité de mandataire, au paiement solidaire des sommes au versement desquelles les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre seront condamnés, et la société Eurovia Normandie, en sa qualité de mandataire, au paiement des sommes au versement desquelles les membres du groupement Eurovia-Devaux ainsi que les sous-traitants seront condamnés.

Par un jugement n° 1200916 du 12 janvier 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 11 mars et 19 avril 2016, et des mémoires, enregistrés les 10 mai 2016, 30 octobre 2018 et 30 novembre 2018, la métropole Rouen Normandie, venant aux droits de la communauté d'agglomération rouennaise et de la communauté d'agglomération Rouen Elbeuf Austreberthe, représentée par Me M...J..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Systra, Attica, Artefact, Bureau d'études Bailly, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, venue aux droits de la société Devaux, à lui verser les sommes de 1 085 858,28 euros hors taxes au titre de la réparation des désordres, outre la taxe sur la valeurs ajoutée, 49 477,16 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise et frais d'huissiers et 159 382,56 euros au titre des intérêts bancaires, à parfaire au regard des nouveaux dommages constatés, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2012, capitalisés à compter du 30 avril 2014, à défaut, de condamner individuellement les sociétés susmentionnées à l'indemniser d'une partie de ces sommes, à proportion de leur part de responsabilité respective telle qu'évaluée par le rapport d'expertise du 17 mai 2004, et, en tout état de cause, de condamner la société Systra, en sa qualité de mandataire, au paiement solidaire des sommes au versement desquelles les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre seront condamnés, et la société Eurovia Normandie, en sa qualité de mandataire, au paiement des sommes au versement desquelles seront condamnés les membres du groupement Eurovia-Devaux, ainsi que les sous-traitants ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Systra, Attica, Artefact, Bureau d'études Bailly, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me K...E..., représentant la métropole Rouen Normandie, celles de Me C...H..., représentant Me F...A...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly, celles de Me L...N..., représentant la société Systra, celles de Me I...B..., représentant la société Eurovia Normandie, et celles de Me D...G..., représentant la société Colas Ile-de-France Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de transport est-ouest rouennais (TEOR), la communauté d'agglomération rouennaise, aux droits de laquelle est venue la communauté d'agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe, et aux droits de laquelle vient la métropole Rouen Normandie, a lancé un programme de construction de trois nouvelles lignes de transport public sur son territoire. La maîtrise d'oeuvre de ce programme, hors pôle d'échange, a été confiée au groupement d'entreprises solidaires composé de la société Systra, mandataire du groupement, et des sociétés Sogelerg, Attica, Artefact, Bureau d'études Bailly et Outside, par un marché conclu le 2 avril 1998. La fourniture et la mise en oeuvre de la structure de la voirie, qui constituaient le lot n°1, ont été reparties par secteurs géographiques, entre différents groupements d'entreprises. Par un marché notifié le 30 décembre 1999, la réalisation de la voirie du secteur A, correspondant à la route de Dieppe à Déville-lès-Rouen, a été confiée à un groupement conjoint, composé de la société Eurovia Normandie, mandataire, et de la société Devaux, aux droits de laquelle vient la société Colas Ile-de-France Normandie, qui ont sous-traité une partie des travaux aux sociétés Spapa, devenue Asten, et SNTPP. Ce marché prévoyait, notamment, la pose, aux bords des voiries existantes, de séparateurs de voies en granit franchissables, la pose de bandes structurantes composées de dalles de granit et la pose, en guise de têtes d'îlots, de dalles de granit délimitant la plateforme TEOR aux abords des carrefours avec la circulation générale. Le 9 novembre 2001, la plateforme du lot n°1 puis la totalité de ce lot ont fait l'objet d'une réception partielle assortie de réserves avec effet, respectivement, au 9 février et au 21 mai 2001. Ces réserves portaient notamment sur les séparateurs de voies, les têtes d'îlots et les bandes structurantes. Le maître d'oeuvre a, en outre, mis en demeure le groupement d'entreprises de proposer une méthode de réparation des séparateurs sous dix jours, à peine de voir les travaux réalisés à ses frais et risques. En l'absence de réparation des désordres dans les délais prescrits, la communauté d'agglomération a saisi le président du tribunal administratif de Rouen d'une requête en référé expertise. L'expert, désigné par ordonnance du 18 mars 2002, a déposé son rapport le 17 mai 2004. Puis, par un marché conclu le 6 juillet 2005, la communauté d'agglomération a confié les travaux de réfection des séparateurs de voies et têtes d'îlots des communes de Déville-lès-Rouen et de Maromme à la société Colas Ile-de-France Normandie, venue aux droits de la société Devaux. Estimant que les désordres s'étaient aggravés, la communauté d'agglomération a, ensuite, présenté de nouvelles requêtes en référé devant le tribunal administratif de Rouen aux fins de faire constater l'étendue de ces aggravations par l'expert, qui a rendu quatre rapports d'expertise, dont le dernier est daté du 27 mars 2009, et a également fait constater par un huissier de justice, entre 2007 et 2011, les nouvelles dégradations affectant les séparateurs de voies. La métropole Rouen Normandie relève appel du jugement du 12 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation des sociétés chargées de la maîtrise d'oeuvre et de l'exécution des travaux à l'indemniser de l'ensemble des coûts résultant des désordres affectant les séparateurs de voies, les têtes d'îlots et les bandes structurantes constatés par l'expert.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. En se bornant à alléguer dans sa requête sommaire que le jugement attaqué " est entaché d'un vice de légalité externe tenant à l'insuffisance de sa motivation au regard des moyens développés par les parties ", sans développer ce moyen ni dans son mémoire complémentaire, comme elle l'avait pourtant annoncé, ni, au demeurant, dans ses autres mémoires, la métropole Rouen Normandie ne l'assortit pas des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la responsabilité contractuelle des constructeurs :

Quant aux entrepreneurs :

3. Aux termes de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG) approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976, auquel renvoie, sans y déroger, le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " (...) 41.3 Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. / A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre sont considérées comme acceptées. / La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. / (...) 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur. / (...) ". Aux termes de l'article 42 du même cahier : " (...) Les dispositions de l'article 41 s'appliquent aux réceptions partielles, sous réserve des 3 et 4 du présent article. / (...) 42.3. Pour les tranches de travaux, ouvrages ou parties d'ouvrages ayant donné lieu à une réception partielle, le délai de garantie court, sauf stipulation différente du CCAP, à compter de la date d'effet de cette réception partielle. (...) ". Aux termes de l'article 44 du même cahier : " Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception (...). Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : / a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux 5 et 6 de l'articles 41 ; / b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; / c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément au CCAP ; / d) Remettre au maître d'oeuvre les plans des ouvrages conformes à l'exécution dans les conditions précisées à l'article 40. / 44.2. Prolongation du délai de garantie : / Si, à l'expiration du délai de garantie, l'entrepreneur n'a pas procédé à l'exécution des travaux et prestations énoncés au 1 du présent article ainsi qu'à l'exécution de ceux qui sont exigés, le cas échéant, en application de l'article 39, le délai de garantie peut être prolongé par décision de la personne responsable du marché jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations, que celle-ci soit assurée par l'entrepreneur ou qu'elle le soit d'office conformément aux stipulations du 6 de l'article 41. ". L'article 10 du cahier des clauses administratives particulières, qui complète les articles 44 et 45 du CCAG sans y déroger, confirme que " la date de réception des prestations du présent marché constitue la date origine du délai de garantie de parfait achèvement " et que " cette garantie s'achève douze mois après la date de réception des ouvrages ou parties d'ouvrages (...) ".

4. D'une part, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. D'autre part, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l'ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même, en ce qui concerne les réserves faites à l'occasion de cette réception. Les désordres qui apparaissent pendant cette période sont également couverts par la garantie de parfait achèvement. Lorsque des travaux ou prestations sont rendus nécessaires par les désordres ayant donné lieu à des réserves de la part du maître de l'ouvrage lors de la réception et que ces travaux ou prestations ne sont pas exécutés, les relations contractuelles se poursuivent au-delà de l'expiration du délai de garantie, même lorsqu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure de prolongation, tant que les réserves n'ont pas été levées.

5. Il résulte de l'instruction que la réception de l'ouvrage en litige, en ce qui concerne le secteur A, est intervenue en deux temps. D'une part, le 9 novembre 2001, sont intervenues deux réceptions partielles, assorties de réserves portant notamment sur les malfaçons affectant alors une partie des séparateurs de voies, des têtes d'îlots et des bandes structurantes, formulées lors des opérations préalables de réception des 9 février et 6 juin 2001. Ces réceptions partielles ont, respectivement, pris effet au 9 février 2001 pour la partie " plateforme " du lot n° 1 et les lots n° 4 et 7, et au 21 mai 2001 pour le surplus du lot n° 1 et les lots n° 0, 5, 6 et 9. D'autre part, le 6 décembre 2007, est intervenue la réception sans réserve de l'ensemble des lots n° 0, 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, avec effet au 15 février 2003. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la réception partielle des travaux, le 9 novembre 2001, a eu pour conséquence de mettre fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne les parties de l'ouvrage réceptionnées qui ne faisaient pas l'objet de réserves. Toutefois, pour les parties de l'ouvrage ayant donné lieu à des réserves, affectées par les désordres objets du litige, les rapports contractuels de droit commun n'ont pas cessé tant que ces réserves n'étaient pas levées. En outre, cette même réception partielle a eu pour effet de déclencher la garantie de parfait achèvement d'un an à compter de la date d'effet retenue, soit, en l'espèce, les 9 février et 21 mai 2001, pour les parties d'ouvrage ayant fait l'objet de réserves. La garantie de parfait achèvement aurait dû, par suite, expirer le 9 février 2002 ou le 21 mai 2002, suivant les parties de l'ouvrage concernées. Cependant, dès lors que, malgré une mise en demeure du maître de l'ouvrage, les travaux de réfection n'étaient pas exécutés avant la date d'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement, ce délai a été prolongé jusqu'à l'exécution complète de ces travaux et la levée des réserves, par une décision du maître de l'ouvrage du 25 janvier 2002 notifiée au groupement des entrepreneurs.

6. Il résulte également de l'instruction qu'en réceptionnant, le 6 décembre 2007, sans aucune réserve, l'ensemble des lots n° 0, 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, avec effet au 15 février 2003, alors qu'elle avait entamé de nombreuses démarches visant à faire constater les désordres qu'elle invoque entre ces deux dates et que l'expert avait rendu son rapport le 17 mai 2004, le maître d'ouvrage doit être regardé comme ayant expressément levé, au 15 février 2003, les réserves émises lors de la réception du 9 novembre 2001 sur les parties de l'ouvrage affectées par les désordres en litige, sans qu'il ne puisse utilement soutenir qu'il s'agirait d'une seconde réception prohibée des mêmes parties de l'ouvrage. Ainsi, les rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs, qui avaient perduré, s'agissant des parties de l'ouvrage ayant donné lieu à des réserves lors de la réception du 9 novembre 2001, ainsi qu'il a été dit au point 5, ont cessé à la date d'effet de la réception du 6 décembre 2007, fixée rétroactivement au 15 février 2003. C'est par conséquent également à cette dernière date qu'a expiré la garantie de parfait achèvement pour les parties de l'ouvrage qui avaient fait l'objet de réserves en 2001 et pour lesquelles le délai de la garantie de parfait achèvement avait été prolongé par le maître d'ouvrage, ainsi qu'il a été dit au point 5. Par suite, est sans influence la circonstance que des travaux de reprise des séparateurs de voies, des têtes d'îlots et des bandes structurantes ont été exécutés au vu des conclusions de l'expert postérieurement à cette date et même postérieurement au 6 décembre 2007. En outre, et en tout état de cause, dès lors que la métropole Rouen Normandie a choisi de fixer rétroactivement la date d'effet de la réception sans réserve de l'ensemble des lots au 15 février 2003, et donc de lever à cette date les réserves encore pendantes pour les parties de l'ouvrage concernées, alors qu'elle avait, postérieurement à cette date, fait effectuer des travaux de réfection et poursuivi les constats des dégradations qu'elle invoque, et nonobstant la circonstance tirée de ce que la réalité des désordres était connue tant du maître de l'ouvrage que des constructeurs lors de la levée des réserves, elle ne peut plus utilement faire valoir qu'elle aurait quand même entendu rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs ultérieurement. Elle ne peut pas non plus utilement soutenir que la date du 15 février 2003 correspond à l'achèvement de travaux du lot n° 8, qui sont relatifs aux espaces verts et donc étrangers aux travaux du lot n° 1 en litige, dès lors que le procès-verbal de réception du 6 décembre 2007 fait expressément référence au lot n° 1 et non seulement au lot n° 8. Enfin, il résulte de l'instruction qu'aucun désordre d'une autre nature que ceux existant à la date de la réception en 2001, et qui avaient fait l'objet de réserves, n'a été signalé dans le délai de la garantie de parfait achèvement. Compte tenu de ce qui précède, la métropole Rouen Normandie ne peut plus rechercher la responsabilité contractuelle des entrepreneurs, y compris au titre de la garantie de parfait achèvement.

Quant au maître d'oeuvre :

7. D'une part, la responsabilité contractuelle des sociétés chargées de la maîtrise d'oeuvre ne peut plus être recherchée, par la métropole Rouen Normandie, pour les fautes qu'elles auraient commises dans la conception, la direction ou la surveillance des travaux après la levée des réserves de la partie de l'ouvrage affectée de désordres, fixée, pour les motifs exposés aux points 5 et 6, au 15février 2003.

8. D'autre part, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier. En se bornant à rappeler ce principe, la métropole Rouen Normandie n'établit pas en quoi les sociétés chargées de la maîtrise d'oeuvre auraient, en l'espèce, manqué à leur devoir de conseil lors des opérations de réception et n'assortit, ainsi, pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il ne peut, par suite, qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que la métropole Rouen Normandie n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs, y compris au titre de la garantie de parfait achèvement des entrepreneurs.

S'agissant de la responsabilité décennale des constructeurs :

10. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

11. Les sociétés défenderesses font valoir, comme devant les premiers juges, que la métropole Rouen Normandie n'est pas fondée à rechercher leur responsabilité décennale dès lors que les désordres en litige présentaient un caractère apparent à la date de réception de l'ensemble de l'ouvrage le 6 décembre 2007.

12. Il résulte de l'instruction que, pour les parties de l'ouvrage n'ayant pas fait l'objet de réserves lors de la réception du 9 novembre 2001, le délai de la garantie décennale a commencé à courir à cette date. En revanche, pour les parties de l'ouvrage ayant fait l'objet de réserves, dont les séparateurs de voies, les têtes d'îlots et les bandes structurantes affectés par les désordres en litige, ce n'est qu'avec la levée de ces réserves, intervenue dans les conditions exposées aux points 5 et 6, qu'a commencé à courir le délai de la garantie décennale soit, nonobstant le caractère rétroactif de l'effet donné par les parties à la réception du 6 décembre 2007, à compter de cette dernière date, à laquelle il convient dès lors de se placer pour apprécier le caractère apparent des désordres, contrairement à ce que soutient la métropole Rouen Normandie.

13. Il résulte de l'instruction que les premiers désordres affectant les séparateurs de voie, les bandes structurantes et les têtes d'îlots ont été décelés à l'occasion des opérations préalables à la réception des ouvrages, en 2001. Il résulte du rapport de l'expert du 17 mai 2004 que ces désordres, qui résultent de la faible qualité du support, la grave naturelle de la couche de forme étant " polluée " par un sol limoneux, de la qualité médiocre du béton mis en oeuvre et de l'absence presque complète de béton pour assurer le calage des séparateurs, révèlent ainsi principalement des vices de conception de l'ouvrage, liés au fait que le maître d'oeuvre n'aurait pas suffisamment tenu compte de la configuration des lieux et de l'intensité du trafic, lesquels impliquaient des franchissements fréquents des séparateurs par tous les véhicules. La métropole Rouen Normandie a d'ailleurs passé un marché de reprise de travaux en 2005, pour y remédier. Il résulte ainsi de l'instruction que les désordres affectant les séparateurs de voie, les bandes structurantes et les têtes d'îlots qui ont fait l'objet de ces travaux étaient ainsi apparents à la date du 6 décembre 2007.

14. S'il résulte également de l'instruction qu'à la suite de l'exécution de ces travaux de reprise, l'affaissement, le déjointement ou la cassure de nombreux autres séparateurs de voies et têtes d'îlots ont été constatés entre 2007 et 2009, par voie de constats d'huissiers de justice et dans le cadre de nouvelles opérations d'expertise qui ont donné lieu au dépôt d'un nouveau rapport d'expertise le 27 mars 2009, il ne résulte pas de l'instruction que leur cause serait étrangère aux vices de conception relevés par l'expert, dès son rapport du 17 mai 2004, qui affectaient nécessairement l'ensemble, de même nature, des séparateurs de voies, bandes structurantes et têtes d'îlots de l'ouvrage. Dès lors, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rouen, la métropole Rouen Normandie doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme se trouvant, dès le dépôt du premier rapport d'expertise le 17 mai 2004, en mesure de prévoir la généralisation des désordres affectant les séparateurs de voie, les bandes structurantes et les têtes d'îlots à l'ensemble d'entre eux. Par suite, les désordres de même nature ayant affecté d'autres séparateurs de voies, bandes structurantes et têtes d'îlots doivent être regardés également comme apparents à la date du 6 décembre 2007.

15. Compte tenu de ce qui précède, la métropole Rouen Normandie n'est pas fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par les sociétés défenderesses, la métropole Rouen Normandie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les appels provoqués des sociétés Systra, Attica, Artefact, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, et de Me F...A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly :

17. Les conclusions des sociétés Systra, Attica, Artefact, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, et de Me F...A..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly, tendant à être respectivement garanties de toute condamnation prononcée à leur encontre, présentées après le délai d'appel, ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal. L'appel principal étant rejeté, ainsi qu'il a été dit au point 16, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Systra, Attica, Artefact, Bureau d'études Bailly, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que réclame la métropole Rouen Normandie au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole Rouen Normandie la somme de 1 000 euros à verser à chacune des sociétés Systra, Attica, Artefact, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, ainsi qu'à Me F...A...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly, au titre des mêmes dispositions. Par ailleurs, la présente instance n'ayant entraîné aucuns dépens, les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Attica, Artefact, Eurovia Normandie et Colas Ile-de-France Normandie ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la métropole Rouen Normandie est rejetée.

Article 2 : La métropole Rouen Normandie versera aux sociétés Systra, Attica, Artefact, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, ainsi qu'à Me F...A...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly, la somme de 1 000 euros, chacune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des sociétés Systra, Attica, Artefact, Eurovia Normandie, et Colas Ile-de-France Normandie, et de Me F...A...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly, est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Rouen Normandie, à la société Systra, à la société Attica, à la société Artefact, à la société Eurovia Normandie, à la société Colas Ile-de-France Normandie, venant aux droits de la société Devaux, et à Me F...A...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bureau d'études Bailly.

N°16DA00518 2


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