Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCEA La Folie Brouchy et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens :
1°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Brouchy (Somme) en date du 5 décembre 2013 qui a décidé de faire valoir son droit de préemption sur un ensemble de trois parcelles cadastrées section AA n° 83, 85 et ZL n° 35 et a autorisé le maire de Brouchy à contracter un emprunt de 47 000 euros à cet effet ;
2°) d'annuler la décision non datée et non identifiée de préempter les parcelles cadastrées section AA n° 83, AA n° 85 et ZL n° 35 d'une contenance totale de 77 ares et 62 centiares.
Par un jugement n° 1600375 du 2 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la délibération du 5 décembre 2013 du conseil municipal de la commune de Brouchy et la décision du maire exerçant ce droit de préemption.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2018, la commune de Brouchy, représentée par la SELARL Decocq Bertolotti Trouiller, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la SCEA La Folie Brouchy et M. C... ;
3°) de mettre à la charge de M. C... et de la SCEA La Folie Brouchy la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 5 décembre 2013, le conseil municipal de Brouchy a exercé son droit de préemption sur les parcelles cadastrées section AA n° 83, AA n° 85 et ZL n° 35, situées sur le territoire de la commune, mises en vente par les consorts B.... La commune de Brouchy relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, saisi par M. C... et la SCEA la Folie Brouchy, a annulé la délibération du 5 décembre 2013 de son conseil municipal et la décision du maire exerçant ce droit de préemption.
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le formulaire de déclaration d'intention d'aliéner, qui ne porte d'ailleurs que sur les parcelles AA 83 et AA 85, comporte, dans le cadre réservé au titulaire du droit de préemption, la mention manuscrite non datée : " Fait valoir son droit de préemption " suivie du cachet de la mairie de Brouchy et d'une signature ne comportant ni les nom et prénom ni la qualité du signataire. Cette mention, qui se borne à porter à la connaissance du déclarant la décision prise par le conseil municipal de faire jouer le droit de préemption, ne constitue pas une décision du maire exerçant le pouvoir de préemption et ne présente pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. Dès lors, les conclusions dirigées contre cette mention sont irrecevables et c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a retenu la recevabilité de ces conclusions qui doivent être rejetées.
3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a présenté une offre d'achat ferme des trois parcelles en cause, le 27 mars 2013, au prix de 47 000 euros, au représentant d'une partie des propriétaires et que celui-ci a donné son accord le 4 avril 2013. La réitération de l'acte authentique était prévue pour 15 juin 2013. Le notaire devant procéder à cette réitération a adressé, le 25 octobre 2013, à la commune de Brouchy une déclaration d'intention d'aliéner ces trois parcelles. Ce n'est que par lettre en date du 15 mai 2015 du notaire de la commune que M. C... a été informé que, suivant acte du 23 avril 2015, les consorts B... avaient vendu à la commune de Brouchy les parcelles en cause, dont il est locataire, et qu'il devait désormais payer les loyers et charges au nouveau propriétaire, sans que d'ailleurs ce courrier ne fasse état de la décision de préemption. La circonstance que la promesse de vente d'un des vendeurs serait devenue caduque est sans incidence sur l'intérêt qu'avait M. C..., en sa qualité d'acquéreur évincé, à contester la légalité de la décision de préemption. De la même façon, les circonstances que M. C... aurait déclaré des parcelles cultivées sans être titulaire d'un bail, ni d'une autorisation de les cultiver, notamment sur une parcelle déboisée à tort ou sur un chemin rural qu'il aurait mis en culture, que les parcelles en cause sont à l'abandon à la date du 2 septembre 2015 et que deux des parcelles concernées seraient situées en zone constructible restent sans incidence sur son intérêt à agir. M. C... justifiait ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision de préemption de ces trois parcelles.
4. Il ressort des attestations parcellaires du 4 octobre 2013 et du 5 mars 2014, émanant de la Mutualité sociale agricole de Picardie, que M. C..., en qualité de non-salarié agricole au sein de l'entreprise SCEA la Folie Brouchy, puis la SCEA la Folie Brouchy mettaient en valeur depuis plus de trois ans les parcelles en cause. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles devaient être affectées, après leur préemption, à la réalisation d'une aire de stationnement, à l'aménagement d'un cimetière et à un terrain à bâtir. Dès lors, l'exercice de son droit de préemption par la commune étant de nature à empêcher la SCEA la Folie Brouchy d'exercer son activité d'exploitation agricole sur ces trois parcelles, la société requérante présente donc un intérêt lui donnant qualité pour agir dans l'instance.
5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Brouchy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté la fin de non-recevoir opposée aux conclusions dirigées contre la délibération du 5 mars 2013 par M. C... et à la SCEA la Folie Brouchy.
Sur la légalité de la délibération du 5 mars 2013 :
6. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit exercé... ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
7. La délibération du 5 décembre 2013 en litige mentionne que " le conseil municipal décide de faire valoir son droit de préemption pour l'ensemble indivisible et indissociable comprenant trois parcelles cadastrées section AA n° 83, AA n° 85 et ZL n° 35 ". Cette délibération qui ne précise ni la nature de l'aménagement urbain projeté, ni son implantation, ne satisfait pas aux exigences de motivation résultant des dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme. Si l'arrêté du 6 décembre 2013 du maire de Brouchy, produit en appel, mentionne que la parcelle AA 83 sera affectée à la réalisation d'une aire de stationnement, la parcelle ZN 35 pour partie à l'aménagement d'un cimetière et la parcelle AA 85 deviendra un terrain à bâtir, un tel arrêté n'est pas de nature à régulariser la délibération du 5 décembre 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Brouchy est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 mai 2018, le tribunal administratif a annulé une décision du maire exerçant le droit de préemption.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C... et la SCEA la Folie Brouchy, qui n'ont pas la qualité de partie perdante, versent à la commune de Brouchy une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Brouchy une somme globale de 2 000 euros à verser à M. C... et à la SCEA la Folie Brouchy, sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il prononce l'annulation d'une décision du maire de Brouchy exerçant le droit de préemption.
Article 2 : Les conclusions présentées en première instance par M. C... et la SCEA la Folie Brouchy tendant à l'annulation de la décision du maire de Brouchy exerçant le droit de préemption sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Brouchy est rejeté.
Article 4 : La commune de Brouchy versera à M. C... et à la SCEA la Folie Brouchy une somme globale de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Brouchy, à M. A... C... et à la SCEA la Folie Brouchy.
N°18DA01366
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