Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Cabre a demandé au tribunal administratif de Lille, en son nom propre et en sa qualité de mandataire du groupement d'entreprises constitué par les sociétés Cabre, BBF Architectes, Bat'Sup et Symoe, d'annuler le marché conclu le 29 janvier 2015 entre l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " et la société 3P Bâtisseurs et de condamner l'établissement d'hébergement à lui verser la somme de 913 951 euros hors taxes, en réparation de ses préjudices résultant de la conclusion irrégulière du marché.
Par un jugement n° 1503007 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, et des mémoires, enregistrés le 11 mars 2019 et les 3 et 17 janvier 2020, la société Cabre, représentée par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, d'annuler le marché conclu le 29 janvier 2015 entre l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " et la société 3P Bâtisseurs ;
3°) à titre complémentaire, de condamner l'établissement d'hébergement à verser aux sociétés Cabre, BBF Architectes, Bat'Sup et Symoe la somme de 913 951 euros hors taxes ;
4°) de mettre à la charge solidaire de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " et de la société 3P Bâtisseurs la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 ;
- le code des marchés publics ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me F... A..., représentant l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart ".
Considérant ce qui suit :
1. Un marché de conception-réalisation a été conclu le 29 janvier 2015 entre l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " et la société 3P Bâtisseurs en vue de restructurer le bâtiment de l'établissement, reconstruit par un prestataire distinct sur une parcelle avoisinante, en résidence pour seniors comportant également un espace dénommé " structure de petite enfance ". La société Cabre, en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement candidat, constitué des sociétés BBF Architectes, Bat'Sup et Symoe, relève appel du jugement du 28 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce marché ainsi que ses conclusions indemnitaires.
Sur les conclusions en contestation de la validité du marché :
2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
3. Saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.
En ce qui concerne la validité du marché :
4. Aux termes du III de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) ". Aux termes de l'article 35 du même code : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) ".
5. L'offre du groupement dont la société Cabre est mandataire a été rejetée comme irrégulière au motif que la surface végétalisée des toitures de cette offre était d'environ 40 % de l'ensemble des toitures (garages et toitures inclus) alors que, selon l'article 22.3 du programme fonctionnel, la surface végétalisée des toitures devait être supérieure à 50 % de la surface de toiture.
6. Les exigences figurant au point 22 intitulé : " démarche d'écoconstruction " du programme technique détaillé prévoyaient que: " 22.3 Exigences détaillées... Tous les espaces extérieurs hors parvis, cours, voirie, cheminements et stationnements seront végétalisés. La surface végétalisée des toitures sera supérieure à 50 % de la surface de la toiture. Au moins 50 % des surfaces de stationnement pour véhicules légers seront conçus de manière végétalisée (en harmonie avec les espaces paysagers extérieurs) ". Or, il ressort de ce programme que si le maître d'ouvrage a entendu exiger des candidats une labellisation : " bâtiment passivhauss " pour l'ensemble des bâtiments et pour la structure dédiée à la petite enfance, la démarche d'écoconstruction envisagée ne devait s'appliquer, en vertu des paragraphes 4.4, 19 et 22, qu'à la structure dédiée à la petite enfance et non à la résidence pour seniors. Il ressort également du point 16 intitulé : " Schéma général de fonctionnement " que, si la structure petite enfance devait avoir accès aux espaces extérieurs, la totalité des quarante-cinq garages était dédiée aux résidents et non à cette structure.
7. Les éléments graphiques produits par la société appelante montrent que la structure petite enfance était prévue en rez-de-chaussée du bâtiment et la résidence pour seniors à son étage supérieur. Le projet était donc conforme au règlement de la consultation qui prévoyait que : " le centre de petite enfance, d'une capacité de 20 enfants, sera créé dans ou à proximité de l'ensemble bâti ". Si l'établissement d'hébergement se prévaut d'un schéma figurant à la page 73 du programme, ce seul document ne démontre pas, notamment en l'absence de prescription expresse l'accompagnant, que l'établissement aurait entendu exiger des candidats une séparation physique entre la structure petite enfance et la résidence pour seniors, ce document n'exigeant qu'une séparation fonctionnelle entre cette structure et le reste des entités, laquelle est respectée par le projet. Par ailleurs, dans ces conditions, l'exigence de végétalisation des toitures propres à la structure de petite enfance était inapplicable. En tout état de cause, la toiture végétalisée de l'offre du groupement représentait 50 % des superficies du bâtiment principal. Enfin, l'exigence de végétalisation des surfaces de toiture des garages ne pouvait pas davantage être appliquée à la structure petite enfance puisqu'aucun de ces garages ne lui était dédié. Dès lors, la société Cabre est fondée à soutenir que l'offre du groupement n'était pas irrégulière pour n'avoir pas respecté les exigences de l'article 22.3 du programme fonctionnel détaillé et ne pouvait pas être rejetée pour ce motif.
8. Il résulte par ailleurs de l'instruction que le groupement évincé n'a pu méconnaître une prescription relative à la superficie moyenne des logements qui n'était pas exigée par le programme technique détaillé et que les incohérences d'ordre financier présentées par l'offre du groupement, notamment en ce qui concerne la décomposition des prix figurant à l'annexe 2 de son acte d'engagement, étaient constitutives d'une erreur matérielle pouvant faire l'objet d'une mise au point.
9. Il en résulte que l'offre présentée par le groupement ne présentait pas les autres éléments d'irrégularité invoqués par le pouvoir adjudicateur en cours d'instance.
10. Il résulte de l'instruction que l'avis d'appel public à la concurrence ne comportait pas les motifs d'ordre technique qui rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage, justifiant ainsi le recours à un marché de conception-réalisation, ni le nombre de candidats admis à présenter une offre, ni les critères de jugement des candidatures, ni les pièces à fournir à l'appui des candidatures, ni les renseignements relatifs aux modalités essentielles de financement et de paiement ainsi que des textes qui les réglementent, ni les renseignements relatifs aux procédures de recours. Toutefois, le groupement n'établit pas que ces irrégularités aient été susceptibles de le léser. Il ressort également du dossier que les critères d'attribution des offres, à défaut de figurer dans l'avis d'appel public à la concurrence, étaient prévus par le règlement de la consultation et que leur pondération a été transmise le même jour à tous les candidats dans un compte rendu de réunion préalable à la remise des offres. La circonstance que tous les candidats admis à présenter une offre aient participé à une audition de présentation de leur offre ne faisait pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur se prévale, par la suite, du caractère irrégulier d'une offre pour l'écarter de la procédure d'attribution du marché.
11. Au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. La situation de conflit d'intérêts susceptible d'affecter l'impartialité de l'acheteur est définie par la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 : " Constitue une situation de conflit d'intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public. ". L'obligation d'impartialité ne pèse que sur l'acheteur public qui doit veiller à ce qu'aucune des personnes qui concourent à l'exécution de ses missions dans la préparation et la conduite de la procédure de sélection n'aient un intérêt particulier à son issue.
12. Il résulte de l'instruction que le jury du marché était composé de cinq membres ayant voix délibérative, à savoir le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, un représentant du personnel de l'établissement, un technicien de cet établissement ainsi que deux architectes. Les deux membres à voix consultative, soit le représentant de la trésorerie générale et celui de la direction départementale chargée de la concurrence, n'ont pas participé à la séance consacrée à l'analyse des offres tandis que l'auditeur libre, conducteur d'opération et assistant à maîtrise d'ouvrage de l'établissement d'hébergement, était présent. Il en ressort que, dès lors que deux des quatre autres membres du jury étaient placés sous son autorité hiérarchique directe et n'étaient par suite pas en mesure de prendre une position contraire à la sienne, le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes disposait d'une influence prédominante au sein de ce jury. La délibération du jury mentionne que trois offres sur cinq étaient irrégulières et que la quatrième était inacceptable, en raison du montant de cette offre qui était supérieure de 35 % à l'enveloppe financière donnée par le maître d'ouvrage. Le choix s'est donc porté sur la dernière offre qui, selon le jury, n'était ni irrégulière ni inacceptable. Il n'est pas contesté que cette offre a été présentée par un groupement, composé notamment d'un architecte, M. D... E..., et de la SARL Energelio qui avaient conçu la maison individuelle à basse consommation du président du jury et de la société 3P Batisseurs qui l'avait construite. Toutefois, compte tenu du délai de trois ans qui s'est écoulé entre la fin de la construction de la maison individuelle du président du jury et le lancement de la procédure d'attribution du marché en litige, et en l'absence d'éléments probants établissant que ce président ait eu un intérêt particulier à l'issue du marché, il ne résulte pas de l'instruction que le principe d'impartialité du pouvoir adjudicateur, à supposer ce moyen soulevé par le groupement, a été méconnu.
13. Une réunion de négociation s'est tenue, le 15 janvier 2015, avec l'attributaire pressenti, après le rejet des autres offres. Cette réunion, antérieure à la signature de l'acte d'engagement intervenue le 30 janvier 2015, a porté notamment sur la présentation des matériaux et des éléments principaux de finition intérieure et extérieure, sur la proposition d'un phasage de mise en service de la structure de petite enfance pour la rentrée de septembre 2017 et sur la présentation des techniques principales mises en place, en particulier pour la domotique, alors que chacun de ces points était précisément prévu par le règlement de la consultation, tous ces objets de l'ordre du jour excédant ainsi le cadre de la mise au point des pièces du marché. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les pièces du marché aient été modifiées après cette réunion au-delà de ce qui était nécessaire à leur mise au point. La réunion du 15 janvier 2015, intervenue après le choix de l'attributaire, n'a pas eu pour effet de modifier, en dehors de leur mise au point, l'acte d'engagement de l'attributaire pressenti ni aucune autre pièce du marché et est donc restée sans influence sur la légalité de la procédure d'attribution.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Cabre est susceptible d'avoir été lésée par le choix de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " d'attribuer le marché au groupement conduit par la société 3P Bâtisseurs.
En ce qui concerne les conséquences des vices constatés :
15. Les irrégularités de la mise en concurrence, en écartant à tort comme n'étant pas conforme au cahier des charges l'offre du groupement conduit par la société Cabre, ont affecté la légalité du choix du prestataire.
16. Toutefois, cette illégalité, qui n'affecte ni le consentement de la personne publique ni le bien-fondé de la prestation, et en l'absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifie pas que soit prononcée l'annulation du contrat.
17. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché.
Sur les conclusions indemnitaires :
18. La société anonyme Cabre, mandataire du groupement irrégulièrement évincé, demande réparation de son préjudice qu'elle estime à 764 306 euros hors taxes, du préjudice subi par la société de fait BBF Architectes évalué à 82 825 euros hors taxes, du préjudice subi par la société anonyme Bat'Sup d'un montant de 28 320 euros hors taxes et, enfin, du préjudice subi par la SARL Symoe évalué à 32 500 euros hors taxes. Le groupement candidat au marché n'est pas doté de la personnalité morale et aucun marché n'a été conclu entre ce groupement et le pouvoir adjudicateur. Dès lors, la qualité de mandataire du groupement candidat ne lui donne pas qualité pour représenter les autres membres du groupement pour la réparation du préjudice subi du fait de l'éviction du groupement lors de l'attribution du marché. Les personnes morales de droit privé sont représentées par les personnes désignées par les dispositions législatives ou réglementaires quand elles existent. Il ne ressort pas des éléments publiés au registre national du commerce et des sociétés que la société anonyme Cabre ait la qualité de dirigeant ou de mandataire des sociétés BBF Architectes et Bat'Sup ou soit gérante de la SARL Symoe. Dès lors, en l'absence de tout mandat, la société anonyme Cabre n'avait pas qualité pour présenter, au nom des autres membres du groupement, des conclusions indemnitaires dirigées contre l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart ". Par suite, les conclusions indemnitaires présentées au nom des sociétés BBF Architectes, Bat'Sup et Symoe ne sont pas recevables.
19. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation. Si tel est le cas, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché. Dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché. Dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. Ce manque à gagner doit être déterminé en prenant en compte le bénéfice net qu'aurait procuré ce marché à l'entreprise.
20. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les irrégularités commises par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " dans l'attribution du marché sont à l'origine de l'éviction du groupement conduit par la société Cabre. Par suite, il existe un lien direct entre la faute commise par le pouvoir adjudicateur et les préjudices subis par la société Cabre.
21. Il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation prévoyait la création d'au moins soixante-huit logements respectant la répartition suivante : 20 % de type I bis, 70 % de type II et 10 % de type III. L'offre de base du candidat attributaire comportait une répartition respective de 38 %, 58 % et 6 % tandis que l'option qu'il avait présentée répartissait les logements selon les proportions respectives de 13 %, 73 % et 14 %. L'offre de base ainsi que l'option du groupement attributaire n'étaient donc pas conformes au programme technique détaillé. Son dossier ne comportait en outre pas la clôture exigée par ce programme, ni le contrôle d'accès. En ce qui concerne l'économie globale du projet, l'écart de l'offre financière du candidat attributaire par rapport à l'estimation du pouvoir adjudicateur était de 23,78 % tandis que celui du groupement conduit par la société Cabre était de 17,6 %, sans qu'il soit possible de comparer la rentabilité de l'offre du groupement de la société 3P Bâtisseurs, qui n'était pas conforme à la répartition des logements dans les types I bis, II et III, avec celle du groupement conduit par la société Cabre qui respectait cette répartition. Dans ces conditions, le groupement évincé n'était pas dépourvu de chances sérieuses d'emporter le marché. La société Cabre a donc droit à être indemnisée de son manque à gagner.
22. En appliquant au prix proposé pour les prestations de la société Cabre pour l'offre de base, et non au regard de l'option proposée dont il n'est pas certain que le maître d'ouvrage l'aurait retenue, un taux de marge nette de 2,4 % résultant des bilans comptables des années 2015 à 2017, il sera, dès lors, fait une juste appréciation du préjudice résultant de l'illégalité de l'attribution du marché en le fixant à 154 000 euros hors taxes. Après déduction du montant de l'indemnité de 8 000 euros qu'a perçue la société Cabre après le rejet de l'offre, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " doit être condamné à verser la somme de 146 000 euros à la société Cabre.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " et la société 3P Bâtisseurs à l'encontre de la société Cabre, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " la somme de 2 000 euros à verser à la société Cabre et de rejeter la demande dirigée contre la société 3P Bâtisseurs au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " est condamné à verser à la société Cabre la somme de 146 000 euros.
Article 2 : L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " versera à la société Cabre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Cabre est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart " et de la société 3P Bâtisseurs présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cabre, à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " résidence Dronsart" et à la société 3P Batisseurs.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
N°18DA00867 2