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29/12/2020 | FRANCE | N°19DA00600

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 décembre 2020, 19DA00600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 février 2016 par lequel le préfet du Nord a déclaré insalubre à titre irrémédiable le logement dont elle est propriétaire au 6 rue de Montigny à Ligny-en-Cambrésis et a prononcé l'interdiction définitive d'y habiter, d'autre part, de suspendre à titre provisoire l'exécution de cet arrêté.

Par un jugement n° 1603498 du 31 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal ad

ministratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 février 2016 par lequel le préfet du Nord a déclaré insalubre à titre irrémédiable le logement dont elle est propriétaire au 6 rue de Montigny à Ligny-en-Cambrésis et a prononcé l'interdiction définitive d'y habiter, d'autre part, de suspendre à titre provisoire l'exécution de cet arrêté.

Par un jugement n° 1603498 du 31 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2019, Mme C... D..., représentée par Me A... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 février 2016 ;

3°) d'ordonner la mainlevée de l'inscription faite au service de la publicité foncière ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Mme D... est propriétaire d'un immeuble situé 6 rue de Montigny à Ligny-en-Cambrésis. A la suite d'un rapport de l'agence régionale de santé établi le 1er décembre 2015, le préfet du Nord a mis en demeure Mme D..., par un arrêté du 16 décembre 2015 pris sur le fondement de l'article L. 1331-26-1 du code de la santé publique, de faire cesser le danger imminent pour la santé et la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de ce logement.

2. Par un arrêté du 26 février 2016 pris conformément à l'avis émis le 21 janvier 2016 par la formation spécialisée en habitat insalubre du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, le préfet du Nord a déclaré cet immeuble insalubre à titre irrémédiable et a prononcé l'interdiction définitive d'y habiter. Mme D... relève appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

3. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction ".

4. L'arrêté du 26 février 2016 a constaté l'insalubrité de la maison d'habitation en cause composée de deux niveaux puis a estimé que les travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité seraient plus coûteux qu'une reconstruction. En appel, Mme D... conteste cette dernière analyse.

En ce qui concerne les locaux à prendre en compte :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du diagnostic technico-économique réalisé par le groupement associatif PACT à la demande de l'agence régionale de santé le 5 janvier 2016, qu'à la date du présent arrêt, l'espace situé à l'étage de l'immeuble en cause ne comporte plus de cloisons ni de plafond et qu'il n'est plus aménagé à un usage d'habitation.

6. Dès lors, pour apprécier à la date du présent arrêt la légalité de l'arrêté préfectoral litigieux au regard de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique qui se réfère à " un danger pour la santé des occupants ou des voisins ", il y a lieu de comparer le coût des travaux de résorption de l'insalubrité et le coût des travaux de reconstruction en ne prenant en compte que le rez-de-chaussée de l'immeuble.

En ce qui concerne le coût de la reconstruction de l'immeuble :

7. Un document du centre d'études techniques de l'équipement (CETE) de Nord Picardie de juillet 2012, qu'aucune pièce versée au dossier n'a contredit, a chiffré le coût de la reconstruction, s'agissant d'une maison d'habitation comme celle de Mme D..., à 1 200 euros toutes taxes comprises par m2. Compte tenu de la surface totale du rez-de-chaussée s'élevant à 45,89 m2, le coût de la reconstruction de l'immeuble en cause doit dès lors être chiffré à la somme de 55 068 euros toutes taxes comprises.

En ce qui concerne le coût des travaux de résorption de l'insalubrité :

8. D'une part, le diagnostic technico-économique mentionné au point 5 a chiffré le coût des travaux de résorption de l'insalubrité à 71 154,14 euros hors taxes soit 85 384,96 euros toutes taxes comprises. Etaient ainsi pris en compte des travaux de " Suppression des causes d'infiltration et remise en état des revêtements de murs, des sols et des plafonds détériorés par l'humidité. Recherche et suppression des causes d'humidité. Création de ventilations réglementaires " pour 21 011,90 euros hors taxes, des travaux de " Suppression des causes d'infiltration et remise en état des plafonds détériorés par l'humidité. Remise en état de la toiture et des accessoires de toiture. Raccordement au réseau d'eaux pluviales existant. Recherche et suppression des causes d'humidité " pour 4 855 euros hors taxes, des travaux portant " Dispositions pour rendre habitables les chambres de l'étage. Séparation du local comprenant le cabinet d'aisance de la cuisine. Création de ventilations réglementaires dans les pièces " pour 11 433,91 euros hors taxes, des travaux de " Mise en sécurité de l'escalier de cave. Installation de mains courantes pour accès à la cave, au R+1 et à la salle de bains. Réfection de marches et contremarches de l'escalier d'accès au R+1 " pour 2 821,10 euros hors taxes, des travaux de " Remise en état des menuiseries pour en assurer l'étanchéité, le fonctionnement normal et la stabilité " pour 6 542,58 euros hors taxes, des travaux de " Mise à disposition d'un moyen de chauffage suffisant et sécurisé, adapté aux caractéristiques du logement. Mise en conformité des installations de chauffage et des systèmes d'évacuation des gaz de combustion " pour 9 999,96 euros hors taxes, des travaux de " Mise en sécurité de l'installation électrique avec fourniture d'une attestation de conformité en rénovation et mise en sécurité des bâtiments d'installation " pour 8 788,89 euros hors taxes et des travaux de " Suppression de l'accessibilité des peintures contenant du plomb. Remise en état des revêtements de murs, des sols et des plafonds " pour 5 700,79 euros hors taxes.

9. Il résulte de ce même document, et notamment de ses commentaires selon lesquels " On ne prendra pas en compte [la réfection du corps principal de la toiture] dans le chiffrage " et " Le PACT n'a pas considéré de pièces à vivre pour ce R+1 et il n'a pas indiqué de surfaces ", que les travaux ainsi chiffrés visaient à la résorption de l'insalubrité du seul rez-de-chaussée de l'immeuble, y compris s'agissant des travaux chiffrés à la somme de 11 433,91 euros hors taxes correspondant notamment à la séparation du cabinet d'aisance de la cuisine au rez-de-chaussée et à la création de ventilations réglementaires dans les pièces. En admettant même que l'intégralité de cette somme puisse être regardée comme se rapportant au seul premier étage de l'immeuble, ce qui on vient de le voir ne résulte pas de l'instruction, et que l'intégralité de cette somme soit donc déduite du coût total de résorption de l'insalubrité à prendre en compte, ce coût atteindrait quand même la somme de 59 720,23 euros hors taxes soit 71 664,28 euros toutes taxes comprises.

10. D'autre part, en produisant une facture, acomptes compris, de réfection de la toiture de 25 023,26 euros toutes taxes comprises, un devis de travaux intérieurs et de pose de menuiseries de 20 253,87 euros toutes taxes comprises, une facture de pose d'un puisard de 1 158,91 euros toutes taxes comprises et une facture d'installation d'un chauffage central de 5 297,15 euros toutes taxes comprises, sans que ces éléments couvrent la totalité des travaux de résorption de l'insalubrité notamment en ce qui concerne les travaux d'électricité et la ventilation du logement, Mme D... n'établit pas que le chiffre susmentionné de 71 664,28 euros surévalue le coût des travaux de résorption de l'insalubrité du rez-de-chaussée de l'immeuble.

11. Il résulte de ce qui précède que les travaux de résorption de l'insalubrité de l'immeuble seraient plus coûteux que sa reconstruction. Par suite, l'état d'insalubrité de l'immeuble doit être regardé comme étant irrémédiable au sens de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique et le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation du caractère d'insalubrité de l'immeuble doit donc être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 décembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 février 2016 par lequel le préfet du Nord a déclaré son logement insalubre à titre irrémédiable.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

13. D'une part, aux termes de l'article L. 1331-28-3 du code de la santé publique : " Lorsque des travaux justifiant la levée de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux sont réalisés sur un immeuble dont l'insalubrité avait été déclarée irrémédiable, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté la fin de l'état d'insalubrité de l'immeuble et la mainlevée de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux. / Ces arrêtés sont publiés, à la diligence du propriétaire, au fichier immobilier ou au livre foncier ".

14. Si l'appelante a entendu présenter des conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de prononcer la fin de l'état d'insalubrité de l'immeuble et la mainlevée de l'interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux, il ne résulte pas de l'instruction que tous les travaux nécessaires à la résorption de l'insalubrité du logement aient été diligentés à la date du présent arrêt. Ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées.

15. D'autre part, le présent arrêt, qui se borne à rejeter la requête tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral ayant déclaré le logement de l'appelante insalubre à titre irrémédiable, n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de retirer l'inscription de son arrêté du 26 février 2016 au fichier immobilier doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

16. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par Mme D..., partie perdante, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... F... pour Mme C... D... et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°19DA00600 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00600
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-002 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CORNAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-29;19da00600 ?
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