Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et la société à responsabilité limitée Cabinet A... Assurances ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la délibération du 12 octobre 2017 par laquelle le conseil municipal de Bailleul a décidé d'exercer son droit de préemption pour acquérir un bien immobilier situé 17 Grand place - Charles de Gaulle dans cette commune en autorisant son maire à signer tout acte à cet effet et, d'autre part, l'arrêté du maire de Bailleul du 13 octobre 2017 par lequel il a exercé le droit de préemption sur ce bien immobilier.
Par un jugement n°1709458 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé cette délibération du 12 octobre 2017 et cet arrêté du 13 octobre 2017.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2020, la commune de Bailleul, représentée par Me Didier Cattoir, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A... et la société Cabinet A... Assurances tendant à l'annulation de la délibération du 12 octobre 2017 du conseil municipal de Bailleul et de l'arrêté du 13 octobre 2017 du maire de cette commune mentionnés ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de M. A... et de la société Cabinet A... Assurances une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Henry-François Cattoir représentant la commune de Bailleul et de Me Lucien Deleye représentant M. B... A... et la société Cabinet A... Assurances.
Une note en délibéré a été enregistrée le 11 janvier 2022 pour M. A... et la société Cabinet A... Assurances.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 12 octobre 2017, le conseil municipal de Bailleul a décidé d'exercer son droit de préemption urbain en vue d'acquérir un bien immobilier situé 17 Grand Place - Charles de Gaulle à Bailleul et d'autoriser son maire à signer tout acte à cet effet. Par un arrêté du 13 octobre 2017, le maire de Bailleul a exercé ce droit de préemption. Par un jugement du 2 juillet 2020, à la demande de M. A... et de la société Cabinet A... Assurances, le tribunal administratif de Lille a annulé cette délibération et cet arrêté. La commune de Bailleul interjette appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation accueilli par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans le cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code dans sa rédaction applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le bien préempté se situe 17 Grand Place - Charles de Gaulle, dans le centre-ville de Bailleul, à proximité de la mairie et de plusieurs commerces, et accueille, en son rez-de-chaussée, une librairie-papeterie dénommée " La Bailleuloise " qui, par sa superficie, sa centralité et son ancienneté, contribue au dynamisme et à l'attractivité économiques de la commune. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la délibération du 12 octobre 2017 qu'en préemptant ce bien, la commune, qui avait été informée de sa mise en vente, a entendu s'assurer de la pérennité de sa destination commerciale et du maintien, par sa mise à bail, d'une activité économique équivalente en centre-ville. Contrairement à ce que soutiennent M. A... et la société Cabinet A... Assurances, ce projet, dont la nature a été décrite avec une précision suffisante dans les décisions attaquées et qui vise à organiser le maintien d'une activité économique en centre-ville, répond à l'un des objets prévus à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, en vue desquels le droit de préemption urbain peut être exercé.
5. D'autre part, si l'une des salariées de la société qui exploite cette librairie-papeterie s'était déclarée acquéreuse du fonds de commerce et envisageait, faute de pouvoir acquérir le bien litigieux, d'installer son activité dans un autre local, la commune soutient, sans être sérieusement contredite, qu'aucun des autres lieux envisagés ne permettrait de maintenir en centre-ville une activité économique équivalente à celle existante. Par suite, contrairement à ce que soutiennent M. A... et la société Cabinet A... Assurances, l'acquisition du fonds de commerce par cette salariée n'était pas de nature à remettre en cause la réalité du projet poursuivi par la commune, laquelle envisageait de louer le local à cette acquéreuse. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A..., acquéreur évincé, entendait établir dans ce local un cabinet d'assurances, ce qui n'aurait pas permis d'y maintenir une activité économique équivalente à celle existante. Dans ces conditions, la réalité du projet, lequel est cohérent avec les priorités définies en mars 2015 par le maire en exercice tendant notamment à maintenir et dynamiser les activités commerciales en centre-ville, est établie par la commune, qui n'était pas tenue de déterminer, à la date des décisions attaquées, les caractéristiques précises de son projet.
6. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué que le prix d'acquisition du bien, qui s'élève à 620 000 euros et qui a été estimé conforme aux données du marché immobilier local par la direction régionale des finances publiques du Nord-Pas-de-Calais, serait disproportionné au regard des capacités financières de la commune de Bailleul. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'à la date des décisions attaquées, le bien litigieux ne serait plus adapté à l'activité d'une librairie-papeterie, le risque de cessation de ce commerce n'étant lié qu'au départ à la retraite de son actuelle propriétaire. Dès lors, le projet de la commune doit être regardé comme justifié par un intérêt général suffisant.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bailleul justifiait, à la date à laquelle elle a exercé le droit de préemption urbain, de la réalité d'un projet dont la nature était précisée dans les décisions litigieuses et qui répondait, d'une part, à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, à un intérêt général suffisant. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme pour annuler les décisions attaquées.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... et la société Cabinet A... Assurances devant le tribunal administratif de Lille.
Sur les autres moyens soulevés en première instance :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...) ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code dans sa rédaction applicable : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire ".
10. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 29 septembre 2017, la communauté de communes de Flandre intérieure a délégué à la commune de Bailleul l'exercice du droit de préemption urbain pour l'acquisition du bien immeuble situé 17 Grand Place - Charles de Gaulle à Bailleul. En vertu de cette délégation, le conseil municipal de Bailleul a exercé, par la délibération attaquée du 12 octobre 2017, le droit de préemption urbain pour l'acquisition de ce bien. Cette délibération, qui détermine, pour la réalisation de cette acquisition, la répartition des compétences entre ces deux collectivités, présente un caractère réglementaire.
11. Or, après l'expiration du délai de recours contentieux, lorsque la légalité d'un acte réglementaire est contestée par voie d'exception devant le juge administratif à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de cet acte ou dont ce dernier constitue la base légale, la légalité des règles fixées par cet acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées. Il n'en va toutefois pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
12. Il s'ensuit que M. A... et la société Cabinet A... Assurances ne peuvent utilement invoquer par voie d'exception le vice de procédure dont serait entachée la délibération du 29 septembre 2017 du conseil communautaire de la communauté de communes de Flandre intérieure, tiré de la méconnaissance des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 12 octobre 2017 du conseil municipal de Bailleul et de l'arrêté du 13 octobre 2017 du maire de cette commune, pris sur le fondement de cette délibération du 29 septembre 2017. Dès lors, ce moyen ne peut être qu'écarté comme inopérant.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) / 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 ou au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (...) ".
14. En application de ces dispositions, par une délibération du 16 juin 2016, le conseil municipal de Bailleul a délégué à son maire le droit " d'exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme que la commune en soit titulaire ou délégataire " et " l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 213-3 de ce même code dans les zones U, 1AU et 2AU ". Toutefois, sans qu'y fasse obstacle cette délégation de pouvoir, le conseil municipal de Bailleul a pu régulièrement décider, par la délibération attaquée du 12 octobre 2017, de se ressaisir de l'exercice du droit de préemption urbain, que lui avait délégué la communauté de communes de Flandre intérieure, pour acquérir le bien immobilier litigieux. En outre, par la même délibération du 12 octobre 2017, le conseil municipal, après avoir décidé d'exercer ce droit de préemption urbain, a pu régulièrement déléguer à son maire le pouvoir de prendre tout acte pour réaliser cette acquisition. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence des auteurs des décisions attaquées doivent être écartés.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d'exercer son droit pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur d'une partie de commune soumise à un des droits de préemption institué en application du présent titre ".
16. En l'espèce, alors même que la déclaration d'intention d'aliéner mentionnait les biens situés au 17 et au 21 Grand Place - Charles de Gaulle à Bailleul et que la librairie-papeterie " La Bailleuloise " occupait alors ces deux biens, la commune de Bailleul a pu à bon droit, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme, n'acquérir qu'une partie de l'unité foncière correspondant au bien situé au 17 Grand Place-Charles de Gaulle pour réaliser le projet mentionné aux points 4 et suivants. Enfin, si M. A... soutient que le projet de la commune de Bailleul avait pour seul but d'empêcher l'installation de son cabinet d'assurances, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bailleul est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la délibération du 12 octobre 2017 de son conseil municipal et l'arrêté du 13 octobre 2017 de son maire, par lesquels elle a exercé le droit de préemption urbain en vue d'acquérir le bien immeuble situé 17 Grand Place - Charles de Gaulle à Bailleul.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... et la société Cabinet A... Assurances tendant à l'annulation de la délibération du 12 octobre 2017 du conseil municipal de Bailleul et de l'arrêté du 13 octobre 2017 du maire de Bailleul sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bailleul, à M. B... A... et à la société Cabinet A... Assurances.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.
N°20DA01362
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