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03/03/2022 | FRANCE | N°21DA00746

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 mars 2022, 21DA00746


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de pr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°2008578 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,

- les observations de Me Dramé, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B..., ressortissante guinéenne née le 25 juin 1987 à Conakry (République de Guinée), est entrée régulièrement sur le territoire français le 4 février 2017, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa Schengen de type C, valable du 3 février 2017 au 15 avril 2017, délivré le 23 janvier 2017 par les autorités consulaires françaises en Guinée. Elle a sollicité, le 9 septembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 juin 2020, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.

2. Pour annuler l'arrêté du 30 juin 2020, les premiers juges ont considéré que Mme B... ne pouvait bénéficier en République de Guinée de soins appropriés à son état de santé, au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que, contrairement à l'avis émis le 30 décembre 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le défaut de prise en charge médicale pourrait avoir sur elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour ce faire, ils ont relevé, d'une part, que Mme B... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique en relation avec les mutilations sexuelles féminines et les violences dont elle a été victime en République de Guinée et que son retour dans son pays d'origine était susceptible d'entraîner une aggravation de son état de santé. D'autre part, ils ont estimé que son état de vulnérabilité psychique nécessitait une prise en charge pluridisciplinaire dont il n'est pas établi, au regard tant de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que des pièces versées au débat par le préfet, que cette prise en charge médicale pourrait lui être prodiguée de manière effective et appropriée en République de Guinée.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur ce fondement, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le syndrome de stress post-traumatique dont souffre Mme B... est en relation avec les mutilations sexuelles féminines, les viols et les violences dont elle a été victime en République de Guinée avant son entrée sur le territoire français en 2017. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le retour de Mme B... dans son pays d'origine est susceptible d'entraîner une aggravation de son état de santé dès lors, ainsi qu'il a été dit, que son état de grande vulnérabilité psychique est encore en relation directe avec les violences subies dans son pays d'origine. Enfin, le défaut de prise en charge médicale de Mme B..., qui a d'ailleurs été hospitalisée en soins psychiatriques après une tentative d'autolyse en relation avec son vécu traumatique, doit être regardé comme étant susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité Par suite, il doit être admis, dans les circonstances de l'espèce, que, quand bien même les substances médicamenteuses nécessaires à la prise en charge de son état de santé sont disponibles en République de Guinée, le traitement médical pluridisciplinaire nécessité par l'état de santé de Mme B..., lequel ne se limite pas à l'administration de médicaments, ne peut être prodigué de manière effective et appropriée en République de Guinée. Dès lors, le préfet du Nord, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B..., doit être tenu comme ayant méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 30 juin 2020 et, par voie de conséquence, lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis, dans les circonstances de l'espèce, à la charge de l'Etat le versement au conseil de celle-ci de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

7. L'avocat de Mme B..., qui a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dramé, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, le versement à celui-ci de la somme de 1 000 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Dramé, conseil de Mme B..., une somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme C... B... et à Me Dramé.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00746
Date de la décision : 03/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Mathieu Sauveplane
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-03;21da00746 ?
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