Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.
Par un jugement n° 1702946 du 15 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des sommes de 4 940 euros pour l'année 2012, de 6 386 euros pour l'année 2013 et de 6 157 euros pour l'année 2014, a réduit la base de l'impôt sur le revenu de 23 675,95 euros pour l'année 2012 et de 24 000 euros pour l'année 2014, a déchargé M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2014 dans la mesure correspondant à cette réduction des bases d'imposition, ainsi que de la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses, à laquelle a été substituée la majoration de 40 % pour manquement délibéré, sauf en ce qui concerne les revenus distribués relatifs aux factures fictives de l'année 2014, et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Gueunier, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions et prélèvements sociaux demeurant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, en ce que le tribunal n'a pas statué sur leurs moyens relatifs aux charges qui n'auraient pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation, et au rehaussement d'imposition en matière de frais réels, et, d'autre part, en ce que le tribunal a fait droit à la demande de substitution de la base légale relative aux charges non-engagées dans l'intérêt de l'exploitation sans écarter la base légale initiale ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la procédure d'imposition de la société C... est irrégulière dès lors que le débat n'a pas été oral et contradictoire ;
- le rehaussement en matière de traitements et salaires a été également pris en compte au titre du rehaussement sur les revenus distribués ;
- les apports en compte-courant ne constituent pas des revenus distribués au sens du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ;
- le rehaussement au titre des " factures fictives " est dépourvu de base légale et non-fondé ;
- les charges considérées comme non engagées dans l'intérêt de l'exploitation ne peuvent être qualifiées d'occultes au sens de l'article 111 du code général des impôts et sont justifiées ;
- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article L. 80 D du lire des procédures fiscales ;
- aucune majoration ne pouvait leur être appliquée au titre du a. de l'article 1729 du code général des impôts en l'absence de caractère délibéré des manquements relevés à leur encontre ;
- la majoration de 80 % qui leur a été appliquée au titre du c. de l'article 1729 du code général des impôts en ce qui concerne des " factures fictives " n'est pas fondée en l'absence de manœuvres frauduleuses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête, et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a réduit les bases d'imposition assignées à M. et Mme B... à hauteur de 14 881 euros pour l'année 2012 et 24 000 euros pour l'année 2014 et les a déchargés, à due concurrence, des impositions en litige.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle concerne les rectifications relatives aux traitements et salaires, aux revenus fonciers, à la déduction d'une pension alimentaire versée à un enfant majeur et à une réduction d'impôt pour enfants scolarisés ;
- les moyens invoqués par M et Mme B... ne sont pas fondés ;
- c'est à tort que le tribunal a prononcé la réduction en base de la somme de 14 881 euros, au titre des revenus distribués pour l'année 2012 ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le montant de 24 000 euros n'a pas été considéré comme un revenu distribué.
Par une ordonnance du 14 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la vérification de comptabilité portant sur la période du 20 mars 2012 au 31 décembre 2014 dont a fait l'objet la société C..., dont M. B... était gérant et associé à hauteur de 30 % du capital de cette société, et Mme B... associée à hauteur de 20 %, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de certaines charges, a regardé certains apports en compte courant d'associé comme non justifiés et a fait état de soldes débiteurs du même compte courant d'associé au 31 décembre 2012, 31 décembre 2013 et 31 décembre 2014. L'administration a également procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale de M. et Mme B... au titre des années 2012 à 2014. A la suite de ce contrôle, l'administration a porté à la connaissance de M. et Mme B..., par une proposition de rectification du 15 décembre 2015, des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, assortis de pénalités, au titre des années 2012 à 2014. M. et Mme B... ont formé une première réclamation, laquelle a été partiellement acceptée le 24 février 2017, puis une seconde, qui a été rejetée le 21 août 2017. Ils ont alors porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014. Par un jugement du 15 juin 2020, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des sommes de 4 940 euros pour l'année 2012, de 6 386 euros pour l'année 2013 et de 6 157 euros pour l'année 2014, a réduit la base de l'impôt sur le revenu de la somme de 23 675,95 euros pour l'année 2012 et de la somme de 24 000 euros pour l'année 2014, les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2014 dans la mesure correspondant à cette réduction des bases d'imposition, ainsi que de la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses, à laquelle a été substituée la majoration de 40 % pour manquement délibéré, sauf en ce qui concerne les revenus distribués relatifs aux factures fictives de l'année 2014, et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. et Mme B... demandent l'annulation de ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a réduit les bases d'imposition assignées à M. et Mme B... à hauteur de 14 881 euros pour l'année 2012 et 24 000 euros pour l'année 2014 et les a déchargés des impositions en litige à due proportion.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. et Mme B... soutiennent que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen soulevé devant eux tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification s'agissant du montant des frais réels, il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté ce moyen au point 5 du jugement. Par ailleurs, il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal s'est prononcé aux points 14 à 16 sur le moyen tiré de ce que certaines charges avaient été qualifiées à tort par l'administration comme non engagées dans l'intérêt de l'exploitation et a statué sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, y afférentes, mises à la charge de M. et Mme B.... Enfin, la circonstance selon laquelle le tribunal aurait fait droit à une demande de substitution de base légale de l'administration sans se prononcer sur la base légale initiale n'a pas trait à la régularité du jugement mais à son bien-fondé.
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
4. Il ressort des pièces du dossier que la proposition de rectification du 15 décembre 2015 mentionne, dans des termes particulièrement circonstanciés, le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. En particulier, la proposition de rectification indique les motifs pour lesquels les sommes mises à disposition des associés ont été considérées comme des revenus distribués, détaille de façon compréhensible les mouvements inscrits aux comptes courants d'associés de M. et Mme B... qui ont été identifiés comme tels et expose suffisamment les raisons pour lesquelles certaines dépenses ont été considérées comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation ainsi que l'absence de prise en compte de certaines dépenses au titre des frais réels. Par ailleurs, les motifs ayant conduit l'administration à écarter la comptabilité de la société C..., dans le cadre de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, n'avaient pas à y être mentionnés dès lors qu'ils ne fondent pas le rehaussement des impositions de M. et Mme B.... En outre, si la somme de 42 628 euros est mentionnée à une reprise comme étant la base des prélèvements sociaux pour l'année 2014, son montant exact ainsi que celui desdits prélèvements sociaux sont mentionnés à d'autres reprises dans ce document. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
5. En second lieu, la circonstance selon laquelle le débat n'aurait pas été oral et contradictoire à l'occasion de la vérification de la comptabilité de la société C... est, en tout état de cause, sans incidence sur la procédure d'imposition au terme de laquelle l'administration a procédé au rehaussement des revenus de M. et Mme B.... De même, le fait que la copie intégrale de la proposition de rectification adressée à la société C... n'ait pas été communiquée aux requérant n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à leur égard, alors, par ailleurs, que la proposition de rectification qui leur a été adressée était, elle-même, suffisamment motivée.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des traitements et salaires :
6. Si M. et Mme B... soutiennent qu'ils ont fait l'objet d'un double rehaussement de leur base d'imposition, il n'est aucunement démontré que l'examen des frais réels aurait conduit à un rehaussement à la fois sur les traitements et salaires et sur les revenus distribués.
S'agissant des revenus distribués :
7. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que, s'agissant des frais non engagés dans l'intérêt de la société, les premiers juges ne pouvaient substituer au c de l'article 111 du code général des impôts le 2° du 1 de l'article 109 du même code sans écarter la base légale initialement retenue par l'administration. Toutefois, il résulte de l'instruction et, en particulier, du courrier de rejet de la réclamation de M. et Mme B... du 21 août 2017, que l'administration a également fondé le rehaussement d'imposition à ce titre sur le 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Aussi, en se prévalant de ce dernier fondement dans ses écritures devant le tribunal administratif d'Amiens, l'administration n'a pas sollicité de substitution de base légale. Le moyen tel que présenté est dès lors inopérant.
8. En deuxième lieu, aux termes du 1. de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ". Pour soumettre le rehaussement des résultats d'une société à l'impôt sur le revenu entre les mains de son bénéficiaire, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir que de tels revenus ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.
9. M. et Mme B... soutiennent que les crédits sur les comptes courants d'associés correspondent au paiement de factures au nom de la société C... en l'absence de compte caisse au nom de cette dernière. Toutefois, les factures émanant de la société Réseaux Telecom Picard ne comportent aucune mention quant à leur règlement en espèces, ni cachet de l'entreprise. Il en est de même s'agissant des factures émises par la société Sept Telecom IDF, dont l'objet comporte au demeurant la simple mention " forfait main d'œuvre " sans autre précision. S'agissant des factures émises au nom de l'entreprise " Alain Boudevin ", son gérant a attesté auprès de l'administration fiscale ne jamais avoir travaillé pour la société Alarme Télésurveillance Réseaux. Si M. B... a déposé plainte pour escroquerie, cette plainte a été classée par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Beauvais le 7 janvier 2020. Or, cette décision de classement ne peut être interprétée comme confirmant les dires des requérants. Si M. et Mme B... produisent en cause d'appel des pièces justificatives relatives aux dépenses de nourriture et de repas, ces pièces sont pour la plupart constituées de tickets de caisse et de factures ne comportant ni l'identité de la société, ni le règlement. Par ailleurs, l'objet de ces dépenses est uniquement apporté par des mentions manuscrites sur les copies de ces pièces. Si quelques factures de grandes surfaces établies au nom de la société sont produites, aucune mention de leur règlement ni cachet de cette dernière n'y figure, et aucune explication suffisante quant à leur objet n'est apportée. S'agissant des frais engagés au titre de cadeaux aux clients, la seule production d'un échange de messages électroniques datant de 2012 ne peut justifier les frais engagés à ce titre. Enfin, aucune explication n'est apportée s'agissant du surplus des crédits au compte courant de M. B.... Si les requérants soutiennent que M. B... n'était pas maître de l'affaire, cette circonstance est, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sans incidence sur l'application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. B... a appréhendé les sommes en cause et estimé que ces crédits constituaient des revenus distribués imposables entre ses mains en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
10. En troisième lieu, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'administration a pu à bon droit fonder les rehaussements assignés à M. et Mme B... au titre des revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 111 du même code est inopérant.
En ce qui concerne les pénalités :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. ". En outre, en vertu de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales doivent être motivées, en ce sens qu'elles doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent.
12. En premier lieu, il ressort de la proposition de rectification que l'administration, après avoir rappelé les bases légales de la majoration pour manquement délibéré, expose les raisons pour lesquelles elle a estimé que M. B... s'était abstenu intentionnellement de déclarer la somme de 13 558 euros versée par la société Alarme Téléphonie Services au titre de remboursement de frais de déplacements professionnels, et a considéré qu'il s'agissait d'un manquement délibéré au sens du a. de l'article 1729 du code général des impôts. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit donc être écarté.
13. En deuxième lieu, s'agissant de la majoration pour manquement délibéré prononcée sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fait valoir, d'une part, que M. B... a bénéficié, par versement sur son compte courant d'associé, de remboursements de frais kilométriques pour des montants élevés dont il a demandé la déduction au titre de ses frais professionnels mais en omettant de déclarer ces remboursements dans ses revenus alors que ceux-ci représentaient près de la moitié de son salaire net imposable en 2012 et 2013. D'autre part, l'administration fait également valoir, en ce qui concerne les revenus fonciers des années 2013 et 2014, que M. B..., qui était le gérant de la société et auteur de la location faite à cette dernière en 2012, ne pouvait ignorer que les recettes directement versées sur son compte courant d'associé correspondaient aux loyers. Enfin, en ce qui concerne les revenus distribués relatifs au compte courant d'associé débiteur, l'administration fait valoir que la situation débitrice du compte courant ouvert au nom de M. B... était continue et en constante augmentation sur l'ensemble de la période vérifiée. Ce faisant, l'administration doit, contrairement à ce que soutiennent les requérants, être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt.
14. En troisième lieu, l'administration fait valoir qu'aucun élément n'a été apporté par la société C... pour justifier la réalité des prestations réalisées par l'entreprise " Alain Boudevin ", pas plus que sur la réalité du paiement de ces factures en espèces par M. B..., et ce alors que le gérant de cette société a attesté ne jamais avoir travaillé pour la société C..., de telle sorte que le système de facturation ainsi mis en place doit être tenu comme frauduleux. Dès lors, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'existence de manœuvres frauduleuses et a pu, à bon droit, mettre à la charge des contribuables la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur l'appel incident :
15. D'une part, pour prononcer la réduction en base de la somme de 14 881 euros, au titre des revenus distribués pour l'année 2012, le tribunal s'est fondé sur le fait, d'une part, que M. B... n'avait pas la qualité de gérant de la société C... et, d'autre part, que l'administration n'avait pas retenu la qualité de seul maître de l'affaire pour l'année en cause. Toutefois, il résulte de l'instruction et, notamment, de l'annonce de création de la société C... produite en appel que M. B... avait la qualité de gérant de cette société dès sa création, le 14 mars 2012. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 8, la circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est sans incidence sur l'application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, qui fonde le rehaussement d'imposition au titre des revenus distribués. Dès lors, l'administration est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ces circonstances pour prononcer la réduction en base de la somme de 14 881 euros et prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu afférentes.
16. D'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a réduit la base d'imposition des revenus de capitaux mobiliers pour 2014 de la somme de 24 000 euros au motif que cette somme avait également été prise en compte au titre des revenus fonciers de la même année. Toutefois, il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification que, ainsi que l'indique l'administration, la somme de 24 000 euros prise en compte dans le rehaussement de l'impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers de 2014 ne l'a pas été au titre du rehaussement du même impôt au titre des revenus de capitaux mobiliers pour la même période. Le ministre est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a réduit la base d'imposition des revenus de capitaux mobiliers dans cette mesure.
17. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B... devant le tribunal administratif et devant elle.
18. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition pour les motifs évoqués aux points 3 à 5 du présent arrêt.
19. En deuxième lieu, pour les motifs évoqués au point 9, l'administration a pu considérer à bon droit que M. B... a appréhendé la somme de 14 881 euros au titre de l'année 2012 et estimé que ces crédits constituaient des revenus distribués imposables entre ses mains en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. De même, est inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 111 du code général des impôts.
20. En troisième et dernier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le service vérificateur a effectivement constaté que le compte courant d'associé de M. B... a été crédité de douze versements d'un montant unitaire de 2 000 euros, représentant le montant des loyers perçus en 2014 pour la location à la société C... d'une partie de leur domicile.
21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. En revanche, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a réduit la base de l'imposition sur le revenu de M. et Mme B... de 14 881 euros pour l'année 2012 et de 24 000 euros pour l'année 2014 et les a déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de la même année et dans la mesure correspondant à la réduction de cette base d'imposition.
DÉCIDE :
Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales dont la décharge a été prononcée, en droits et pénalités, par le jugement du 15 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens en conséquence de la réduction de la base d'impôt sur le revenu de 14 881 euros pour 2012 et 24 000 euros pour 2014, sont remises à la charge de M. et Mme B....
Article 2 : Les articles 3 et 4 du jugement du 15 juin 2020 du tribunal administratif d'Amiens sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de M. et Mme B... ainsi que les conclusions de leur demande tendant à la décharge des impositions remises à leur charge par l'article 1er du présent arrêt, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er septembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
1
2
N°20DA01209
1
3
N°"Numéro"