Vu la procédure suivante :
L'association " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet du Nord du 30 janvier 2020 fixant les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés applicables dans la commune de Lille ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux. Par requête distincte, l'association " Chambre régionale des propriétaires immobiliers Nord - Pas-de-Calais " affiliée à l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France a formulé la même demande.
Par un jugement commun n° 2005627, 2005628 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces deux requêtes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 21DA02153 le 7 septembre 2021 et deux mémoires enregistrés le 15 avril 2022 et non communiqués, l'association " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " et le syndicat professionnel " Union des syndicats de l'immobilier " (UNIS), représentés par Me Patrick Drancourt, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.
Ils soutiennent que :
- la candidature présentée par la métropole européenne de Lille aux fins de bénéficier du dispositif d'encadrement de loyers a été présentée par une autorité incompétente ;
- le dossier de candidature de la métropole européenne de Lille était incomplet ;
- l'absence de modification de ses statuts par l'agence départementale pour l'information et le logement du Nord entache d'illégalité l'arrêté du 30 janvier 2020 ;
- la délibération de la métropole européenne de Lille ne vise pas certains des critères exigés par la loi ;
- la faiblesse du taux de logements commencés n'est pas établie sur les cinq dernières années comme l'exige la loi ;
- les perspectives de production annuelle de logements reposent sur des éléments hypothétiques ;
- la méthode retenue pour établir les données permettant de constater un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et celui constaté dans le parc social, n'est pas précisée ;
- il en résulte que l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2020 méconnaît les dispositions de l'article 140 de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ;
- la délibération du conseil communautaire a été prise alors que le dossier de candidature n'était pas constitué ;
- l'arrêté préfectoral porte atteinte au principe de sécurité juridique et au principe d'égalité ;
- il méconnaît les articles 15 et 16 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.
Par un mémoire enregistré le 4 février 2022, l'association " Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France ", représentée par Me Patrick Drancourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 et les décisions implicites de rejet de son recours gracieux et du recours gracieux de la FNAIM formés contre cet arrêté ;
Elle développe les mêmes moyens que les appelants.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- l'intervention de l'Union des syndicats de l'immobilier n'est pas recevable ;
- la demande de la FNAIM en première instance était irrecevable, faute pour celle-ci de justifier de son intérêt à agir ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ou sont inopérants.
La clôture de l'instruction a été fixée la dernière fois au 15 avril 2022 à 12 heures par une ordonnance du 21 mars 2022.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 21DA02188 le 10 septembre 2021 et un mémoire enregistré le 15 avril 2022 et non communiqué, l'association " Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France ", représentée par Me Patrick Drancourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté.
Elle reprend les moyens exposés par les appelants dans la première requête.
Par un mémoire enregistré le 4 février 2022, l'association " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord ", représentée par Me Patrick Drancourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 et les décisions implicites de rejet de son recours gracieux et du recours gracieux de l'Union nationale des propriétaires immobiliers formés contre cet arrêté.
Elle développe les mêmes moyens que dans sa propre requête.
Par deux mémoires enregistrés le 4 février 2022 et le 15 avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS), représentée par Me Patrick Drancourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 et les décisions implicites de rejet de son recours gracieux et du recours gracieux de l'Union nationale des propriétaires immobiliers formés contre cet arrêté.
Elle développe les mêmes moyens que dans sa propre requête.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- l'intervention de l'Union des syndicats de l'immobilier n'est pas recevable ;
- la demande présentée par l'UNPI en première instance n'était pas recevable ;
- les moyens de la requête sont soit inopérants, soit infondés.
La clôture de l'instruction a été fixée la dernière fois au 15 avril 2022 à 12 heures par une ordonnance du 21 mars 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ;
- le code de la construction et de l'habitat ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2020-41 du 22 janvier 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Patrick Drancourt, représentant la chambre Fédération nationale de l'immobilier du Nord, l'Union des syndicats de l'immobilier et l'Union nationale de la propriété immobilière Nord de France.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 janvier 2020, pris sur le fondement de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, le préfet du Nord a fixé les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés applicables dans la commune de Lille. La " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " et l'association " Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France " ont formé un recours gracieux contre cet arrêté. En l'absence de réponse, elles ont saisi, par deux requêtes distinctes, le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ainsi que du rejet implicite de leurs recours gracieux. L'Union des syndicats de l'immobilier était intervenante dans ces deux instances. Les trois associations relèvent appel, par deux requêtes distinctes, du jugement commun du 8 juillet 2021 par laquelle le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes.
2. La requête de la " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " et de l'Union des syndicats de l'immobilier ainsi que la requête de l'association " Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France " sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les interventions :
3. Les associations " Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France ", " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " et " Union nationale des syndicats de l'immobilier " (UNIS) justifient d'un intérêt suffisant, eu égard à la nature et à l'objet du litige, pour venir au soutien des conclusions des appelantes dans chacune des instances. Ainsi, les interventions de l'UNPI dans la requête n° 21DA02153 et de la FNAIM et l'UNIS dans la requête n° 21DA02188 sont recevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dans la rédaction applicable au présent litige : " I. - A titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, dans les zones mentionnées à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d'Aix-Marseille-Provence peuvent demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers régi par le présent article soit mis en place. / Sur proposition du demandeur transmise dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi, un décret détermine le périmètre du territoire de la collectivité demandeuse sur lequel s'applique le dispositif, lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ; / 2° Un niveau de loyer médian élevé ; / 3° Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, faible ; / 4° Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat et de faibles perspectives d'évolution de celles-ci. / Pour chaque territoire ainsi délimité, le représentant de l'Etat dans le département fixe, chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique. / Au plus tard six mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de cette expérimentation. / Les logements appartenant à ou gérés par des organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de construction et de l'habitation ou appartenant à ou gérés par des sociétés d'économie mixte agréées en application de l'article L. 481-1 du même code, et faisant l'objet d'une convention mentionnée à l'article L. 351-2 dudit code sont exclus de cette expérimentation. / II. - Pour l'application du I, les catégories de logements et les secteurs géographiques sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l'observatoire local des loyers.
Chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers selon les catégories de logements et les secteurs géographiques. ".
S'agissant des exceptions d'illégalité du décret du 22 janvier 2020 :
5. Conformément au I de l'article 140 de la loi du 23 novembre 2018, le décret du 22 janvier 2020 susvisé a délimité le périmètre dans lequel serait mis en place un dispositif d'encadrement des loyers. Les requérantes excipent de plusieurs illégalités de ce décret à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du préfet du Nord du 30 janvier 2020 qui, dans le périmètre ainsi délimité, a fixé des loyers de référence, des loyers de référence majorés et des loyers de référence minorés, par catégorie de logement et par secteur géographique.
6. En premier lieu, le décret du 22 janvier 2020 ayant fixé le périmètre du territoire de la métropole européenne de Lille sur lequel serait mis en place un dispositif d'encadrement des loyers n'était pas devenu définitif à la date de la demande de première instance et constitue une des bases légales de l'arrêté du 30 janvier 2020.
7. En deuxième lieu, par une délibération du 5 avril 2019, le conseil communautaire de la métropole européenne de Lille a autorisé son président à demander à l'Etat la mise en place du dispositif expérimental d'encadrement des loyers sur le territoire de la commune de Lille. Le dossier de candidature a été adressé par M. Haesebroeck, vice-président de la métropole européenne de Lille. Celui-ci disposait d'une délégation des fonctions du président en matière de logement et d'habitat. Si cette délégation indiquait qu'elle comprenait notamment le plan local de l'habitat, l'hébergement d'urgence ainsi que la programmation et le financement du logement, elle n'excluait pas pour autant l'encadrement des loyers. La demande de la métropole européenne de Lille n'était donc pas irrégulière en raison de l'incompétence de son auteur.
8. En troisième lieu, il ne résulte ni des dispositions rappelées au point 4, ni d'aucune autre disposition, que la demande de l'établissement public intercommunal territorialement compétent de bénéficier du dispositif d'encadrement des loyers soit soumise à une forme particulière ou à la fourniture par cet établissement d'éléments précis. Par suite, le moyen tiré de la transmission d'un dossier incomplet par la métropole européenne de Lille est inopérant. Au surplus, il n'est pas établi que cet établissement public intercommunal était le seul à disposer des éléments permettant d'apprécier que les critères posés par la loi pour la mise en place d'un tel dispositif étaient remplis, ni que l'Etat n'aurait pas eu accès à des données lui permettant de porter cette appréciation.
9. En quatrième lieu, dès lors qu'aucune disposition ne fixait de règles pour demander à bénéficier du dispositif d'encadrement des loyers, la circonstance que le dossier de candidature ait été établi postérieurement à la délibération du conseil communautaire du 5 avril 2019, est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de l'arrêté préfectoral, alors qu'il n'est par ailleurs pas établi ni même allégué que les conseillers communautaires n'auraient pas disposé des informations nécessaires pour se prononcer.
10. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'arrêté du 30 janvier 2020 qui fixe les loyers de référence du dispositif d'encadrement des loyers n'a pas pour base légale, ni n'a été pris pour l'application de l'arrêté du 25 mars 2015 portant agrément de l'Agence départementale pour l'information sur le logement du Nord (ADIL) comme observatoire local des loyers. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ce dernier arrêté en l'absence de modification des statuts de cet organisme dans le cadre de l'obtention de cet agrément, est inopérant. Au surplus, il n'est pas démontré, ni même allégué que cette agence n'ait pas pu fournir les éléments que l'observatoire local du logement doit établir en application des dispositions rappelées au point 4, ni que l'absence de modification de ses statuts aurait entaché d'irrégularité la détermination de ces données.
11. En sixième lieu, si la délibération de la métropole européenne de Lille du 5 avril 2019 demandant que le dispositif d'encadrement des loyers soit expérimenté sur le territoire de la commune de Lille n'a pas visé tous les critères mentionnés par la loi, elle n'était soumise ainsi qu'il a été dit à aucun formalisme spécifique et il n'est pas établi que les services de l'Etat n'étaient pas en mesure d'apprécier eux-mêmes, en l'absence de ces éléments dans la délibération, le respect de l'ensemble des critères prévus par la loi.
12. En septième lieu, si les appelantes soutiennent que le taux de logements commencés n'a pas pu être apprécié sur les cinq dernières années, il ressort des pièces du dossier que l'Etat disposait des taux de logements commencés pour les années 2011 à 2016 pour la commune de Lille, comparés à onze autres communes d'importance comparable. Le dossier de la métropole européenne de Lille comprenait également les données pour l'année 2017 et il n'est pas établi, à la date de sa candidature, que le taux pour l'année 2018 était déjà connu. Par ailleurs, ces données démontrent que le taux de logements commencés était de 1,13 % en moyenne entre 2012 et 2016, soit nettement inférieur à celui constaté dans la quasi-totalité des autres métropoles sauf Paris. Si ce taux a augmenté depuis 2015 pour s'établir à 1,7 % en 2017, il reste nettement inférieur à celui d'autres métropoles comme Toulouse, Nantes, Montpellier ou Rennes. Les appelantes n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause ce constat. L'Etat n'a donc pas fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 4 en estimant que le taux de logements commencés pour la commune de Lille, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, était faible.
13. De même si les appelantes considèrent que les perspectives de production pluriannuelles de logement reposent sur des constats hypothétiques, elles ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause le caractère limité de ces perspectives, ni les éléments sur lesquels elles se fondent. Or le plan local de l'habitat estime le besoin foncier pour la commune de Lille à deux cent huit hectares pour atteindre les objectifs de production de logements qu'il se fixe, alors que le foncier disponible n'est que de cent cinq hectares et que la densité est déjà très élevée puisqu'elle atteint 3 931 logements au kilomètre carré.
14. Les appelantes soutiennent également que la méthode retenue par l'agence départementale pour l'information sur le logement du Nord pour calculer le niveau moyen de loyer du parc privé n'est pas explicitée. Toutefois, elles n'apportent aucun élément pour démontrer que ce calcul serait erroné, alors que la ministre chargée du logement fait valoir en défense, sans être utilement contredite, que les données relatives au parc privé ont été établies selon les règles méthodologiques s'imposant à l'ensemble des observatoires locaux des loyers. Par ailleurs, les appelantes n'établissent pas non plus que l'écart entre les niveaux moyens de loyers dans le parc privé et dans le parc social serait faible. Il ressort au contraire des pièces du dossier que le loyer moyen dans le parc privé est de 13,1 euros au mètre carré contre 5,7 euros dans le parc social en 2017. L'enquête effectuée par la FNAIM confirme ce constat en classant Lille comme la quatrième commune la plus chère en termes de loyer médian dans le parc privé, qu'elle estimait à 13,6 euros au mètre carré.
15. Il résulte de l'ensemble des éléments susanalysés ainsi que des pièces du dossier, qui font état d'une évaluation du loyer médian pour la commune de Lille, selon le ministre chargé du logement, à 12,9 euros par mètre carré, soit l'un des plus élevés des communes centres de métropole hors agglomération parisienne, que le préfet n'a pas méconnu les dispositions rappelées au point 4.
16. En huitième lieu, le dispositif d'encadrement des loyers tel qu'il résulte des dispositions rappelées au point 4 est prévu de manière expérimentale, sur une durée limitée de cinq ans à compter de la publication de ces dispositions et sur des territoires restreints répondant aux critères cumulatifs prévus par ces dispositions législatives. En se bornant à soutenir que le décret produira des effets au-delà de la période d'expérimentation, les appelantes n'apportent pas de précisions suffisantes permettant d'apprécier en quoi ce dispositif prévu par la loi et dont la portée est limitée dans le temps remet en cause le principe de sécurité juridique.
17. En neuvième lieu, si la mise en œuvre des dispositions législatives rappelées au point 4 peut avoir pour conséquence qu'un encadrement des loyers soit mis en place dans un territoire présentant des caractéristiques identiques à celles d'un autre territoire dans lequel aucun encadrement ne sera appliqué, cette différence de traitement résulte du choix de l'établissement public intercommunal compétent en matière de politique locale de l'habitat de mettre en œuvre ou non un tel dispositif et donc de la liberté reconnue constitutionnellement aux collectivités territoriales de s'administrer librement dans des conditions prévues par la loi. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut donc qu'être écarté.
S'agissant des moyens dirigés par voie d'action contre l'arrêté du 30 janvier 2020 :
18. En premier lieu, les requérantes soutiennent que l'arrêté en litige, en tant qu'il ne met en œuvre le dispositif d'encadrement des loyers que sur le territoire de la commune de Lille, méconnaît les dispositions de l'article 15 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Toutefois, cet article n'interdit pas l'instauration de tarifs obligatoires maximaux, à la condition de respecter les conditions de non-discrimination, de proportionnalité et de nécessité au regard d'une raison impérieuse d'intérêt général qui peut être, selon la définition donnée par l'article 4 de la directive, un objectif de politique sociale. Les appelantes n'apportent aucun élément tendant à démontrer que le dispositif d'encadrement des loyers ne respecterait pas ces conditions. Le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions rappelées au point 4 compte tenu de leur incompatibilité avec les objectifs de la directive du 12 décembre 2006 doit donc être écarté.
19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 16 de la même directive : " 1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis. / L'État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l'activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire. / Les États membres ne peuvent pas subordonner l'accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire à des exigences qui ne satisfont pas aux principes suivants: / a) la non-discrimination: l'exigence ne peut être directement ou indirectement discriminatoire en raison de la nationalité ou, dans le cas de personnes morales, en raison de l'État membre dans lequel elles sont établies ; / b) la nécessité: l'exigence doit être justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement ; / c) la proportionnalité: l'exigence doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. / 2. Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services par un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l'une des exigences suivantes: / (...) / d) l'application d'un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui empêche ou limite la prestation de service à titre indépendant ; / (...) ".
20. Le dispositif d'encadrement des loyers en cause ne peut pas être regardé comme un régime contractuel particulier imposé aux prestataires établis dans un autre Etat membre de l'Union. Le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive du 12 décembre 2006 doit donc être également écarté sur ce point.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les appelantes ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des requêtes d'appel, ni sur les fins de non-recevoir opposées en première instance. Leurs requêtes doivent donc être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de l'association " Union nationale des propriétaires immobiliers Nord de France " dans l'instance n° 21DA02153 est admise.
Article 2 : L'intervention des associations " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " et " Union des syndicats de l'immobilier " (UNIS) dans l'instance n° 21DA02188 est admise.
Article 3 : La requête des associations " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord " et " " Union des syndicats de l'immobilier (UNIS) est rejetée.
Article 4 : La requête de l'association " Union nationale des propriétaires immobiliers Nord de France " est rejetée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux associations " Chambre Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord ", " Union des syndicats de l'immobilier " (UNIS) et " Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Nord de France " et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord, à la métropole européenne de Lille et à la commune de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.
Le rapporteur,
Signé:
D. PerrinLe président de la 1ère chambre,
Signé:
M. A...
La greffière,
Signé:
C. Sire
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°21DA02153, 21DA02188 2