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08/12/2022 | FRANCE | N°21DA02828

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 08 décembre 2022, 21DA02828


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021 et des mémoires enregistrés le 22 août 2022 et le 18 novembre 2022, la société SASU WP France 28, représentée par Me Paul Elfassi, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes sur le territoire de la commune de Laires ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sol

licitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de délivrer l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 décembre 2021 et des mémoires enregistrés le 22 août 2022 et le 18 novembre 2022, la société SASU WP France 28, représentée par Me Paul Elfassi, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale pour l'exploitation d'un parc composé de trois éoliennes sur le territoire de la commune de Laires ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de délivrer l'autorisation sollicitée, ou à défaut de réexaminer sa demande et de se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé;

- il est signé par une autorité incompétente ;

- le projet ne porte pas atteinte aux paysages, contrairement à ce qu'a considéré le préfet dans l'arrêté en litige ;

- il ne porte pas non plus atteinte aux chiroptères.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 novembre 2022 à 12 heures par une ordonnance du 7 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Alice Durand, représentant la société SASU WP France 28.

Une note en délibéré présentée par la société SASU WP France 28 a été enregistrée le 30 novembre 2022.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La société SASU WP France 28 a déposé, le 30 août 2018, une demande d'autorisation environnementale afin de construire et d'exploiter trois aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Laires. Par un arrêté du 11 octobre 2021, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté cette demande. La société SASU WP France 28 demande l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il considère que le projet engendrerait un mitage du paysage compte tenu des parcs éoliens déjà existants. L'arrêté estime par ailleurs que l'étude d'impact sous-estime l'impact sur les chiroptères qu'elle qualifie déjà de moyen. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté du 11 octobre 2021 doit être écarté.

3. En second lieu, le signataire de l'arrêté en litige, M. Castanier, secrétaire général de la préfecture, disposait d'une délégation du préfet pour signer tous arrêtés à l'exception d'arrêtés limitativement énumérés ne comprenant pas les autorisations environnementales. Cette délégation du 24 août 2020 a été régulièrement publiée au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais du 25 août 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Aux termes de l'article L 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

S'agissant de l'atteinte aux paysages :

5. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

Quant à la qualité du site ou du paysage :

6. Le site d'implantation du projet se situe à l'extrémité sud du plateau artésien, dans une zone de grande culture de plein champ et de prairies mais également traversée de vallées. S'il est proche de zones boisées, il ne fait l'objet d'aucune protection et ne présente pas d'intérêt paysager particulier.

Quant à l'impact du projet :

7. Pour refuser l'autorisation sollicitée, le préfet a d'abord considéré que le projet portait atteinte aux paysages environnants en engendrant un mitage du paysage et a estimé que les angles de respiration des communes proches seraient réduits par le projet.

8. Toutefois, s'agissant en premier lieu de l'effet de saturation et de mitage du paysage, si l'environnement du projet compte, selon l'étude d'impact, 143 éoliennes en fonctionnement dans un rayon de 15 kilomètres, le parc projeté vient s'installer dans un secteur jusque-là vierge de toutes machines et aucun parc autorisé ou existant ne se situe à moins de 3 kilomètres.

9. Par ailleurs, il résulte de l'étude d'impact que si le projet est très visible depuis les axes départementaux qui traversent le plateau, en particulier depuis la route départementale 95 qui passe à son pied, il apparaît isolé dans les vues prises à proximité du parc. La densité éolienne n'est prégnante que sur les vues lointaines où le projet vient alors s'intégrer à des grappes existantes.

10. Enfin, si le projet est visible depuis les sorties d'un certain nombre de communes proches, il ne l'est pas depuis les centres des parties habitées où il est masqué par des constructions, notamment par des hangars agricoles ou par la végétation.

11. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'effet de saturation et de mitage du paysage par les trois éoliennes en cause n'apparaît pas établi.

12. S'agissant en deuxième lieu de la réduction des angles de respiration, contrairement à ce qu'a indiqué l'arrêté contesté, l'étude d'impact n'a pas fait état de la réduction à néant de ces angles pour quinze communes mais au contraire a noté l'absence d'impact supplémentaire causé par le projet dans la plupart des cas. L'étude paysagère complémentaire, réalisée en cours d'instance, a mentionné une réduction des angles de respiration dans deux communes, Beaumetz-lès-Aire, où cette donnée passe de 45 à 25 degrés après le projet, et Laires, où cet angle se réduit de 45 à 35 degrés.

13. Ces données théoriques doivent être combinées avec l'analyse concrète du contexte paysager dans lequel se déploie le champ visuel, qui a été faite par le reste de l'étude paysagère jointe au dossier de demande, pour déterminer concrètement s'il existe un effet de saturation visuelle de nature à porter atteinte à la commodité du voisinage.

14. Or l'étude complémentaire a confirmé les conclusions de l'étude d'impact sur l'impact nul ou au pire faible du projet à l'intérieur du centre des parties habitées des communes situées à proximité, où le projet apparaît masqué par la végétation ou le bâti existant. Par ailleurs, si le projet est visible depuis certaines lisières de ces parties habitées, il demeure dans le lointain, sans effet de surplomb et masqué au moins partiellement par la végétation, comme c'est le cas en sortie nord-ouest de Laires, le long de la rue du Croquet.

15. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas démontré que le projet réduirait, concrètement et de manière significative, les angles de respiration depuis les lieux de vie situés à proximité.

16. Compte tenu de ce qui a été exposé ci-dessus, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet du Pas-de-Calais a refusé d'autoriser le parc éolien projeté pour ce motif d'impact significatif sur les paysages environnants.

S'agissant de l'atteinte aux chiroptères :

Quant à l'enjeu chiroptérologique :

17. Il résulte de l'étude d'impact que neuf espèces de chiroptères sont présentes sur la zone de manière certaine et que cinq autres espèces pouvaient y être présentes d'après les observations effectuées au cours de 31 passages de mars 2016 à octobre 2017 qui ont noté des niveaux forts d'activité au printemps et en été. L'étude établit également qu'au moins deux espèces, la sérotine commune et la pipistrelle de Nathusius, ont une sensibilité forte à l'éolien pendant au moins une saison et que la pipistrelle commune a une sensibilité moyenne.

Quant à l'impact du projet :

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les pales de l'éolienne E4 survolent une jeune plantation de feuillus, que le mât de l'éolienne E2 est situé à 55 mètres d'une jeune plantation de feuillus et à 110 mètres d'une haie et que celui de l'éolienne E3 est à 135 mètres d'une jeune plantation de feuillus, à 140 mètres d'un bosquet et à 240 mètres d'une haie.

19. La mission régionale de l'autorité environnementale a recommandé, dans son avis du 1er décembre 2020, une réduction du diamètre des rotors à 90 mètres et un déplacement de 200 mètres des éoliennes par rapport aux zones importantes pour les chiroptères que constituent les éléments boisés.

20. La société pétitionnaire, qui a étudié quatre variantes d'implantation, considère qu'elle ne pouvait pas donner une suite favorable à cette demande sans aboutir à une implantation dégradée par rapport aux autres enjeux. Elle proposait également, dans le projet soumis à autorisation, un bridage de début mars à fin novembre, de l'heure précédant le coucher du soleil à l'heure suivant le lever du soleil, et la mise en place d'un suivi de la mortalité des chauve-souris.

21. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il résulte de l'instruction que les mesures proposées par la société pétitionnaire ne permettent pas de réduire de manière suffisante l'impact de l'éolienne E4, eu égard à sa proximité immédiate avec une zone boisée importante pour les chiroptères. En revanche, pour les deux éoliennes E2 et E3, plus éloignées des éléments boisés, l'adoption de la préconisation de la mission régionale de l'autorité environnementale relative au diamètre des rotors permettra, combinée au bridage proposé par la société le cas échéant renforcé par le préfet, de limiter cet impact.

22. Dans ces conditions, il y a seulement lieu, compte tenu des prescriptions mentionnées au point précédent dont l'autorisation devra être assortie, d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 en tant qu'il a refusé d'autoriser les éoliennes E2 et E3.

Sur la délivrance de l'autorisation et l'injonction :

23. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation soumise à autorisation environnementale en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

24. Eu égard au motif d'annulation partielle retenu par le présent arrêt et dès lors que le ministre n'a pas invoqué un autre motif de refus, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale relative aux éoliennes E2 et E3 sur la commune de Laires, d'autre part, en la renvoyant devant le préfet du Pas-de-Calais pour fixer les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en tenant compte de ce qui a été dit au point 21, enfin, en enjoignant à l'autorité administrative de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la société SASU WP France 28 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet du Pas-de-Calais est annulé en tant qu'il a refusé d'autoriser les éoliennes E2 et E3.

Article 2 : L'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation des aérogénérateurs E2 et E3 sur la commune de Laires est accordée à la société SASU WP France 28.

Article 3 : La société SASU WP France 28 est renvoyée devant le préfet du Pas-de-Calais pour fixer les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement dans les conditions fixées au point 21 du présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de fixer les prescriptions mentionnées à l'article 3 dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société SASU WP France 28, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2022.

Le rapporteur

Signé:

D. PerrinLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02828 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02828
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BCTG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-12-08;21da02828 ?
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