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17/05/2023 | FRANCE | N°21DA02941

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mai 2023, 21DA02941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C..., a demandé au tribunal administratif de Lille, par six requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°s 1900787, 1903798, 1903799, 1903800, 1903801, 1903802 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

t un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2021 et le 27 mai 2022, M. A... C..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C..., a demandé au tribunal administratif de Lille, par six requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°s 1900787, 1903798, 1903799, 1903800, 1903801, 1903802 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2021 et le 27 mai 2022, M. A... C..., représenté par Me Marchiani, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de le décharger des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des année 2013 à 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas été signé par l'assesseur le plus ancien en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;

- en estimant que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité de la société FSV était inopérant, le tribunal a commis une erreur de droit et a méconnu le 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en retenant que les bases imposables n'excédaient pas les bases résultant des propositions de rectification en date du 27 décembre 2016 mais qu'elles résulteraient également des propositions de rectification en date des 30 juin et 30 septembre 2016, le tribunal a soulevé irrégulièrement un moyen d'office ;

- l'administration ne pouvait fonder les rectifications sur des bases d'imposition résultant de procédures distinctes ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier de première instance ;

- les sommes de 91 259 euros pour l'année 2013, de 868 441 euros pour l'année 2014 et de 620 000 euros pour l'année 2015 ne pouvaient être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts dès lors qu'il ne les a pas appréhendées ;

- l'administration ne pouvait imposer ces sommes qu'au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- l'administration a renversé la charge de la preuve en considérant que la somme de 40 500 euros comptabilisée en 2013 comme " frais d'actes et contentieux " était imposable au titre des revenus distribués en application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ;

- l'imposition mise à sa charge est exagérée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Marchiani, représentant M. A... C....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité dont la société FSV, dont M. A... C... était président et détenait la majorité du capital social, a fait l'objet au titre de la période allant du 1er septembre 2012 au 30 septembre 2015, et de la vérification de comptabilité, dont M. A... C... a fait l'objet, portant sur les opérations de rachat de créances réalisées par celui-ci du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, l'administration fiscale a informé ce dernier, par une proposition de rectification du 27 décembre 2016, qu'elle envisageait de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015 en raison, d'une part, de la perception sur l'ensemble de la période de bénéfices non commerciaux résultant de profits réalisés à la suite de l'acquisition d'une créance et, d'autre part, de la perception en 2013 de revenus distribués au sens du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. A la suite de la mise en recouvrement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, pour un montant, en droits et pénalités, de 128 777 euros pour 2013, de 842 446 euros pour 2014 et de 544 420 euros pour 2015, M. A... C..., par six requêtes distinctes, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de ces impositions. Par un jugement du 28 octobre 2021 dont M. A... C... relève appel, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint ces six requêtes, les a rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient M. A... C..., le jugement du 28 octobre 2021 a été signé par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau, ainsi qu'il est prévu par les dispositions du premier alinéa de l'article R. 741-8 du code de justice administrative.

3. En deuxième lieu, le fait pour le tribunal d'avoir écarté comme inopérant, au point 2 du jugement, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale se serait procurée les écritures comptables de la société FSV de manière irrégulière, ne méconnaît pas les stipulations du 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors, au demeurant, qu'un tel moyen ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil.

4. En troisième lieu, en considérant, au point 3 du jugement, que les bases imposables résultaient des propositions de rectification en date du 27 décembre 2016 ainsi que des propositions de rectification en date des 30 juin et 30 septembre 2016, le tribunal n'a pas soulevé d'office un moyen mais s'est seulement fondé sur les éléments présentés en défense par l'administration fiscale.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Si M. A... C... soutient que le service vérificateur s'est procuré les écritures comptables de la société FSV de manière irrégulière, la procédure d'imposition d'une société de capitaux est indépendante de la procédure d'imposition de ses associés. Dès lors, l'irrégularité de la procédure d'imposition de la société FSV, à la supposer établie, est sans influence sur la régularité de la procédure au terme de laquelle les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ont été mises à la charge de M. A... C....

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les bases d'imposition :

6. Il résulte de l'instruction que, à la suite de la vérification de comptabilité d'une autre société dirigée par M. A... C..., l'administration fiscale a rehaussé les bases d'imposition sur le revenu de ce dernier au titre des années 2013 à 2015, par une proposition de rectification du 30 septembre 2016. Si ces rehaussements résultent d'une procédure de contrôle distincte, rien ne faisait obstacle à ce que l'administration fiscale prenne en compte les revenus ainsi rectifiés pour établir les conséquences financières résultant pour M. A... C... des nouveaux rehaussements en base mentionnés dans la proposition de rectification du 27 décembre 2016.

En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :

7. En vertu du 1. de l'article 92 du code général des impôts, sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.

8. Il résulte de l'instruction que, le 15 décembre 2013, M. A... C... a acquis, pour un montant d'un euro, une créance d'une valeur nominale de 1 579 701 euros que la société Agitation des Sens détenait sur la société FSV. Il n'est pas démontré que cette cession aurait été réalisée sous réserve d'une clause de retour à meilleur fortune. Cette créance a été inscrite à hauteur de ce montant au crédit du compte courant d'associé de M. A... C... dans la société FSV et l'administration affirme, sans être contredite, que la situation de trésorerie de la société FSV faisait obstacle à ce que M. A... C... en dispose au moment de son inscription comptable. Des débits ont ensuite été enregistrés dans le même compte-courant d'associé à hauteur de 91 259 euros en 2013, de 868 411 euros en 2014 et de 620 000 euros en 2015, en contrepartie desquels, d'une part, les comptes-courants d'associé détenus par M. A... C... au sein d'autres sociétés ont été crédités, d'autre part, M. A... C... a acquis des parts sociales d'une autre société qu'il dirige, et, enfin, trois fonds de commerce ont été acquis pour le compte d'une autre société dirigée par la société FSV.

9. M. A... C... soutient que les sommes en litige ne peuvent être regardées comme ayant été mises à sa disposition, dès lors, d'une part, que la situation de trésorerie des sociétés dans lesquelles ses comptes courants d'associés ont été crédités l'empêchait d'effectuer des prélèvements et, d'autre part, qu'aucun dividende ne lui a été versé par la société dont il a acquis des parts sociales. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la somme correspondant à la valeur nominale de la créance rachetée à un prix symbolique a été inscrite au compte courant d'associé détenu par M. A... C... dans la société FSV et que le contribuable en a eu la libre disposition dès lors qu'il a été en mesure d'effectuer les opérations mentionnées au point précédent en débit de ce compte. De plus, en effectuant ces opérations, M. A... C... est devenu créancier des sociétés à concurrence des sommes inscrites en crédit des comptes courants d'associés qu'il détenait dans ces dernières et a donc enrichi son patrimoine, ainsi que l'a d'ailleurs retenu la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 12 décembre 2017. Dès lors, l'activité qu'il a personnellement déployée à cet égard caractérise, dans les circonstances de l'espèce, une exploitation lucrative dont les profits doivent être assimilés à des bénéfices non commerciaux au sens des dispositions, mentionnées au point 7, du 1. de l'article 92 du code général des impôts.

10. Compte-tenu de ce qui a été dit aux points 7 à 9, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que les profits ainsi réalisés ne pouvaient être soumis à l'impôt sur le revenu mais uniquement à l'impôt de solidarité sur la fortune.

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :

11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ". Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Il est, en conséquence, présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

12. Il résulte de l'instruction que, à la suite de la vérification de comptabilité dont la société FSV a fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de son résultat au titre de l'exercice 2013, de la somme de 40 500 euros, comptabilisée au compte " frais d'actes et contentieux ", et correspondant à une dépense libellée au nom de M. A... C... sur le relevé bancaire de la société. Ce dernier étant l'unique dirigeant de la société, disposant seul de la signature sur son compte bancaire et en détenant 80 % du capital social, l'administration a pu en conséquence, sans renverser la charge de la preuve et quand bien même M. A... C... n'était plus le dirigeant de la société FSV à la date des opérations de vérification, imposé cette somme entre les mains du contribuable, lequel est présumé l'avoir appréhendée. A ce titre, si M. A... C... soutient que cette somme a été versée à l'administration fiscale, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation alors que le ministre affirme en défense que tel n'a pas été le cas.

En ce qui concerne le caractère exagéré des impositions :

13. M. A... C... ne peut utilement soutenir que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge sont exagérées au regard de ses revenus, alors, au demeurant, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 12 que M. A... C... n'est pas fondé à en demander la décharge.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. A... C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°21DA02941

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02941
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : MARCHIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-17;21da02941 ?
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