Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, ainsi que d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de dix jours, le tout sous astreinte.
Par un jugement n° 2201007 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 20 décembre 2021, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un certificat de résidence, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, et, enfin, condamné l'Etat à verser à Me Souty, conseil de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Souty, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration soit mis dans la cause, à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2021 et à ce qu'il soit enjoint au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et, en tout état de cause, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de dix jours, le tout sous astreinte d'un montant suffisamment convaincant de nature à permettre l'exécution desdites injonctions ;
3°) à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- le préfet de la Seine-Maritime n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- il n'est pas démontré que le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été saisi ;
- l'avis rendu par ce collège de médecins a été rendu en méconnaissance de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;
- l'administration doit apporter la preuve que l'ensemble des garanties procédurales a été respecté ;
- le préfet de la Seine-Maritime a méconnu le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette autorité a méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. A... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle par une décision 9 février 2023.
Par une ordonnance du 22 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 11 novembre 1939 à Ighram (Algérie), s'est vu délivrer en 2006, sur le fondement des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un certificat de résidence portant la mention " retraité " valable jusqu'au 31 janvier 2016, lequel autorisait son titulaire à entrer à tout moment sur le territoire français pour y effectuer des séjours n'excédant pas un an. Par un arrêté du 24 mars 2016, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à la demande de renouvellement de ce titre de séjour formulée par M. A.... Le 21 octobre 2021, M. A... a alors présenté une demande de délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Si, par un arrêté du 20 décembre 2021, le préfet de Seine-Maritime a également rejeté cette demande, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, par un jugement du 19 octobre 2022 dont le préfet de la Seine-Maritime relève appel, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un certificat de résidence.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. S'il ressort des pièces du dossier que, ainsi que le fait valoir le préfet de la Seine-Maritime, M. A... n'est pas isolé dans son pays d'origine où résident son épouse et ses enfants, l'intéressé, âgé de 82 ans à la date de l'arrêté en litige, soutient, sans que cela soit contesté en défense, avoir résidé et travaillé en France entre 1964 et 1979, séparé de sa famille. Par ailleurs, si M. A... a effectué de nombreux allers-retours entre la France et l'Algérie entre 2006 et 2014 alors qu'il était titulaire du certificat de résidence " retraité " évoqué au point 1, il soutient, sans que cela soit davantage sérieusement contesté, que depuis septembre 2014, la dégradation de son état de santé a fait obstacle à ce qu'il quitte la France. S'il est vrai que par un avis du 17 décembre 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, il ressort du rapport médical transmis au médecin de l'OFII que M. A... souffre d'une polypathologie avec risque de décompensation dans le contexte d'un sujet âgé. Par ailleurs, il ressort des déclarations faites à l'audience par M. A... que celui-ci souffre également de troubles respiratoires importants et de grandes difficultés à se déplacer, ce que corrobore le même rapport médical. Enfin, il ressort de ce rapport ainsi que d'un certificat établi par un praticien hospitalier du centre médico-psychologique des Feugrais que M. A... est suivi dans cette structure depuis 2015 en raison d'une symptomatologie anxieuse et dépressive nécessitant un traitement psychotrope à laquelle sa situation administrative contribue. Dès lors, eu égard à l'âge très avancé de M. A..., à la fragilité de son état de santé, et à l'historique de ses nombreux séjours en France dont les premiers remontent à près de soixante ans, dans les circonstances particulières de l'espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet de la Seine-Maritime avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 20 décembre 2021, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un certificat de résidence et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à Me Souty.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. Baillard La présidente de la cour,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA02328 2