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27/09/2023 | FRANCE | N°22DA02515

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2023, 22DA02515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2201687 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Hélène Veyrieres, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'a

nnuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 3 mars 2022 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2201687 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Hélène Veyrieres, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 3 mars 2022 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocate de la somme de 960 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, compte tenu de l'insuffisance des infrastructures à même de prendre en charge les maladies psychiatriques et du faible nombre de médecins psychiatres ;

- le jugement attaqué a porté atteinte au droit au procès équitable dès lors qu'il a fait peser sur lui, et non sur le préfet ou le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), la charge de la preuve de ce qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.

Par un courrier enregistré le 13 avril 2023, M. B... a, en application de la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.

Le dossier médical de M. B... a été produit par l'OFII le 21 avril 2023.

Par une ordonnance en date du 31 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023 à 12 heures.

Par une décision du 2 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., né le 28 novembre 1985, ressortissant de la République du Congo, déclare être entré en France le 6 janvier 2013 aux fins d'y solliciter l'asile. Après l'échec des demandes présentées en ce sens puis un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 29 août 2016 lui faisant obligation de quitter le territoire français, il a été admis au séjour en qualité d'étranger malade et s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire à ce titre valable du 3 juillet 2020 au 2 juillet 2021. Le 31 août 2021, il en a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il devra être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois. M. B... relève appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Les conditions d'établissement et de transmission de cet avis, ainsi que des certificats médicaux et rapports médicaux au vu desquels il est pris, sont fixées par les articles R. 425-11 à R. 425-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précisées par des arrêtés des 27 décembre 2016 et 5 janvier 2017 du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la santé.

3. Il résulte de ces dispositions que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger se prévalant de motifs de santé si deux conditions cumulatives sont remplies : d'une part, l'état de santé du demandeur doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, il doit être justifié que le demandeur ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le préfet statue au vu, notamment, de l'avis rendu par un collège de médecins du service médical de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération cet avis médical. Si le demandeur entend en contester le sens, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort des pièces du dossier que le caractère contradictoire de l'instruction conduite par les premiers juges a mis M. B... a même de contester utilement le motif du refus de renouvellement de son titre de séjour, tiré de ce qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et de discuter des éléments sur lesquels le préfet a fondé son appréciation, celui-ci les ayant spontanément communiqués en défense. Si l'appelant semble soutenir que les premiers juges ont commis une erreur dans l'administration de la charge de la preuve, ce moyen, qui se rattache au raisonnement du tribunal, n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement aurait, pour ce motif, porté atteinte au droit au procès équitable doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de renouvellement du titre de séjour lui ayant été délivré sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B..., qui a accepté de lever le secret relatif aux informations médicales le concernant par un courrier enregistré au greffe de la cour le 13 avril 2023, s'est prévalu de ce qu'il est atteint de schizophrénie. Par son avis en date du 15 octobre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République du Congo eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, M. B... fait valoir que cet avis contredit l'avis rendu par le même collège des médecins de l'OFII sur sa demande initiale et il soutient que la prise en charge des maladies psychiatriques en République du Congo ne pourrait pas présenter un caractère effectif dès lors que ce pays ne compterait qu'un service hospitalier spécialisé de 27 lits et un total de seulement quatre médecins psychiatres pour une population d'environ 4,5 millions d'habitants.

6. Toutefois, il ressort de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé que la condition tenant à l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine s'apprécie individuellement. Dans ce cadre, il s'agit donc de rechercher si l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé dans le pays permettent d'assurer une prise en charge satisfaisante de la pathologie du demandeur, compte tenu de la gravité de celle-ci, de son état d'avancement et de ses perspectives d'évolution. Il s'ensuit que, même si l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé du pays d'origine ne connaissent pas de changement significatif, l'appréciation de la possibilité pour le demandeur de bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine peut être modifiée du fait de l'évolution de sa pathologie. Aussi, en l'espèce, quand bien même il avait émis un avis favorable lors de la demande initiale de M. B..., le collège de médecins de l'OFII pouvait, lors de la demande de renouvellement de l'intéressé, vérifier que l'offre de soins et les caractéristiques du système de santé de la République du Congo n'étaient pas entretemps devenus compatibles avec la prise en charge de sa pathologie, compte tenu de son évolution depuis la demande initiale. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir de ce que les deux avis successifs émis par le collège des médecins de l'OFII sont en des sens différents.

7. Par ailleurs, même à supposer qu'il puisse être tenu pour établi que la République du Congo ne compterait qu'un seul service hospitalier spécialisé dans les maladies psychiatriques et seulement quatre médecins psychiatres, ce dont l'appelant ne justifie au demeurant que par la production d'un article de presse digitale non daté et dénué de force suffisamment probante à lui seul, il n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à démontrer que cette offre et ces caractéristiques ne sont pas adaptées à la prise en charge de sa pathologie, compte tenu de son état à la date de la demande de renouvellement, et, ce faisant, à infirmer l'appréciation en ce sens du collège des médecins de l'OFII. Il ressort en effet des pièces du dossier, notamment du rapport du médecin rapporteur, que l'état de santé de M. B... est désormais stable compte tenu du traitement médicamenteux qui lui est dispensé et ne nécessite que des consultations de suivi ordinaires en ambulatoire. En outre, M. B... n'établit pas ni même n'allègue que le traitement médicamenteux qui lui est dispensé ne serait pas disponible en République du Congo. Compte tenu de la faiblesse des éléments ainsi apportés par M. B... et malgré l'absence d'autres éléments factuels produits en défense par le préfet, c'est sans faire peser sur lui une charge de la preuve disproportionnée que M. B... peut être regardé comme n'apportant pas d'éléments suffisants pour infirmer les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII quant à sa possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et sur lequel s'est notamment fondé le préfet de la Seine-Maritime pour prendre la décision attaquée. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 3 mars 2022 en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Hélène Veyrieres.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02515
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : VEYRIERES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-27;22da02515 ?
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