Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie (CCI) de région Hauts-de-France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, en droits et pénalités, la décharge ou, à défaut, la réduction, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 1904556 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juin 2022 et le 12 janvier 2023, la CCI de région Hauts-de-France, représentée par la SELAS PWC, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, en droits et pénalités, à titre principal la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, à titre subsidiaire une réduction, en base, de 751 006 euros au titre de l'exercice 2014 et de 8 476 810 euros au titre de l'exercice 2015, en matière d'impôt sur les sociétés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif ayant omis de se prononcer sur son moyen tiré de l'erreur de destinataire commise par l'administration pour libeller la demande de pièces complémentaires établie le 13 janvier 2017, le jugement attaqué doit être annulé pour irrégularité ;
- à titre principal, après avoir retenu, à bon droit, que l'administration avait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard en adressant à la CCI Grand Hainaut le 22 décembre 2016, c'est-à-dire à une date à laquelle, dans le contexte de la réorganisation du réseau des chambres de commerce et d'industrie dans la région des Hauts-de-France, celle-ci avait perdu, à compter du 13 décembre 2016, sa personnalité morale, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que cette irrégularité, qui a d'ailleurs été réitérée et à laquelle l'administration n'a pas remédié en lui adressant une copie de l'avis de vérification, n'avait pas conduit à la priver d'une garantie attachée à cette procédure ; cette irrégularité est de nature à justifier la décharge de l'intégralité des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
- à titre subsidiaire, l'administration n'a pu légalement établir les suppléments d'impôt sur les sociétés en litige sur le fondement des dispositions du 5 de l'article 206 du code général des impôts, dès lors que les sommes qu'elle a entendu réintégrer, sur ce fondement, dans ses revenus patrimoniaux imposables correspondent à des subventions, laquelle catégorie n'est pas expressément prévue par ces dispositions ; à cet égard, l'administration n'était pas fondée à se référer aux énonciations d'une réponse ministérielle qui ont été rapportées ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, le régime prévu par les dispositions de l'article 42 septies du code général des impôts, lesquelles s'insèrent dans la partie de ce code relative aux bénéfices industriels et commerciaux, ne peut pas s'appliquer aux activités non lucratives ou patrimoniales d'une CCI, qui ne génèrent pas de tels revenus ;
- en outre, l'administration a retenu à tort que les subventions en cause avaient financé des charges déductibles, alors, d'une part, que, comme le retient d'ailleurs la propre doctrine de l'administration, les dépenses de toute nature qui concourent à l'acquisition d'immobilisations ne sont pas déductibles, mais doivent être prises en compte dans le coût de revient de l'immeuble et, d'autre part, si le solde de la subvention est imposé immédiatement et dans son intégralité à la cession de l'immeuble, sur le fondement de l'article 42 septies du code général des impôts, il ne peut plus, par définition, financer des charges déductibles attachées à l'immeuble dès lors que celui-ci est sorti du bilan de la CCI.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la CCI de région Hauts-de-France n'est, contrairement à ce que celle-ci soutient, devenue redevable de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à compter du 1er janvier 2017, date à laquelle, en vertu de l'article 3 du décret 2016-430 du 11 avril 2016, elle est juridiquement entrée en fonction, cette date étant d'ailleurs corroborée par plusieurs indices concordants ; ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'avis de vérification avait été irrégulièrement adressé, le 22 décembre 2016, à la CCI Grand Hainaut, qui était le contribuable, au sens de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'analyse des premiers juges, selon laquelle l'avis de vérification a été irrégulièrement adressé à une entité qui n'était pas le contribuable vérifié, il lui appartiendrait de retenir, comme le tribunal administratif, que cette irrégularité n'a privé la CCI de région Hauts-de-France, qui a nécessairement eu connaissance de l'avis de vérification avant la date fixée pour la première intervention sur place, d'aucune garantie attachée à la procédure d'imposition ;
- la CCI Grand Hainaut, qui était propriétaire d'immeubles dont l'acquisition a été pour partie financée par des subventions d'équipement, a opté comptablement pour la réintégration des quotes-parts de subvention sur une durée égale à celle de l'amortissement de chaque immeuble, mais n'a pas intégré dans ses revenus imposables, lors de la cession des immeubles concernés, le solde non réintégré des subventions, pourtant comptabilisé en tant que produit ; l'administration était, par suite, fondée à prendre en compte, pour la détermination des revenus imposables de l'établissement, ces quotes-parts de subventions, à réintégrer, dans ces revenus, lors de la cession des biens, le solde de ces subventions et à établir sur le fondement des dispositions du 5 de l'article 206 du code général des impôts et sur celles de l'article 42 septies de ce code, les suppléments d'impôt sur les sociétés correspondants.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le décret n° 2016-430 du 11 avril 2016 ;
- le décret n° 2016-473 du 14 avril 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Juan et de Me Verzura, représentant la CCI de région Hauts-de-France.
La CCI de région Hauts-de-France a déposé une note en délibéré le 2 octobre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le contexte de la réorganisation du réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) dans la région des Hauts-de-France, l'administration fiscale a décidé de soumettre la CCI Grand Hainaut à une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, la vérificatrice a constaté une insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des éléments facturés par la CCI Grand Hainaut à titre accessoire à des loyers, ainsi qu'une absence de collecte de taxe sur la valeur ajoutée sur des prestations de service consistant en la mise à disposition de personnels à un syndicat mixte, qui étaient, par nature, assujetties à cette taxe. Par ailleurs, le service vérificateur a estimé qu'il y avait lieu de réintégrer dans les résultats imposables de la CCI Grand Hainaut, au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, d'une part, les quotes-parts comptabilisées annuellement et le solde des subventions d'équipement perçues par elle et qui lui ont permis de financer l'acquisition des immeubles lui appartenant, d'autre part, des dividendes perçus et mal déclarés. La CCI de région Hauts-de-France, venant aux droits et obligations de la CCI Grand Hainaut, ayant présenté des observations qui n'ont pas convaincu le service de reconsidérer son appréciation, d'une part, les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et, d'autre part, les rappels de taxe sur la valeur ajouté résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement le 3 mai 2018 à hauteur des montants respectifs de 2 042 279 euros et 24 187 euros en droits et intérêts de retard. Sa réclamation ayant été rejetée, la CCI de région Hauts-de-France a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, la décharge ou, à défaut, la réduction, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. La CCI de région Hauts-de-France relève appel du jugement du 21 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande, en limitant ses moyens aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance communiqué à la cour que la CCI de région Hauts-de-France soutenait, devant les premiers juges, que la vérificatrice avait, à tort, persisté dans l'erreur précédemment commise par le service en remettant à ses représentants, en main propre le 13 janvier 2017, une demande de pièces complémentaires libellée à tort, comme l'avis de vérification, à l'adresse de la CCI Grand Hainaut. Toutefois, cette critique ne constituait pas un moyen autonome, mais un argument au soutien du moyen tiré, par la CCI de région Hauts-de-France, de ce que la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard était irrégulière, dès lors que la CCI Grand Hainaut avait, à une date à laquelle elle n'était plus un établissement public doté de la personnalité morale, été regardée à tort par le service vérificateur comme le contribuable, au sens des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, et rendue, à tort, destinataire de pièces de la procédure d'imposition. Or le jugement a répondu à ce moyen. Il suit de là que le jugement attaqué ne peut, sur ce point, être regardé comme entaché d'une insuffisance de motivation de nature à en affecter la régularité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande. / (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 5 du décret du 14 avril 2016 portant création des chambres de commerce et d'industrie locales de l'Artois, Grand Hainaut, Grand Lille et Littoral Hauts de France : " Les chambres de commerce et d'industrie locales de l'Artois, Grand Hainaut, Grand Lille et Littoral Hauts de France entrent en fonction à compter de la date d'installation de leurs membres élus. / L'élection des membres de ces chambres de commerce et d'industrie locales a lieu à la date prévue pour le prochain renouvellement général des membres des chambres de commerce et d'industrie. / Les chambres de commerce et d'industrie territoriales de l'Artois, de la Côte d'Opale, Grand Hainaut, Grand Lille, du Littoral Normand-Picard et le groupement interconsulaire Service interconsulaire Artois-Douaisis d'éducation permanente, ainsi que leurs membres en exercice à la date de publication du présent décret, demeurent en fonction jusqu'à la date mentionnée au premier alinéa du présent article. ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " A compter de la date mentionnée au premier alinéa de l'article 5 : / 1° Les services gérés par les chambres de commerce et d'industrie territoriales de l'Artois, de la Côte d'Opale, Grand Hainaut, Grand Lille, du Littoral Normand-Picard ainsi que du groupement interconsulaire Service interconsulaire Artois-Douaisis d'éducation permanente sont pris en charge par la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts de France ; / 2° Les biens immobiliers et mobiliers, les contrats, les conventions, les créances, ainsi que les droits et obligations des chambres de commerce et d'industrie territoriales de l'Artois, de la Côte d'Opale, Grand Hainaut, Grand Lille, du Littoral Normand-Picard ainsi que du groupement interconsulaire Service interconsulaire Artois-Douaisis d'éducation permanente sont transférés à la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts de France. / Les modalités de transfert sont fixées par arrêté de l'autorité de tutelle. ". Enfin, aux termes de l'article 3, applicable au présent litige, du décret du 11 avril 2016 portant création de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France : " La chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France entre en fonctions à compter du 1er janvier 2017. / L'élection des membres de la chambre de commerce et d'industrie de région Hauts-de-France a lieu à la date prévue pour le prochain renouvellement général des membres des chambres de commerce et d'industrie. ".
5. Il est constant que l'administration a adressé à la CCI Grand Hainaut l'avis de vérification prévu par les dispositions précitées le 22 décembre 2016, lequel document a été reçu par ce destinataire le 23 décembre 2016. Or, il résulte des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 14 avril 2016 que la CCI Grand Hainaut, qui était jusqu'alors une chambre de commerce et d'industrie territoriale, à savoir, en application de l'article L. 710-1 du code de commerce, un établissement public sous tutelle de l'Etat doté, en tant que tel, de la personnalité morale, est devenue à compter de la date du renouvellement général des membres des chambres de commerce et d'industrie intervenu en l'espèce le 13 décembre 2016, date correspondant à l'installation des nouveaux membres élus, une chambre de commerce et d'industrie locale rattachée à la CCI de région Hauts-de-France et ne disposant pas, en application de l'article L. 711-22 du code de commerce, du statut juridique d'établissement public, ni de la personnalité morale. En outre, il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 5 et 6 du même décret qu'à compter du 13 décembre 2016, date à laquelle les nouveaux membres élus de la CCI de région Hauts-de-France ont été installés, cet établissement public régional a repris les services, de même que les biens immobiliers et mobiliers, droits et obligations de la CCI Grand Hainaut, sans qu'aient d'incidence, à cet égard, les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 11 avril 2016, en vertu desquelles la fusion entre les chambres de commerce et d'industrie de région Nord de France et Picardie, dont est issue la CCI de région Hauts-de-France, emportant l'absorption des territoires rattachés, n'est devenue effective qu'au 1er janvier 2017.
6. Ainsi, le 22 décembre 2016, date à laquelle l'administration a adressé à la CCI Grand Hainaut l'avis l'informant de l'engagement prochain d'une vérification de comptabilité la concernant et portant sur une période, allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, au cours de laquelle elle avait agi en tant que chambre de commerce et d'industrie territoriale, cette CCI n'était plus un établissement public doté de la personnalité morale, mais une chambre de commerce et d'industrie locale, rattachée à la CCI de région Hauts-de-France et dépourvue de personnalité morale, de sorte qu'elle n'avait plus la qualité de contribuable, au sens des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, sans qu'ait d'incidence la circonstance que la CCI Grand Hainaut a continué, après le 13 décembre 2016, à se comporter comme le contribuable en souscrivant des déclarations qui incombaient désormais à la CCI de région Hauts-de-France. Dès lors, en n'adressant pas cet avis de vérification à la CCI de région Hauts-de-France, qui était désormais le contribuable au sens de ces dispositions, ni même une copie de cet avis, l'administration a entaché d'irrégularité la procédure d'imposition mise en œuvre en l'espèce.
7. Toutefois, il appartient au juge de l'impôt, qui constate que la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard d'un contribuable est entachée d'irrégularité, d'apprécier, dans le cadre de son office, si l'irrégularité ainsi commise a eu, dans l'espèce qui lui est soumise, pour effet de priver le contribuable d'une garantie attachée à la procédure d'imposition et si cette irrégularité est, en conséquence, susceptible de justifier une décharge de l'imposition établie à l'issue de cette procédure.
8. Or, il résulte de l'instruction et notamment des éléments, non sérieusement contestés, avancés par le ministre que, dès le 23 décembre 2016, date à laquelle le pli postal contenant l'avis de vérification a été reçu à l'adresse de la CCI Grand Hainaut, la directrice régionale des finances de la CCI de région Hauts-de-France, qui avait reçu, le 13 décembre 2016, pour les besoins de l'exercice de ses fonctions, une délégation du président de la chambre régionale, à l'effet de signer notamment les correspondances et documents destinés à l'administration fiscale, a adressé au service vérificateur un courrier électronique aux termes duquel elle a sollicité, pour cause d'empêchement, un report de la première intervention que la vérificatrice avait prévue sur place le 13 janvier 2017. Ce courrier électronique manifeste ainsi que la CCI de région Hauts-de-France a reçu l'avis de vérification prévu à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales le jour même de sa réception à l'adresse de la CCI Grand Hainaut, c'est-à-dire dans des conditions qui ne l'ont pas empêchée de réunir les éléments utiles, d'autant qu'il a été fait droit à cette demande de report, et il n'est pas contesté que cet avis comportait les mentions selon lesquelles le contribuable, d'une part, avait la possibilité d'avoir accès à la charte des droits et obligations du contribuable vérifié soit sur internet soit en se la procurant auprès du service et, d'autre part, pouvait se faire assister, tout au long du contrôle, par un conseil de son choix. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'irrégularité de procédure commise par le service vérificateur, quand bien même celle-ci aurait été réitérée par la remise en main propre par la vérificatrice, le 13 janvier 2017, d'une demande de pièces libellée à l'adresse de la CCI Grand Hainaut, aurait privé la CCI de région Hauts-de-France d'une garantie attachée à la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige :
9. D'une part, aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, (...) sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / (...) / 5. Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance (...) sont assujettis audit impôt en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives. / Sont qualifiés de revenus patrimoniaux : / a. Les revenus de la location des immeubles bâtis et non bâtis dont ils sont propriétaires, et de ceux auxquels ils ont vocation en qualité de membres de sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article 167 de l'annexe IV à ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Sont notamment soumis au régime prévu au 1 de l'article 165 : / (...) / les chambres de commerce et d'industrie territoriales (...) ". Enfin, aux termes de l'article 165 de la même annexe : " 1. Nonobstant toutes dispositions contraires les établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires. / (...) ".
10. D'autre part, aux termes de l'article 42 septies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1 Les subventions d'équipement accordées à une entreprise par l'Union européenne, l'Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme public à raison de la création ou de l'acquisition d'immobilisations déterminées ne sont pas comprises, sur option de l'entreprise, dans les résultats de l'exercice en cours à la date de leur attribution ; dans ce cas, elles sont imposables dans les conditions définies au présent article. / Lorsqu'elles ont été utilisées à la création ou à l'acquisition d'une immobilisation amortissable, ces subventions sont rapportées aux bénéfices imposables en même temps et au même rythme que celui auquel l'immobilisation en cause est amortie. Ce rythme est déterminé, pour chaque exercice, par le rapport existant entre la dotation annuelle aux amortissements pratiquée à la clôture de l'exercice concerné sur le prix de revient de cette immobilisation et ce même prix de revient. / (...) / En cas de cession des immobilisations visées aux deuxième et troisième alinéas, la fraction de la subvention non encore rapportée aux bases de l'impôt est comprise dans le bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel cette cession est intervenue. (...) ".
11. Il résulte des dispositions, citées au point 9, de l'article 206 du code général des impôts et de l'article 167 de l'annexe IV à ce code, d'une part, que les établissements publics qui, à l'instar des chambres de commerce et d'industrie territoriales, au nombre desquelles figurent les CCI de région, se livrent à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif, sont passibles de l'impôt sur les sociétés et, d'autre part, que ces établissements publics sont notamment assujettis à cet impôt à raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives, tels les revenus de la location des immeubles bâtis et non bâtis dont ils sont propriétaires. Par ailleurs, les dispositions, citées au point 10, de l'article 42 septies du code général des impôts organisent l'étalement dans le temps de l'imposition des subventions d'équipement, en précisant que celles-ci sont rapportées aux bénéfices imposables en même temps et au même rythme que celui auquel l'immobilisation en cause est amortie, et prévoient, en outre, que le solde de ces subventions non encore rapporté constitue un profit exceptionnel imposable selon les règles de droit commun. Dès lors, le moyen tiré, par la CCI de région Hauts-de-France, de ce que l'imposition des subventions d'équipement qu'elle a perçues et qui lui ont permis de financer l'acquisition d'immeubles lui appartenant ne pouvait trouver son fondement dans ces dispositions de l'article 206 du code général des impôts, combinées avec celles de l'article 42 septies de ce code, faute pour celles-ci de prévoir expressément l'imposition des subventions d'équipement, ne peut qu'être écarté, alors même que les revenus patrimoniaux des chambres de commerce et d'industrie ne seraient pas assimilables à des bénéfices industriels et commerciaux.
12. Il résulte de l'instruction qu'au cours du contrôle, la vérificatrice a constaté, d'une part, que, bien qu'ayant fait l'objet de réintégrations comptables au moment de l'enregistrement des écritures de dotation aux amortissements relatives aux dix immeubles appartenant, au cours de l'exercice clos en 2014 et de la majeure partie de l'exercice suivant, clos en 2015, à la CCI Grand Hainaut, conformément au mécanisme prévu par les dispositions précitées de l'article 42 septies du code général des impôts, les subventions d'équipement perçues pour financer ces immeubles n'avaient, en définitive, pas été rapportées, sur les déclarations souscrites par l'établissement, à ses résultats imposables et, d'autre part, qu'à l'occasion de l'apport, le 2 novembre 2015, de l'ensemble de ces immeubles, à l'exception d'un seul, à la société civile immobilière (SCI) Grand Hainaut, les fractions des subventions non encore réintégrées n'avaient pas été comprises, alors mêmes qu'elles avaient été comptablement enregistrées en tant que produits, dans le résultat imposable déclaré au titre de l'exercice au sein duquel cet apport était intervenu. Dans ces conditions, l'administration était fondée, en application des dispositions précitées des articles 206 et 42 septies du code général des impôts, à réintégrer aux résultats imposables déclarés par la CCI Grand Hainaut au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, d'une part, les quotes-parts de subventions déduites comptablement au même rythme que les dotations aux amortissements des immeubles et, d'autre part, le solde des subventions n'ayant pas fait l'objet de déduction comptable au résultat imposable de l'exercice d'intervention de l'apport des immeubles, assimilable à une cession pour l'application des dispositions précitées de l'article 42 septies du code général des impôts, c'est-à-dire de l'exercice clos en 2015.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la CCI de région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées et il doit en être de même, en tout état de cause, de ses conclusions afférentes aux dépens de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CCI de région Hauts-de-France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la CCI de région Hauts-de-France ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
1
2
N°22DA01295
1
3
N°"Numéro"