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22/02/2024 | FRANCE | N°23DA00051

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 22 février 2024, 23DA00051


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Carrefour Supply Chain a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles des communes d'Heudebouville et de Vironvay (Eure) à raison d'un établissement à usage d'entrepôt pris par elle en location-gérance.



Par un jugement n° 2102911 du 8 novembre 2022, le tribunal admin

istratif de Rouen a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Carrefour Supply Chain a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2019 dans les rôles des communes d'Heudebouville et de Vironvay (Eure) à raison d'un établissement à usage d'entrepôt pris par elle en location-gérance.

Par un jugement n° 2102911 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2023 et le 31 janvier 2024, la SAS Carrefour Supply Chain, représentée par Me Fasseu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a suffisamment justifié, par la production de l'avis de situation établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en mars 2021 et du compte-rendu de la réunion extraordinaire du 23 septembre 2015 de son comité central d'entreprise, ainsi que par différents autre documents, de la cessation, au 1er octobre 2016, de l'activité de l'établissement en cause, de sorte qu'en application du I de l'article 1478 du code général des impôts, elle est en droit de prétendre à la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises en litige ;

- la doctrine administrative publiée le 2 décembre 2015 sous la référence BOI-IF-CFE-10-20-20 conforte, en son paragraphe n°10, son analyse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que, dès lors, d'une part, que l'avis de situation produit a été établi par l'INSEE à la suite de démarches effectuées par la SAS Carrefour Supply Chain en mars 2021 et sur la base de ses seules indications, et, d'autre part, que le compte-rendu de comité central d'entreprise également versé à l'instruction par l'appelante ne permet pas, par ses seules mentions, de justifier de la date de cessation effective de l'établissement en cause, il ne peut être tenu pour établi, en l'absence de tout élément probant en ce sens, que cet établissement avait cessé tout activité au 1er janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Carrefour Supply Chain a été assujettie, au titre de l'année 2019, à la cotisation foncière des entreprises dans les rôles des communes d'Heudebouville et de Vironvay (Eure) à raison d'un entrepôt à usage de stockage non frigorifique situé sur le territoire de ces deux communes. Ces cotisations ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2019 à hauteur des montants respectifs de 29 947 euros et 208 376 euros. La SAS Carrefour Supply Chain a demandé, par voie de réclamation, le dégrèvement de cette imposition, en faisant état d'une cessation d'exploitation de cet établissement au cours de l'année 2016. Après avoir demandé vainement à la société de justifier de cette situation, le service a rejeté cette réclamation. La SAS Carrefour Supply Chain a alors porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen en lui demandant la décharge des droits de cotisation foncière des entreprises contestés. Elle relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes du I de l'article 1478 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la cotisation foncière des entreprises pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité. / (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

4. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, qu'à l'appui de sa réclamation tendant au dégrèvement des droits de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge à raison du bâtiment à usage d'entrepôt en cause, la SAS Carrefour Supply Chain n'a fourni, en dépit d'une demande du service, aucune justification au soutien de ses allégations selon lesquelles cet établissement avait cessé d'être exploité au cours de l'année 2016.

5. Devant les premiers juges, la SAS Carrefour Supply Chain a versé à l'instruction, pour justifier de cette situation, un avis de situation établi par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en mars 2021 et qui précise que l'établissement en cause est " fermé au répertoire Sirène depuis le 01/10/2016 ", ainsi qu'un compte-rendu de la réunion extraordinaire du 23 septembre 2015 de son comité central d'entreprise, qui précise que, dans le cadre de la restructuration qui a suivi l'intégration de l'activité de chaîne d'approvisionnement de la société Erteco France, un certain nombre d'entrepôts, dont l'établissement en cause, qu'il désigne comme celui " de Louviers ", sont appelés à fermer.

6. En cause d'appel, la SAS Carrefour Supply Chain a ajouté à ces éléments une facture de fourniture d'électricité établie le 2 février 2017 et reprenant le niveau de consommation électrique du site à cette date et au cours de la période antérieure, une photographie aérienne du site prise en 2019, ainsi qu'une étude d'impact établie le 4 juin 2018 par un cabinet d'ingénierie à la demande de la société des Autoroutes Paris-Normandie dans le cadre de l'élaboration du projet d'un raccordement autoroutier, enfin, un extrait d'une étude d'impact réalisée en juillet 2020 par la même société concessionnaire d'autoroutes.

7. Toutefois, d'une part, il n'est pas contesté que le bulletin de situation émis par l'INSEE est le résultat d'une démarche déclarative qui n'a été accomplie par la SAS Carrefour Supply Chain qu'en mars 2021 et que ce document a été établi sur la seule foi des assertions de cette société. Ainsi et quand bien même la prise en compte, par le service chargé, au sein de cet établissement public, du répertoire Sirène, d'une déclaration de fermeture d'un établissement ne serait conditionnée au respect d'aucun délai, ce bulletin de situation ne peut pas être regardé comme de nature à permettre à lui seul à la SAS Carrefour Supply Chain de justifier d'une fermeture effective, au 1er octobre 2016, de l'établissement en cause, ni même de l'absence d'activité au sein de celui-ci au 1er janvier 2019.

8. D'autre part, le procès-verbal de réunion du comité central d'entreprise, qui a été également versé à l'instruction et qui précise seulement que, dans le contexte de la restructuration dont il fait état, le personnel de l'établissement en cause intégrera le site de Carpiquet au plus tard en septembre 2016, n'appuie pas utilement, en ce qui concerne la justification d'une fermeture effective au 1er octobre 2016 de l'entrepôt en cause ou de l'absence d'activité dans celui-ci au 1er janvier 2019, le bulletin de situation émis par l'INSEE.

9. Par ailleurs, la photographie aérienne du site, prise en 2019, n'est pas de nature à justifier de l'absence d'activité sur le site au 1er janvier 2019 et il en est de même des extraits d'études établies par ou pour le compte d'une société tierce en 2018 et en 2019 et qui se bornent à rendre compte, à partir des éléments qui ont pu être portés à sa connaissance, de l'état de l'environnement d'un projet sans lien avec l'activité de la SAS Carrefour Supply Chain.

10. Enfin, si la facture de fourniture d'électricité établie le 2 février 2017 fait apparaître, dans un graphique présentant l'évolution de la consommation du site depuis janvier 2016, une baisse notable de cette consommation à compter du mois d'avril 2016 par rapport au mois précédent, d'une part, cette évolution ne coïncide pas avec le récit de la SAS Carrefour Supply Chain, qui situe au 1er octobre 2016 la cessation d'activité de l'entrepôt en cause, et, d'autre part, ce document fait apparaître que le niveau de consommation du site à compter du mois d'avril 2016, bien que près de cinq fois moindre de celui du mois précédent, est demeuré à un niveau élevé, de l'ordre de 20 000 kWh, qui, en l'absence de démonstration argumentée du contraire, doit être regardé comme excédant celui requis pour le simple gardiennage et la conservation d'un entrepôt.

11. La SAS Carrefour Supply Chain, qui est la seule partie à pouvoir apporter la justification attendue et qui avait la faculté de le faire par tout moyen, par exemple par la production d'un procès-verbal de constat de commissaire de justice ou de la copie d'un acte de résiliation du contrat de location-gérance ou de fourniture d'électricité portant sur les locaux en cause, n'a apporté aucun de ces documents au soutien de ses prétentions, ni ne s'est expliquée sur les raisons qui l'auraient amenée à conserver, jusqu'en juillet 2020, la location-gérance d'un entrepôt qu'elle n'aurait aucunement exploité depuis 2016.

12. Dans ces conditions, il ne peut pas être tenu pour établi que la SAS Carrefour Supply Chain n'exerçait aucune activité dans l'établissement en cause au 1er janvier 2019. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a été assujettie, à raison de cet établissement, à la cotisation foncière des entreprises, au titre de l'année 2019, dans les rôles des communes d'Heudebouville et de Vironvay.

Sur l'invocation de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

13. En vertu du dernier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente.

14. La SAS Carrefour Supply Chain invoque le bénéfice, sur le fondement de ces dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n°10 de la doctrine administrative publiée le 2 décembre 2015 sous la référence BOI-IF-CFE-10-20-20 du 2 décembre 2015, aux termes desquelles : " Pour être imposable à la CFE, l'activité doit répondre simultanément aux trois caractéristiques suivantes : / - elle doit présenter un caractère habituel (sous-section 1, BOI-IF-CFE-10-20-20-10) ; / - elle doit être exercée à titre professionnel, ce qui exclut les activités sans but lucratif (sous-section 2, BOI-IF-CFE-10-20-20-20) et les activités limitées à la gestion d'un patrimoine privé (sous-section 3, BOI-IF-CFE-10-20-20-30) ; / - elle ne doit pas être rémunérée par un salaire (sous-section 4, BOI-IF-CFE-10-20-20-40). / (...) ".

15. Toutefois, cette doctrine n'ajoute pas à la loi fiscale et n'en constitue donc pas une interprétation formelle au sens de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales.

16. En tout état de cause, il résulte de ce qui précède que les documents produits par la SAS Carrefour Supply Chain ne sont pas de nature à établir qu'elle n'exerçait aucune activité dans l'établissement en cause au 1er janvier 2019 et qu'il ne peut donc pas être tenu pour établi que, comme elle l'allègue, cette société aurait été imposée à la cotisation foncière des entreprises à raison d'un établissement dont l'activité ne présentait pas les caractéristiques cumulatives retenues par cette doctrine comme une condition à cette imposition. Par suite, la SAS Carrefour Supply Chain n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'extrait précité de la doctrine administrative, dans les prévisions duquel elle ne justifie pas entrer.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Carrefour Supply Chain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Carrefour Supply Chain est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Carrefour Supply Chain, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

1

2

N°23DA00051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00051
Date de la décision : 22/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL ALEXIA FASSEU AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-22;23da00051 ?
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