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26/03/2024 | FRANCE | N°23DA00536

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 26 mars 2024, 23DA00536


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.



Par un jugement n° 2203807 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Proc

dure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars 2023 et 12 juin 2023, M. A...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2203807 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 mars 2023 et 12 juin 2023, M. A..., représenté par Me Vincent Souty, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) avant dire droit, d'appeler l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans la cause et lui enjoindre de produire l'ensemble de son dossier et d'inviter ses médecins ou tout autre médecin spécialiste à produire des observations d'ordre général sur la question des conséquences du défaut de traitement dans les conditions prévues à l'article R. 625-3 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

4°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale compétente, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et, en tout état de cause, de lui remettre dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de dix jours ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, de mettre à sa charge le versement à M. A... de cette somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il se fonde exclusivement sur l'avis de l'OFII, qu'il ne tient pas compte de son ancienneté de séjour régulier, de l'ensemble de ses pathologies, de ses perspectives d'insertion professionnelle et de son insertion sociale et associative et qu'il n'indique pas en quoi sa sécurité ne serait pas menacée dans son pays d'origine ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFII a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que la délibération par voie électronique ait été décidée et organisée conformément aux dispositions de l'article 3 de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;

- cet avis procède également d'une procédure irrégulière dès lors que le caractère collégial de la délibération n'est pas établi ; en effet, les médecins composant le collège exercent dans des régions différentes et ont apposé leurs signatures sous forme électronique ;

- l'arrêté attaqué procède d'un défaut d'examen de sa situation dès lors que le préfet s'est cru lié par l'avis de l'OFII et n'a pas tenu compte de l'ancienneté de sa présence sur le territoire, de l'ancienneté de son séjour régulier, de la dégradation de son état de santé, de son activité associative et bénévole, de l'intensité de son réseau relationnel en France, de ses perspectives d'insertion professionnelle et de l'absence de liens dans son pays d'origine ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est toujours exposé, en cas d'interruption de son traitement, à des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a établi le centre de sa vie privée et familiale en France et qu'il n'a plus aucun lien avec son pays d'origine qu'il a quitté il y a près de neuf ans ;

- pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, l'arrêté méconnaît également les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, l'arrêté méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés précédemment, l'avis du collège de médecins de l'OFII, en tant qu'il statue sur la compatibilité de son état de santé avec une mesure d'éloignement, est irrégulier ;

- pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés précédemment, l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué méconnaît également les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'en cas de retour au Togo et d'interruption de son traitement, il est exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est entré en France en 2013, qu'il justifie d'une ancienneté de séjour en situation régulière de quatre ans, qu'il dispose de garanties d'insertion professionnelle et qu'il a établi en France le centre de sa vie privée et familiale ;

- le mémoire en observations produit par l'OFII dans le cadre de la présente procédure d'appel, dès lors qu'il ne comporte aucune signature et ne communique pas la documentation sur laquelle il se fonde, est entaché d'incompétence et méconnaît les dispositions de l'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que l'ensemble des principes relatifs au droit à un procès équitable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par courrier enregistré le 27 avril 2023, M. A... a, en application de la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.

Le dossier médical de M. A... a été produit par l'OFII le 30 mai 2023 et l'OFII a présenté des observations qui ont été enregistrées le 7 juin 2023.

Par une ordonnance en date du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 novembre 2023 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., né le 13 octobre 1971, de nationalité togolaise, déclare être entré irrégulièrement en France en décembre 2013 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 mars 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 28 octobre 2015. En 2018, il a été admis au séjour pour des considérations ayant trait à son état de santé. Par un arrêté du 28 février 2020, le préfet de l'Eure a refusé le renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement n° 2001831 du 22 septembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté. A l'issue du réexamen que le tribunal avait enjoint, M. A... a été mis en possession d'un nouveau titre de séjour valable jusqu'au 21 novembre 2021 et dont il a alors demandé le renouvellement. Par un arrêté du 5 juillet 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité du mémoire en observations de l'OFII :

2. Il ressort des pièces du dossier que le mémoire en observations produit par le directeur général de l'OFII a été transmis à la juridiction le 7 juin 2023 au moyen de l'application informatique dénommée Télérecours. En vertu des dispositions combinées des articles R. 611-8-2, R. 611-8-4 et R. 414-4 du code de justice administrative, l'identification du directeur général de l'OFII selon les modalités prévues pour le fonctionnement de cette application vaut signature pour l'application des dispositions du code de justice administrative. En outre, M. A..., auquel ce mémoire a été régulièrement communiqué, a eu l'occasion d'en discuter les assertions, quand bien même le directeur général de l'OFII n'y a joint aucun élément documentaire, ce à quoi il n'était tenu par aucun texte. Dès lors, le mémoire en observations de l'OFII est recevable et la demande de M. A... tendant à ce qu'il soit écarté des débats, au motif qu'il ne serait pas signé et méconnaîtrait le droit au procès équitable, doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à ce que la cour prescrive des mesures d'instruction :

3. Il ressort des pièces du dossier qu'après que M. A... a accepté de lever le secret relatif aux informations médicales le concernant, le directeur général de l'OFII a versé aux débats l'intégralité des pièces du dossier de l'intéressé. En outre, aucun texte ni aucun principe général n'impose à l'OFII de communiquer au demandeur la documentation relative aux pays d'origine sur laquelle il s'est fondé. Le dossier comporte en tout état de cause l'ensemble des éléments utiles à la résolution du litige. Dès lors, la demande de M. A... tendant à ce que la cour ordonne avant dire droit à l'OFII de communiquer sa documentation relative aux pays d'origine ou fasse usage des prérogatives qu'elle tire de l'article R. 625-3 du code de justice administrative en invitant les médecins de l'OFII ou tout autre médecin spécialiste à produire des observations d'ordre général sur la question des conséquences du défaut de traitement doit être rejetée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions qui constituent les fondements légaux de chacune des décisions qu'il prononce à l'encontre de M. A.... Il comporte des considérations de fait suffisantes ayant mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui est opposée. La circonstance que certains éléments n'auraient pas été correctement pris en compte par le préfet, à la supposer même établie, entacherait seulement la légalité interne de la décision et non sa motivation. Dès lors qu'elle est fondée sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est également prononcée à son encontre n'avait, quant à elle, pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour décider en outre que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... pourra être exécutée à l'encontre du pays dont il a la nationalité, à savoir le Togo, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, l'arrêté attaqué rappelle qu'il a la nationalité togolaise, que sa demande d'asile a été rejetée par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA et qu'il n'établit pas y être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors que c'est à l'étranger qui entend se prévaloir des stipulations précitées d'établir la réalité des risques auxquels il estime être exposé en cas de retour et que M. A... ne justifie en l'occurrence pas avoir adressé des observations préalables à ce sujet au préfet, cette motivation apparaît proportionnée. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'OFII a versé au dossier la copie de l'avis rendu le 4 avril 2022 par le collège de médecins sur la situation de M. A..., justifiant ainsi de la réalité de sa consultation. Il en ressort que sa situation a été examinée par trois médecins, lesquels ont signé l'avis. La circonstance que leurs signatures aient été apposée sous la forme de fac-similés n'est pas de nature à établir que les intéressés, dont l'identité est clairement précisée, n'en seraient pas les auteurs. Il est constant en tout état de cause que l'application informatique dénommée Thémis, qui permet l'apposition des signatures électroniques, n'est accessible aux médecins signataires qu'au moyen de deux identifiants et de deux mots de passe qui leur sont propres et qu'elle présente ainsi les garanties de sécurité de nature à assurer l'authenticité des signatures ainsi que le lien entre elles et leurs auteurs. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis, qui comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant : ", n'aurait pas eu un caractère collégial, alors au demeurant que de tels avis résultent de la réponse apportée par chacun des médecins membres du collège à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative et que les signataires ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux. Enfin, l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII sur la situation de M. A... est complet dès lors qu'il estime que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, que compte tenu de ce motif principal le collège n'était pas tenu de se prononcer explicitement sur la seconde condition tenant à ce que le demandeur ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'il s'est en tout état de cause également prononcé sur la capacité de l'intéressé à voyager sans risque vers son pays d'origine. Dès lors, les moyens tirés de ce que la procédure de consultation et l'avis du collège de médecins de l'OFII sont entachés d'irrégularités au regard des dispositions des articles R. 425-11 à R. 425-14 et R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé et de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 doivent être écartés.

6. En troisième lieu, il ressort des mentions de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime, en citant le contenu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, a entendu s'en approprier les constatations et qu'il a en tout état de cause procédé, sur cette base, à un examen particulier de la demande de délivrance de titre de séjour de M. A..., laquelle est visée et mentionnée dans les motifs de l'arrêté, au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des mentions mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime a en particulier tenu compte de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire, des éléments qu'il faisait valoir dans sa demande ainsi que de sa situation privée et familiale, en France comme dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué procède d'un défaut d'examen sérieux doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et la protection contre l'éloignement mentionnées aux articles L. 425-9 et L. 611-3, 9°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile bénéficient à l'étranger se prévalant de motifs de santé si deux conditions cumulatives sont remplies : d'une part, l'état de santé du demandeur doit nécessiter une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, il doit être justifié que le demandeur ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour l'appréciation de la condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge, l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus du ministre de la santé dispose que : " (...) Cette condition (...) doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante. / Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine ".

9. En outre, le préfet statue au vu, notamment, de l'avis rendu par un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération cet avis médical. Si le demandeur entend en contester le sens, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

10. En l'espèce, à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A..., qui a accepté de lever le secret relatif aux informations médicales le concernant par un courrier enregistré au greffe de la cour le 27 avril 2023, s'est prévalu de ce qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique chronique, de douleurs neuropathiques séquellaires d'une poliomyélite, d'une tumeur des sinus opérée en 2017 et 2020 et d'un syndrome d'apnée du sommeil appareillé. Par son avis en date du 4 avril 2022, le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet en tout état de cause de voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, M. A... se prévaut des appréciations du collège des médecins de l'OFII et du tribunal administratif de Rouen lors de précédentes demandes et ayant alors conduit à la délivrance du titre de séjour sollicité ainsi que des constatations et analyses des praticiens médicaux qui assurent son suivi.

11. Toutefois, les avis et appréciations portées à l'occasion des précédentes demandes de M. A... sont sans incidence sur l'appréciation de sa situation actuelle, qui a entretemps évolué, et le collège de médecins de l'OFII ne peut être regardé comme ayant nécessairement entaché son avis du 4 avril 2022 de contradiction ou d'incohérence. Il ressort des certificats des médecins psychiatres assurant le suivi de M. A... que, depuis une hospitalisation en 2020, son état s'est amélioré et est désormais stabilisé au bénéfice d'un suivi et d'un traitement dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient être poursuivis dans les mêmes conditions au Togo. Alors que le dossier de M. A... ne répertorie aucune tentative de suicide par le passé, les certificats médicaux n'apportent aucun élément de nature à objectiver le risque suicidaire qu'ils évoquent. De plus, M. A... n'apporte pas d'élément suffisant permettant de déterminer l'origine de ses troubles, de les relier à son pays d'origine et d'établir qu'un retour dans ce pays l'expose nécessairement à leur aggravation. Notamment, les autorités chargées de l'asile ont par deux fois retenu que les circonstances qu'il présente comme étant à l'origine de son départ, qui sont les mêmes que celles qu'il présente comme étant à l'origine de son syndrome, ne pouvaient pas être tenues pour établies. Par ailleurs, il ressort des certificats médicaux des autres praticiens assurant son suivi que l'interruption de l'appareillage de son apnée du sommeil est seulement susceptible d'occasionner " une hypoxie chronique avec trouble de la vigilance ", que les séquelles de la poliomyélite dont il a été victime dans son enfance occasionnent des troubles de la motricité légers et que la tumeur des sinus dont il a été opéré en 2017 et 2020 était bénigne et nécessite seulement une surveillance. Aucune de ces pathologies ne met en jeu son pronostic vital dans un horizon proche, ni ne remplit la condition relative aux conséquences d'une exceptionnelle gravité, au regard des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017.

12. Dans ces conditions, M. A... n'apporte pas d'éléments suffisants pour infirmer les conclusions de l'avis du collège des médecins de l'OFII, sur lequel s'est notamment appuyé le préfet pour prendre l'arrêté en litige, et pour conclure que son état de santé remplit l'ensemble des conditions posées aux articles L. 425-9 et L. 611-3, 9°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

14. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est sans charge de famille sur le territoire. Malgré l'ancienneté de son séjour en France et bien qu'il ait bénéficié de titres de séjour dans le passé, il ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et durable. S'il fait état d'un projet récent de création d'une autoentreprise, il ne démontre ni sa viabilité, ni qu'il est de nature à lui procurer des ressources suffisantes pour garantir son autonomie financière et son insertion réussie à la société française. Dans le même temps, nonobstant le décès de ses parents, il ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu'à l'âge de quarante-deux ans, ni qu'il ne peut pas s'y réinsérer socialement et professionnellement, alors en particulier qu'il ressort de ses propres déclarations qu'il y disposait avant son départ d'une situation stable et confortable. Dans ces conditions, la durée du séjour de M. A... sur le territoire et les engagements associatifs et religieux dont il fait état, aussi louables soient-ils, ne sont pas suffisants à eux seuls pour le regarder comme ayant établi le centre principal de sa vie privée et familiale en France. Dès lors, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder son admission au séjour comme s'imposant au nom du respect du droit à la vie privée et familiale ou comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. En refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de la Seine-Maritime n'a donc ni méconnu les stipulations et dispositions citées aux points 13 et 14, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, les moyens en ce sens doivent être écartés.

16. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

17. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 à 12, M. A... n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de le regarder comme nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne pourrait effectivement pas bénéficier dans son pays d'origine. L'avis en date du 4 avril 2022 du collège de médecins de l'OFII mentionne en outre que son état de santé est compatible avec un voyage vers le Togo, sans qu'il n'apporte aucun élément en sens contraire. Enfin, M. A... n'établit ni même n'allègue être exposé à d'autres risques pour sa sécurité en cas de retour au Togo. Sa demande d'asile a au demeurant été successivement rejetée par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction. Il s'ensuit que ses conclusions d'appel à fin d'annulation de ce jugement et tendant à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance doivent, pour les mêmes motifs, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances d'appel, verse à M. A... ou à Me Vincent Souty, avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, les sommes que ceux-ci réclament au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Vincent Souty.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°23DA00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00536
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SOUTY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23da00536 ?
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