La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°23DA00092

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 11 avril 2024, 23DA00092


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.



Par un jugement no 2004110 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. C..., en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l

'année 2015, résultant de la réduction de la base d'imposition d'un montant de 2 873 euros et a rejeté l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement no 2004110 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. C..., en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, résultant de la réduction de la base d'imposition d'un montant de 2 873 euros et a rejeté le surplus de la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 janvier 2023 et 25 février 2024, M. C..., représenté par Me Delattre, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas bénéficié des garanties liées à l'examen de sa situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet au titre de l'année 2014 ;

- il n'a pas bénéficié d'un débat contradictoire s'agissant de l'année 2015 ;

- la proposition de rectification du 20 septembre 2018 relative à l'année 2014 est insuffisamment motivée et méconnaît l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- le délai de prescription prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales était expiré à la date à laquelle l'administration lui a notifié la proposition de rectification relative à l'année 2014 ;

- dès lors qu'il est tenu à une obligation alimentaire, sa demande de compensation doit être accueillie au titre de l'année 2014 ;

- le montant des travaux réalisés en 2014 dans l'immeuble situé au 29 rue du Gouvernement à Dunkerque par la société MSB Ecofire et qualifiés de revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, est excessif ;

- les virements bancaires opérés par la société MSB Ecofire sur son compte bancaire personnel postérieurement au 14 octobre 2015 ne peuvent pas être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dès lors que la qualification pénale d'abus de bien social au préjudice de cette société est limitée à la période du 19 novembre 2012 au 14 octobre 2015 ;

- l'application de la majoration d'assiette prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2023, et un mémoire non communiqué, enregistré le 21 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Les opérations de contrôle des revenus perçus par M. C... au titre des années 2014 et 2015 ont conduit l'administration à notifier au contribuable, par deux propositions de rectification du 20 septembre 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des deux années, ainsi que des majorations de 40 % pour manquement délibéré prévues au a de l'article 1729 du code général des impôts. Des impositions supplémentaires d'un montant de 593 423 euros au titre de l'année 2014 et de 127 181 euros au titre de l'année 2015 ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2018. Sa réclamation ayant été implicitement rejetée, M. C... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 24 novembre 2022, a déchargé M. C..., en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, résultant de la réduction de la base d'imposition dans la catégorie des revenus fonciers d'un montant de 2 873 euros, et a rejeté le surplus de la demande du contribuable. M. C... relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition de l'année 2014 :

2. En premier lieu, d'une part, l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dispose que : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. /(...)/ ". L'article L. 82 C du même livre, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " A l'occasion de toute procédure judiciaire, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. /(...)/ ".

4. Il résulte de l'instruction que les rehaussements notifiés par l'administration à M. C... par les deux propositions de rectification du 20 septembre 2018 procèdent, pour la première relative à l'année 2015, des opérations de contrôle menées dans le cadre d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable, diligenté sur le fondement de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, et, pour la seconde relative à l'année 2014, de l'exercice par l'administration, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 81 du même livre.

5. Dans la mesure où les rehaussements notifiés au titre de l'année 2014 trouvent leur origine exclusive dans les informations communiquées à l'administration par le ministère public et ne résultent pas de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. C..., la circonstance que l'avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle notifié au contribuable mentionnait les années 2014 et 2015 est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie au titre de l'année 2014, l'exercice du droit de communication par le service concomitamment à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. C... n'ayant pas eu pour effet de soumettre les redressements résultant de la première procédure aux obligations prévues pour la seconde. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition relative à l'année 2014 est irrégulière en raison de la privation des garanties liées à un examen de la situation fiscale personnelle doit être écarté.

6. En second lieu, en vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

7. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification n° 2120 du 20 septembre 2018 relative à l'année 2014 rappelle les termes du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Dunkerque le 13 décembre 2017 et notamment ceux qui ont conduit à la reconnaissance de la culpabilité de M. C... pour des faits d'abus de bien social en récidive à l'encontre de la société MSB Ecofire, notamment pour avoir fait réaliser, en 2014, des travaux par cette société à son bénéfice dans un immeuble situé au 29 rue du Gouvernement à Dunkerque pour un montant évalué à 400 000 euros. Cette proposition de rectification expose également les motifs de droit qui ont conduit l'administration à considérer que cette somme constituait un revenu distribué au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.

8. Si M. C... soutient que le jugement pénal était imprécis sur l'évaluation à 400 000 euros des travaux en cause, puisqu'il indiquait que " le coût des travaux aurait avoisiné les 400 000 euros ", ce chiffrage avait été donné par le comptable de la société et les précisions données dans la proposition de rectification étaient suffisantes pour permettre au contribuable d'engager une discussion sur le chiffre de 400 000 euros ainsi retenu par le service.

9. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification n° 2120 du 20 septembre 2018 manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la procédure d'imposition de l'année 2015 :

10. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui marque l'achèvement de cet examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. La méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte du contribuable vérifié. Cette obligation n'implique pas, toutefois, que l'administration soumette au débat l'ensemble des éléments qu'elle a rassemblés à cet effet. En particulier, le service n'est pas tenu d'engager avec le contribuable un débat oral préalable à la proposition de rectification qu'il adresse à partir des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication.

11. En l'espèce, d'une part, le vérificateur a rencontré M. C... le 27 septembre 2017 dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle engagé pour l'année 2015. Il n'est pas contesté que le contribuable n'a fourni à cette occasion aucun relevé de compte financier et qu'il n'a pas davantage produit les documents demandés dans le cadre de la demande d'information qui lui a été remise au terme de cet entretien.

12. D'autre part, M. C... n'a pas ensuite pris contact avec l'administration, ainsi que cette dernière le lui avait proposé dans son courrier du 23 octobre 2017 par lequel elle l'informait de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire.

13. Enfin, il résulte des termes de la proposition de rectification n° 3924 du 20 septembre 2018 faisant suite à l'examen de la situation fiscale personnelle de M. C... que les rehaussements d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 résultent exclusivement des renseignements obtenus par l'administration à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et de trois établissements bancaires dans lesquels le contribuable détenait des comptes.

14. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de tout débat oral et contradictoire avec le vérificateur s'agissant de l'année 2015 doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne la prescription :

15. Aux termes de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

16. Des insuffisances ou omissions d'imposition ne peuvent pas être regardées comme révélées par une procédure judiciaire au sens de cet article lorsque l'administration dispose d'éléments suffisants lui permettant, par la mise en œuvre des procédures d'investigation dont elle dispose, d'établir ces insuffisances ou omissions d'imposition dans le délai normal de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

17. Il résulte de l'instruction que, le 8 juin 2017, le substitut du procureur de la République près le tribunal correctionnel de Dunkerque a informé l'administration, en application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, de l'existence d'une procédure judiciaire ouverte à l'encontre de M. C.... L'administration a alors engagé une procédure d'examen de la situation fiscale personnelle de M. C... portant sur les années 2014 et 2015, ce dont le contribuable a été informé par un avis du 5 septembre 2017. Ainsi qu'il a été dit, M. C... n'a fourni aucun relevé de compte financier à l'occasion de l'entretien qui s'est déroulé le 27 septembre 2017 et n'a pas donné suite à la demande d'information qui lui a été remise à cette occasion.

18. L'administration ne disposait donc d'aucune information ni pièce relative aux insuffisances ou omissions d'imposition qui ont fait l'objet des rectifications notifiées par la proposition de rectification n° 2120 du 20 septembre 2018 portant sur l'année 2014, avant la réponse positive du procureur de la République près le tribunal correctionnel de Dunkerque, le 20 octobre 2017, donnée à sa demande d'exercice de son droit de communication.

19. Ces insuffisances ou omissions d'imposition doivent ainsi être regardées comme ayant été révélées par la procédure judiciaire engagée à l'encontre de M. C... et qui a abouti au jugement du tribunal correctionnel de Dunkerque du 13 décembre 2017 et à l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 19 juin 2018.

20. Dès lors, l'administration était fondée à se prévaloir de la prolongation du délai de reprise pour l'année 2014, par application de l'article L. 108 C du livre des procédures fiscales, sans que M. C... puisse utilement invoquer l'insuffisance des diligences de l'administration pour que les rectifications relatives à l'année 2014 lui soient notifiées avant l'échéance du délai normal de reprise de l'article L. 169 du même livre, soit le 31 décembre 2017.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

21. M. C... n'ayant pas présenté d'observations à la suite de la notification des deux propositions de rectification du 20 septembre 2018 relatives aux années 2014 et 2015, le contribuable supporte de ce fait la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne les revenus distribués :

22. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

23. En premier lieu, l'administration, sur la base des mentions du jugement du tribunal correctionnel, a estimé que la somme de 400 000 euros, correspondant au montant évalué des travaux réalisés en 2014 au bénéfice de M. C... par la société MSB Ecofire sur l'immeuble situé au 29 rue du Gouvernement à Dunkerque, et qui ont été qualifiés par le juge pénal d'abus de bien social au détriment de cette société, constituait un revenu distribué entre les mains de M. C... au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.

24. Si le requérant conteste l'évaluation du coût de ces travaux et met en avant le fait que la cour d'appel de Douai a ordonné une expertise avant dire droit notamment sur ce point avant de statuer sur l'action civile du mandataire judiciaire chargé de la liquidation de la société MSB Ecofire, il n'apporte pas la moindre explication ni pièce de nature à démontrer le caractère exagéré de l'imposition mise à sa charge résultant de cette évaluation alors que, ainsi qu'il a été dit, la charge de la preuve lui incombe.

25. En second lieu, l'administration a estimé que M. C... avait bénéficié de rémunérations et avantages occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts pour un montant de 122 588 euros au titre de l'année 2015, somme correspondant notamment au montant des virements bancaires réalisés en 2015 par la société MSB Ecofire au bénéfice du compte bancaire personnel du contribuable.

26. M. C... soutient que, la juridiction pénale ne l'ayant condamné à ce titre pour abus de bien social commis à l'encontre de cette société que jusqu'au 14 octobre 2015, les virements postérieurs à cette date, représentant un montant de 57 285,93 euros, ne peuvent pas être qualifiés de revenus distribués.

27. Toutefois, il résulte de l'instruction que si le juge pénal a limité la qualification d'abus de bien social pour ces faits à la période expirant le 14 octobre 2015, date de la cessation de paiement de la société MSB Ecofire, M. C... a été condamné pour les mêmes faits au titre de la période postérieure à cette date pour " banqueroute en récidive ". Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la rectification d'un montant de 122 588 euros au titre de l'année 2015 dans la catégorie des revenus distribués présente un caractère exagéré.

En ce qui concerne l'application de la majoration d'assiette prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts :

28. Aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

29. En vertu du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le montant des revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 de ce code et à l'article 109 du même code, résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice, retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, est multiplié par 1,25.

30. Dans le dernier état de ses écritures, M. C... soutient que l'application de la majoration prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts aux revenus distribués au sens du c de l'article 111 du même code lui impose une charge excessive et se prévaut de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, qui s'est prononcée sur la conventionnalité, au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la majoration prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts.

31. Toutefois, cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 s'est prononcée sur la conventionnalité d'une majoration distincte applicable aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, de bénéfices non commerciaux ou de bénéfices agricoles quand ils ne sont pas adhérents à un organisme de gestion agréé, et non sur la majoration applicable aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 prévue au 2° du 7 du même article.

32. En tout état de cause, d'une part, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 déclarant conformes à la Constitution la référence " c " et les mots " et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice " figurant au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le législateur a entendu, en adoptant ces dispositions, soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations, et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La majoration en cause repose donc suffisamment sur une base raisonnable.

33. D'autre part, ainsi que l'a également rappelé le Conseil constitutionnel, l'application de cette majoration, qui porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable, ne conduit pas à une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables. La majoration en cause n'entraîne donc pas une surcharge financière disproportionnée à l'encontre du contribuable.

34. Dans ces conditions, la méthode retenue par le législateur, pour les revenus distribués du c de l'article 111 du code général des impôts, au 2° du 7 de l'article 158 du même code n'a pas rompu le juste équilibre qui doit exister entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu.

35. Le moyen tiré de ce que cette dernière disposition est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

En ce qui concerne la demande de compensation au titre de l'année 2014 :

36. Aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ".

37. M. C... invoque au titre de l'année 2014 un droit à compensation résultant de l'absence de déclaration de sa part de la pension alimentaire versée au bénéfice de sa fille mineure d'un montant de 4 800 euros.

38. Toutefois, il résulte en tout état de cause de la déclaration de revenus souscrite par M. C... au titre de l'année 2014 que ce dernier a déclaré dans ses charges déductibles la somme de 4 800 euros au titre de cette pension alimentaire et l'administration fait valoir en conséquence que cette somme a déjà été prise en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu dû par le contribuable. Le moyen ainsi invoqué doit donc être écarté.

39. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015.

40. Par voie de conséquence, les conclusions que M. C... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

N°23DA00092

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00092
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23da00092 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award