Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eurostockage a demandé par deux requêtes distinctes au tribunal administratif de Lille, d'annuler l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet du Nord lui a infligé une amende administrative de 5 000 euros pour non-respect des termes de l'arrêté préfectoral de mise en demeure du 12 janvier 2017 et d'annuler ou à défaut d'abroger l'arrêté du 2 mai 2019 par lequel le préfet du Nord lui a infligé une astreinte administrative quotidienne de 100 euros jusqu'à satisfaction de l'arrêté préfectoral de mise en demeure du 12 janvier 2017 ainsi que de prononcer la décharge de cette astreinte.
Par un jugement commun n° 1905709, 1905735 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 30 octobre 2023, la société Eurostockage, représentée par Me Cindy Malolepsy, se substituant à Me Valéry Gollain, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ou d'abroger l'arrêté du 2 mai 2019 lui infligeant une astreinte administrative à compter du dépôt du porter à connaissance du 1er mars 2018 ;
3°) de la décharger du paiement de l'amende infligée par l'arrêté du 2 mai 2019, ou à tout le moins de réduire cette amende à de plus justes proportions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a déposé un premier porter à connaissance le 1er mars 2018 ;
- elle a également obtenu de la société Bogaert la régularisation de ses activités et a décidé le rachat de la cellule occupée par cette société ;
- ses installations contre la foudre sont parfaitement conformes ;
- l'amende infligée est disproportionnée alors qu'elle a immédiatement déféré aux demandes de l'administration.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Cindy Malolepsy représentant la société Eurostockage.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société Eurostockage exploite un site de stockage de matières combustibles sur le territoire de la commune de Bierne, autorisé au titre de la législation sur les installations classées par un arrêté du 24 septembre 2007 du préfet du Nord. Par un arrêté du 12 janvier 2017, le préfet du Nord a mis en demeure cette société de respecter les prescriptions encadrant son activité. Puis, par deux arrêtés du 2 mai 2019, le préfet du Nord a d'une part soumis la société à une astreinte de 100 euros par jour jusqu'à la mise en conformité avec les prescriptions de la mise en demeure du 12 janvier 2017 et a d'autre part infligé à la société une amende administrative de 5 000 euros. La société Eurostockage relève appel du jugement du 30 mai 2022 du tribunal administratif de Lille rejetant ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés du 2 mai 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. / II. Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : / (...) / 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte. / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. / L'amende ne peut être prononcée au-delà d'un délai de trois ans à compter de la constatation des manquements. ". Il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.
En ce qui concerne l'arrêté du 2 mai 2019 soumettant la société à une astreinte administrative :
3. L'arrêté de mise en demeure du 12 janvier 2017 a mis en demeure la société Eurostockage de respecter les dispositions de l'article R.512-33 du code de l'environnement en portant à sa connaissance, avec tous les éléments d'appréciation, les modifications notables apportées à l'exploitation de ses installations dans un délai de 3 mois, celles de l'article 5.4 de l'annexe 1 de l'arrêté ministériel de prescriptions générales du 15 avril 2010 en mettant en place une surveillance des émissions sonores de l'installation permettant d'estimer la valeur de l'émergence générée dans les zones à émergence réglementée dans le délai d'un mois, celles de l'article 21 de l'arrêté ministériel du 4 octobre 2010 susvisé en faisant vérifier ses installations de protection contre la foudre dans le délai de deux mois et celles de l'article 7.3.5 de l'arrêté préfectoral d'autorisation du 24 septembre 2007 en faisant vérifier l'ensemble de ses installations électriques dans le délai d'un mois. L'arrêté du 2 mai 2019 vise cette mise en demeure du 12 janvier 2017 et impose à la société Eurostockage une astreinte jusqu'à l'exécution des obligations de cette mise en demeure.
4. Il n'est pas contesté que les prescriptions relatives à la surveillance des émissions sonores et à la vérification des installations électriques sont devenues sans objet, à la suite du porter à connaissance adressé le 1er mars 2018 par la société Eurostockage à l'inspection des installations classées, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges.
S'agissant du porter à connaissance des modifications notables apportées à l'exploitation de l'installation :
5. Si un porter à connaissance a été adressé le 1er mars 2018 aux services de l'Etat, ceux-ci l'ont considéré comme incomplet et ont demandé par courrier du 7 juin 2018 la transmission de compléments dans un délai de trois mois. La visite d'inspection du 5 février 2019 a constaté notamment l'absence de transmission de ces compléments. Une nouvelle version du porter à connaissance a été transmise le 12 juillet 2019. Toutefois, l'inspection des installations classées a constaté, le 17 septembre 2019 que ce document restait incomplet. Une troisième version de ce porter à connaissance a été transmise aux services de l'Etat, le 23 février 2021. Par courrier du 8 septembre 2021, des compléments ont également été demandés à ce document et une quatrième version du porter à connaissance a été établi le 16 novembre 2022 dont les services de l'Etat ont accusé réception le 17 février 2023 par remise d'un récépissé.
6. La mise en demeure du 12 janvier 2017 considérait comme modification notable de l'exploitation, la remise en exploitation du bâtiment G et la nouvelle installation de stockage et de découpage de panneaux d'isolation de polyuréthane. Toutefois, il résulte du porter à connaissance du 16 novembre 2022, qui diffère des précédents sur ce point, que le site " ne dispose plus d'aucun stockage de polyuréthane ". Cette disparition résulte du rachat de la cellule occupée par la société Bogaert par la société Eurostockage. Si le bâtiment G continue à être exploité, le porter à connaissance produit un plan de stockage de ce bâtiment. Ce document indique qu'il n'y a " pas de stockage combustible extérieur à moins de 10 mètres des parois de la cellule G " et que la modélisation en cas d'incendie établit que " les flux du bâtiment G ne sortent pas des limites de propriétés et n'impactent pas de bâtiments voisins ". Ces éléments ne font l'objet d'aucune critique en défense. Les écritures en défense de l'Etat tant en première instance qu'en appel ne font valoir aucune autre modification notable de l'exploitation, ni aucun autre élément dont il ne serait pas justifié par la dernière version successive du porter à connaissance.
7. Il résulte de ces éléments que la société Eurostockage a respecté les prescriptions relatives à la communication d'un porter à connaissance à compter du récépissé de la réception le 17 février 2023 de la quatrième version du porter à connaissance.
S'agissant de la protection contre la foudre :
8. Il résulte de l'instruction que si la société a fait procéder à une vérification de la protection de ses installations contre la foudre, le 18 octobre 2018, l'organisme vérificateur avait relevé des non-conformités de l'installation. La société produit un rapport du 10 mars 2022 d'une société spécialisée qui préconise une actualisation de l'analyse du risque foudre et la nécessité de protéger les installations par deux parafoudres. Toutefois, une facture du 10 avril 2022 établit que l'analyse du risque foudre a été actualisée, ce que confirme la dernière version du porter à connaissance et que deux parafoudres ont été acquis. Néanmoins la société ne justifie pas que son installation ait été contrôlée moins de six mois après l'exécution des travaux par une société distincte de l'installateur conformément aux dispositions de l'article 21 l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation.
9. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si l'astreinte à laquelle était soumise la société Eurostockage était justifiée jusqu'à la réception par les services de l'Etat de la dernière version du porter à connaissance. Toutefois, à cette date du 17 février 2023, la seule prescription de la mise en demeure du 12 janvier 2017 à laquelle la société ne s'était pas mise en conformité était la justification par un organisme distinct de l'installateur d'une vérification des travaux de protection contre la foudre, moins de six mois après leur réalisation. La société établit qu'elle demeure soumise en 2023 à une astreinte journalière de 100 euros. Le montant de l'astreinte apparaît donc disproportionné à compter du 17 février 2023, au regard du seul manquement qui perdure et du trouble causé à l'environnement. Dans ces conditions, l'arrêté du 2 mai 2019 est abrogé à compter du 17 février 2023 en ce qu'il fixe une astreinte journalière de 100 euros.
En ce qui concerne l'arrêté du 2 mai 2019 infligeant à la société Eurostockage une amende de 5000 euros :
10. L'arrêté du 12 janvier 2017 du préfet du Nord a mis en demeure la société Eurostockage de se conformer aux prescriptions régissant son activité. La visite d'inspection réalisée le 16 janvier 2018 a établi que la société ne s'était pas conformée à l'ensemble des prescriptions de cette mise en demeure. Les visites des 20 mars 2018 et 5 février 2019 ont également démontré que l'activité de la société n'était pas conforme sur plusieurs points aux prescriptions applicables. De même, si la société a transmis le 1er mars 2018, un porter à connaissance des modifications notables apportées à son exploitation telle qu'autorisée, ce document, ainsi qu'il a été dit était incomplet et la société a transmis quatre versions successives de ce porter à connaissance. Par ailleurs, la mise en demeure relevait qu'une activité non déclarée de stockage de panneaux de polyuréthane était pratiquée. Cette activité présentait des risques importants d'incendie sur un site de stockages de matériaux combustibles. Si cette activité a disparu, elle justifiait également l'amende à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. Dans ces conditions, l'amende fixée à 5 000 euros infligée à la société Eurostockage par l'arrêté du 2 mai 2019 ne parait pas disproportionnée au regard des manquements constatés, du retard dans la mise en œuvre de cet arrêté et du trouble causé à l'environnement. La société Eurostockage n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif a rejeté sa demande de décharge de l'amende administrative qui lui a été infligée.
11. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la société Eurostockage, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 2 mai 2019 soumettant la société Eurostockage à une astreinte journalière de 100 euros est abrogé à compter du 17 février 2023.
Article 2 : Le jugement n °1905709, 1905735 du tribunal administratif de Lille du 30 mai 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurostockage et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. Perrin
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA01661 2