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05/07/2024 | FRANCE | N°23DA02211

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 05 juillet 2024, 23DA02211


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a annulé l'autorisation de détention d'un ordinateur personnel dont il bénéficiait.



Par un jugement n° 2107464 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision du 21 septembre 2021 et a enjoint au directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil de

procéder à un nouvel examen de la demande de M. C... tendant à la restitution de son ordinateur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a annulé l'autorisation de détention d'un ordinateur personnel dont il bénéficiait.

Par un jugement n° 2107464 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision du 21 septembre 2021 et a enjoint au directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil de procéder à un nouvel examen de la demande de M. C... tendant à la restitution de son ordinateur dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, le garde des Sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C....

Il soutient que :

- le signataire de la décision n'avait pas compétence pour ce faire ;

- les autres moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2024 à 12 heures.

L'aide juridictionnelle totale a été maintenue au bénéfice de M. C... par une décision du 14 mars 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Douai.

Un mémoire présenté pour M. C..., par Me Benoît David, a été enregistré le 14 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la circulaire de la direction de l'administration pénitentiaire du 13 octobre 2009 relative à l'accès à l'informatique pour les personnes placées sous main de justice ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par une décision 21 septembre 2021, le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a procédé au retrait du matériel informatique personnel de M. C..., alors incarcéré dans cet établissement. Saisi par M. C..., le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision. Le garde des Sceaux, ministre de la justice fait appel de ce jugement du 29 septembre 2023.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge administratif peut, sans méconnaître le principe du contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par un arrêté du 1er septembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du Pas-de-Calais du 6 septembre 2021 et produit pour la première fois en appel, le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a donné délégation à M. B... de-Parscau, adjoint au chef d'établissement pour signer toute décision visant notamment " à retenir un équipement informatique appartenant à une personne détenue ". Par suite, le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté, a annulé pour ce motif d'incompétence la décision du 21 septembre 2021 signée par M. de-Parscau et retirant à M. C... l'autorisation d'utiliser son ordinateur portable.

3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C....

Sur les autres moyens invoqués par M. C... :

En ce qui concerne la portée des conclusions de M. C... :

4. La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille tendait à l'annulation de la décision du 30 juillet 2021 annulant l'autorisation de détention d'un ordinateur personnel dont il bénéficiait. La décision du 21 septembre 2021 ayant le même objet s'est nécessairement substituée à cette première décision et M. C... dans son dernier mémoire en première instance du 1er septembre 2023 a indiqué qu'il redirigeait ses conclusions contre la seule décision du 21 septembre 2021. Il doit donc être considéré comme ayant renoncé à ses conclusions d'annulation de la décision du 30 juillet 2021. Dans ces conditions, les moyens invoqués initialement par M. C... à l'encontre de la décision du 30 juillet 2021 doivent être considérés comme soulevés contre la décision du 21 septembre 2021.

En ce qui concerne la régularité de la délégation de signature du chef d'établissement :

5. Eu égard à l'objet d'une délégation de signature, une publication au recueil des actes administratifs, qui permet de donner date certaine à la décision de délégation prise par le chef d'établissement, constitue une mesure de publicité adéquate. Dans ces conditions, l'absence de publication de la délégation de signature prise par le chef de l'établissement au sein de cet établissement est sans incidence sur la légalité de la décision prise sur la base de cette délégation.

En ce qui concerne la motivation de la décision du 21 septembre 2021 :

6. La décision du 21 septembre 2021 rappelle les faits constatés à l'occasion du contrôle de l'ordinateur personnel de M. C.... Elle donne ensuite la teneur des dispositions permettant de retenir des équipements informatiques mis à disposition des détenus. La décision vise également l'article D. 449-1 du code de procédure pénale. Si cet article a été abrogé, il a été repris par l'article R. 57-6-18 du même code et l'erreur dans les visas est sans incidence sur la motivation de la décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 21 septembre doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de débat contradictoire préalable :

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été informé, le 14 septembre 2021 de la procédure de retrait de son matériel informatique. Il a souhaité faire valoir ses observations orales et être assisté d'un avocat. Les pièces relatives à cette procédure lui ont été transmises le 17 septembre 2021 et une demande de désignation d'un avocat d'office a été adressée le même jour au barreau de Béthune. Lors de l'audience tenue le 21 septembre préalablement à la décision. M. C... n'a finalement pas souhaité présenter d'observations et son conseil n'était pas présent et n'a pas transmis d'observations. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne l'erreur de droit :

8. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Cette substitution peut intervenir pour la première fois en appel. La décision du 21 septembre 2021 vise l'article D. 449-1 du code de procédure pénale qui était abrogé à la date de la décision. Le ministre de la justice demande en appel, la substitution à cette base légale de l'article R. 57-6-18 du même code. L'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans les deux cas et M. C... a bénéficié des garanties liées à l'application de l'article R. 57-6-18. Dans ces conditions, il est procédé à cette substitution de base légale.

9. Aux termes de l'article 728 du code de procédure pénale alors applicable : " Des règlements intérieurs types, prévus par décret en Conseil d'Etat, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires. " Aux termes de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale alors applicable : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. / Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier (...) ".

10. Aux termes du VII de l'article 19 du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale alors applicable : " La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. / En aucun cas elle n'est autorisée à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnelles, sur un support informatique. / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire de la personne détenue ".

11. Enfin, la circulaire du 13 octobre 2009 du ministre de la justice relative à l'accès à l'informatique pour les personnes placées sous main de justice indique que " l'échange ou la communication par un détenu de tour support informatique avec l'extérieur est strictement interdit ".

12. Il ressort du rapport de contrôle de l'ordinateur de M. C... auquel il a été procédé le 26 juillet 2021 que ce matériel contenait de nombreux fichiers vidéo et de nombreux logiciels qui n'étaient pas liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnelles. Ce rapport indique également des traces d'utilisation de clés " USB " et de cartes " micro sd " ou la présence de documents prouvant l'entrée illégale au sein de l'établissement pénitentiaire de matériel de stockage utilisé par M. C.... Dans ces conditions, la décision du 21 septembre 2021 est motivée par la méconnaissance des dispositions précitées. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des Sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a retiré à M. C... l'autorisation de détenir un ordinateur portable, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 29 septembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des Sceaux, ministre de la justice, à M. A... C... et à Me Benoît David.

Délibéré après l'audience publique du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA02211 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02211
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;23da02211 ?
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