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29/08/2024 | FRANCE | N°23DA02395

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 29 août 2024, 23DA02395


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 juin 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an.



Par un jugement n°2306065 du 14 septembre 2023, le t

ribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 8 juin 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'une carte de résident en qualité de réfugié, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français durant un an.

Par un jugement n°2306065 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2023 et un mémoire enregistré le 8 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Xavier Ferrand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 septembre 2023 et cet arrêté du 8 juin 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour d'un an ou, à défaut, de réexaminer sa demande, ensemble dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus d'un titre de séjour a été signée par une autorité ne disposant pas d'une délégation à cette fin ;

- cette décision est insuffisamment motivée et est entachée de défaut d'examen ;

- elle est également entachée d'erreur de droit, le préfet devant se prononcer sur sa demande de titre en tant qu'" étranger malade " ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise sur le fondement d'une décision illégale de refus d'un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays d'éloignement a été prise sur le fondement d'une décision illégale portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an méconnaît le droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une décision défavorable ;

- cette décision est entachée d'erreur de fait et viole les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il reprend les moyens développés en première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 juin 2023, le préfet du Nord a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., ressortissant de la Guinée-Bissau, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 14 septembre 2023, a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :

2. Il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'étranger peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Si le préfet n'était saisi que d'une demande de titre de séjour en qualité de réfugié, il a néanmoins examiné dans sa décision contestée, la situation personnelle de M. B....

3. M. B... a demandé un titre de séjour en raison de son état de santé que le préfet a refusé d'enregistrer par une décision du 8 décembre 2020. En première instance comme en appel, M. B... produit un certificat médical du 28 mars 2022 de son médecin généraliste qui atteste que l'intéressé doit suivre " un traitement médical au long cours pour une maladie chronique potentiellement mortelle " et qu'" il ne peut pas bénéficier de ce traitement dans son pays d'origine ". M. B... souffre d'un diabète de type II, insulino-requérant et ayant nécessité des injections ophtalmiques intravitréennes. Il produit également un article de septembre 2019 du journal médical Pan African Medical Journal qui indique que " le traitement, la prise en charge et le suivi du diabète sont assez médiocres " en Guinée-Bissau et que " les dépenses de santé sont pour la plupart à la charge des patients " entrainant du fait de la pauvreté de la population, une " prévalence très élevée de complications liées au diabète ". Le préfet du Nord, qui n'a pas jugé utile de consulter le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration y compris au regard des perspectives d'éloignement de M. B..., n'a produit aucun élément de nature à remettre en cause les éléments apportés par l'intéressé.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord a entaché sa décision de refus de titre d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. B.... Par suite, cette décision doit être annulée pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par l'appelant.

En ce qui concerne les autres décisions :

5. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français emporte par voie de conséquence l'annulation des décisions consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Par suite, il y a lieu d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et interdisant le retour de M. B... sur le territoire français pendant une durée d'un an.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions d'annulation de l'arrêté du 8 juin 2023.

Sur l'injonction :

7. Compte tenu du motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Xavier Ferrand avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ferrand de la somme de 1 000 euros toutes taxes comprises.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 14 septembre 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 8 juin 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros toutes taxes comprises à verser à Me Ferrand sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Xavier Ferrand, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 août 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Nord, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA02395 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02395
Date de la décision : 29/08/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : FERRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 08/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-29;23da02395 ?
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