Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République de Guinée comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer le titre sollicité, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa demande de titre de séjour, après l'avoir mis en possession, dans un délai de sept jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2200933 du 16 février 2024, le tribunal administratif de Lille a donné acte à M. A... du désistement des conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 octobre 2021 du préfet du Pas-de-Calais portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mai 2024, M. A..., représenté par Me Lutran, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 26 octobre 2021 du préfet du Pas-de-Calais portant refus de séjour ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision du 26 octobre 2021 du préfet du Pas-de-Calais ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder, dans le même délai, à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour, après l'avoir mis en possession, dans un délai de sept jours à compter de la même date, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'avère entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2024, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 2 mai 2024, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant de la République de Guinée né le 5 mars 1991 à Konakry (Guinée), est entré en France le 13 septembre 2016, selon ses déclarations. Il a formé, le 20 janvier 2017, une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 31 mars 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 3 octobre 2017. Par un arrêté du 25 novembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a refusé d'admettre M. A... au séjour au titre de l'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. S'étant néanmoins maintenu en France, M. A... a sollicité, le 25 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Il a été fait droit à cette demande et l'intéressé s'est vu délivrer, le 14 décembre 2020, une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 13 juin 2021. M. A... a sollicité, le 30 avril 2021, le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 26 octobre 2021, le préfet du Pas-de-Calais refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la République de Guinée comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. M. A... relève appel du jugement du 16 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande, tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'état de santé :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a entendu lever le secret médical, souffre d'hypertension, de polyglobulie et d'un syndrome d'hyperviscosité, pathologies pour la prise en charge desquelles l'intéressé bénéficie d'un suivi hématologique régulier et se voit prescrire un traitement médicamenteux essentiellement composé, en dernier lieu, de Coveram 10/5 mg.
4. Pour refuser d'accorder à M. A... un renouvellement de la carte de séjour temporaire valable un an qui lui avait été précédemment délivrée pour raisons de santé, le préfet du Pas-de-Calais a notamment fondé son appréciation sur un avis émis le 11 octobre 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel si l'état de santé de M. A... rend nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Le même avis ajoute que, au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, l'état de santé de M. A... peut lui permettre de voyager sans risque vers ce pays d'origine.
5. M. A... conteste l'appréciation de sa situation à laquelle s'est ainsi livré le préfet du Pas-de-Calais, au vu notamment de cet avis, en soutenant qu'il ne peut être tenu pour établi qu'un traitement approprié à son état de santé est effectivement disponible en République de Guinée, où sévissent des ruptures d'approvisionnement de médicaments, la liste des médicaments essentiels publiée en 2012 par les autorités de ce pays ne tenant pas compte de l'évolution de la situation locale sur ce point. Il ajoute que le préfet du Pas-de-Calais l'avait d'ailleurs admis précédemment au séjour en France pour lui permettre de s'y soigner et que ni son état de santé, ni la situation médicale prévalant en République de Guinée n'ont connu d'évolution favorable depuis lors. Enfin, M. A... produit, au soutien de ses dires, des certificats médicaux établis les 18 et 19 mars 2024, par deux médecins exerçant chacun dans un établissement hospitalier de Konakry et qui indiquent que le traitement prescrit à M. A... ne pourra lui être prodigué dans ce pays, faute d'y être disponible, et qu'il est souhaitable, sauf à encourir le risque de complications telles que la leucémie aiguë, que l'intéressé continue d'être pris en charge à l'étranger.
6. Toutefois, les deux certificats médicaux que M. A... verse ainsi au dossier, qui ont été établis, dans des termes très proches, à l'issue de téléconsultations, par des médecins hospitaliers qui ne suivent pas habituellement l'intéressé, ne comportent, au soutien de l'appréciation, à laquelle se livrent leur auteur, de la disponibilité en République de Guinée du traitement médical prescrit à M. A..., aucune argumentation étayée par des données précises caractérisant la situation, en matière d'approvisionnement en médicaments, des établissements hospitaliers dans lesquels exercent ces praticiens. Par ailleurs, le préfet du Pas-de-Calais produit, pour justifier du bien-fondé de son appréciation, la 7ème édition, publiée en 2021, de la liste des médicaments essentiels disponibles en République de Guinée, édition de neuf ans postérieure à celle de 2012 dont M. A... critique la pertinence, et de laquelle il ressort que les deux principes actifs entrant dans la composition du Coveram 10/5 mg prescrit en France à M. A..., à savoir le périndopril et l'amlodiprine, figurent sur cette liste, à la page 29, d'ailleurs en association et selon le même dosage que celui administré à l'intéressé, comme dispensés par les établissements hospitaliers et les centres médicaux communaux. Dans ces conditions, ni les certificats médicaux produits par M. A..., ni, par elle-même, la circonstance que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait précédemment émis un avis différent sur ce point, en tenant compte de la situation prévalant alors en République de Guinée, ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet du Pas-de-Calais sur sa situation, au vu notamment de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office, selon laquelle il pourra effectivement accéder à un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Il suit de là que, pour refuser d'accorder à M. A... le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Pas-de-Calais ne peut être tenu comme ayant commis une erreur dans l'appréciation de la situation de l'intéressé, au regard des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni comme ayant méconnu ces dispositions.
En ce qui concerne l'atteinte portée à la vie privée et familiale :
7. Si M. A... soutient qu'entré sur le territoire français le 13 septembre 2016, il pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté du 2 octobre 2021 du préfet du Pas-de-Calais, d'un séjour habituel en France d'une durée de plus de cinq années, il ressort des pièces du dossier que cette durée de séjour, à la supposer établie par les pièces versées au dossier, d'une part, n'a été rendue possible que par la soustraction de l'intéressé à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, a été effectuée dans des conditions en majeure partie irrégulière. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... est marié et que son épouse, de même que leurs quatre enfants mineurs demeurent dans son pays d'origine, où il a lui-même habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Enfin, les engagements bénévoles au service de personnes démunies dont justifie M. A... et son recrutement en contrat de travail à durée déterminée, du 1er juin au 30 novembre 2021, en tant qu'agent d'exploitation par une entreprise d'insertion ne peuvent suffire à l'intéressé à justifier d'une intégration et d'une insertion professionnelle significatives dans la société française. Dans ces conditions et eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. A..., la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ni, par suite, ne méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 26 octobre 2021 du préfet du Pas-de-Calais refusant de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de la requête de M. A... tendant à ce que la cour prononce des injonctions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de procédure :
10. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. A... présente sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Lutran.
Copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. B...Le rapporteur,
J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
N°24DA01046 2