Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme T... M..., Mme K... AI..., M. J... AI..., M. W... I..., M. O... AE..., M. J... AM..., Mme F... S..., M. G... AJ..., M. R... AA..., M. Q... AB..., M. E... AB..., Mme Z... AG..., M. AD... AG..., Mme V... L..., M. B... L..., Mme AK... AN..., M. C... AN..., Mme X... A..., M. AL... Y..., Mme U... AC..., M. AO... H..., Mme N... AH..., M. D... AH... et Mme AF... P... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens :
- d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel le maire de la commune du Plessis-Belleville a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Les Saules un permis de construire un ensemble immobilier de quarante-six logements sociaux sur une parcelle cadastrée section AE 68 située 8 route de Senlis sur le territoire de la commune, ainsi que la décision du 21 novembre 2022 rejetant leur recours gracieux contre cet arrêté ;
- d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le maire de la commune du Plessis-Belleville a délivré à la SCCV Les Saules un permis de construire modificatif apportant des précisions, notamment, quant à l'abattage et la replantation d'arbres de haute tige ainsi que sur les degrés des pans de toitures ;
- de mettre à la charge de la commune du Plessis-Belleville la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2300213 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023, ainsi que la décision du 21 novembre 2022 du maire de la commune du Plessis-Belleville rejetant le recours gracieux de Mme M... et autres et, a mis à la charge de la commune du Plessis-Belleville la somme globale de 1 500 euros à verser à Mme M... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2023 sous le n° 23DA02172, la société civile de construction-vente (SCCV) Les Saules, représentée par Me Emmanuel Vital-Durand, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023, ainsi que la décision du 21 novembre 2022 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme M... et autres ;
3°) de surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la régularisation des arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023 au cas où seraient confirmés les vices tirés de la méconnaissance des articles L. 111-11 et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de Mme M... et autres la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en premier lieu, le jugement est irrégulier en raison de son insuffisance de motivation :
- le tribunal n'a pas tenu compte de ses trois mémoires en défense, de ses observations orales à l'audience et de sa note en délibéré s'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 111-11 et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, il s'est borné à une motivation hâtive et n'a pas tenu compte des pièces qu'elle lui a communiquées, qui justifient de l'absence de sous-capacité du réseau d'assainissement et de l'imminence des travaux de réhabilitation de la canalisation d'assainissement ;
- pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il n'a pas tenu compte des pièces qu'elle lui a communiquées, qui attestent de la faculté de modifier la localisation des peupliers ou de leur substituer une autre essence d'arbre ;
- malgré sa demande, le tribunal n'a pas justifié de l'absence d'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en prononçant l'annulation totale des arrêtés ;
- en second lieu, c'est à tort que le tribunal a retenu les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 111-11 et R. 111-2 du code de l'urbanisme :
- non seulement le réseau d'assainissement ne souffre d'aucune insuffisance au jour des arrêtés, mais, et à supposer même que des travaux d'extension ou de renforcement soient nécessaires pour répondre aux besoins du projet, le vice est susceptible d'être régularisé sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
-le volet paysager n'est pas incohérent et ne représente aucun risque pour la sécurité publique ; en tout état de cause, le vice est susceptible d'être régularisé sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- aucun des moyens développés en première instance n'est susceptible de fonder l'annulation des arrêtés attaqués, ainsi que le démontrent ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2024, Mme T... M..., Mme K... AI..., M. J... AI..., M. W... I..., M. O... AE..., M. J... AM..., Mme F... S..., M. R... AA..., M. Q... AB..., M. E... AB..., Mme Z... AG..., M. AD... AG..., Mme V... L..., M. B... L..., Mme AK... AN..., M. C... AN..., Mme X... A..., M. AL... Y..., Mme U... AC..., M. AO... H..., Mme N... AH..., M. D... AH... et Mme AF... P..., représentés par Me Magalie Dejoux, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de la commune du Plessis-Belleville et de la SCCV les Saules de la somme de 7 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête relatives tant à la régularité qu'au bien-fondé du jugement ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la commune du Plessis-Belleville qui n'a pas produit de mémoire.
Par une lettre du 23 juillet 2024 et en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a invité les parties à présenter, avant le 23 août 2024, leurs observations sur l'éventuelle régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, au regard de l'absence d'informations quant à la réalisation des travaux de renforcement du réseau d'assainissement, et du vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au regard des risques pour la sécurité que représente la plantation de peupliers à proximité de la construction projetée.
Mme T... M..., Mme K... AI..., M. J... AI..., M. W... I..., M. O... AE..., M. J... AM..., Mme F... S..., M. R... AA..., M. Q... AB..., M. E... AB..., Mme Z... AG..., M. AD... AG..., Mme V... L..., M. B... L..., Mme AK... AN..., M. C... AN..., Mme X... A..., M. AL... Y..., Mme U... AC..., M. AO... H..., Mme N... AH..., M. D... AH... et Mme AF... P..., représentés par Me Magalie Dejoux, ont présenté un mémoire d'observation en réponse le 16 août 2024.
La société civile de construction-vente Les Saules, représentée par Me Emmanuel Vital-Durand, a présenté un mémoire d'observations en réponse le 21 août 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2023, sous le n° 23DA02232, et un mémoire en réplique enregistré le 28 juin 2024, la commune du Plessis-Belleville, représentée par Me Martin Mattiussi-Poux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300213 du tribunal administratif d'Amiens du 17 octobre 2023 ;
2°) de rejeter les demandes de Mme M... et autres ;
3°) de surseoir à statuer et de faire application, par un arrêt avant-dire droit, de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de Mme M... et autres la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en raison de son insuffisance de motivation, de son omission à statuer sur des arguments de fait non inopérants, présentés en défense, s'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 111-11 et R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard de la capacité du réseau d'assainissement, de sa dénaturation des faits relatifs aux travaux de renforcement du réseau et de la contradiction de motifs affectant ses points 20 et 21 ;
- le tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en retenant qu'un problème de conception globale du réseau d'assainissement, au sens des dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, rendait nécessaires des travaux de renforcement de celui-ci ; les travaux de chemisage des canalisations constituaient de simples travaux mineurs de maintenance ou d'entretien du réseau ;
- il a dénaturé les pièces du dossier alors que la commune était en mesure de connaître l'identité et le délai de réalisation d'éventuels travaux de renforcement ou d'extension du réseau d'assainissement au niveau du collecteur situé route de Senlis ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le risque de montée en charge du collecteur d'assainissement était susceptible de revêtir la qualification de risque pour la salubrité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et en ne bornant pas son contrôle sur ce point à l'erreur manifeste d'appréciation ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en retenant que le parti pris de la SCCV les Saules tendant à la plantation de peupliers blancs représentait un risque pour la sécurité publique ;
- en tout état de cause, l'annulation totale et sèche du permis de construire n'était pas nécessaire dans la mesure où les vices allégués étaient susceptibles de régularisation ; le tribunal aurait donc dû appliquer l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; la régularisation du vice tenant à la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme nécessite seulement la communication de l'identité de la collectivité en charge des travaux et de leur délai de réalisation ; cette régularisation rendra infondé le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sur ce point ; en outre, il n'est pas démontré l'impossibilité de planter des espèces équivalentes aux peupliers ou d'implanter différemment ces derniers en faisant usage de dispositifs anti-racines.
Par un mémoire enregistré le 10 janvier 2024, la SCCV Les Saules, représentée par Me Emmanuel Vital-Durand, s'associe aux écritures de la commune du Plessis-Belleville et conclut à ce que les instances n°s 23DA02232 et 23DA02172 soient instruites et jugées ensemble.
Elle renvoie à ses écritures produites dans l'instance n° 23DA02172.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2024, Mme T... M..., Mme K... AI..., M. J... AI..., M. W... I..., M. O... AE..., M. J... AM..., Mme F... S..., M. R... AA..., M. Q... AB..., M. E... AB..., Mme Z... AG..., M. AD... AG..., Mme V... L..., M. B... L..., Mme AK... AN..., M. C... AN..., Mme X... A..., M. AL... Y..., Mme U... AC..., M. AO... H..., Mme N... AH..., M. D... AH... et Mme AF... P..., représentés par Me Magalie Dejoux, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de la commune du Plessis-Belleville et de la SCCV les Saules de la somme de 7 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête relatives tant à la régularité qu'au bien-fondé du jugement ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par une lettre du 23 juillet 2024 et en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a invité les parties à présenter, avant le 23 août 2024, leurs observations sur l'éventuelle régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, au regard de l'absence d'informations quant à la réalisation des travaux de renforcement du réseau d'assainissement, et du vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au regard des risques pour la sécurité que représente la plantation de peupliers à proximité de la construction projetée.
La commune du Plessis-Belleville, représentée par Me Martin Matiussi-Poux, a présenté un mémoire d'observations en réponse le 12 août 2024.
Mme T... M..., Mme K... AI..., M. J... AI..., M. W... I..., M. O... AE..., M. J... AM..., Mme F... S..., M. R... AA..., M. Q... AB..., M. E... AB..., Mme Z... AG..., M. AD... AG..., Mme V... L..., M. B... L..., Mme AK... AN..., M. C... AN..., Mme X... A..., M. AL... Y..., Mme U... AC..., M. AO... H..., Mme N... AH..., M. D... AH... et Mme AF... P..., représentés par Me Magalie Dejoux, ont présenté un mémoire d'observation en réponse le 16 août 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- les observations de Me Léa Couturier, représentant la SCCV Les Saules et de Me Magalie Dejoux, représentant Mme T... M... et autres, dans les deux instances,
- et les observations de Me Martin Mattiussi-Poux, représentant la commune du Plessis-Belleville, uniquement dans l'instance n° 23DA02232.
Une note en délibéré présentée pour la commune du Plessis-Belleville par Me Martin Matiussi-Poux a été enregistrée le 12 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile de construction vente (SCCV) Les Saules a déposé le 12 mai 2022 une demande de permis de construire un ensemble immobilier de 46 logements sociaux sur une parcelle cadastrée section AE 68, située 8 route de Senlis sur le territoire de la commune du Plessis-Belleville (60330). Par un arrêté du 4 août 2022, le maire de la commune a délivré le permis sollicité. Puis, le 6 juin 2023, il a accordé à la société un permis modificatif portant sur l'abattage et la replantation d'arbres de hautes tiges et sur les degrés de pente des toitures. A la demande de Mme T... M... et autres, voisins du projet, le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement du 17 octobre 2023, annulé les arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023, ainsi que la décision du 21 novembre 2022 du maire du Plessis-Belleville rejetant leur recours gracieux contre le permis initial et a mis à la charge de la commune du Plessis-Belleville la somme globale de 1 500 euros à verser à Mme M... et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par deux appels croisés qu'il convient de joindre, la SCCV Les Saules et la commune de Plessis-Belleville demandent à la cour d'annuler ce jugement, de rejeter les demandes de Mme M... et autres et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par ceux-ci, en application de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, la SCCV Les Saules et la commune du Plessis-Belleville font grief au tribunal d'avoir insuffisamment motivé le jugement attaqué et d'avoir omis de statuer sur leurs arguments de défense pourtant opérants, notamment produits dans une note en délibéré, à l'encontre des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 111-11 et R. 111-2 du code de l'urbanisme.
3. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. D'une part, les premiers juges ont répondu d'une manière suffisamment précise aux points 12 à 17 du jugement attaqué au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, et aux points 18 à 23 au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du même code.
5. D'autre part, si le tribunal devait répondre à tous les moyens qui n'étaient pas inopérants, il n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, y compris en défense, dans leurs écritures ou à l'audience. La circonstance que le tribunal n'ait pas mentionné précisément les arguments et éléments mis en avant par la commune et la SCCV Les Saules qu'il a écartés n'entache pas son jugement d'un défaut de motivation ou d'une omission à statuer, dès lors qu'il ressort de la rédaction du jugement que le tribunal en a tenu compte.
6. Enfin, si la SCCV Les Saules reproche aux premiers juges de n'avoir pas communiqué ni tenu compte de la note en délibéré qu'elle a produite le 4 octobre 2023, l'absence de communication d'une telle note n'est une cause d'irrégularité du jugement que dans l'hypothèse où elle contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Or, il n'est pas établi et il ne ressort pas des pièces du dossier que la note en délibéré dont s'agit satisferait à ces critères.
7. En deuxième lieu, la commune du Plessis-Belleville reproche au tribunal d'avoir dénaturé l'étude réalisée par la société ACP Ingénierie et fait grief au jugement d'être entaché d'une contradiction de motifs aux points 20 et 21 en ce qui concerne l'appréciation des risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques.
8. Toutefois, ces critiques, à les supposer avérées, ne peuvent affecter que le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité.
9. En troisième lieu, la SCCV Les Saules fait grief au tribunal de ne pas avoir donné les raisons de son refus de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsqu'un vice affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, est susceptible d'être régularisé, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir.
11. Les premiers juges, en relevant que " les arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023 ainsi que la décision du 21 novembre 2022 doivent être annulés, les vices dont le projet est entaché n'étant pas susceptibles d'être régularisés, en l'état de l'instruction " ont suffisamment précisé la raison pour laquelle ils n'ont pas fait droit aux conclusions subsidiaires de la commune et de la SCCV Les Saules et ont ainsi suffisamment motivé leur jugement
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Plessis-Belleville et la SCCV Les Saules ne sont pas fondées à soutenir que le jugement du tribunal administratif d'Amiens est entaché d'irrégularités.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens d'annulation accueillis par le tribunal administratif de Lille :
13. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En application de cet article, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme :
14. Aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ".
15. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent, notamment des réseaux publics de distribution d'eau et d'assainissement, ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente. Pour les réseaux publics de distribution d'eau et d'assainissement, une telle modification peut notamment consister en l'installation d'une canalisation d'une longueur importante traversant des terrains autres que celui du pétitionnaire. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
16. Il ressort des pièces du dossier de permis de construire qu'un réseau d'assainissement d'eaux usées passe devant la parcelle d'assiette du projet, route de Senlis. Il se déduit de l'absence de prévision d'un dispositif d'assainissement individuel que le projet prévoit son raccordement à ce réseau. Il résulte d'une étude capacitaire réalisée en 2020 à l'initiative de la commune du Plessis-Belleville sur le collecteur d'assainissement du secteur du Vert Buisson que les tronçons du collecteur d'eaux usées de la route de Senlis, posés pour plus de 65% du linéaire avec une pente inférieure ou égale à 4mm/m, ne respectent pas les conditions d'autocurage et sont très fortement soumis à la formation de dépôts. L'étude relève en outre que l'aire de collecte actuelle de l'amont du collecteur de la route de Senlis représente environ 110 logements pavillonnaires, de sorte que ce tronçon d'eaux usées collecte environ 240 équivalents habitants (EH), sans tenir compte des raccordements existants le long de cette route et des bâtiments dont les descentes de toiture sont raccordées au réseau d'eaux usées. Elle dresse le constat que " le collecteur existant le long de la route de Senlis supporte dès à présent un risque élevé de mise en charge voire de débordement à cause de sa trop faible pente sur plus de 65% de son linéaire " et conclut que " sa capacité d'évacuation est d'ores et déjà atteinte " et qu'" il n'est pas recommandé, en l'état, que ce collecteur reçoive des effluents supplémentaires ".
17. Tout d'abord, la commune du Plessis-Belleville et la SCCV Les Saules critiquent le caractère ancien de cette étude. Cependant, elles ne fournissent aucune pièce technique qui remettrait en cause ses constats et conclusions, lesquels ne peuvent qu'être aggravés avec le projet de construction de 46 logements.
18. Ensuite, la commune affirme que la desserte de la construction projetée par le réseau d'assainissement ne nécessite pas de travaux d'extension ou de renforcement de sa capacité mais de simples travaux de maintenance. Pourtant, dès lors que l'étude de 2020 pointe une incapacité du réseau à recevoir des effluents supplémentaires, la desserte de la construction projetée par celui-ci implique nécessairement des travaux d'augmentation de sa capacité qui ne peuvent se résumer à de simples travaux de maintenance. Si la commune soutient qu'il peut être remédié au problème d'inclinaison du collecteur d'assainissement en supprimant la rugosité des canalisations par des travaux de chemisage, il ne résulte pas de la présentation du guide des techniques de réhabilitation sans tranchée élaboré par la société Telerep, à laquelle elle renvoie, que l'insuffisance de pente des canalisations soit recensée parmi les " anomalies répétitives sur un même tronçon " susceptibles d'être corrigées par ce type de travaux.
19. Les appelantes font, par ailleurs, valoir le certificat d'urbanisme qui a été délivré à la SCCV Les Saules le 10 décembre 2021 pour un projet de 45 logements locatifs sociaux. Ce certificat indique l'état des équipements publics existants ou prévus comme suit : " Assainissement : le terrain est desservi par une desserte publique " et coche la case " capacité suffisante ".
20. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : /a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. /Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le certificat d'urbanisme garantit uniquement le maintien pendant un an des dispositions d'urbanisme qu'il mentionne, autres que celles ayant pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, et ne fait pas obstacle à ce qu'il soit tenu compte, lors de la délivrance du permis, d'une modification de l'état des équipements publics.
21. La circonstance que le maire a délivré le 10 décembre 2021 un certificat d'urbanisme relevant la présence d'un réseau d'assainissement d'une " capacité suffisante ", avec une réserve portant sur les modalités de raccordement de la future construction, ne liait pas l'appréciation du maire sur les conditions de desserte du projet prévues dans la demande de permis de construire. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que ce certificat d'urbanisme empêchait de remettre en cause la capacité du réseau d'assainissement pour recevoir les effluents du projet.
22. Si les appelants se prévalent, en outre, de l'avis favorable au projet émis par le syndicat d'assainissement, cet avis a été obtenu tacitement. S'ils font également état de l'abandon d'autres projets de logements collectifs qui auraient pu participer à l'engorgement du réseau d'assainissement, ils ne documentent nullement ces éléments.
23. Dès lors que le projet nécessitait des travaux de renforcement du réseau d'assainissement, qui, par leur nature et leur ampleur, doivent modifier la consistance de ce réseau, le maire ne pouvait délivrer le permis sollicité sans indiquer le délai de réalisation de ces travaux, dont il affirme que la charge revenait à la commune.
24. Par ailleurs, si la commune se prévaut du dossier d'étude préalable réalisée le 16 février 2022 par la société ACP Ingénierie en vue de la requalification de la voirie rue de Billy et rue de Vert Buisson pour soutenir que les travaux nécessaires étaient d'ores et déjà programmés, il ne ressort pas de cette étude que les travaux qu'elle décrit correspondent au renforcement de la capacité d'évacuation du réseau des eaux usées desservant la parcelle d'assiette du projet. Il s'évince en effet du coût estimatif des travaux que seuls des travaux de voirie et sur réseaux secs sont prévus sur le tronçon en cause. En outre, si la commune fait état d'un courrier du 7 mars 2023 de la société ACP Ingénierie fournissant le programme de réalisation des différentes phases des travaux, ce document, établi unilatéralement par le maître d'œuvre, avant les études de projet, la consultation des entreprises et l'attribution des marchés correspondants, ne permet pas de regarder la commune comme étant en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, alors, au surplus, qu'aucune pièce n'atteste de leur financement.
25. Certes, la commune produit également le cahier des clauses techniques particulières du lot n°1 " assainissement " d'un marché ayant pour objet des travaux de " réaménagement de l'accotement de la route de Senlis " qui prévoit un chemisage de la canalisation existante pour rétablir l'étanchéité de l'ouvrage d'assainissement de la rue de Senlis et lui " redonner des caractéristiques mécaniques compatibles avec les sollicitations auxquelles il est soumis ". Elle verse également une attestation de son maire selon laquelle " la séparation des eaux pluviales et des eaux usées permettra à la sortie existant route de Senlis d'être suffisante pour accueillir le projet ". Cependant, ces deux pièces, datées respectivement du 10 juillet 2023 et du 20 juin 2024, sont postérieures aux arrêtés attaqués et ne permettent pas d'établir que ces travaux étaient programmés lorsque le maire a délivré les permis litigieux.
26. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les travaux de renforcement du réseau public d'assainissement nécessaires à la desserte du projet étaient programmés et que le maire de Plessis-Belleville était en mesure de connaître, aux dates d'édiction des arrêtés attaqués, dans quel délai et par quelle collectivité ou concessionnaire ils devaient être exécutés. Par suite, la commune du Plessis-Belleville et la SCCV Les Saules ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a considéré que les arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023 méconnaissaient les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
Quant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
27. Les appelantes font valoir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.111-11 du code de l'urbanisme n'était pas susceptible de régularisation.
28. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
29. En l'état de l'instruction et au vu, notamment, du cahier des clauses techniques particulières du lot n°1 " assainissement " d'un marché du 10 juillet 2023 ayant pour objet des travaux de " réaménagement de l'accotement de la route de Senlis " et de l'attestation du maire de Plessis-Belleville du 20 juin 2024, nouvellement produits en appel et dont il a été fait état au point 25, le vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme apparaît susceptible de régularisation, par la délivrance d'un arrêté portant permis de construire modificatif assorti des indications détaillées des travaux de renforcement du réseau public d'assainissement nécessaires à la desserte du projet, de leur délai de réalisation, de leur financement et de l'identité du ou des maître(s) d'ouvrage. Cette régularisation n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. A l'initiative de la cour, les parties ont présenté leurs observations sur cette question. Il y a donc lieu, en l'espèce, d'impartir à la SCCV Les Saules un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, aux fins d'obtenir la régularisation des arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023 et, en attendant, de surseoir à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, soulevé par Mme T... M... et autres.
S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
30. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
31. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
32. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de cet article, peuvent justifier le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.
Quant aux risques d'atteinte à la salubrité publique du fait de la saturation du réseau public d'assainissement :
33. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est articulé au regard des risques d'atteinte à la salubrité publique que présente la saturation du réseau public d'assainissement prévu pour desservir le projet.
34. Dans la mesure où le présent arrêt sursoit à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme dans l'attente de sa régularisation et où la réponse à la première branche du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dépend de cette éventuelle régularisation, il y a également lieu de réserver la réponse à cette première branche du moyen, dans les mêmes conditions que celles posées au point 29 du présent arrêt.
Quant aux risques d'atteinte à la sécurité publique du fait de la plantation de peupliers à proximité immédiate des bâtiments :
35. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est articulé au regard des risques présentés par les plantations de peupliers sur la stabilité des constructions projetées.
36. Il ressort du plan de masse du projet que la plantation de onze peupliers est prévue pour huit d'entre eux à proximité immédiate du bâtiment A, sur deux de ses côtés, dont l'un abrite des places de stationnement, et pour trois d'entre eux à proximité du bâtiment B près d'autres places de stationnement. Il résulte du rapport du 14 septembre 2023 établi, à la demande de Mme M... et autres, par une experte paysagiste sur l'espace planté du projet litigieux que le choix de planter onze peupliers le long des places de stationnement est " incohérent ", la plantation de tels arbres étant " bannie " des projets immobiliers " depuis longtemps " " en raison des sinistres importants qu'ils ont générés et dont ils sont encore la cause, leur système racinaire étant particulièrement invasif et de taille jusqu'à une fois et demi la hauteur de l'arbre ", qui peut atteindre 35 à 40 mètres. L'experte souligne que " les racines provoquent le soulèvement des revêtements ", que " des sinistres de type catastrophe naturelle liés à la dessiccation des sols d'assise des fondations (...) sont souvent liés à la présence de cet arbre proche des habitations. Les racines peuvent s'infiltrer dans des réseaux par des interstices mal jointoyés ou déjointoyés avec le temps ". Ce rapport corrobore un avis rendu le 12 juillet 2023 par un paysagiste à la demande des requérants de première instance.
37. Les appelants remettent, tout d'abord, en cause les modalités de cette expertise en faisant valoir son manque d'impartialité et sa réalisation sur pièces sans déplacement sur le site d'implantation projetée. Toutefois, d'une part, la circonstance que l'expertise à laquelle il a été procédé ait été dépourvue de caractère contradictoire à l'égard de la commune et de la société pétitionnaire ne fait pas obstacle à ce qu'elle soit valablement utilisée par le juge à titre d'élément d'information. D'autre part, l'impartialité d'une paysagiste inscrite sur les listes des experts judiciaires ne saurait être remise en cause au seul motif qu'elle est intervenue à la demande d'une des parties. Enfin et au surplus, dès lors que l'experte a été consultée sur un projet d'espace planté très différent de celui existant jusqu'alors, l'utilité de son déplacement sur site n'apparaît pas démontrée.
38. Les appelantes se prévalent, ensuite, d'une part, de la note du 28 septembre 2023 dans laquelle l'architecte du projet défend le principe du " bosquet urbain " inspiré de la méthode Miyawaki pour favoriser la biodiversité et le bien-être, d'autre part, de la note paysagère du 28 septembre 2023 établie par un architecte-paysagiste et un paysagiste-concepteur qui, sans évoquer expressément les peupliers, " partage[nt] l'approche de l'experte qui s'oppose aux essences sélectionnées à replanter et en compensation des arbres abattus ", même s'ils considèrent " qu'ils ne présentent pas de risque pour les biens et les personnes ". Toutefois, ces notes peu argumentées ne contredisent pas sérieusement les conclusions de l'expertise.
39. La commune fait enfin valoir, sur la base d'informations figurant sur le site internet d'une pépinière allemande, que les racines des peupliers s'étendent moins sur les terrains riches, comme ceux présents sur son territoire, majoritairement de type luvisol. Toutefois, Mme M... et autres soulignent, en se fondant sur d'autres sites internet de jardinage, les importantes distances de sécurité à conserver entre les constructions et les peupliers en présence de sols argileux. Les risques liés à l'implantation de peupliers à proximité de constructions sont ainsi établis.
40. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient être efficacement palliés par des prescriptions spéciales consistant à modifier les essences des plantations retenues dans le projet et/ou leur répartition, sans méconnaître les autres dispositions du règlement du PLU et notamment son article 2.8 qui impose de remplacer un arbre abattu par un arbre d'une essence équivalente. Par suite, la commune du Plessis-Belleville et la SCCV Les Saules sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a considéré que la seconde branche du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme justifiait que le maire rejette la demande de permis de construire, alors qu'il aurait dû délivrer les permis en les assortissant de prescriptions spéciales.
Quant à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
41. Les appelantes font valoir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a considéré que la seconde branche du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'était pas susceptible de régularisation.
42. Dès lors que le vice afférent est caractérisé par l'absence de prescriptions spéciales, il apparaît susceptible de régularisation, par la délivrance d'un arrêté portant permis de construire modificatif sur les plantations et leur répartition, dans le respect des dispositions de l'article 2.8 du règlement du PLU. Cette régularisation n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. A l'initiative de la cour, les parties ont présenté leurs observations sur cette question. Il y a donc lieu, en l'espèce, d'impartir à la SCCV Les Saules un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, aux fins d'obtenir la régularisation des arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023 et, en attendant, de surseoir à statuer sur la seconde branche du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, soulevé par Mme T... M... et autres.
Sur les frais des litiges en première instance et en appel :
43. Les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune du Plessis-Belleville, la SCCV Les Saules et Mme M... et autres en première instance et en appel sont réservées jusqu'à la fin des instances d'appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité des arrêtés du 4 août 2022 et du 6 juin 2023, ainsi que de la décision du 21 novembre 2022 du maire du Plessis-Belleville rejetant le recours gracieux de Mme M... et autres, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, dans lequel la régularisation de ce permis doit être notifiée à la cour par la commune du Plessis-Belleville et la SCCV Les Saules.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin des instances d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme T... M..., représentante unique des défendeurs en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, à la société civile de construction vente (SCCV) Les Saules et à la commune du Plessis-Belleville.
Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA02172, 23DA02232 2