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31/10/2024 | FRANCE | N°23DA00204

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 31 octobre 2024, 23DA00204


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 12 novembre 2020 par laquelle le président du directoire de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Vilogia a préempté l'immeuble situé 216, rue Pierre Legrand à Lille.



Par un jugement n°2009437 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 12 novembre 2020 du président du directoire de la société anonyme d'habitations à loyer m

odéré Vilogia et mis à la charge de la société Vilogia la somme de 2 000 euros en application de l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 12 novembre 2020 par laquelle le président du directoire de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Vilogia a préempté l'immeuble situé 216, rue Pierre Legrand à Lille.

Par un jugement n°2009437 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 12 novembre 2020 du président du directoire de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Vilogia et mis à la charge de la société Vilogia la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2023, la société Vilogia, représentée par Me Balaÿ, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Vilogia soutient que :

- le jugement du 19 décembre 2022 est entaché d'irrégularité en raison de son insuffisante motivation,

- le tribunal a retenu à tort l'incompétence de l'auteur de la décision contestée dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme alors applicables et auxquelles se réfère la délibération de son directoire en date du 9 octobre 2018, le président de son directoire avait reçu délégation pour l'ensemble des décisions de préemption et non uniquement pour celles relatives à des biens ou des droits affectés au logement,

- il a également retenu à tort le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 et suivants du code général des collectivités territoriales dès lors qu'aucune disposition ne prévoit la transmission au contrôle de légalité des décisions des sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré (SA HLM).

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, M. C... A..., représenté par Me Delgorgue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Vilogia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour, en application des articles R. 611-1-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Roels pour la société Vilogia et de Me Delgorgue pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... s'est porté acquéreur auprès de la société Desmazières d'un immeuble situé au n° 216, rue Pierre-Legrand à Lille, affecté à un usage de commerce et de parking. Par une décision du 12 novembre 2020, le président du directoire de la société anonyme d'habitations à loyer modéré Vilogia a exercé le droit de préemption urbain sur ce bien. M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille l'annulation de cette décision. Par un jugement du 19 décembre 2022, le tribunal a fait droit à cette demande. La société Vilogia interjette appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Lille a expressément répondu au moyen de M. A... tenant à la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales en l'absence de réception par le préfet du Nord de la décision litigieuse dans les délais légaux. Il l'a fait après avoir cité les textes, à savoir les articles L.2131-2

et L. 5211-3 du code général des collectivités territoriales, qui, selon lui, rendaient obligatoire la transmission au préfet au titre du contrôle de légalité des décisions de préemption édictées par une société anonyme d'habitations à loyer modéré. Alors que le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, il en résulte que la société Vilogia n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé et entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une décision de préemption en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

4. En l'espèce, le tribunal administratif de Lille a retenu, au soutien de son jugement d'annulation du 19 décembre 2022, deux moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision du 12 novembre 2020 et de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales en l'absence de réception par le préfet du Nord de la décision litigieuse dans les délais légaux.

5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du 9 octobre 2018 : " (...) Le titulaire du droit de préemption urbain peut déléguer son droit à la société mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, à une société d'économie mixte agréée mentionnée à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation, à l'un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus à l'article L. 411-2 du même code ou à l'un des organismes agréés mentionnés à l'article L. 365-2 dudit code lorsque l'aliénation porte sur un des biens ou des droits affectés au logement. Leur organe délibérant peut déléguer l'exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 211-5 du même code, dans sa version applicable au litige : " L'exercice du droit de préemption urbain peut être délégué au président-directeur général, au président du directoire, au directeur général ou à l'un des directeurs par le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le directoire des sociétés ou organismes mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 211-2. Cette délégation fait l'objet d'une publication de nature à la rendre opposable aux tiers. ".

7. En application de ces dispositions, le directoire de la société Vilogia a, par une délibération du 9 octobre 2018, délégué au président de son directoire l'exercice du droit de préemption urbain lorsque ce dernier est délégué à ladite société, après avoir explicitement rappelé qu'il estimait qu'en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme dans ses dispositions alors applicables, " les titulaires du droit de préemption urbain [avaient été autorisés] à déléguer l'exercice de leur droit à un organisme d'habitations à loyer modéré lorsque l'aliénation porte sur des biens ou des droits affectés au logement ". Il résulte ainsi des termes mêmes de cette délibération que le directoire de la société Vilogia a entendu déléguer au président dudit directoire l'édiction des seules décisions de préemption de biens ou de droits affectés au logement.

8. En l'espèce, par une délibération du 21 juillet 2020, le conseil de la métropole européenne de Lille a délégué à son président l'exercice du droit de préemption ainsi que le pouvoir de déléguer l'exercice de ce droit à l'occasion de l'aliénation d'un bien au profit des organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. Par la suite, par une décision du 4 novembre 2020, le président de la métropole européenne de Lille a donné délégation à M. Geenens, vice-président de cette même métropole, pour signer les décisions relatives à l'exercice du droit de préemption et à la délégation de l'exercice de ce droit à l'occasion de l'aliénation d'un bien au profit des organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. Par une décision du 10 novembre 2020, M. Geenens a, pour le président de la métropole européenne de Lille, délégué à la société Vilogia l'exercice du droit de préemption pour l'acquisition du bien situé 216, rue Pierre-Legrand, à Lille, ainsi qu'il lui était loisible compte tenu de la modification des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Le président du directoire de la société Vilogia a enfin, par la décision litigieuse du 12 novembre 2020, préempté cet immeuble.

9. Toutefois, alors que le bien en cause n'était pas affecté au logement et qu'aucune nouvelle délégation de pouvoir n'avait été prise par le directoire de la société Vilogia depuis le 9 octobre 2018, conformément à ce qui a été exposé au point 7, le président du directoire de la société Vilogia ne disposait pas d'une délégation et n'était donc pas compétent pour signer la décision du 10 novembre 2020, ainsi que l'a jugé à raison le tribunal administratif de Lille dans son jugement attaqué. Le droit de préemption urbain portant sur un bien non affecté au logement ne pouvait être compétemment exercé que par le seul directoire de cette société.

10. En second lieu, aux termes des quatrième et cinquième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...). ".

11. Il résulte de ces dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme des délais impartis par celles-ci au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise.

12. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales dans ses dispositions alors applicables : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé (...) à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ".

13. Les dispositions citées aux points 10 et 12 imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.

14. Enfin, aux termes de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : 1° Les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-3 de ce code : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale. (...) ".

15. Contrairement à ce que soutient la société appelante, les décisions de préemption prises par une société anonyme d'habitations à loyer modéré suite à une décision de délégation en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme prise par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale titulaire du droit de préemption urbain doivent être regardées comme prises par délégation du conseil municipal ou communautaire et comme entrant ainsi dans le champ d'application du 1° de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales.

16. En l'espèce, ainsi que l'a estimé à raison le tribunal administratif de Lille dans son jugement contesté, il ressort des pièces du dossier qu'une déclaration d'intention d'aliéner l'immeuble situé 216, rue Pierre Legrand à Lille a été réceptionnée par la commune de Lille le 5 août 2020, faisant ainsi courir le délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage. Il est constant qu'une demande de visite de l'immeuble a été faite auprès du vendeur le 22 septembre 2020, interrompant ce délai et que cette visite a été réalisée le 13 octobre 2020, date à compter de laquelle le délai a alors repris. Le délai restant à cette date pour permettre au titulaire du droit de préemption de faire connaitre son intention étant inférieur à un mois, il a alors disposé d'un délai d'un mois pour ce faire. Ce délai expirait ainsi le 13 novembre 2020. Or, s'il est constant que la société Vilogia a procédé à la transmission au préfet du Nord de la décision de préemption du président de son directoire en date du 12 novembre 2020 par un courrier daté du même jour, il ressort des pièces du dossier que ce dernier n'a été réceptionné par les services de la préfecture du Nord que le 17 novembre 2020, soit après l'expiration du délai prévu par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, la société Vilogia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du président de son directoire en date du 12 novembre 2020 pour méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 213-2 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation du jugement du 19 décembre 2022 présentées par la société Vilogia doivent être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

18. M. A... n'étant pas partie perdante dans la présente instance, la demande présentée par la société Vilogia sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

19. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Vilogia une somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par M. A... dans le cadre de la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Vilogia est rejetée.

Article 2 : La société Vilogia versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vilogia et à M. B....

Copie en sera transmise pour information au président de la métropole européenne de Lille.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA00204


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00204
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : EDIFICES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;23da00204 ?
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