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31/10/2024 | FRANCE | N°23DA02234

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 31 octobre 2024, 23DA02234


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme G... B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n°2201970 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 25 mai 2022, enjoint au préfet de la Somme de procéder au réexamen de la situation de Mme B... C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis

à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 25 mai 2022 par lequel la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°2201970 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 25 mai 2022, enjoint au préfet de la Somme de procéder au réexamen de la situation de Mme B... C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2023, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... C....

Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé probantes les pièces d'état civil produites par la requérante pour établir son identité.

Par ordonnance du 23 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 juin 2024.

Mme B... C..., à qui la présente instance a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé l'aide juridictionnelle partielle à Mme G... B... C... par une décision du 25 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le décret no 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français a été déposée le 22 février 2022 auprès de la préfecture de la Somme par une étrangère se prévalant de l'identité de Mme G... B... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 12 juin 1990 à Kinshasa. Par une décision du 25 mai 2022, la préfète de la Somme a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité au motif du doute sur sa véritable identité. Mme B... C... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 5 octobre 2023, a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Somme de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de sa notification. Le préfet de la Somme interjette appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". En vertu de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Selon l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications ".

3. Il résulte des dispositions précitées que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. En l'espèce, la requérante se prévaut de l'identité de Mme G... B... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 12 juin 1990 à Kinshasa de l'union de M. E... D... et de Mme A... C... H.... Il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est prévalue de cette identité depuis son arrivée en France, soit à tout le moins à compter du 24 novembre 2015, date à laquelle sa demande d'asile a été enregistrée à ce nom par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Elle a également conclu devant notaire le 31 août 2017 un pacte civil de solidarité en se prévalant de cette identité. Enfin, cette identité est bien mentionnée dans le livret de famille délivré à son partenaire et concernant deux enfants nés en France les 29 septembre 2018 et 28 août 2020.

5. Pour justifier de cette identité, la requérante a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un jugement supplétif d'acte de naissance du 20 août 2015 prononcé par le tribunal de grande instance de Kinshasa et qui était accompagné d'un certificat de non-appel, un acte de naissance légalisé le 19 juin 2017 par l'ambassadeur de la République démocratique du Congo à Paris et un passeport délivré le 29 juin 2017. Elle a également produit au contentieux, des attestations sur l'honneur précises et concordantes, établies par Mme A... C... H... et par l'ensemble des enfants de celle-ci, qui font état de ce que la requérante est bien Mme F... C....

6. Pour remettre en cause la force probante du jugement supplétif d'acte de naissance du 20 août 2015 et de l'acte de naissance légalisé, le préfet de la Somme ne mentionne aucun élément propre auxdits actes et qui permettrait d'établir qu'ils seraient irréguliers, falsifiés ou inexacts. En particulier, aucune vérification n'a été entreprise auprès des autorités congolaises compétentes sur leur caractère probant, ni après des services français spécialisés dans la fraude documentaire.

7. Si le préfet fait valoir qu'il résulte de l'exploitation du fichier Visabio que les autorités consulaires italiennes avaient refusé à deux reprises, les 15 octobre 2013 et 7 mai 2014, un visa à l'intéressée sous deux autres identités différentes, la requérante s'en est justifiée et a reconnu avoir utilisé des faux passeports pour obtenir des visas lui permettant d'entrer dans l'espace Schengen, en indiquant qu'elle était alors dépourvue d'un passeport à son nom et que les délais d'obtention d'un passeport authentique en République démocratique du Congo étaient très aléatoires et particulièrement longs. Aucun élément ne permet d'établir qu'elle aurait poursuivi cette fraude à l'identité une fois entrée dans l'espace Schengen, au regard notamment de ce qui a été dit au point 4.

8. Le préfet de la Somme fait valoir également qu'à l'occasion d'une autre procédure, la mère de Mme B... C... avait produit un acte de naissance de cette dernière certifié conforme le 1er décembre 2004, de sorte que l'authenticité du jugement supplétif d'acte de naissance précité est contestable en ce qu'il aurait été dépourvu de toute utilité. Toutefois, cet acte établi en 2004 mentionne bien la naissance le 12 juin 1990 à Kinshasa d'une fille prénommée F... C.... La requérante a fait par ailleurs valoir que cet acte, bien que certifié conforme le 1er décembre 2004, était erroné en ce qu'il mentionnait comme identité de sa mère " Mbunga " alors que son véritable patronyme, tel qu'établi notamment par la carte de séjour qui lui a été délivrée par les autorités françaises, est " H... ", si bien qu'il lui était nécessaire en 2015 de disposer d'un jugement supplétif d'acte de naissance dépourvu de toute erreur.

9. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que les actes d'état civil produits par la requérante ne seraient pas probants et le préfet de la Somme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a annulé sa décision du 25 mai 2022.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête du préfet de la Somme doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Somme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme G... B... C... et à Me Homehr

.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot La greffière,

Signé :N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA02234


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02234
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : HOMEHR

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;23da02234 ?
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