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31/10/2024 | FRANCE | N°24DA00102

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 31 octobre 2024, 24DA00102


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



I- Par une requête enregistrée sous le n° 2201141, Mme E... A... veuve C... et la société par actions simplifiée (SAS) Robert-développement-immobilier ont demandé au tribunal administratif de Rouen :



1°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de proroger pour une période d'une année le certificat d'urbanisme délivré à Mme A... le 5 octobre 2020 ;



2°) de mettre à la charge de l

a commune de Bois-le-Roy le versement à chacun de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I- Par une requête enregistrée sous le n° 2201141, Mme E... A... veuve C... et la société par actions simplifiée (SAS) Robert-développement-immobilier ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de proroger pour une période d'une année le certificat d'urbanisme délivré à Mme A... le 5 octobre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy le versement à chacun de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II- Par une requête enregistrée sous le n° 2201308, Mme E... A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de délivrer à la SAS Robert-développement-immobilier un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de 15 lots dont 14 à bâtir, sur la parcelle cadastrée section C n° 653 située rue de la côte à Berteaux, sur le territoire communal ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy le versement à chacun de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

III- Par une requête enregistrée sous le n° 2201581, Mme E... A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de délivrer à la SAS Robert-développement-immobilier un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de 14 lots à bâtir et d'une voierie communale, sur la parcelle cadastrée section C n° 653 située rue de la côte à Berteaux, sur le territoire communal, ainsi que la décision non datée et distribuée le 18 février 2022 par laquelle le maire de Bois-le-Roy a rejeté leur recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy le versement à chacun de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

IV- Par une requête enregistrée sous le n° 2202877, Mme E... A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 mai 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a, d'une part, retiré les décisions expresse et implicite du 17 janvier 2022 de refus de prorogation du délai de validité du certificat d'urbanisme du 5 octobre 2020, et, d'autre part, refusé la demande de prorogation du délai de validité de ce certificat d'urbanisme ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy le versement à chacun de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 2201141, 2201308, 2201581, 2202877 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de délivrer un permis d'aménager à la société Robert-développement-immobilier (article 1), prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 2201141 (article 2), rejeté le surplus des conclusions des requêtes (article 3) et rejeté les conclusions présentées par la commune de Bois-le Roy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2024, et des mémoires de production de pièces enregistrés les 1er et 2 février 2024, la commune de Bois-le-Roy, représentée par Me Charles Soublin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, dans le cadre de la requête n° 2201308, il a annulé l'arrêté du 31 janvier 2022 et rejeté les conclusions présentées par la commune de Bois-le-Roy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... et de la société Robert-développement-immobilier la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier : il est entaché d'une omission à statuer, d'un défaut de motivation et d'une absence de réponse à une conclusion ;

- le jugement est mal fondé : le projet est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation " D... " ; il méconnaît les dispositions de l'article UB 12 et de l'article UB 15.3 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté d'agglomération Évreux Portes de Normandie en vigueur à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 5 octobre 2020 ;

- les autres moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés : l'arrêté du 31 janvier 2022 est suffisamment motivé ; le maire était compétent pour prendre cet arrêté ; la société Robert-développement-immobilier n'était pas titulaire d'un permis d'aménager implicite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2024, Mme E... A... veuve C... et la société par actions simplifiée (SAS) Robert-développement-immobilier, représentés par Me Ahmed Akaba, demandent à la cour, par la voie de l'appel incident :

- de rejeter la requête ;

- de confirmer le jugement ;

- d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de Bois-le-Roy de réexaminer leur demande ;

- de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy la somme de 3 000 euros à leur verser à chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leurs requêtes de première instance sont recevables ;

- les décisions des 28 octobre 2021, 17 janvier 2022, 31 janvier 2022 et 16 mai 2022 sont insuffisamment motivées ;

- le maire de Bois-le-Roy était incompétent pour prendre ces quatre décisions ;

- le maire de Bois-le-Roy ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, fonder son arrêté du 28 octobre 2021 et les décisions qui font suite au recours gracieux sur d'autres motifs que ceux invoqués dans son arrêté du 15 juillet 2021 ;

- l'arrêté du 17 janvier 2022 méconnaît les dispositions de l'article R. 410-17 du code de l'urbanisme alors qu'aucune modification des règles d'urbanisme applicables à la propriété de Mme A... n'est intervenue ;

- l'arrêté du 31 janvier 2022 méconnaît les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme en faisant application de la réglementation en vigueur à la date à laquelle il statue, alors qu'il aurait dû appliquer les règles applicables le 25 juillet 2020, point de départ de la validité du certificat d'urbanisme positif de Mme A... ;

- la décision contenue dans l'arrêté du 16 mai 2022 de retirer la décision implicite du 17 janvier 2022 de prorogation du délai de validité du certificat d'urbanisme délivré le 5 octobre 2020 est illégale : l'arrêté du 16 mai 2022 ne peut valablement indiquer que le retrait de la décision du 17 janvier 2022 remet en vigueur la décision implicite qui date en réalité du 18 janvier 2022 ; il ne fait état d'aucune motivation en droit qui justifierait l'illégalité de la décision du 18 janvier 2022 ;

- la décision contenue dans l'arrêté du 16 mai 2022 de refus de prorogation du certificat d'urbanisme délivré le 5 octobre 2020 est illégale : aucune modification du PLUi, ni aucune prescription d'urbanisme ne sont intervenues pour modifier les règles d'urbanisme applicables à la propriété de Mme A..., qui bénéficiait des dispositions protectrices de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ; le projet n'est pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation " D... " et le maire pouvait assortir son autorisation d'urbanisme de prescriptions spéciales.

Par une ordonnance du 26 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à produire des pièces, ce que la commune de Bois-le-Roy a fait le 29 août 2024 et Mme A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier le 30 août 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- les observations de Me Marine Justal-Gervais, représentant la commune de Bois-le-Roy,

- et les observations de Mme E... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A... veuve C... a déposé le 25 mai 2020 à la mairie de Bois-le-Roy (27220) une demande de certificat d'urbanisme opérationnel portant sur la parcelle cadastrée C 653 située côte à Berteaux sur le territoire communal en vue d'un projet de vente à la société par actions simplifiée (SAS) Robert-développement-immobilier pour créer un lotissement d'environ 16 lots. Par un arrêté du 5 octobre 2020 portant certificat d'urbanisme positif, le maire de Bois-le-Roy a indiqué que cette opération était réalisable sous réserve de prescriptions et que les dispositions d'urbanisme applicables étaient celles du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté d'agglomération Évreux Porte de Normandie approuvé le 17 décembre 2019 classant la parcelle en zone UBb. L'arrêté indique que la durée de validité du certificat d'urbanisme commence à courir à compter du 25 juillet 2020.

2. Après avoir signé, le 15 janvier 2021, un compromis de vente de cette parcelle, la SAS Robert-développement-immobilier a déposé le 14 avril 2021 une première demande de permis d'aménager pour un lotissement de 14 lots à bâtir à usage d'habitation individuelle. Cette demande ayant été refusée par un arrêté du maire de Bois-le-Roy du 15 juillet 2021, au motif de l'absence de deux documents, la société a déposé le 28 juillet 2021 une deuxième demande de permis d'aménager pour le même projet. Cette nouvelle demande a été refusée par un arrêté du maire du 28 octobre 2021 fondé sur trois nouveaux motifs. Mme A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier ont alors adressé au maire, le 17 décembre 2021, un recours gracieux, qui a été rejeté par un courrier distribué le 18 février 2022. Le 17 novembre 2021, d'une part, Mme A... veuve C... a sollicité la prolongation pour un an du certificat d'urbanisme opérationnel délivré le 5 octobre 2020, d'autre part, la SAS Robert-développement-immobilier a déposé une troisième demande de permis d'aménager pour le même projet. Par un arrêté du 17 janvier 2022, le maire de Bois-le-Roy a refusé la demande de prorogation du certificat d'urbanisme, au motif que les prescriptions d'urbanisme avaient changé depuis la modification du PLUi intervenue le 28 septembre 2021. Par un arrêté du 31 janvier 2022, il a également refusé la nouvelle demande de permis d'aménager, au motif du changement de classement de la parcelle, en zone naturelle depuis la modification du PLUi. Par un arrêté du 16 mai 2022, le maire de Bois-le-Roy a retiré son arrêté du 17 janvier 2022 ainsi que la décision tacite née le même jour portant prolongation du délai de validité du certificat d'urbanisme du 5 octobre 2020 et a refusé la demande de prorogation du délai de validité de ce certificat d'urbanisme.

3. Mme A... et la SAS Robert-développement-immobilier ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2022, l'arrêté du 31 janvier 2022, l'arrêté du 28 octobre 2021, ainsi que la décision non datée et distribuée le 18 février 2022 par laquelle le maire de Bois-le-Roy a rejeté leur recours gracieux, et l'arrêté du 16 mai 2022. Par un jugement n 2201141, 2201308, 2201581, 2202877 du 23 novembre 2023, le tribunal a annulé l'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de délivrer un permis d'aménager à la société Robert-développement-immobilier (article 1), prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 2201141 (article 2), rejeté le surplus des conclusions des requêtes (article 3) et rejeté les conclusions présentées par la commune de Bois-le Roy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4). Par la présente requête, la commune de Bois-Le-Roy interjette appel du jugement en tant qu'il concerne ses demandes enregistrées sous le n° 2201308 et qu'il annule l'arrêté du 31 janvier 2022 et rejette ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

4. La commune de Bois-le-Roy soutient que le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une omission à statuer dans la mesure où le tribunal administratif de Rouen n'a pas répondu à sa demande de substitution de motifs présentée dans son mémoire récapitulatif déposé le 13 septembre 2023 dans le cadre de la requête n° 2201308 par laquelle Mme A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier demandaient l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2022.

5. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal s'est borné aux points 18 et 19 à examiner le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaissait les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme sans se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée par la commune dans son mémoire récapitulatif, pourtant dûment visée dans le jugement.

6. Pour qu'une telle omission soit une cause d'irrégularité, la demande de substitution de motifs doit avoir été présentée en temps utile et présenter un caractère opérant. D'une part, il résulte de l'instruction que le mémoire du 13 septembre 2023, contenant la demande de substitution, a été enregistré avant la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience, en l'absence de clôture par voie d'ordonnance. D'autre part, dès lors qu'en vertu du certificat d'urbanisme positif délivré le 5 octobre 2020 à Mme A... veuve C..., les dispositions du PLUi approuvé le 17 décembre 2019 classant la parcelle en zone UBb étaient applicables à la demande de permis d'aménager déposée le 17 novembre 2021 par la SAS Robert-développement-immobilier, la commune de Bois-le-Roy pouvait utilement invoquer, pour faire échec au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, deux séries de motifs de refus du permis d'aménager tenant, d'une part, à la non-conformité de la demande aux articles UB 12 et UB 15.3 du règlement du PLUi alors applicable, d'autre part à son incompatibilité avec l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) " D... ".

7. Dans ces conditions, après avoir déclaré illégal l'unique motif de refus de l'arrêté du 31 janvier 2022, le tribunal ne pouvait s'abstenir d'examiner les motifs que la commune demandait de lui substituer. Une telle omission entache d'irrégularité le jugement en tant qu'il statue sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2022 présentées dans l'instance n° 2201308. Par suite de son irrégularité, le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 23 novembre 2023 doit être annulé en tant que, dans le cadre de la requête n° 2201308, il a annulé l'arrêté du 31 janvier 2022 et rejeté les conclusions présentées par la commune de Bois-le-Roy au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme E... A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier devant le tribunal administratif de Rouen dans le cadre de la requête n° 2201308.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué :

9. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. ".

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " (...) / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ". Ces dispositions ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publiques.

11. Il ressort des pièces du dossier qu'en se prévalant du certificat d'urbanisme délivré le 5 octobre 2020 à Mme A... veuve C... et valable du 25 juillet 2020 au 25 janvier 2022, la SAS Robert-développement-immobilier a sollicité pour la troisième fois, le 17 novembre 2021, un permis d'aménager. Dès lors que la société Robert-développement-immobilier a déposé sa demande de permis d'aménager durant le délai de validité du certificat d'urbanisme positif du 5 octobre 2020, elle avait droit à ce que le maire de Bois-le-Roy examine sa demande au regard des dispositions du règlement du PLUi applicables à la date du 25 juillet 2020, qui prévoyaient notamment le classement de la parcelle d'assiette du projet en zone UBb, soit dans un secteur résidentiel peu dense. Or, considérant que " l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire est tenue de statuer sur la demande dont elle est saisie en faisant application de la réglementation en vigueur à la date à laquelle elle prend sa décision ", le maire s'est fondé sur les nouvelles dispositions d'urbanisme issues de la modification du PLUi n° 1 approuvée le 28 septembre 2021 et du nouveau classement de la parcelle en zone naturelle et a refusé de délivrer le permis d'aménager sollicité. Les nouvelles dispositions du PLUi n'ayant pas pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique, Mme A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier sont fondés à soutenir que l'arrêté du 31 janvier 2022 méconnaît les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne les motifs dont la commune de Bois-le-Roy demande la substitution :

12. Toutefois, d'une part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

13. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme que, saisi d'une demande d'annulation d'un refus de permis d'aménager, le juge administratif doit examiner l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision et ceux qu'elle a pu invoquer en cours d'instance.

S'agissant du moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec l'OAP " D... " :

14. Aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles (...) ". Aux termes de l'article. L. 152-1 du même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, en particulier, en contrarient les objectifs.

15. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet est englobée dans un secteur dit " D... " qui fait l'objet d'une OAP en faveur de la création d'environ 15 logements. Cette OAP prévoit, au titre de la destination générale et de la programmation, que le secteur sera à dominante d'habitat et de services et activités compatibles avec l'habitat, que l'opération devra s'inscrire dans la continuité du tissu urbain existant environnant en encourageant une certaine mixité tant sociale qu'au niveau des formes des parcelles et de l'habitat.

16. D'une part, la commune reproche au projet de contrarier l'objectif de l'OAP tenant à la création d'un tissu urbain varié en ne permettant que la réalisation de maisons d'habitation individuelles. Cependant, il ressort du plan de composition PA4 joint à la demande du 31 juillet 2021 - dont aucune partie n'indique qu'ils ne seraient pas conformes au dossier déposé le 17 novembre 2021 - que les 14 lots bâtis envisagés présentent des superficies variées allant de 303 m2 à 746 m2 et des orientations différentes. Au stade du permis d'aménager, le projet n'est pas suffisamment abouti pour considérer que l'objectif de mixité tant sociale qu'au niveau des formes des parcelles et de l'habitat ne sera pas atteint, alors que la société pétitionnaire insiste dans sa notice de présentation PA2 sur les différences de gabarits de maisons et de profils des acquéreurs, envisageant notamment que deux lots soient destinés aux primo-accédants et deux autres pour du locatif.

17. D'autre part, la commune reproche au projet de contrarier l'objectif de qualité architecturale, urbaine et paysagère en ne portant pas une attention particulière aux nouvelles constructions, en ne respectant pas l'orientation nord/sud des logements et en ne prévoyant pas l'adaptation de l'architecture aux modes de vie actuels et aux enjeux énergétiques. Toutefois, premièrement, le renvoi opéré par le règlement du lotissement à l'article UB 11 " obligations de performances énergétiques et environnementales des constructions " ne démontre pas l'absence d'attention particulière aux nouvelles constructions et atteste, au contraire, du souci de répondre aux enjeux énergétiques évoqués par l'OAP. Deuxièmement, il ressort du " plan de masse avec hypothèse d'implantations des constructions, des ANC et des massifs d'eaux pluviales " que, sur 14 lots, seuls deux seraient orientés est-ouest, les autres étant orientés nord/sud avec des inclinaisons penchant tantôt à l'est ou à l'ouest. En tout état de cause, l'orientation nord/sud n'est pas imposée mais seulement à privilégier. Troisièmement, alors que des espaces verts et une sente piétonne sont prévus, ainsi que des places de stationnement pour les véhicules particuliers, et une voie d'accès commune aux différents lots, il n'est pas démontré que les modes de vie " actuels " n'auraient pas été respectés et que les déplacements doux seraient exclus.

18. En outre, la commune reproche à la voie de desserte du projet de ne pas favoriser la mixité d'usages, de ne pas donner la priorité aux piétons et de ne pas adapter l'aménagement au gabarit des voies en sécurisant et facilitant les modes de déplacements doux. Toutefois, il résulte du plan d'accès du projet que le gabarit de la desserte est suffisamment large pour favoriser la mixité des usages, y compris les modes de déplacement doux. Par ailleurs, il ne saurait être déduit de la matérialisation d'une sente piétonne sur une partie sud de la voie que la priorité ne pourrait pas être donnée aux piétons, alors que des trottoirs sont notamment prévus le long des chaussées.

19. Enfin, la commune reproche au projet d'être muet sur l'objectif de privilégier les énergies renouvelables au titre de la qualité environnementale. Toutefois, il n'est pas établi que le projet, qui renvoie à l'article UB 11 " obligations de performances énergétiques et environnementales des constructions ", serait contraire à cet objectif.

20. Par suite, si le projet n'est pas strictement conforme aux prévisions de l'OAP, les aménagements prévus ne peuvent le faire regarder comme incompatible avec celles-ci. Par suite, le motif tiré de la méconnaissance de l'OAP " D... " ne peut légalement fonder le refus de permis de construire en litige.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des articles UB 12 et UB 15.3 du règlement du PLUi :

21. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...). ". Il résulte de l'application de ces dispositions, combinées avec celles des articles L. 123-5, L. 442-1, L. 421-2 et R. 421-19 du code de l'urbanisme, que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises. Il en va notamment ainsi lorsque le projet de lotissement est situé dans un secteur que ces règles rendent inconstructible.

22. D'une part, la commune reproche au projet de ne pas respecter les dispositions de l'article UB 12 " obligations imposées en matière de réalisation de surfaces éco-aménageables, d'espaces libres, de plantation, d'aires de jeux et de loisirs " du règlement du PLUi et en particulier de ne pas prévoir d'espace végétalisé utilisant la palette des strates végétales, d'arbres de haute tige suffisants, de fosses d'arbres, d'emplacement de conteneur de déchets masqué depuis la voie publique, de traitement paysager des stationnements extérieurs et de dispositif gérant ou dirigeant les eaux pluviales de la placette de retournement vers les noues bordant la voie publique.

23. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier de demande de permis d'aménager et notamment du " plan de masse avec hypothèse d'implantation des constructions, des assainissements non collectifs (ANC) et des massifs d'eaux pluviales " que le projet soit arrêté de manière précise au regard des obligations imposées en matière de réalisation de surfaces éco-aménageables, d'espaces libres, de plantation, d'aires de jeux et de loisirs. Il prévoit cependant déjà la plantation de sept arbres de haute tige d'essences locales, le traitement d'un côté des chaussées en espaces verts avec noues pour permettre la réception des eaux pluviales et la plantation d'une haie d'essences variées dans la partie du terrain située à l'est. En tout état de cause, il n'est pas établi que le projet ne permettrait pas le respect des prévisions de l'article UB 12 du règlement du PLUi lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises, au besoin en les assortissant de prescriptions spéciales.

24. D'autre part, la commune reproche au projet de ne pas respecter les dispositions de l'article UB 15.3 " Deux-roues " du règlement du PLUi en ne prévoyant aucune place de stationnement pour les deux-roues.

25. Toutefois, il ne ressort pas du plan évoqué au point 17, qui matérialise deux places de stationnement de jour sur une surface de 5 m x 5 m, que les véhicules deux-roues ne peuvent y être stationnés. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de ses caractéristiques, le projet de lotissement ne permettrait pas l'implantation de places de stationnement pour les deux roues dans le respect des prescriptions posées pour les programmes de plus de 5 logements par l'article UB 15.3 du règlement du PLUi.

26. Dès lors que le projet ne méconnaît pas les deux dispositions du règlement du PLUi en vigueur à la date du certificat d'urbanisme dont la commune de Bois-Le-Roy fait état, il n'y a pas lieu de procéder à la substitution demandée, mais de confirmer que l'arrêté du 31 janvier 2022 méconnaît les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme.

27. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible d'entraîner, en l'état du dossier soumis à la cour, l'annulation de la décision du 31 janvier 2022.

28. Il suit de là que Mme A... veuve C... et la SAS Robert-développement-immobilier sont fondés à demander l'annulation de la décision du 31 janvier 2022 par laquelle le maire de Bois-le-Roy a refusé de délivrer à la société le permis d'aménager sollicité.

Sur les frais liés au litige de première instance :

29. Partie perdante à la première instance, la commune de Bois-le-Roy ne peut voir accueillies ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30. Il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy la somme de 1 000 euros à verser respectivement à Mme A... veuve C... d'une part, et à la SAS Robert-développement-immobilier sur ce même fondement d'autre part.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par voie d'appel incident :

31. L'annulation de la décision du 31 janvier 2022 implique que la cour enjoigne à la commune de Bois-le-Roy de réexaminer la demande de permis d'aménager déposée le 17 novembre 2021 par la SAS Robert-développement-immobilier, dans un délai de 4 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a cependant pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige d'appel :

32. Partie perdante à la présente instance, il n'y a pas lieu d'accueillir les conclusions présentées par la commune de Bois-le-Roy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

33. Il y a, en revanche, lieu de mettre à la charge de la commune de Bois-le-Roy la somme de 1 000 euros à verser respectivement à Mme A... veuve C... d'une part et à la SAS Robert-développement-immobilier sur ce même fondement d'autre part.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 23 novembre 2023 est annulé en tant que, dans le cadre de la requête n° 2201308, il a annulé l'arrêté du 31 janvier 2022 et a rejeté les conclusions présentées par la commune de Bois-le-Roy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : L'arrêté du 31 janvier 2022 par lequel le maire de Bois-le-Roy a refusé de délivrer un permis d'aménager à la SAS Robert-développement-immobilier est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées en première instance et en appel par la commune de Bois-le-Roy en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Il est enjoint à la commune de Bois-le-Roy de réexaminer la demande de permis d'aménager présentée le 17 novembre 2021 par la SAS Robert-développement-immobilier, dans un délai de 4 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 5 : La commune de Bois-le-Roy versera la somme de 2 000 euros respectivement à Mme A... veuve C... d'une part et à la SAS Robert-développement-immobilier d'autre part, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par voie d'appel incident par Mme E... A... veuve C... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bois-le-Roy, à Mme E... A... veuve C... et à la SAS Robert-développement-immobilier.

Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA00102 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00102
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : SELAS NORMANDIE-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;24da00102 ?
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