Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.
Par un jugement n° 2101144 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements de 1 873 euros en droits et de 884 euros en pénalités, en matière d'impôt sur le revenu, ainsi que de 572 euros en droits et de 270 euros en pénalités, en matière de prélèvements sociaux, sur les conclusions de la demande de M. et Mme A... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Delattre, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions et contributions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens de l'instance.
Ils soutiennent que :
- les revenus réputés distribués réintégrés dans leurs revenus imposables des années 2014 et 2015 présentent un caractère exagéré, dès lors que ces revenus, correspondent à des résultats reconstitués de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) La Halle au Snack à hauteur d'un montant excessif, faute pour l'administration d'avoir tenu compte, pour leur montant réel, à partir des justificatifs produits en première instance, ou même de manière forfaitaire, à partir de données issues d'entreprises comparables ou de l'exploitation des données comptables de l'exercice clos en 2013, de nombreuses charges courantes d'exploitation ainsi que de dépenses de transformation, d'aménagement et d'amélioration ;
- la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CF-IOR-50-20 conforte, en ses paragraphes n°200 et n°210, leur analyse, selon laquelle une reconstitution de recettes doit, même dans le contexte d'une évaluation d'office faisant suite à une opposition à contrôle fiscal, être économiquement réaliste et il en est de même de la note n°2919 du 17 juin 1955 et du paragraphe n°7 de la documentation administrative de base 13 L-1542, dans sa version à jour au 1er juillet 2002 ;
- les impositions et contributions en litige n'ont pu trouver leur fondement légal dans les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
- l'administration n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de la qualité de seul maître de l'affaire qu'elle prête à M. A..., alors que celui-ci n'était plus co-gérant, ni un associé, de la société La Halle au Snack depuis le 1er décembre 2014 et que le nouvel associé unique et dirigeant de cette entreprise s'est comporté, depuis lors et depuis même la création de cette société, comme le seul maître de l'affaire, tandis que le frère de M. A... était connu d'au moins un fournisseur comme l'un des patrons de l'entreprise ; si la cour retenait l'existence de deux, voire trois, maîtres de l'affaire, elle ne pourrait que prononcer la décharge des impositions et contributions en litige, dès lors que l'administration n'a pas mis en œuvre la procédure de désignation des bénéficiaires des revenus regardés comme distribués, prévue à l'article 117 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de cette requête.
Il soutient que :
- M. et Mme A... n'ayant présenté aucune observation sur la proposition de rectification qui doit être regardée comme leur ayant été régulièrement notifiée, ils supportent la charge de la preuve, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a tenu compte des charges d'exploitation justifiées par M. et Mme A... au stade précontentieux et en première instance ;
- en revanche, la déductibilité des dépenses de transformation, d'aménagement et d'amélioration en tant que charges de l'EURL La Halle au Snack au titre des exercices clos en 2014 et en 2015 a été à bon droit écartée ;
- dans le cadre de la présente instance, il a été décidé de revoir les montants des bénéfices reconstitués de l'EURL La Halle au Snack et de ramener ceux-ci de 179 490 euros à 148 564 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 228 899 euros à 196 595 euros au titre de l'exercice clos en 2015 ; les dégrèvements correspondants seront prononcés ;
- M. A... a été regardé à bon droit comme le seul maître de l'affaire au titre des deux années d'imposition en litige, à partir du faisceau d'indices concordants retenus par le vérificateur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Halle au Snack a exercé, à Roubaix (Nord), une activité de vente en gros de produits alimentaires à destination d'établissements de restauration rapide. M. B... A... en était le gérant statutaire jusqu'au 1er décembre 2014, date à laquelle il a cédé les parts qu'il détenait dans cette société à l'autre associé, de sorte que ce dernier est devenu l'associé unique et le gérant de la société, devenue entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) La Halle au Snack. Cette société a été informée, par un avis qui lui a été adressé le 25 mai 2016, qu'elle ferait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Cependant, les interventions sur place prévues dans le cadre de ce contrôle n'ont pu avoir lieu pour des raisons que l'administration a regardées comme imputables à l'EURL La Halle au Snack. Dans ces conditions, le vérificateur a établi un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal et a procédé à une reconstitution des recettes de l'entreprise au titre de la période vérifiée, ainsi que des résultats imposables des deux exercices concernés, clos en 2014 et en 2015, évalués à hauteur des montants respectifs de 300 456 euros et 264 856 euros. L'administration a fait connaître son analyse à l'EURL La Halle au Snack par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dans une situation dans laquelle cette société n'avait d'ailleurs pas déposé de déclaration de résultats au titre des deux exercices en cause.
2. Parallèlement, les résultats ainsi reconstitués par l'administration ont été regardés par elle comme constituant, pour M. A..., qu'elle a regardé comme le seul maître de l'affaire, des revenus distribués imposables au sein de son foyer fiscal sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Elle a fait connaître son approche à M. et Mme A... par une proposition de rectification qu'elle leur a adressée le 20 décembre 2017. Les intéressés n'ayant pas présenté d'observations, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, pour M. et Mme A..., des rehaussements notifiés au titre des années 2014 et 2015 ont été mis en recouvrement les 31 mars 2019, 30 avril 2019 et 30 juin 2019 et à hauteur d'un montant total de 493 067 euros en droits et pénalités. A la suite de deux réclamations successivement introduites par M. A..., l'administration, d'une part, a accepté de réduire d'une somme de 527 euros les sommes réputées distribuées entre ses mains au titre de l'année 2014 et a prononcé le dégrèvement de 570 euros, en droits et pénalités, correspondant, en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, d'autre part, a accepté de réduire le montant des bénéfices reconstitués pour l'EURL La Halle au Snack au titre des deux années en cause et a prononcé le dégrèvement de 160 454 euros, en droits et pénalités, correspondant.
3. Insatisfaits néanmoins de cette prise en compte partielle de leurs prétentions, M. et Mme A... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance. Par un jugement du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements de 1 873 euros en droits et de 884 euros en pénalités, en matière d'impôt sur le revenu, ainsi que de 572 euros en droits et de 270 euros en pénalités, en matière de prélèvements sociaux, sur les conclusions de la demande de M. et Mme A... tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette demande. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction.
Sur l'étendue du litige :
4. Par une décision prise le 11 décembre 2023, après l'enregistrement de la requête, l'administratrice de l'Etat chargée de la direction de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement, à concurrence des montants de 15 688 euros en droits et de 8 158 euros en pénalités, en matière d'impôt sur le revenu, ainsi que de 4 794 euros en droits et de 2 493 euros en pénalités, en matière de prélèvement sociaux, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2014. Par la même décision, cette autorité a, en outre, prononcé le dégrèvement, à concurrence des montants de 16 387 euros en droits et de 7 734 euros en pénalités, en matière d'impôt sur le revenu, ainsi que de 5 006 euros en droits et de 2 362 euros en pénalités, en matière de prélèvement sociaux, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2015.
5. Dans la mesure des montants ainsi dégrevés, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux.
Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
6. En vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré.
7. Il est constant que M. et Mme A... n'ont formulé aucune observation sur la proposition de rectification qui leur avait été adressée le 20 décembre 2017 et qui, selon les éléments, non contestés, avancés par le ministre, doit être regardée comme leur ayant été régulièrement notifiée à l'adresse qu'ils avaient fait connaître à l'administration, le pli correspondant ayant été retourné au service revêtu d'une mention selon laquelle les destinataires ont été avisés mais ne l'ont pas réclamé avant l'expiration du délai de mise à disposition.
8. En application des dispositions, rappelées ci-dessus, de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe, dès lors, à M. et Mme A..., qui doivent être réputés avoir accepté les rectifications et il leur appartient d'établir le caractère exagéré des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant de l'appréhension des sommes réputées distribuées :
9. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) ".
10. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige procèdent, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'inclusion dans les revenus imposables de M. A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de l'EURL La Halle au Snack au titre des exercices clos en 2014 et en 2015 et regardées comme des revenus distribués par cette société à M. A..., que l'administration a regardé comme le seul maître de l'affaire.
Quant à la qualité de seul maître de l'affaire :
11. L'administration a entendu, en ce qui concerne ces sommes, se prévaloir, pour fonder les suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige, de la présomption d'appréhension attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, après avoir estimé, à partir d'un faisceau d'indices, que cette qualité devait être attribuée à M. A....
12. Au nombre de ces indices, dont rendent compte la proposition de rectification adressée au foyer fiscal de l'intéressé le 20 décembre 2017, figurent les faits que celui-ci était le co-gérant de la société La Halle au Snack, depuis la création de celle-ci et jusqu'au 1er décembre 2014. L'administration a retenu, en outre, que M. A... détenait, au cours de l'année 2014 en litige, la procuration lui permettant de mouvementer le compte bancaire ouvert au nom de la société, les éléments versés à l'instruction par le ministre confirmant que cette procuration était détenue par lui seul. En outre, il ressort des mêmes éléments que M. A... a conservé cette procuration en dépit de la cessation, le 1er décembre 2014, de ses fonctions de cogérant de la société La Halle au Snack et de la cession de ses parts sociales, lesquels retraits n'ont, au demeurant, été portés à la connaissance des tiers qu'à compter de mars 2015, date du dépôt du procès-verbal de la réunion du 1er décembre 2014 de l'assemblée générale des associés de la société au cours de laquelle ceux-ci en ont pris acte et ont désigné un nouveau gérant, tandis que, selon les éléments portés à l'attention de l'administration dans le cadre d'une demande d'assistance administrative internationale, M. A... a continué d'être identifié par des fournisseurs de la société comme le responsable de l'entreprise. Le ministre précise, à cet égard, que M. A... a d'ailleurs continué à signer des chèques au nom de la société au cours de l'année 2015, ce dont il justifie par la production de la copie de 47 de ces chèques, communiqués au service dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire détenteur du compte concerné, et de la copie du carton de signature établissant que la signature apposée sur ces chèques est bien celle de M. A..., contrairement à ce que soutiennent les appelants. Le ministre relève, au demeurant, que, dans sa réclamation du 10 juillet 2019, M. A... a précisé avoir été le gérant de la société La Halle au Snack jusqu'au 6 mars 2015 et qu'il a réitéré cette assertion dans une plainte pénale qu'il a déposée le 6 février 2018 auprès du tribunal de grande instance de Lille.
13. M. et Mme A..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 8, supportent la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions et contributions en litige, ne contestent pas la matérialité des indices, exposés au point précédent, retenus par l'administration, mais avancent d'autres éléments qui leur apparaissent de nature à en amoindrir la pertinence. Ils soutiennent ainsi que le nouvel associé unique et dirigeant de cette entreprise à compter du 1er septembre 2014 s'est comporté, depuis lors et depuis même la création de cette société, comme maître de l'affaire, tandis que le frère de M. A... était connu d'au moins un fournisseur comme l'un des responsables de l'entreprise, au même titre que M. A.... Ils ajoutent que le possesseur de parts d'une société peut, en sa qualité d'associé, valablement signer un chèque au nom de celle-ci, sans qu'il lui ait été nécessaire de demander une procuration à l'établissement bancaire détenteur du compte concerné. Ils tirent de cette argumentation la conclusion que M. A... n'était pas le seul maître de l'affaire au cours des deux années d'imposition en litige et que, dès lors qu'au moins un autre maître de l'affaire peut être identifié, l'administration ne pouvait se prévaloir, à l'égard du seul M. A..., de la présomption de distribution attachée à la qualité de seul maître de l'affaire sans avoir préalablement mis en œuvre la procédure de désignation des bénéficiaires des sommes réputées distribuées, prévue à l'article 117 du code général des impôts.
14. Toutefois, si deux des fournisseurs de la société La Halle au Snack ont indiqué à l'administration avoir notamment pour interlocuteur, dans leurs relations avec la société, le frère de M. A... en ce qui concerne la passation des commandes, ce qui peut s'expliquer par le fait que l'intéressé était employé par la société La Halle au Snack comme responsable d'exploitation, aucune de ces sociétés n'a présenté celui-ci comme étant le responsable de l'entreprise, l'une d'elles ayant d'ailleurs désigné M. A... comme " le patron ". En outre, M. et Mme A... n'apportent aucun élément probant contemporain des années d'impositions en litige au soutien de leurs allégations relatives à l'implication du co-gérant de la société devenu gérant statutaire unique en application de la délibération du 1er septembre 2014 de l'assemblée générale des associés. A cet égard, ni les faits que l'ancien co-gérant et désormais gérant statutaire unique de l'EURL La Halle au Snack ait établi une attestation, d'ailleurs non datée, pour les besoins d'une procédure juridictionnelle non précisément identifiée, aux termes de laquelle il se présente comme le dirigeant de cette société depuis sa création, en précisant que M. A... n'était pas en capacité d'exercer son mandat pour raisons de santé, ni les circonstances que ce nouveau gérant a pu représenter cette société dans le cadre d'un précédent contrôle portant sur des années antérieures et que l'administration, à l'issue de ce précédent contrôle, a mis en œuvre, à l'égard de cette société, la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts ne peuvent suffire à remettre en cause la qualité de seul maître de l'affaire que l'administration a prêtée à M. A..., en l'absence de preuve d'une implication effective de l'ancien co-gérant et désormais gérant statutaire unique dans la gestion de l'entreprise, alors, au demeurant, que le procès-verbal de la réunion du 1er décembre 2014 de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société La Halle au Snack désigne M. A... comme le seul gérant et qu'il en est de même de l'acte de cession de parts sociales établi à la même date.
15. Dans ces conditions, M. et Mme A..., auxquels incombe la charge de la preuve, ne peuvent pas être regardés comme ayant apporté des éléments suffisant pour combattre les indices exposés au point 12, sur lesquels l'administration s'est fondée pour retenir que M. A... était, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire. M. A... doit, dès lors, être réputé avoir appréhendé les sommes correspondantes aux résultats reconstitués de la société La Halle aux Snacks.
Quant au désinvestissement :
16. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions de la proposition de rectification adressée le 20 décembre 2017 à M. et Mme A..., lequel document cite de larges extraits de la proposition de rectification adressée à l'EURL La Halle au Snack, que les rehaussements notifiés à M. et Mme A... résultent, ainsi qu'il a été dit, de l'évaluation d'office des recettes et des résultats imposables de l'EURL La Halle au Snack à laquelle le vérificateur a procédé, en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dans un contexte dans lequel cette société a été regardée comme en situation d'opposition au contrôle fiscal.
17. Pour ce faire, le vérificateur a tenu compte des factures adressées par les fournisseurs de l'entreprise, que le service s'est procuré en faisant usage de son droit de communication auprès de ces fournisseurs et en tenant compte des montants collectés dans l'application VIES (système européen d'échange d'informations sur la taxe sur la valeur ajoutée), lesquelles données ont permis de révéler qu'un certain nombre de fournisseurs de l'EURL La Halle au Snack exerçaient dans un autre Etat de l'Union européenne, à savoir en Belgique, ce qui a été confirmé au service vérificateur dans le cadre d'une demande d'assistance internationale. Les achats de marchandises ont ainsi été reconstitués à hauteur des montants de 1 430 741 euros au titre de l'exercices clos en 2014 et de 1 261 219 euros au titre de l'exercice clos en 2015, ces montants se rapportant, à hauteur, respectivement, de 1 287 634 euros et de 1 156 679 euros, à des acquisitions intracommunautaires.
18. Afin de déterminer le montant des achats revendus, le vérificateur a appliqué un coefficient d'achat/revente de 1,21 tiré des données issues d'une précédente vérification de comptabilité dont avait fait l'objet la société La Halle au Snack au titre de la période s'étendant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013 et il s'est assuré de la pertinence de ce coefficient en le comparant au coefficient moyen de 1,45, sensiblement supérieur, résultant du rapprochement des données issues de l'exploitation de trois entreprises exerçant des activités similaires et implantées dans un périmètre proche.
19. Par application de ce coefficient de 1,21, les recettes reconstituées de l'EURL La Halle au Snack ont ainsi été évaluées à 1 731 197 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et à 1 526 075 euros au titre de l'exercice clos en 2015. Dans ces conditions et alors qu'il n'a eu accès à aucune comptabilité, le vérificateur a déterminé, sur ces bases, les bénéfices imposables des deux exercices en cause à hauteur des montants respectifs de 300 456 euros et de 264 856 euros.
20. Il résulte de l'instruction que les échanges entre le conseil de l'EURL La Halle au Snack et l'administration, durant la phase précontentieuse et en cours de première instance, ont conduit le service à admettre en déduction, en tant que charges des exercices concernés, plusieurs autres dépenses de gestion courante, afférentes au personnel, aux loyers et aux dépenses d'énergie, de sorte que les bénéfices imposables des deux exercices en cause ont été ramenés, respectivement, à 179 490 euros et à 228 899 euros.
21. Dans un contexte dans lequel il est constant que l'EURL La Halle au Snack n'a déposé aucune déclaration de résultats au titre des deux exercices clos 2014 et en 2015 en cause, les bénéfices ainsi reconstitués par l'administration doivent être regardés comme ayant été entièrement dissimulés.
22. En outre, il ne ressort d'aucune des mentions de la proposition de rectification adressée le 20 décembre 2017 à M. et Mme A..., reprenant les extraits utiles de la proposition de rectification adressée à l'EURL La Halle au Snack, que le vérificateur aurait relevé des indices de nature à révéler que tout ou partie des bénéfices ainsi reconstitués aurait été mis en réserve par cette société ou incorporé à son capital.
23. Enfin, l'administration a mis en évidence des flux de trésorerie sortants, matérialisés par les 47 chèques mentionnés au point 12, signés, au cours des exercices en cause, par M. A....
24. Dans ces conditions et en l'absence d'élément probant, ni même d'allégation, contraire, les bénéfices imposables de l'EURL La Halle au Snack ainsi évalués d'office au titre des exercices clos en 2014 et en 2015 doivent être regardés comme ayant été intégralement désinvestis, de sorte que l'administration était fondée à considérer que les sommes correspondantes avaient, pour M. A..., la nature de revenus distribués et elle a pu, par suite, à bon droit soumettre ces sommes à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
S'agissant du caractère exagéré des suppléments d'impôt et des contributions en litige :
25. M. et Mme A... soutiennent cependant que les sommes qui ont été soumises à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, au sein de leur foyer fiscal, au titre des années 2014 et 2015, comme correspondant aux bénéfices, réputés distribués, par l'EURL La Halle au Snack sont excessives, dès lors que, malgré les charges admises, en définitive, en déduction par l'administration, la reconstitution de ces bénéfices continue de faire abstraction de plusieurs charges d'exploitation courante, ainsi que de dépenses exposées par cette société pour la transformation, l'aménagement ou l'amélioration des locaux qu'elle prend en location pour les besoins de son exploitation.
Quant aux charges d'exploitation courante :
26. M. et Mme A... soutiennent, dès lors que les reconstitutions de résultats réalisées par l'administration doivent être économiquement réalistes, qu'il y a lieu de tenir compte des charges courantes exposées par l'entreprise, ne serait-ce que de manière forfaitaire, par comparaison avec les données issues de la vérification de comptabilité dont la société La Halle au Snack a fait l'objet en ce qui concerne la période correspondant à l'exercice clos en 2013 ou des données tirées de l'exploitation des entreprises comparables recensées par l'administration.
27. A cet effet, M. et Mme A... proposent, à partir des éléments comptables de la société La Halle au Snack qu'ils versent au dossier au sujet de l'exercice clos en 2013, l'application d'un ratio charges externes/chiffre d'affaires de 13,9 %, qu'ils demandent de retenir comme référence, en lieu et place du coefficient d'achat/revente de 1,21 utilisé par l'administration, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pour reconstituer les recettes issues de l'activité de l'EURL La Halle au Snack et dont ils critiquent la pertinence.
28. Toutefois, il ressort des éléments avancés par le ministre et non contestés que le calcul ayant permis à M. et Mme A... de déterminer ce ratio est erroné, en ce qu'il retient un chiffre d'affaires de 524 643 euros, dès lors que ce montant correspond seulement à celui des dissimulations de recettes mises en évidence par le service vérificateur au titre de la période ayant fait l'objet de ce précédent contrôle et qu'il y a lieu de tenir compte, en outre, du chiffre d'affaires déclaré par cette société, à hauteur d'un montant de 982 232 euros.
29. En outre, ainsi que le fait valoir le ministre, les charges retenues pour les besoins de ce calcul à hauteur d'un montant de 72 935 euros n'ont pas toutes été admises en déduction à l'issue de ce précédent contrôle, mais seulement à concurrence d'un montant de 37 861 euros, de sorte que le ratio charges externes/chiffre d'affaires susceptible d'être substitué au coefficient initialement retenu s'établit à 2,51 %.
30. Le ministre accepte, dans le dernier état de l'analyse de l'administration, tel qu'exposé dans le mémoire en défense produit devant la cour, de retenir ce ratio charges externes/chiffre d'affaires de 2,5 %, dont la pertinence n'est pas discutée par M. et Mme A..., et qui conduit à porter le niveau des charges déductibles de l'EURL La Halle au Snack aux montants de 43 453 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 38 304 euros au titre de l'exercice clos en 2015.
31. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments exposés par le ministre, que ces niveaux de charges excèdent ceux résultant de la prise en compte des seules factures de loyer, d'énergie et d'entretien de véhicule produites en appel par M. et Mme A.... Le ministre a, dans ces conditions, accepté de ramener les montants des bénéfices imposables de l'entreprise à 148 564 au titre de l'exercice clos en 2014 et à 196 595 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de prononcer les dégrèvements mentionnés au point 4.
32. Dès lors que M. et Mme A... n'ont pas répliqué au mémoire du ministre, le moyen tiré de l'insuffisante prise en compte, dans le dernier état de l'analyse de l'administration, des charges d'exploitation de l'EURL La Halle au Snack dans le cadre de l'évaluation d'office des bénéfices imposables de cette entreprise au titre des exercices clos en 2014 et en 2015, réputés distribués au sein du foyer fiscal de M. et Mme A..., doit être écarté.
Quant aux travaux de transformation, d'aménagement et d'amélioration :
33. M. et Mme A... soutiennent que l'administration a omis de tenir compte, dans sa reconstitution, de charges exposées par l'EURL La Halle au Snack à titre de dépenses de transformation, d'aménagement ou d'amélioration des locaux qu'elle prend en location pour les besoins de son exploitation.
34. Il résulte des stipulations du bail que les appelants ont versé à l'instruction que, parmi les travaux qui excèdent les simples opérations de réparation et d'entretien incombant, par nature, au locataire, celui-ci doit prendre à sa charge, moyennant un accord écrit du bailleur, les travaux de transformation, d'aménagement ou d'amélioration qui s'avèreraient nécessaires à l'exercice de son activité.
35. En premier lieu, si la facture d'acquisition de deux chambres froides, établie le 10 juin 2014 par le fournisseur de ces équipements pour un montant de 72 800 euros hors taxes, peut, eu égard à son objet, être regardée comme ayant trait à un aménagement nécessaire à l'activité du locataire, l'EURL La Halle au Snack, M. et Mme A... n'apportent, au soutien de l'invocation de cette facture, aucun élément de nature à établir que celle-ci a effectivement été enregistrée en tant que charge d'exploitation dans la comptabilité de l'entreprise, à laquelle l'administration n'a pas eu accès, ce qui ne ressort pas davantage de la liasse fiscale de l'exercice 2014 versée à l'instruction, et ils ne justifient pas non plus de la livraison effective des équipements en cause, ni, au demeurant, du paiement de cette facture.
36. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de prise en compte de cette dépense dans le cadre de la reconstitution des résultats de cette entreprise ne peut qu'être écarté, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la circonstance, invoquée en défense, que cette immobilisation ne pouvait donner lieu qu'à un amortissement et non une charge.
37. En deuxième lieu, si M. et Mme A... font état d'une facture d'un montant de 42 190 euros hors taxe portant sur la réalisation d'une dalle de béton cirée et d'un escalier en béton et établie le 14 février 2014 par une entreprise du bâtiment établie à Amiens, il résulte de l'examen de cette facture, versée à l'instruction, que celle-ci, qui n'identifie d'ailleurs pas précisément le lieu d'exécution des travaux en cause, ne comporte aucune mention permettant de déterminer si les travaux auxquels elle se rapporte sont de ceux qui étaient nécessaires à l'exploitation de l'EURL La Halle au Snack, ce que la nature de ces travaux ne permet pas de retenir, ou de ceux qui devaient être pris en charge par le propriétaire des locaux.
38. Dans ces conditions et en tout état de cause, le moyen tiré, par M. et Mme A..., de ce que l'administration n'aurait, à tort, pas tenu compte cette dépense pour la reconstitution des résultats de l'EURL La Halle au Snack doit être écarté.
39. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne peuvent pas être regardés comme ayant rapporté la preuve, qui leur incombe ainsi qu'il a été dit, du caractère exagéré des impositions et contributions en litige, telles qu'ajustées par l'administration en cours d'instance.
En ce qui concerne l'invocation de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
40. M. et Mme A... ne sont pas fondés à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations des paragraphes n°200 et n° 210 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CF-IOR-50-20, ni celles de la note n° 2919 du 17 juin 1955 et du paragraphe n° 7 de la documentation administrative de base 13 L-1542, dans sa version à jour au 1er juillet 2002, qui, en tant qu'elles rappellent qu'une reconstitution de recettes doit, même dans le contexte d'une évaluation d'office faisant suite à une opposition à contrôle fiscal, être la plus exacte possible et économiquement réaliste, ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.
41. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, sur les conclusions de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Sur les frais de procédure :
42. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur des dégrèvements, mentionnés au point 4, prononcés en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,
F.-X. Pin
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La greffière,
E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth HELENIAK
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N°23DA01579