Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B..., Mme G... E..., M. C... A... et Mme F... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler :
- l'arrêté du 28 février 2020 par lequel le maire de la commune de Bois-Guillaume a accordé à la société anonyme (SA) la Chevalerie de la Bretèque, le permis de construire n° PC 076 108 19 O 0045 pour la création d'un bâtiment de loisirs comportant une crèche, une salle de séminaire et une salle de sport, sur l'unité foncière constituée par les parcelles AB n°677, 680, 673, 263, 528, 681, 678, 679, 675, 674 et 672 situées n°1649, chemin de la forêt verte ;
- et l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le maire de commune de Bois-Guillaume a partiellement transféré le bénéfice du permis de construire n° PC 076 108 19 O 0045 à la SA Bretèque Développement.
Par un jugement n° 2003612 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés des 28 février et 13 mars 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 mars 2023 et le 6 mars 2024, la SA La Chevalerie de la Bretèque, représentée par la SELARL Audicit, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. B..., de Mme E..., de M. A... et de Mme A... ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer une annulation partielle du permis de construire contesté ou, à titre infiniment subsidiaire, de prononcer un sursis à statuer sur le fondement des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge des requérants de première instance une somme totale de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société appelante soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Rouen a examiné un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la métropole de Rouen Normandie applicable à la zone A qui n'était pas soulevé par les requérants et qu'à supposer que ce moyen soit d'ordre public, il n'en a pas informé les parties ;
- le tribunal administratif de Rouen s'est fondé à tort sur un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que le PLUi de la métropole de Rouen Normandie n'était pas entré en vigueur et devenu exécutoire le 28 février 2020, faute d'une publication de la délibération l'approuvant dans un journal diffusé dans le département de la Seine-Maritime. En toute hypothèse, l'application de la décision du Conseil d'Etat du 2 avril 2021, n°427736 doit être écartée en ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à supposer qu'il y ait lieu en l'espèce de procéder à une substitution de base légale et de faire application du PLUi de la métropole de Rouen Normandie, le permis de construire litigieux ne méconnaît pas le règlement applicable à la zone A dès lors qu'il prévoit la construction de bâtiments liés et nécessaires à une activité de centre équestre et donc à une exploitation agricole ;
- il y a lieu pour la cour en toute hypothèse de faire application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'il est possible de conserver aux bâtiments projetés leurs caractéristiques architecturales en en modifiant seulement l'affectation ;
- aucun des moyens soulevés en première instance n'est fondé ;
- les moyens, nouveaux en appel, tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8 du code de l'urbanisme et A.5 du règlement du PLUi de la métropole de Rouen Normandie ne peuvent plus être invoqués par les requérants de première instance, en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme. En tout état de cause, ils ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 octobre 2023 et 7 février 2024, M. D... B..., Mme G... E..., M. C... A... et Mme F... A..., représentés par Me Lachaut-Dana, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de la SA la Chevalerie de la Bretèque ;
2°) de mettre à la charge de la société appelante une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- la décision du Conseil d'Etat, n°427736 en date du 2 avril 2021 ne portant pas sur une règle de procédure contentieuse dont l'application rétroactive serait susceptible de porter atteinte au droit au recours, la société appelante n'est pas fondée à évoquer une méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En toute hypothèse, cette décision ne fait que censurer un arrêt pour erreur de droit au regard des disposions législatives et réglementaires désormais applicables, sans procéder donc à un revirement de jurisprudence ;
- aucune irrégularité n'entache le jugement contesté, et ce d'autant qu'ils s'étaient prévalus dans leurs écritures de la méconnaissance par le permis de construire litigieux des dispositions du PLUi de la métropole de Rouen Normandie applicables en zone A ;
- le tribunal était fondé à retenir une méconnaissance de l'article A.1 du règlement du PLUi dès lors que le bâtiment projeté a comme destination " commerce et activités de service " et comme sous-destination " activités de service où s'effectue l'accueil d'une clientèle ", qui y sont interdites. Par ailleurs, cette activité ne peut être regardée comme liée et nécessaire à une activité agricole dès lors que ne relève pas d'une telle activité au sens du PLUi un centre équestre. Enfin et en toute hypothèse, le bâtiment projeté a vocation à accueillir une salle de sport, une crèche et une salle de séminaire et n'est ainsi pas directement liée à l'activité proprement agricole du centre équestre ;
- à titre subsidiaire, si la cour annulait le jugement attaqué comme non-fondé, il lui appartiendrait de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les moyens de première instance qu'ils reprennent ci-dessous ;
- l'arrêté du 28 février 2020 accordant le permis de construire n° PC 076 108 19 O 0045 est entaché d'incompétence dès lors que l'autorité compétente pour délivrer un tel permis de construire est l'Etat en application de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ;
- il est entaché d'une méconnaissance de l'obligation de présenter un seul permis de construire pour un projet unique ;
- le dossier de demande de permis de construire est entaché d'insuffisance dès lors que le projet architectural ne comporte pas l'ensemble de la végétation présente sur le site, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ;
- le permis méconnaît les dispositions de l'article A.5 du PLUi relatives au nombre d'arbres à planter et à la part minimale de surfaces non imperméabilisées ;
- il est entaché d'illégalité dès lors que le maire de la commune de Bois-Guillaume aurait dû surseoir à statuer dans l'attente que le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la Métropole de Rouen Normandie entre en vigueur ;
- à supposer le PLUi de la Métropole de Rouen Normandie non encore entré en vigueur, le permis en litige méconnaît les articles N1 et N2 du règlement de l'ancien plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Bois-Guillaume ;
- il méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article N4 du règlement de l'ancien PLU de la commune de Bois-Guillaume ;
- il méconnaît l'article N8 du règlement de l'ancien PLU de la commune de Bois-Guillaume ;
- il méconnaît l'article N10 du règlement de l'ancien PLU de la commune Bois-Guillaume ;
- il méconnaît l'article N11 du règlement de l'ancien PLU de la commune de Bois-Guillaume.
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2024, la commune de Bois-Guillaume, représentée par la SCP Lenglet, Malbesin et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. B..., de Mme E..., de M. A... et de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge des requérants de première instance une somme totale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le tribunal administratif de Rouen s'est fondé à tort sur un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que l'application de la décision du Conseil d'Etat du 2 avril 2021, n°427736 doit être écartée en ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe de sécurité juridique ;
- à supposer qu'il y ait lieu en l'espèce de procéder à une substitution de base légale et de faire application du PLUi de la métropole de Rouen Normandie, le permis de construire litigieux ne méconnaît pas le règlement applicable à la zone A dès lors que le bâtiment projeté est un local accessoire à une activité agricole au sens des dispositions générales dudit PLUi ;
- aucun des moyens soulevés en première instance n'est fondé.
Par ordonnance du 4 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par un courrier en date du 9 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté des conclusions d'appel présentées par la commune de Bois-Guillaume dès lors qu'elles ont été présentées après expiration du délai de deux mois mentionné à l'article R. 811-2 du code de justice administrative.
Une réponse à ce moyen d'ordre public a été présentée le 15 octobre 2024 pour la commune de Bois-Guillaume par la SCP Lenglet, Malbesin et Associés et a été communiquée.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité la métropole Rouen Normandie à produire des pièces, ce qu'elle a fait le 17 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Pedro substituant Me Boyer, représentant la société anonyme (SA) la Chevalerie de la Bretèque, et de Me Colliou, représentant M. B..., Mme E..., M. A... et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 juillet 2019, la société anonyme (SA) la Chevalerie de la Bretèque a déposé une demande de permis de construire un bâtiment de loisirs, comprenant une halte-garderie, une salle de sports et une salle de séminaire au 1649, chemin de la forêt verte à Bois-Guillaume. Par un permis de construire n° PC 076 108 19 O 0045 délivré par un arrêté du 28 février 2020, le maire de la commune de Bois-Guillaume a autorisé cette construction. Par un arrêté du 13 mars 2020, le maire de la commune de Bois-Guillaume a partiellement transféré le bénéfice de ce permis de construire à la SA Bretèque Investissement.
2. Saisi par M. D... B..., Mme G... E..., M. C... A... et Mme F... A..., le tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés des 28 février et 13 mars 2020 et a rejeté le surplus de leurs conclusions par un jugement du 12 janvier 2023. Par des requêtes en appel enregistrées respectivement les 13 mars 2023 et 1er mars 2024, la SA la Chevalerie de la Bretèque et la commune de Bois-Guillaume demandent à la cour d'annuler ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. La société appelante et la commune de Bois-Guillaume soutiennent tout d'abord que le jugement du tribunal administratif de Rouen serait irrégulier en ce qu'il se fonde sur un moyen qui n'avait pas été soulevé par les requérants et qui n'était pas d'ordre public, tenant à la méconnaissance du champ d'application de la loi par les arrêtés en litige dès lors que ces derniers faisaient application du plan local d'urbanisme de la commune de Bois-Guillaume et que ce dernier n'était plus en vigueur à la date de leur édiction.
4. La société appelante fait valoir un second moyen d'irrégularité tenant à ce que le tribunal aurait examiné d'office un moyen non soulevé par les requérants et qui n'étaient pas d'ordre public, sans même en informer préalablement les parties en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, tenant à la méconnaissance par les arrêtés litigieux du règlement du PLUi de la métropole de Rouen Normandie applicable à la zone A.
En ce qui concerne le premier moyen d'irrégularité soulevé, tenant pour le tribunal administratif de Rouen à s'être fondé d'office sur le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi :
S'agissant des textes applicables :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 153-23 du code de l'urbanisme dans ses dispositions alors applicables : " Lorsque le plan local d'urbanisme porte sur un territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, il est exécutoire dès lors qu'il a été publié et transmis au préfet dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales dans ses dispositions alors applicables : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. ". Aux termes de son article R. 153-20 dans ses dispositions alors applicables : " Font l'objet des mesures de publicité et d'information édictées à l'article R. 123-21 : (...) 2°) La délibération qui approuve, révise, modifie ou abroge un plan local d'urbanisme (...) ". Enfin ledit article R. 123-21 prévoyait alors dans ses dispositions applicables que : " Tout acte mentionné à l'article R. 153-20 est affiché pendant un mois au siège de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et dans les mairies des communes membres concernées, ou en mairie. Mention de cet affichage est insérée en caractères apparents dans un journal diffusé dans le département. / (...) / L'arrêté ou la délibération produit ses effets juridiques dès l'exécution de l'ensemble des formalités prévues au premier alinéa, la date à prendre en compte pour l'affichage étant celle du premier jour où il est effectué. ".
6. Il résulte des dispositions des articles L. 153-23 du code de l'urbanisme et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales citées ci-dessus que, dans les communes couvertes par un schéma de cohérence territoriale approuvé, la délibération approuvant un plan local d'urbanisme entre en vigueur dès lors qu'elle a été publiée et transmise au représentant de l'Etat dans le département. Elle est ainsi exécutoire à compter de la date la plus tardive entre la date de publication et la date de transmission au représentant de l'Etat. S'il résulte des dispositions réglementaires des articles R. 123-24 et R. 123-25 du code de l'urbanisme que cette délibération doit faire l'objet d'un affichage pendant un mois et que cet affichage doit être mentionné de manière apparente dans un journal diffusé dans le département, le respect de cette durée d'affichage et celui de cette obligation d'information par voie de presse sont sans incidence sur la détermination de la date d'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme.
7. D'autre part, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule en son 1 que : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...). ".
8. Ces stipulations garantissent les principes d'égalité des armes et de sécurité juridique ainsi que le droit à un procès équitable.
S'agissant des faits de l'espèce :
9. Il ressort des pièces du dossier et est au demeurant constant, d'une part, que la commune de Bois-Guillaume est couverte par un SCOT approuvé, d'autre part, que la délibération du 13 févier 2020 approuvant le PLUi de la Métropole Rouen Normandie a été transmise au préfet de la Seine-Maritime le 21 février 2020 et que son affichage a été effectué le même jour, selon le tampon apposé sur la délibération elle-même. Conformément au principe exposé au point 6, il en résulte que le PLUi est entré en vigueur le 21 février 2020 sur le territoire de la commune de Bois-Guillaume. Le plan local d'urbanisme de la commune de Bois-Guillaume a par conséquent été abrogé le même jour. Est sans incidence sur cette abrogation la circonstance qu'une mention de l'affichage de la délibération du 13 février 2020 a été publiée dans le journal Paris-Normandie le 13 mars 2020.
10. Si les appelants font valoir que l'application de ces règles d'entrée en vigueur des plans locaux d'urbanisme méconnaîtrait les droits qu'ils tiennent de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils ont pu, dans le cadre du contradictoire, discuter le moyen qui résultait directement de ces règles et qui était tiré d'une méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors qu'ils ont été informés par le tribunal, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur ledit moyen.
11. Par ailleurs et en tout état de cause, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir, devant le juge de l'excès de pouvoir, du principe de sécurité juridique énoncé à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour soutenir que la légalité d'une décision administrative devrait être appréciée au regard de la jurisprudence établie à la date à laquelle cette décision a été prise.
12. Dans ces conditions, aucun texte ni principe ne s'opposait à ce que, conformément au code de l'urbanisme, seul le PLUi de la Métropole Rouen Normandie, alors entré en vigueur, soit applicable à la date des décisions attaquées. Il s'ensuit que, ainsi que l'a estimé à raison le tribunal, le maire de la commune de Bois-Guillaume a méconnu le champ d'application de la loi en délivrant à la SA La chevalerie de la Bretèque un permis de construire sur le fondement des dispositions du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors que celui-ci n'était plus alors en vigueur.
13. Enfin, la méconnaissance du champ d'application de loi étant d'ordre public, il y a lieu d'écarter ce premier moyen d'irrégularité.
En ce qui concerne le second moyen d'irrégularité soulevé, tenant pour le tribunal administratif de Rouen à s'être fondé d'office sur le moyen tiré de la méconnaissance du règlement de la zone A du PLUi alors qu'il n'était pas d'ordre public et sans en informer au préalable les parties :
14. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
15. Alors qu'aucune substitution de base légale n'avait été sollicitée du tribunal administratif de Rouen par les parties défenderesses à l'instance n° 2003612 et qu'il n'y était pas contraint par les principes qui viennent d'être rappelés, le tribunal administratif de Rouen a explicitement motivé aux points 5, 6 et 7 de son jugement contesté les motifs pour lesquels il estimait ne pas y avoir lieu à substituer le PLUi de la métropole de Rouen Normandie au PLU de Bois-Guillaume comme base légale des arrêtés des 28 février et 13 mars 2020. Ce faisant et contrairement à ce que soutient la SA La Chevalerie de la Bretèque dans ses écritures, le tribunal n'a pas fondé de manière irrégulière son jugement d'annulation sur un moyen non soulevé par les requérants et qui ne serait pas d'ordre public mais s'est contenté d'exposer les raisons pour lesquelles il estimait, dans le cadre de son office, ne pas avoir lieu à procéder de sa propre initiative à une substitution de base légale. Au surplus, le jugement n'a pas méconnu ce faisant les exigences du contradictoire dès lors qu'il n'y a pas lieu pour le juge de l'excès de pouvoir de mettre à même les parties de présenter des observations sur une possible substitution de base légale s'il ne fonde pas sa décision sur cette dernière.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement du tribunal serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
17. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ainsi que les moyens nouveaux en appel.
En ce qui concerne le moyen d'annulation du permis de construire et de son arrêté de transfert :
18. En l'espèce, le tribunal n'a retenu qu'un seul moyen d'annulation, tenant à la méconnaissance par les arrêtés des 28 février et 13 mars 2020 du champ d'application de la loi du fait de la sortie de l'ordre juridique, à la date de leur édiction, du plan local d'urbanisme de la commune de Bois-Guillaume.
19. Pour les motifs qui ont été indiqués aux points 11 à 15, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce moyen d'ordre public, le tribunal a annulé les arrêtés litigieux.
En ce qui concerne la substitution de base légale sollicitée par la commune de Bois-Guillaume et la SA La Chevalerie de la Bretèque :
20. Aux termes de l'article 1.1 du règlement du PLUi de la métropole de Rouen Normandie applicable à la zone A, laquelle comprend le terrain d'assiette du projet de la SA La Chevalerie de la Bretèque, toutes les occupations et utilisations du sol non autorisées sous certaines conditions à l'article 1.2 sont interdites. Sont ainsi notamment autorisées en zone A " les constructions, aménagements et extensions à condition qu'ils soient nécessaires à l'activité agricole ".
21. Si un centre équestre peut relever d'une activité agricole au sens et pour l'application de cet article en raison de ses activités d'élevage et d'étalonnage, le bâtiment objet du permis de construire litigieux comporte un espace dédié à l'accueil de séminaires et à des bureaux, un espace d'accueil des enfants fréquentant le centre équestre et enfin un plateau sportif et des " salles de sports ", lesquelles, situées à l'étage, ne sont pas accessibles aux chevaux et ne sont donc pas en lien avec une activité équestre. Dans ces conditions, cette construction n'est pas nécessaire à l'activité agricole de la SA La Chevalerie de la Bretèque.
22. Alors qu'il ressort des pièces du dossier et est d'ailleurs constant qu'aucune autre disposition du PLUi applicable à la date d'édiction des arrêtés en litige n'est de nature à permettre l'édification en zone A de la construction projetée, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale désormais sollicitée en appel par la commune de Bois-Guillaume et la SA La Chevalerie de la Bretèque.
En ce qui concerne l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
23. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
24. Un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
25. En l'espèce, les règles d'urbanisme désormais en vigueur ne permettent pas d'édifier un bâtiment à usage de loisirs sur le terrain dont est propriétaire la SA La Chevalerie de la Bretèque, conformément à son projet. Au regard par ailleurs du caractère très limité des constructions autorisées en zone A qui doivent être nécessaires à une activité agricole, une mesure de régularisation impliquerait de changer la nature même dudit projet.
26. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu pour la cour de faire application des dispositions précitées des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
27. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d'appel de la société pétitionnaire doivent être rejetées et qu'il doit en être de même, en tout état de cause, de celles de la commune de Bois-Guillaume.
Sur les frais de l'instance :
28. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SA La Chevalerie de la Bretèque et par la commune de Bois-Guillaume, parties perdantes, doivent être rejetées.
29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la SA La Chevalerie de la Bretèque à verser la somme totale de 2 000 euros à M. D... B..., Mme G... E..., M. C... A... et Mme F... A... en application du même article.
DECIDE :
Article 1er : La requête n°23DA00472 de la société anonyme (SA) La Chevalerie de la Bretèque et les demandes de la commune de Bois-Guillaume sont rejetées.
Article 2 : La SA La Chevalerie de la Bretèque versera la somme totale de 2 000 euros à M. D... B..., Mme G... E..., M. C... A... et Mme F... A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des demandes des intimés est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA La Chevalerie de la Bretèque, à la commune de Bois-Guillaume, à M. D... B..., à Mme G... E..., à M. C... A... et à Mme F... A....
Copie en sera transmise pour information à la société anonyme Bretèque développement et à la métropole de Rouen Normandie.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : V. Thulard
La présidente de la 1ère chambre
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
2
N°23DA00472