Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Seine-Maritime a demandé au tribunal administratif de Rouen :
- d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le maire de Doudeville a délivré à la société d'économie mixte locale (SEML) Séminor un permis de construire 35 logements individuels et intermédiaires nécessitant la démolition de plusieurs bâtiments ;
- d'annuler, en tout état de cause, le permis tacite délivré à la SEML Séminor pour la construction de 35 logements.
Par un jugement n° 2203584 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé le permis tacite (article 1), a annulé l'arrêté du 20 mai 2022 (article 2), a rejeté les conclusions présentées par la commune de Doudeville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté les conclusions présentées par la SEML Séminor en application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4).
Procédure devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, sous le n° 22DA00114, et un mémoire de production de pièces enregistré le 26 septembre 2024, la commune de Doudeville, représentée par Me Isabelle Enard Bazire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le déféré préfectoral n'était pas recevable pour être dirigé contre l'arrêté du 20 mai 2022 qui ne fait que confirmer le permis tacitement délivré le 7 mai 2022 après la réception des pièces complémentaires sollicitées pour l'instruction du permis ;
- l'arrêté du 20 mai 2022 ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, le permis ne pouvait pas être refusé au titre de ces dispositions, alors qu'il pouvait être assorti de prescriptions spéciales tenant à la mise en place, au moins transitoire, d'un dispositif d'assainissement individuel, conformément à l'arrêté préfectoral du 21 février 2022 qui reporte à 2033 la mise en conformité de la station de traitement des eaux usées et l'opérationnalité du réseau public d'assainissement ; l'annulation totale des permis entraîne une atteinte excessive au droit de propriété protégé par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les permis ne méconnaissent pas l'arrêté préfectoral du 21 février 2022 ;
- le préfet ne peut valablement invoquer la méconnaissance de cet arrêté : d'une part, son article 2 est illégal faute de justifier d'une situation d'urgence et de l'existence de dangers graves et imminents pour la santé ou l'environnement, alors que des permis de construire induisant de nouveaux raccordements, ont été accordés sur le territoire de la commune sans faire l'objet de déférés préfectoraux ; d'autre part, cet arrêté a été pris au titre de la législation de l'environnement, distincte de la législation de l'urbanisme au vu de laquelle une demande de permis de construire doit être traitée en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; enfin, l'arrêté de mise en demeure à un établissement public de coopération intercommunal, dépourvu de caractère réglementaire, ne lie pas le maire, seul compétent, en vertu de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, pour délivrer les permis de construire sur le territoire d'une commune couverte par un plan local d'urbanisme (PLU).
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun permis tacite n'est intervenu, faute de transmission de l'ensemble des pièces manquantes sollicitées par la commune de Doudeville ; l'éventuel permis tacite intervenu le 7 mai 2022 est irrégulier ainsi qu'il l'a démontré dans son déféré enregistré devant le tribunal ;
- l'arrêté préfectoral du 21 février 2022 étant devenu définitif ne peut plus être contesté par la voie de l'exception d'illégalité ; il est en tout état de cause fondé et de nature à justifier, en application des articles R. 111-2 et L. 421-6 du code de l'urbanisme, le refus du permis de construire sollicité par la SEML Séminor ;
- les moyens soulevés par la commune de Doudeville pour confirmer la légalité des permis accordés à la SEML Séminor ne sont pas fondés ;
- les permis ne peuvent pas être régularisés par la mise en place d'un système d'assainissement autonome prohibé par l'article Ucfh12 du règlement du PLU de Doudeville, par l'article L. 1331-1 du code de la santé publique, par l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales et par l'article 48 du règlement départemental de la Seine-Maritime ; le projet porté par la SEML Séminor n'entre pas dans un cas d'exonération au raccordement à un réseau public d'assainissement ; le maire n'a pas satisfait aux conditions posées par l'article L.111-11 du code de l'urbanisme.
La requête a été communiquée à la SEML Séminor qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 16 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2024.
Par une lettre du 2 octobre 2024 et en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a invité les parties à présenter, avant le 7 octobre 2024, leurs observations sur l'éventuelle régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
La commune de Doudeville, représentée par Me Isabelle Enard Bazire, a présenté les 4 et 14 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 2 octobre 2024.
La SEML Séminor, représentée par Me Benoît Le Velly, a présenté le 7 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 2 octobre 2024.
Le préfet de la Seine-Maritime a présenté le 10 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 2 octobre 2024.
Par une lettre du 9 octobre 2024 et en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à préciser si au 20 mai 2022, le terrain d'assiette du projet était situé dans une zone d'assainissement collectif au regard du zonage défini par la commune en application de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales et ce qu'il en est en octobre 2024.
Le préfet de la Seine-Maritime a présenté le 14 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 9 octobre 2024.
La commune de Doudeville, représentée par Me Isabelle Enard Bazire, a présenté le 14 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 9 octobre 2024.
Par une lettre du 17 octobre 2024 et en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à préciser l'état d'avancement des travaux prescrits par le préfet de la Seine-Maritime dans son arrêté du 21 février 2022 et le délai raisonnablement prévisible de mise en conformité de la station d'épuration.
La commune de Doudeville, représentée par Me Isabelle Enard Bazire, a présenté le 21 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 17 octobre 2024.
Le préfet de la Seine-Maritime a présenté le 22 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 17 octobre 2024.
La SEML Séminor, représentée par Me Benoît Le Velly, a présenté le 23 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 17 octobre 2024.
II - Par une requête enregistrée le 22 janvier 2024, sous le n° 24DA00125, et un mémoire de production de pièces enregistré le 30 août 2024, la société d'économie mixte locale (SEML) Séminor, représentée par Me Benoît Le Velly, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et de fixer un délai dans lequel la commune de Doudeville devra délivrer un permis de construire modificatif pour régulariser les éventuelles irrégularités du permis de construire initial ou de prononcer, en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, l'annulation partielle de la décision attaquée ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat ou, à défaut, de la commune de Doudeville, la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi que le projet induirait une atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique au sens des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause, l'indisponibilité du réseau public d'assainissement devrait nécessairement conduire à une annulation partielle ou à une régularisation du projet par une prescription spéciale de mise en place d'un système d'assainissement non collectif ; la SEML Séminor a établi la faisabilité d'un dispositif d'assainissement non collectif temporaire couplé à un branchement au réseau collectif qui sera mis en œuvre à l'achèvement des travaux de mise en conformité de la station d'épuration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun permis tacite n'est intervenu, faute de transmission de l'ensemble des pièces manquantes sollicitées par la commune de Doudeville ; l'éventuel permis tacite intervenu le 7 mai 2022 est irrégulier ainsi qu'il l'a démontré dans son déféré enregistré devant le tribunal ;
- l'arrêté préfectoral du 21 février 2022 étant devenu définitif ne peut plus être contesté par la voie de l'exception d'illégalité ; il est en tout état de cause fondé et de nature à justifier, en application des articles R. 111-2 et L. 421-6 du code de l'urbanisme, le refus du permis de construire sollicité par la SEML Séminor ;
- les moyens soulevés par la commune de Doudeville pour confirmer la légalité des permis accordés à la SEML Séminor ne sont pas fondés ;
- les permis ne peuvent pas être régularisés par la mise en place d'un système d'assainissement autonome prohibé par l'article Ucfh12 du règlement du PLU de Doudeville, par l'article L.1331-1 du code de la santé publique, par l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales et par l'article 48 du règlement départemental de la Seine-Maritime ; le projet porté par la SEML Séminor n'entre pas dans un cas d'exonération au raccordement à un réseau public d'assainissement ; le maire n'a pas satisfait aux conditions posées par l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme.
La requête a été communiquée à la commune de Doudeville qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 16 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2024.
Par une lettre du 2 octobre 2024 et en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour a invité les parties à présenter, avant le 7 octobre 2024, leurs observations sur l'éventuelle régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
La SEML Séminor, représentée par Me Benoît Le Velly, a présenté le 7 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 2 octobre 2024.
Le préfet de la Seine-Maritime a présenté le 10 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 2 octobre 2024.
Par une lettre du 9 octobre 2024 et en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à préciser si au 20 mai 2022, le terrain d'assiette du projet était situé dans une zone d'assainissement collectif au regard du zonage défini par la commune en application de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales et ce qu'il en est en octobre 2024.
Le préfet de la Seine-Maritime a présenté le 14 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 9 octobre 2024.
Par une lettre du 17 octobre 2024 et en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité les parties à préciser l'état d'avancement des travaux prescrits par le préfet de la Seine-Maritime dans son arrêté du 21 février 2022 et le délai raisonnablement prévisible de mise en conformité de la station d'épuration.
Le préfet de la Seine-Maritime a présenté le 22 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 17 octobre 2024.
La SEML Séminor, représentée par Me Benoît Le Velly, a présenté le 23 octobre 2024 un mémoire d'observations en réponse à la lettre du 17 octobre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son protocole additionnel ;
- la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté ministériel du 21 juillet 2015 relatif au système d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2kg/j de DBO5 ;
- l'arrêté du 23 décembre 2015 du préfet de la Seine-Maritime imposant des prescriptions spécifiques à déclaration pour l'exploitation du système épuratoire de l'agglomération d'assainissement de Doudeville pris au bénéfice du syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement du Caux central et du syndicat intercommunal d'alimentation d'eau potable et d'assainissement de la région de Doudeville ;
- l'arrêté du 21 février 2022 du préfet de la Seine-Maritime mettant en demeure au titre de l'article L. 171-8 du code de l'environnement le syndicat mixte d'eau et d'assainissement du Caux central de respecter les prescriptions relatives à l'exploitation du système d'assainissement des eaux usées de Doudeville ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Hélène Colliou, représentant la commune de Doudeville, et de Me Benoît Le Velly représentant la SEML Séminor.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande du 15 octobre 2021, complétée les 7 février et 12 avril 2022, la société d'économie mixte locale (SEML) Séminor a sollicité la délivrance d'un permis de construire 35 logements, soit 19 logements individuels et 16 logements collectifs, sur des parcelles cadastrées AB 170, AB 171, AB 172, AB 173, AB 174, AB 1289 et AB 1292, situées au 18 rue Henri Delanos sur le territoire de la commune de Doudeville (Seine-Maritime) et classées en zone Uf du plan communal d'urbanisme (PLU) de Doudeville. Par un arrêté du 20 mai 2022, le maire de Doudeville lui a délivré, au nom de la commune, le permis de construire sollicité. Par une lettre du 2 juin 2022, reçue le 8 juin 2022, le préfet de la Seine-Maritime a demandé, en vain, au maire de Doudeville de retirer cet arrêté. A la demande du préfet de la Seine-Maritime, le tribunal administratif de Rouen a annulé ce permis ainsi que le permis tacite intervenu le 7 mai 2022, par un jugement n° 2203584 du 23 novembre 2023, dont la commune de Doudeville et la SEML Séminor demandent l'annulation par des appels croisés.
Sur la fin de non-recevoir opposée au déféré préfectoral par la commune de Doudeville :
En ce qui concerne l'intervention d'un permis tacite le 7 mai 2022 :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) ; / b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle (...), ou ses annexes ; / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". L'article R. 424-1 du même code prévoit qu'à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-4 du même code : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 ; / c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1 ; / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". En outre, aux termes de l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées (...), l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier en mairie, adresse au demandeur (...) une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Enfin, aux termes de l'article R.423-29 de ce code : " (...) b) (...) à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans [le] délai [imparti], la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction des demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir, naît un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle.
5. Il ressort des pièces du dossier qu'après le dépôt par la SEML Séminor, le 15 octobre 2021, de sa demande de permis de construire, la commune de Doudeville lui a notifié un délai d'instruction de trois mois, avant de solliciter, le 9 novembre 2021, des informations et des pièces complémentaires, à produire dans un délai maximum de trois mois. Les pièces complémentaires exigibles ayant été transmises par la SEML Séminor le 7 février 2022, soit dans le délai imparti à la société pétitionnaire, le dossier de permis est réputé complet à cette date et le délai d'instruction du permis de construire a commencé à courir à nouveau à compter de cette date. Les autres pièces ne correspondant pas aux pièces exigibles en vertu de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme, leur absence de production ou leur production ultérieure - à l'instar des plans d'alignement des panneaux solaires par rapport aux baies de la façade, le 12 avril 2022 - est sans incidence sur le délai d'instruction. Le préfet n'est donc pas fondé à invoquer l'existence d'une décision tacite de rejet à défaut de production de l'ensemble de pièces manquantes dans le délai imparti. Il s'ensuit que la SEML Séminor était titulaire, à l'issue de l'expiration du délai d'instruction de trois mois courant à compter du 7 février 2022, d'un permis de construire tacite, intervenu le 7 mai 2022.
En ce qui concerne les actes déférés par le préfet de la Seine-Maritime :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme : " Le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis. ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'État dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Aux termes de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt. (...) ".
8. S'il résulte des dispositions de l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme qu'un permis de construire tacite est exécutoire dès qu'il est acquis, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'il a été transmis au représentant de l'Etat, les dispositions de cet article ne dérogent pas à celles de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, en vertu desquelles le préfet défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. Figurent au nombre de ces actes les permis de construire tacites. Une commune doit être réputée avoir satisfait à l'obligation de transmission, dans le cas d'un permis de construire tacite, si elle a transmis au préfet l'entier dossier de demande, en application de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme. Le délai du déféré court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l'hypothèse où la commune ne satisfait à l'obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. Lorsque, en application de l'article R. 423-38 du même code, la commune invite le pétitionnaire à compléter son dossier de demande, la transmission au préfet de l'entier dossier implique que la commune lui transmette les pièces complémentaires éventuellement reçues en réponse à cette invitation.
9. Il ressort des pièces du dossier que, dans son déféré initial, le préfet de la Seine-Maritime n'a demandé que l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2022 portant octroi exprès du permis sollicité par la SEML Séminor, sans solliciter l'annulation du permis tacite du 7 mai 2022. Toutefois, s'il a produit, à l'appui de son déféré, un extrait de la demande de permis de construire déposée par la SEML Seminor, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de Doudeville lui ait transmis ce dossier, y compris les pièces complémentaires exigibles, dans la semaine suivant leur dépôt, en application de l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme. Ainsi, à la date d'enregistrement de son déféré préfectoral, le 6 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime ne pouvait diriger ses conclusions à fin d'annulation que contre l'arrêté du 20 mai 2022 qui lui avait été transmis le 30 mai 2022.
10. Toutefois, le préfet de la Seine-Maritime a acquis connaissance du permis tacite intervenu le 7 mai 2022 par la communication du mémoire en défense enregistré par la commune de Doudeville le 3 février 2023. Il a, en conséquence, régulièrement ajouté, à titre subsidiaire, des conclusions à fin d'annulation dirigées contre ce permis tacite dans son mémoire en réplique enregistré le 10 mars 2023, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois posé par l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne la nature décisoire du permis intervenu le 20 mai 2022 :
11. Il ressort des pièces du dossier que le permis exprès accordé le 20 mai 2022 par le maire de Doudeville concerne le même projet que celui ayant donné lieu à un permis tacite le 7 mai 2022. Pour autant, l'arrêté du 20 mai 2022 ne constitue pas une décision confirmative du permis tacite dès lors, d'une part, qu'il n'a pas le même objet puisqu'il est assorti de prescriptions spéciales et procède ainsi implicitement mais nécessairement au retrait du permis tacitement accordé sans prescriptions, d'autre part, que le permis implicite du 7 mai 2022 ne revêtait pas à l'égard du préfet un caractère définitif le 6 septembre 222, date à la date à laquelle il a contesté l'arrêté du 20 mai 2022, dont le délai de recours a d'ailleurs été prolongé par son recours gracieux reçu par la commune de Doudeville le 8 juin 2022.
12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Doudeville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a écarté sa fin de non-recevoir et admis la recevabilité du déféré préfectoral.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par le tribunal :
13. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
14. Lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière.
15. Il y a lieu, en l'occurrence, comme l'a fait le tribunal administratif de Rouen, de se prononcer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 20 mai 2022 qui retire implicitement le permis tacite du 7 mai 2022 et, en cas d'annulation de l'arrêté du 20 mai 2022, de se prononcer sur le permis tacite du 7 mai 2022 qui sera rétabli dans l'ordonnancement juridique.
16. Pour annuler les permis du 7 mai 2022 et du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a considéré qu'ils étaient entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
17. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
18. Lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
19. Les trois premiers alinéas du point 1 de l'article 3 de la directive du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires prévoient que les Etats membres de l'Union européenne veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires à différentes dates selon la situation de l'agglomération concernée. Ces dispositions sont transposées à l'article R. 2224-10 du code général des collectivités territoriales, dont le premier alinéa dispose que : " Les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans une agglomération d'assainissement dont les populations et les activités économiques produisent des eaux usées dont la charge brute de pollution organique est supérieure à 120 kg par jour doivent être équipées, pour la partie concernée de leur territoire, d'un système de collecte des eaux usées. ".
20. Les exigences minimales fixées par la directive précitée sont complétées au niveau national par l'arrêté interministériel du 21 juillet 2015 relatif au système d'assainissement collectif et aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2kg/j de DBO5, qui détermine les obligations à respecter en termes de surveillance, de performance et de niveau d'équipement, ainsi que les prescriptions propres à chaque acte administratif réglementant la surveillance et le rejet des installations de collecte et de traitement.
21. L'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 23 décembre 2015 portant prescriptions spécifiques à déclaration pour l'exploitation du système épuratoire de l'agglomération d'assainissement de Doudeville pris au bénéfice du syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement du Caux central et du syndicat intercommunal d'alimentation d'eau potable et d'assainissement de la région de Doudeville décline ces exigences et obligations au niveau local et précise, en son article 1er, que le syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement du Caux central (SMEACC) est maître d'ouvrage de la station de traitement qui a une capacité de 3 700 équivalent habitants (EH) et qui dessert la commune de Doudeville, et, en son article 3, que le système de collecte est de type unitaire. Il relève en outre que " le dégrilleur manuel (...) situé en amont du déversoir d'orage du système de collecte (...) colmate de manière récurrente, entraînant des déversements dans le milieux naturel et des problèmes sanitaires sur le réseau, qu'il convient donc de le remplacer ", que " les rejets de la station s'effectuent dans une zone d'infiltration d'une surface totale de 10 000 m2 " qui " est saturée, notamment en période pluvieuse ", que " le rejet de cette zone d'infiltration s'effectue dans un fossé puis dans une bétoire potentiellement connectée à la source du château de Cany-Barville " et que " des débordements de la zone d'infiltration sont observés dans la prairie saturée contiguë à la zone d'infiltration, susceptibles de présenter des risques sanitaires pour le bétail ".
Quant au permis exprès du 20 mai 2022 :
22. Il ressort des pièces du dossier que le projet envisagé est situé sur le territoire de la commune de Doudeville qui dispose d'une station de traitement des eaux usées. Il ressort du dossier de demande de permis de construire, et notamment du plan de masse RDC/réseaux et de l'arrêté du 20 mai 2022 que celui-ci autorise le raccordement des 35 logements envisagés par la SEML Séminor au réseau public d'assainissement qui alimente la station d'épuration de Doudeville.
23. En premier lieu, les appelantes font valoir que la station d'épuration de Doudeville ne déverse plus d'eaux usées dans le milieu depuis le remplacement du dégrilleur fin 2019, qu'elle est conforme par temps sec et que la seule surcharge hydraulique par temps de pluie n'a pas été quantifiée par la préfecture.
24. Toutefois, les données nationales, collectées par les services de police de l'eau et rendues disponibles via le portail d'information publique sur l'assainissement collectif du ministère de la transition écologique, indiquent qu'en 2022 la station d'épuration ne répondait pas aux critères de conformité en termes de performance. En particulier, elle n'était pas conforme entre 2017 et 2022 au regard de deux paramètres permettant de mesurer la capacité et la qualité du traitement des eaux usées, à savoir la DBO5 (Demande Biochimique en Oxygène pendant 5 jours) et la DCO (demande chimique en oxygène), à l'exception de l'année 2021 pour cette dernière. En outre, le préfet se prévaut du bilan annuel établi par le SMEACC sur le système d'assainissement de Doudeville (système de collecte et système de traitement) de l'année 2023, qui, bien que postérieur aux permis attaqués, révèle une situation qui leur est antérieure. Ce bilan met en évidence qu'en 2020 et 2021, le nombre de jours pendant lesquels des effluents étaient déversés dans le milieu naturel était de l'ordre de 100 par an et qu'entre ces deux années, le volume de ces effluents a doublé. Il se déduit de ces non-conformités qu'à la date du permis attaqué, la station d'épuration de Doudeville ne pouvait recevoir des effluents supplémentaires en provenance de nouvelles constructions - même limitées à 120 EH supplémentaires d'après les allégations non contestées de la SEML Séminor. Le maire de Doudeville ne pouvait donc autoriser le raccordement du projet au réseau public d'assainissement alors que la station d'épuration n'était pas conforme.
25. En second lieu, les appelantes font valoir qu'à supposer avéré le risque pour la salubrité publique résultant du raccordement du projet au réseau public d'assainissement et à la station d'épuration, le permis pouvait être accordé et assorti d'une prescription spéciale tenant à la mise en place d'un système d'assainissement individuel, conformément à la faculté ouverte par l'article Ucfh12 du règlement du PLU de Doudeville et rappelée par le SMEACC dans son avis du 4 avril 2022 sur le projet.
26. D'une part, aux termes de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique : " Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques (...) est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. / Un arrêté interministériel détermine les catégories d'immeubles pour lesquelles un arrêté du maire, approuvé par le représentant de l'État dans le département, peut accorder soit des prolongations de délais qui ne peuvent excéder une durée de dix ans, soit des exonérations de l'obligation prévue au premier alinéa ". Aux termes de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales : " Les communes ou leurs établissements publics de coopération délimitent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement :/1° Les zones d'assainissement collectif où elles sont tenues d'assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l'épuration et le rejet ou la réutilisation de l'ensemble des eaux collectées ;(...) ".
27. D'autre part, le règlement sanitaire de la Seine-Maritime autorise, en son article 48, des dispositifs d'assainissement " autonomes ", autrement dit individuels, lorsque les eaux usées domestiques sont issues de " locaux d'habitation ou assimilés non desservis par un réseau public d'assainissement ".
28. Enfin, aux termes de l'article Ucfh12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Doudeville : " (...) II. Assainissement des eaux usées : / 12.2. Toute construction nécessitant un assainissement doit être raccordée au réseau public d'assainissement par des canalisations souterraines étanches. / 12.3. A défaut de réseau public, un dispositif d'assainissement individuel, conformément à la réglementation en vigueur est admis (cf. articles 48, 49 et 50 du Règlement Sanitaire Départemental). Il doit être conçu de façon à pouvoir être mis hors circuit et la construction directement raccordée au réseau, quand celui-ci sera réalisé ". Le rapport de présentation de ce PLU précise dans son tome 2, à l'article IV.11.10 que : " Pour des raisons de bon fonctionnement des équipements sanitaires et de bonne gestion des eaux pluviales, [l'article 12] prévoit également, lorsque le réseau public d'assainissement existe, que le branchement est obligatoire. (...) / Lorsque le réseau d'assainissement public n'existe pas, l'assainissement individuel, respectant la réglementation en vigueur, est obligatoire. Lorsque le réseau d'assainissement n'existe pas encore, mais qu'il est prévu, la conception du système d'assainissement individuel doit permettre le branchement ultérieur sur le réseau collectif, pour les raisons énoncées ci-avant. ". Il se déduit des dispositions précitées de l'article Ucfh12 du règlement du PLU de Doudeville, éclairées par le rapport de présentation de ce document, qu'une construction ne peut bénéficier d'un dispositif d'assainissement individuel que dans le cas où il n'existe pas de réseau public d'assainissement au droit de la parcelle d'assiette du projet, même s'il est prévu.
29. En l'espèce, par un avis du 4 avril 2022, le président du SMEACC a indiqué que la parcelle AB 172, principale parcelle d'assiette du projet, n'était pas desservie par le réseau d'assainissement collectif et que la construction d'une maison individuelle d'habitation était possible si elle était équipée d'un système d'assainissement non collectif conforme aux normes en vigueur, à charge pour le propriétaire, si l'habitation venait à être ultérieurement desservie par un réseau d'assainissement collectif de s'y raccorder.
30. L'article Ucfh12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Doudeville n'autorise l'assainissement individuel qu'à défaut de réseau collectif comme indiqué au point 28. Cependant en l'espèce, eu égard à la saturation de la station d'épuration mentionnée au point 24, le réseau d'assainissement collectif ne peut être regardé comme " existant " au sens de cet article Ucfh12. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le comité syndical du SMEACC a adopté, dans une délibération du 1er juin 2023, un programme de travaux de réfection du réseau collectif d'assainissement en quatre phases, dont les trois premières sont prévues durant l'année 2024/2025. Les travaux, chiffrés à la somme totale de 1 440 240 euros, doivent être présentés le 7 novembre 2024 au conseil municipal de Doudeville et le lancement de la procédure de commande publique est prévue à la fin de l'année 2024. Si le préfet de Seine-Maritime relève que la mise en conformité ne pourra pas être finalisée " avant 2025 " et que la quatrième phase reste à définir, il ne remet pas en cause le calendrier retenu par le syndicat, ni sa volonté de réaliser les travaux. La mise en conformité de la station d'épuration et l'effectivité d'une collecte des eaux usées provenant du terrain d'assiette sont donc prévues à terme ce qui pourrait permettre à la commune de satisfaire, dans un délai raisonnable, à l'obligation qui lui incombe dans cette zone d'assainissement collectif, d'assurer la collecte des eaux usées domestiques conformément aux exigences de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique et de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités territoriales.
31. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, si le maire de Doudeville ne pouvait pas autoriser le raccordement du projet au réseau public d'assainissement alors que la station d'épuration n'était pas conforme, il aurait dû assortir son autorisation de construire le projet d'une prescription spéciale tenant à la prévision d'un système d'assainissement individuel réversible pouvant être raccordé sur le réseau d'assainissement collectif, une fois corrigées les non-conformités de la station d'épuration de Doudeville.
32. Si l'arrêté du 20 mai 2022 invite, en nota bene, la SEML Séminor à prendre connaissance de l'avis du SMEACC du 4 avril 2022, il ne comporte pas de prescription expresse tenant à l'installation d'un dispositif d'assainissement individuel dans l'attente du raccordement du projet au réseau public d'assainissement après la mise en conformité de la station d'épuration. Dès lors, en autorisant le raccordement des 35 logements envisagés par la SEML Séminor au réseau public d'assainissement qui alimente la station d'épuration de Doudeville dont les performances ne sont pas conformes à la réglementation, sans imposer une prescription spéciale relative à l'installation d'un dispositif d'assainissement individuel jusqu'à leur raccordement au réseau public d'assainissement une fois la station d'épuration mise en conformité, le maire de Doudeville a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
33. Par suite, la commune de Doudeville et la SEML Séminor ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a considéré que l'arrêté du 20 mai 2022 était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Quant au permis tacite du 7 mai 2022 :
34. Il résulte de ce qui a été dit au point que 5 que la SEML Séminor était titulaire d'un permis de construire tacite, intervenu le 7 mai 2022. Par nature, ce permis tacite n'est assorti d'aucune prescription spéciale. Or, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, ce permis tacite est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
35. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a considéré que le permis tacite du 7 mai 2022 était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
S'agissant de l'absence de mise en œuvre d'une mesure de régularisation :
36. Les appelantes font valoir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a considéré que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'était pas susceptible de régularisation.
37. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 de ce code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
38. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
39. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le 30 mars 2023, la SEML Séminor a produit une étude d'assainissement non collectif des eaux usées réalisée en juillet 2022 par un bureau d'études spécialisé qui a conclu à la faisabilité technique de la création d'une microstation d'une capacité de 120 EH, associée à un poste de refoulement et à un massif drainant sous voirie. La note du 22 mars 2023 de l'architecte du projet et le plan de masse RDC/réseaux qui l'accompagne confirment qu'il est techniquement possible, sans changer le reste du projet, de prévoir sur le terrain d'assiette du projet un dispositif d'assainissement individuel, tout en réservant le raccordement à l'assainissement collectif de la commune.
40. D'autre part, la mise en conformité de la station d'épuration et le raccordement des constructions projetées au réseau d'assainissement collectif apparaissent juridiquement envisageables dans un délai raisonnable, compte tenu des engagements pris par le maire de Doudeville et le SMEACC, dont il a été fait état au point 30.
41. Par suite, en l'état de l'instruction, le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme apparaît susceptible de régularisation, notamment par la délivrance d'un arrêté portant permis de construire modificatif qui devra être assorti de la prescription que le projet soit doté d'un dispositif d'assainissement individuel réversible, jusqu'à la mise en conformité de la station d'épuration de Doudeville et à la réalisation des travaux de raccordement du projet au réseau public d'assainissement. Cette régularisation n'implique pas d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. A l'initiative de la cour, les parties ont présenté leurs observations sur cette question. Il y a donc lieu, en l'espèce d'impartir à la SEML Séminor un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, aux fins d'obtenir la régularisation des permis du 7 mai et du 20 mai 2022 et, en attendant, de surseoir à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, soulevé par le préfet de la Seine-Maritime à l'encontre de ces deux arrêtés.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité des arrêtés du 7 mai et du 20 mai 2022, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, dans lequel la régularisation de ce permis doit être notifiée à la cour par la commune de Doudeville et la SEML Séminor.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin des instances d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Doudeville, à la SEML Séminor et au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA00114, 24DA00125 2