Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 16 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le Maroc comme pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2310134 du 19 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 février 2024, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... demandant l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Il soutient que sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 612-6 à L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2024, M. A... représenté par Me Danset-Vergoten conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à verser la somme de 1 500 euros à son conseil au titre des frais engagés pour l'instance et non compris dans les dépens, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- il est présent en France depuis 2012 ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sa situation n'a pas été sérieusement examinée.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 novembre 2023, le préfet du Nord a obligé M. A..., ressortissant marocain né le 14 janvier 1988, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays d'éloignement et lui a interdit de revenir en France pendant une durée de deux ans. Par un jugement du 19 janvier 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en tant qu'il interdisait à M. A... de revenir sur le territoire pendant une durée de deux ans. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement dans cette mesure.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français " et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., célibataire sans enfant à charge, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2013. Il ne justifie toutefois pas d'une résidence habituelle en France entre 2013 et 2018 par la production d'avis d'imposition ne mentionnant aucun revenu, d'admissions à l'aide médicale mais avec un seul acte médical en 2013, puis en 2014, puis en 2016 et par des attestations non circonstanciées de fréquentation de structures d'urgences. Sa résidence habituelle en France peut être tenue pour établie à compter de 2019 année durant laquelle il a réalisé des prestations de nettoyage, Il produit un contrat de travail à durée indéterminé conclu à compter du 6 septembre 2021. Toutefois, M. A... n'a, à aucun moment, tenté de régulariser sa situation administrative. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de 25 ans. S'il fait état de la présence en France de ses deux sœurs, l'une à Narbonne, l'autre dans les Alpes maritimes, il n'entretient toutefois avec elles que des échanges téléphoniques. Enfin, les relations qu'il s'est faites au sein d'associations ou dans le cadre de son travail sans autorisation, ne constituent pas des circonstances humanitaires de nature à entacher d'illégalité la décision interdisant le retour sur le territoire français de M. A... pour une durée de deux ans. Dans ces conditions, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge de première instance a retenu la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et annulé l'arrêté en date du 16 novembre 2023 en ce qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français :
5. Alors que M. A... ne développe pas d'argumentation nouvelle sur ce point en cause d'appel, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, les moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français et tirés de l'insuffisance de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français, du défaut d'examen, de la méconnaissance du droit de M. A... à être entendu, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne les autres moyens :
6. En premier lieu, pour interdire à M. A... de revenir sur le territoire français pendant un délai de deux ans, le préfet du Nord, qui a visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris en compte les conditions du séjour en France de l'intéressé, la durée de sa présence sur le territoire français, la circonstance qu'il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait et que sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public. Le préfet a ainsi suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des motifs de l'arrêté en litige que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation de l'appelant avant de prendre la décision en cause. Ce moyen doit également être écarté.
7. Pour les motifs mentionnés au point 3, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision contestée sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé à l'article 2 de son jugement l'interdiction de retour en France pour une durée de deux ans.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 19 janvier 2024 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A... dirigées contre l'interdiction de retour en France présentées devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... A... et à Me Danset-Vergoten.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 31 octobre 2024à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Vincent Thulard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre
Présidente-rapporteur,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°24DA00382 2