Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie du faubourg des postes a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 août 2020 par lequel le ministre des solidarités et de la santé a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de la SELARL Pharmacie Galler du 463 rue Léon Gambetta à Lille vers un local situé dans le centre commercial Lillénium (cellules A13 en partie, A 14 et A 15) au 192 rue Geneviève Anthonioz De Gaulle à Lille.
Par un jugement n° 2006933 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à la société Pharmacie Galler d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril 2023 et 13 novembre 2023, la société Pharmacie du Faubourg des postes, représentée par Me Wilinski, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé en date du 4 août 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir en appel contre le jugement attaqué qui lui fait grief dès lors qu'il rejette la demande dont elle a saisi le tribunal administratif en première instance ; en outre, elle a intérêt à agir contre l'arrêté du 4 août 2020 en sa qualité d'exploitante d'une pharmacie située dans le même quartier que celui dans lequel le transfert est autorisé ;
- le jugement du 10 février 2023 du tribunal administratif de Lille est irrégulier dès lors que la clôture de l'instruction est intervenue dix mois avant l'audience et que, dans ce délai, le tribunal a enregistré un nouveau mémoire de la société Pharmacie Galler, le 12 janvier 2023, qu'il ne lui a pas communiqué ;
- il est également irrégulier dès lors qu'il ne répond pas à toutes les branches de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique au soutien duquel elle avait notamment fait valoir que le caractère optimal de la desserte médicamenteuse doit être analysé à l'aune de la capacité de desserte en médicaments des pharmacies déjà implantées et que le quartier A... est en l'occurrence déjà couvert dans son intégralité ;
- l'arrêté du 4 août 2020 du ministre des solidarités et de la santé est entaché d'erreur d'appréciation dès lors qu'il retient que le quartier d'accueil de l'officine dont le transfert est sollicité s'étend au quartier dit " A... " alors que le quartier d'implantation aurait dû être défini en référence aux seules zones correspondant aux îlots regroupés pour l'information statistique (IRIS) Faubourg des postes A, Faubourg des postes B et Giraudoux ;
- il est également entaché d'erreur d'appréciation au motif que l'évolution démographique du quartier retenu a été surestimée ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique ; d'une part, le transfert autorisé n'est pas de nature à assurer une desserte optimale en médicaments dès lors que les officines déjà implantées ou desservant le quartier sont en mesure de satisfaire tant les besoins de la population actuelle que ceux de la population supplémentaire susceptible d'être réellement accueillie à l'avenir dans le cadre des programmes de construction en cours ; d'autre part, le ministre a seulement tenu compte des effets du transfert sollicité sur la population du quartier Wazemmes alors que la pharmacie Galler, implantée en lisière des quartiers Wazemmes et Vauban-Esquermes, desservait aussi une partie de la population de ce quartier, qui connaît une sous-densité officinale ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique dès lors que le seuil de 4 500 habitants fixé par ces dispositions, permettant l'ouverture par voie de transfert d'une officine supplémentaire, n'est pas atteint à l'échelle du quartier d'implantation ;
- il est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser une somme de 1 500 euros à la société Pharmacie Galler qui avait seulement la qualité d'observatrice en première instance et dont les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'étaient, dès lors, pas recevables.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juin 2023 et 16 février 2024, la société Pharmacie Galler, représentée par Me Varga, conclut au rejet de la requête d'appel de la société Pharmacie du faubourg des postes et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable faute, pour la société Pharmacie du faubourg des postes, de justifier d'un intérêt à agir contre l'arrêté du 4 août 2020 ;
- le mémoire qu'elle a déposé le 12 janvier 2023, s'il est visé dans le jugement attaqué, n'a pas été pris en compte par le tribunal administratif de Lille en raison de l'intervention préalable de la clôture de l'instruction ; le principe du contradictoire a donc été respecté et le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour ce motif ;
- le moyen sur lequel le tribunal administratif de Lille n'aurait pas statué selon la société Pharmacie du faubourg des postes a été explicitement écarté au point 8 du jugement attaqué ; ce jugement n'est, dès lors, pas irrégulier pour ce motif ;
- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête d'appel de la société Pharmacie du faubourg des postes.
Elle soutient que :
- le mémoire déposé par la société Pharmacie Galler le 12 janvier 2023 ne contient l'exposé d'aucune circonstance de fait dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ou dont l'omission aurait conduit le tribunal à se fonder sur des faits matériellement inexacts ; il a, comme il se doit, été visé par le jugement, sans que celui-ci en tienne pour autant compte ; le jugement attaqué n'est, dès lors, pas irrégulier pour ce motif ;
- le tribunal a correctement analysé les moyens dont il était saisi et a explicitement répondu à chacun d'eux ; le jugement attaqué n'est, dès lors, pas davantage irrégulier pour ce motif ;
- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Varga, représentant la société Pharmacie Galler.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande présentée auprès de l'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France le 26 juillet 2018, considérée complète le 9 octobre 2019, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie Galler a sollicité l'autorisation de transférer l'officine de pharmacie qu'elle exploite au 463 de la rue Léon Gambetta à Lille vers un local situé dans le centre commercial Lillénium (cellules A13 en partie, A 14 et A 15), 192 rue Geneviève Anthonioz De Gaulle à Lille. Par un arrêté du 7 février 2020, le directeur général de l'ARS Hauts-de-France a refusé de faire droit à sa demande. Par un courrier daté du 6 mars 2020, la société Pharmacie Galler a présenté un recours hiérarchique auprès du ministre des solidarités et de la santé. Par un arrêté du 4 août 2020, le ministre des solidarités et de la santé a prononcé le retrait de l'arrêté du 7 février 2020 du directeur général de l'ARS Hauts-de-France et a délivré à la société Pharmacie Galler l'autorisation de transfert sollicitée. La SELARL Pharmacie du faubourg des postes, qui exploite la pharmacie de l'Estrée située au 54 de la rue du faubourg des postes à Lille, relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2020 du ministre des solidarités et de la santé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, le greffe du tribunal administratif de Lille a, par un courrier du 3 décembre 2021, informé les parties à l'instance, qui avaient déjà toutes produit des mémoires, d'une part, de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et, d'autre part, que l'instruction était susceptible d'être close à compter du 4 mars 2022, avec effet immédiat, par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience. La clôture de l'instruction a ensuite été décidée par une ordonnance de clôture prise postérieurement à la date ainsi notifiée aux parties, le 7 mars 2022, par la magistrate rapporteure. La circonstance que l'affaire n'ait été appelée à l'audience que dix mois plus tard, le 19 janvier 2023, n'entache pas par-elle-même d'irrégularité la procédure suivie devant le tribunal. Par ailleurs, si la société Pharmacie Galler a déposé le 12 janvier 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, un dernier mémoire en défense, dont le tribunal a pris connaissance et qu'il a visé dans le jugement attaqué ainsi qu'il était tenu de le faire, il ne ressort en revanche pas de l'instruction que ce mémoire contenait l'exposé d'une circonstance de fait ou un élément de droit dont la société Pharmacie Galler n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le sens du jugement à intervenir. Le tribunal n'était, dès lors, pas tenu de rouvrir l'instruction et de communiquer ce mémoire. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il se serait fondé sur des éléments contenus dans ce mémoire. Il s'ensuit que c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal a pu clôturer l'instruction dès le 7 mars 2022 et s'abstenir de communiquer le dernier mémoire en défense produit par la société Pharmacie Galler postérieurement à cette date, le 12 janvier 2023. Le moyen d'irrégularité soulevé en ce sens par la société Pharmacie du faubourg des postes doit, dès lors, être écarté.
3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, la société Pharmacie du faubourg des postes a soutenu devant le tribunal administratif de Lille, d'une part, que le transfert projeté par la société Pharmacie Galler était de nature à compromettre l'approvisionnement en médicaments de la population résidant non seulement dans le quartier d'origine mais également dans le quartier voisin sur lequel sa zone de chalandise s'étendait et, d'autre part, qu'il n'était pas de nature à permettre une desserte optimale du quartier d'accueil dès lors que les besoins de la population y résidant sont déjà couverts par les pharmacies existantes, que celles-ci soient implantées dans le quartier considéré ou à proximité immédiate de celui-ci. Bien qu'il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par la société Pharmacie du faubourg des postes, le tribunal a statué sur les deux branches de son moyen aux points 7 et 8 du jugement attaqué. En particulier, contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, le tribunal, pour écarter la branche relative au caractère optimal de la desserte en médicaments du quartier d'accueil, a pris en compte les quatre pharmacies préexistantes implantées dans ce quartier et a justifié pourquoi les deux autres pharmacies invoquées, situées en dehors du quartier, ne devaient, selon lui, pas être prises en compte. Ce faisant, le jugement attaqué doit être regardé comme ayant régulièrement statué sur l'ensemble des moyens dont le tribunal administratif de Lille était saisi, et ce par des motifs suffisants. Le moyen d'irrégularité soulevé en ce sens par la société Pharmacie du faubourg des postes doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 5125-18 du code de la santé publique : " Toute création d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé selon les conditions prévues aux articles L. 5125-3, L. 5125-3-1, L. 5125-3-2, L. 5125-3-3, L. 5125-4 et L. 5125-5. / (...) / (...) La décision d'autorisation ou de refus de la demande est prise par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé ". Aux termes de l'article L. 5125-3 du même code : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-2 de ce code : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : / 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; / 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; / 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs ".
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. En dehors de l'obligation qui lui est faite par le second alinéa de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique de mentionner dans son arrêté le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier qu'il a pris en compte pour instruire la demande dont il est saisi, aucune disposition du code de la santé publique n'impose à l'autorité administrative d'assortir d'une motivation particulière l'arrêté par lequel elle autorise le transfert d'une officine de pharmacie. Par ailleurs, une telle décision, qui ne constitue pas une décision administrative individuelle défavorable pour son destinataire, n'est pas au nombre de celles qui doivent être obligatoirement motivées en application des dispositions citées au point précédent de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. A cet égard, contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, la circonstance que la loi soumette la délivrance d'une autorisation de transfert à des conditions particulières ne suffit pas à regarder cette décision comme une autorisation " soumise à des conditions restrictives ou imposant des sujétions " au sens du 3° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort en outre des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle fait intégralement droit à la demande présentée par la société Pharmacie Galler sans assortir l'autorisation délivrée d'aucune restriction ou condition particulière dont le respect serait rendu obligatoire au stade de son exécution. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté comme inopérant.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. / Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier ".
8. En l'espèce, l'arrêté attaqué autorise le transfert de l'officine de pharmacie exploitée par la société Pharmacie Galler, du 463 de la rue Léon Gambetta à Lille au 192 de la rue Geneviève Anthonioz De Gaulle à Lille, soit entre deux quartiers d'une même commune. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique, le ministre des solidarités et de la santé a délimité le quartier d'accueil projeté, au nord, par la voie ferrée allant de la gare Lille CHR à la gare Porte de Douai et, au sud, à l'est et à l'ouest, par les limites communales. Il ressort des pièces du dossier que cette voie ferrée et ces limites confèrent, de manière évidente, une unité au quartier d'accueil qu'elles délimitent, celui-ci comptant par ailleurs une population de 18 952 habitants, soit une taille pertinente pour l'examen des demandes d'autorisation de transfert d'officines de pharmacie. Ce même périmètre est au demeurant identifié comme une unité homogène par les pouvoirs publics locaux dans le cadre de la mise en œuvre de leurs politiques d'aménagement, sous la dénomination " A... ". Contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, le secteur du centre hospitalier régional situé à l'ouest du périmètre tel que délimité par le ministre n'est pas dépourvu de résidents permanents mais compte au contraire 808 habitants et ne saurait par suite constituer un quartier autonome au sens des dispositions précitées. De même, le cimetière Saint-Charles situé au sein du quartier délimité ne marque pas l'existence d'une limite, les secteurs Balzac-Lazarre Garreau et Croisette présentant une continuité géographique directe avec les autres ensembles constitutifs du quartier d'accueil. Par ailleurs, les îlots regroupés pour l'information statistique (IRIS), sur lesquelles s'appuie la société Pharmacie du faubourg des postes pour proposer un périmètre plus resserré, correspondant aux IRIS Faubourg des postes A, Faubourg des postes B et Giraudoux, constituent uniquement des unités de base pour le recueil des données statistiques par l'INSEE. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer aux zones qu'elles comprennent une unité géographique et humaine au sens des dispositions citées au point 7 de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. Par suite, le ministre des solidarités et de la santé n'a pas commis d'erreur d'appréciation en définissant les limites du quartier dans lequel la société Pharmacie Galler projette d'implanter son officine de pharmacie et en examinant sa demande d'autorisation sur cette base. Le moyen soulevé en ce sens par la société Pharmacie du faubourg des postes doit, dès lors, être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le quartier " A... " tel que délimité par le ministre des solidarités et de la santé dans l'arrêté attaqué, fait l'objet depuis plusieurs années de programmes d'aménagement et de restructuration urbaine de grande ampleur, qui s'accompagnent d'une augmentation de la population du quartier passée de 18 333 habitants en 2014 à 20 917 habitants en 2020. Dans deux attestations des 3 juillet 2019 et 20 février 2020, la commune de Lille fait ainsi état de pas moins de treize permis de construire délivrés dans ce quartier, qui permettront la création d'un total de 874 logements individuels ou collectifs. Contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise du 19 janvier 2021 qu'elle produit elle-même en appel, que la grande majorité de ces projets sont réalisés sur des dents creuses du tissu urbain ou sur des friches industrielles et qu'ils ne se limitent donc pas à reconstruire des logements existants. Les deux plus gros projets, autorisés par des permis de construire délivrés les 17 septembre 2018 et 5 décembre 2018, totalisent 323 logements et sont situés à moins de 300 mètres du lieu d'implantation projeté par la société Pharmacie Galler. A cet égard, il n'y a pas lieu d'écarter de l'analyse le projet de construction autorisé par le premier de ces permis de construire au motif qu'il s'agit d'une résidence pour personnes âgées dès lors que la société Pharmacie du faubourg des postes n'établit pas qu'elle comportera un service intégré de pharmacie et que les résidents n'auront pas la liberté de choisir leur pharmacie d'approvisionnement. Également, les circonstances tirées de ce que le ministre des solidarités et de la santé, pour quantifier l'augmentation de la population qui résultera de ces permis de construire, se soit fondé sur le taux moyen d'occupation d'un logement observé sur l'ensemble du territoire français plutôt que sur celui constaté dans la commune de Lille ou qu'il n'ait pas tenu compte d'un taux moyen de vacance de logements ne permettent pas d'établir qu'il a commis une erreur d'appréciation en estimant que la population du quartier allait connaître une augmentation substantielle, dans le prolongement de la tendance observée ces dernières années.
10. Il ressort également des pièces du dossier que les évolutions démographiques récentes et à intervenir observées dans le quartier " A... " n'ont jusqu'alors pas donné lieu à la modification du nombre des officines de pharmacie qui y sont implantées. Leur nombre s'établit à seulement quatre, sachant que, contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, les dispositions des articles L. 5125-3 et L. 5125-3-2 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie, ne permettent pas de tenir compte des officines de pharmacie qui seraient implantées dans des quartiers limitrophes mais dont les zones de chalandise s'étendraient au quartier considéré. Le projet de transfert de la société Pharmacie Galler permet ainsi d'implanter une cinquième officine au sein de ce quartier dont le nombre d'habitants est, ainsi qu'il vient d'être dit, en augmentation et de ramener la densité moyenne à un peu plus de 4 000 habitants par officine, soit un niveau restant très supérieur à la densité moyenne d'un peu moins de 3 000 habitants par officine constatée sur l'ensemble de la commune de Lille. Il s'ensuit que c'est sans erreur d'appréciation ni erreur de droit que le ministre des solidarités et de la santé a pu considérer que l'évolution démographique du quartier " A... " était avérée ou prévisible et que le projet de transfert de la société Pharmacie Galler était de nature à garantir l'approvisionnement de cette population supplémentaire et, par suite, qu'il a pu conclure que le projet permettra une desserte en médicaments optimale au sens des dispositions des articles L. 5125-3 et L. 5125-3-2 du code de la santé publique citées au point 4. Les moyens soulevés en ce sens par la société Pharmacie du faubourg des postes doivent, dès lors, être écartés.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté par la société Pharmacie du faubourg des postes, qu'une dizaine d'officines de pharmacie sont situées à moins d'un kilomètre du précédent lieu d'implantation de l'officine exploitée par la société Pharmacie Galler au sein du quartier Wazemmes. Il en résulte que le projet de transfert de son officine de pharmacie ne peut être regardé comme étant de nature à compromettre l'approvisionnement en médicaments de la population résidente de ce quartier. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, les dispositions de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de l'ordonnance précitée du 3 janvier 2018, n'imposent pas de tenir compte de l'incidence du projet de transfert sur l'approvisionnement en médicaments des populations résidentes des autres quartiers, fussent-ils limitrophes du quartier de départ. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le départ de l'officine de pharmacie exploitée par la société Pharmacie Galler aura pour effet de priver les habitants du quartier Vauban-Esquermes de l'accès à toute autre officine de pharmacie. Dès lors, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que le ministre des solidarités et de la santé a pu considérer que la condition posée au 1° de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique cité au point 4 était remplie. Les moyens soulevés en ce sens par la société Pharmacie du faubourg des postes doivent, dès lors, être écartés.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique : " I.- L'ouverture par voie de transfert ou de regroupement d'une officine dans une commune, ou dans une commune nouvelle définie à l'article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales ou dans les communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1 du présent code peut être autorisée lorsque le nombre d'habitants recensés est au moins égal à 2 500. / L'ouverture d'une officine supplémentaire peut être autorisée par voie de transfert ou de regroupement à raison d'une autorisation par tranche entière supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune, dans la commune nouvelle ou dans les communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1. / Lorsque la dernière officine présente dans une commune de moins de 2 500 habitants a cessé définitivement son activité et qu'elle desservait jusqu'alors une population au moins égale à 2 500 habitants, une nouvelle autorisation peut être délivrée pour l'installation d'une officine par voie de transfert ou de regroupement dans cette commune (...) ". Ces dispositions sont applicables aux projets de transfert ou de regroupement ayant pour effet d'augmenter le nombre total d'officines au sein de la commune considérée. Elles ne sont dès lors pas applicables au projet présenté par la société Pharmacie Galler qui tend seulement à transférer l'implantation de l'officine de pharmacie qu'elle exploite d'un quartier de la commune de Lille vers un autre quartier de la même commune, sans augmenter donc le nombre total d'officines constaté dans cette commune. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la société Pharmacie Galler, que la société Pharmacie du faubourg des postes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2020 du ministre des solidarités et de la santé.
Sur les frais liés au litige :
14. En premier lieu, en tant que bénéficiaire de l'autorisation de transfert délivrée par l'arrêté du 4 août 2020 du ministre des solidarités et de la santé dont l'annulation est demandée par la société Pharmacie du faubourg des postes, la société Pharmacie Galler doit être regardée comme ayant, en première instance comme en appel, la qualité de partie. Elle est, par suite, recevable à présenter des conclusions sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il en résulte, contrairement à ce que soutient la société Pharmacie du faubourg des postes, que c'est sans entacher le bien-fondé de leur jugement que les premiers juges ont pu faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la société Pharmacie Galler et mettre à la charge de la société Pharmacie du faubourg des postes le versement à cette dernière d'une somme de 1 500 euros. Les conclusions d'appel de la société Pharmacie du faubourg des postes tendant à l'annulation ou réformation du jugement sur ce point doivent, dès lors, être rejetées.
15. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Pharmacie du faubourg des postes demande au titre des frais exposés par elle dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre au même titre à la charge de celle-ci le versement à la société Pharmacie Galler d'une somme de 2 000 euros.
16. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la présente instance ait été à l'origine de dépens, de sorte que les conclusions de la société Pharmacie Galler tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la société Pharmacie du faubourg des postes doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie du faubourg des postes est rejetée.
Article 2 : La SELARL Pharmacie du faubourg des postes versera à la SELARL Pharmacie Galler une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SELARL Pharmacie Galler est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie du faubourg des postes, à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie Galler et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. ChevaldonnetLa greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA00596