Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2020 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de lui délivrer l'autorisation d'exploiter un ensemble de parcelles, situées sur le territoire de la commune d'Aulnoye-Aymeries (Nord), représentant une surface totale de 5 ha 51 a 33 ca.
Par un jugement n° 2008671 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a mis à sa charge le versement à M. A... D... d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Dormieu, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la région Hauts-de-France en date du 7 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer l'autorisation d'exploiter sollicitée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. D... la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le préfet de la région Hauts-de-France a commis une erreur dans l'appréciation des rangs de priorité définis par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord - Pas-de-Calais, sa demande relevant du rang de priorité n° 2 dès lors que la surface de son exploitation s'établirait à 74 ha 05 a après la reprise envisagée, son exploitation comportant par ailleurs deux unités de main d'œuvre (UMO), et alors que la situation de M. D... relève du rang de priorité n° 4, son exploitation étant d'une surface de 115 ha 02 a 50 ca après la reprise envisagée et ne comportant qu'une seule UMO.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2024, M. D..., représenté par Me Henniaux, conclut au rejet de la requête d'appel de M. B... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête d'appel de M. B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 9 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 29 juin 2016 du préfet de la région Hauts-de-France portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord - Pas-de-Calais ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 avril 2017, M. B... a déposé une demande d'autorisation d'exploiter portant sur un ensemble de dix parcelles dont il est propriétaire, situées sur le territoire de la commune d'Aulnoye-Aymeries (Nord) et représentant une surface totale de 5 ha 51 a 33 ca. Ces parcelles sont données à bail à M. D..., preneur en place, qui en assure l'exploitation. Par un arrêté du 31 juillet 2017, le préfet de la région Hauts-de-France a refusé de faire droit à cette demande. Le tribunal administratif de Lille, saisi par M. B..., a annulé cet arrêté par un jugement n° 1708459 du 30 juin 2020 pour insuffisance de motivation. Au terme du réexamen de la demande de M. B..., le préfet de la région Hauts-de-France a de nouveau refusé l'autorisation d'exploiter sollicitée par un arrêté du 7 octobre 2020. M. B... relève appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En vertu du 1° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, sont soumis à autorisation préalable les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles mentionnés à cet article. Le second alinéa de l'article L. 331-3 du même code dispose que l'autorité administrative " vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 de ce code : " I. - L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 (...) ". A cet égard, le III de l'article L. 312-1 dudit code dispose que : " Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération ".
3. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord - Pas-de-Calais fixe, en son article 3, l'ordre des priorités suivants : " (...) / Rang 2 : / - Installation (en individuel ou dans une société) dans la limite de 60 ha par UMO [unité de main d'œuvre] après reprise ; / - Réinstallation d'un agriculteur exproprié ou évincé, ou compensation de surface dans la limite de la surface agricole perdue ; / - Agrandissement, réunion ou concentration d'exploitation dans la limite de 60 ha par UMO après reprise ; / (...) / Rang 3 : / - Installation au-delà du seuil de 60 ha/UMO après reprise et en deçà du seuil de 90 ha/UMO après reprise ; / - Agrandissement, réunion ou concentration d'exploitations au-delà du seuil de 60 ha/UMO après reprise et dans la limite de 90 ha/UMO après reprise ; / (...) / Rang 4 : / - Installation au-delà du seuil de 90 ha/UMO après reprise ; / Agrandissement, réunion ou concentration d'exploitations au-delà de 90 ha/UMO après reprise (...) ". En outre, l'article 5 du même schéma directeur, relatif aux critères d'appréciation dans le même rang de priorité, dispose que : " Pour départager les demandeurs d'un même rang de priorité et en application de l'article L. 312-1 du CRPM, l'autorité administrative pourra utiliser la dimension économique de l'exploitation agricole du demandeur par unité de main d'œuvre définie au point 1 avant l'opération ou l'un des autres critères d'intérêt économique, environnemental ou social définis au point 2 ci-dessous. / (...) / 2) Autres critères d'appréciation de l'intérêt économique, environnemental et social énoncés à l'article L. 312-1 pouvant être pris en compte : / (...) / La structure parcellaire des exploitations concernées : distance entre les parcelles objet de la demande et le siège d'exploitation tel que défini à l'article 1er : / - distance de la parcelle la plus proche (20 km ou plus de 20 km) ; / - intérêt de la demande dans l'aménagement parcellaire de l'exploitation du demandeur (analyse sur plan fourni). / (...) ".
4. Par ailleurs, pour l'évaluation du nombre d'UMO, l'article 3 du schéma directeur dispose que : " Pour déterminer l'appartenance aux rangs 1 à 3, la surface équivalente du demandeur par unité de main d'œuvre (UMO) à comparer aux limites ou seuils est calculée comme suit : / (...) / - les unités de main d'œuvre (UMO) sont déterminées conformément à l'article 5 à l'exception des exploitants ou associés exploitants à titre secondaires à la MSA et des exploitants ou associés exploitants participant à plusieurs exploitations ou sociétés agricoles qui sont comptabilisés pour 1 UMO ". L'article 5 du schéma directeur dispose quant à lui que : " Pour le calcul du dénominateur ''Nombre d'UMO'', le mode de calcul est le suivant : / Temps plein : / - Exploitant ou associé exploitant : 1 UMO ; / - Conjoint collaborateur à titre principal (cotisant à l'assurance vieillesse individuelle) : 1 UMO. / Autres situations : / - Exploitant ou associé exploitant à titre secondaire à la MSA : 0,5 UMO ; / - Exploitant ou associé exploitant participant à plusieurs exploitations ou sociétés agricoles : 0,5 UMO ; / - Conjoint collaborateur à titre secondaire ne cotisant pas à l'assurance vieillesse individuelle ne sont pas pris en compte. / Salariés en CDI de plus de 6 mois : / - 0,8 UMO pour le 1er salarié à temps plein ; / - 0,6 UMO pour le 2ème salarié à temps plein ; / - et 0,4 UMO pour le 3ème salarié à temps plein (plafonné à 3 salariés). / Les salariés à temps partiel sont comptabilisés proportionnellement à leur temps de travail évalué selon la durée légale du travail (1 820 h/an), les valeurs sont arrondies au dixième ".
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du relevé d'exploitation arrêté au 1er janvier 2017 produit par M. D..., que l'exploitation de ce dernier, preneur en place des parcelles dont la reprise est envisagée par M. B..., est d'une surface de 101 ha 60 a, incluant, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'ensemble de 18 ha 51 a 49 ca acquis par M. D... auprès de la SAFER Flandres-Artois à la fin de l'année 2016 dans la commune de Berlaimont. Il ressort en outre des pièces du dossier que, dans le cadre de son activité, M. D..., chef d'exploitation, est aidé par sa conjointe qui, suivant les termes d'une attestation de la Mutualité sociale agricole datée du 16 décembre 2022, y est affiliée en tant que conjointe collaboratrice depuis le 1er janvier 2005. M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude de ces informations ainsi que la participation effective de l'épouse de M. D... aux travaux de l'exploitation de son époux. Pour l'application des dispositions précitées du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord - Pas-de-Calais, l'exploitation de M. D... compte ainsi pour deux UMO. Dans ces conditions, c'est à raison que le préfet de la région Hauts-de-France a pu retenir que la surface de l'exploitation de M. D... est inférieure à 60 ha par UMO et qu'il a, par suite, classé sa situation au rang de priorité n° 2 défini par ce schéma. Alors que M. B... ne conteste pas que sa propre demande doit elle-même être classée à ce même rang de priorité et alors qu'il ne conteste plus en appel l'application par le préfet des critères de départage prévus à l'article 5 du schéma directeur, laquelle a été confirmée en première instance aux points 4 et 5 du jugement attaqué dont il y aurait lieu le cas échéant pour la cour d'adopter les motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation de l'ordre des priorités fixés par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Nord - Pas-de-Calais doit, dès lors, être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2020 du préfet de la région Hauts-de-France. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent elles-mêmes être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'Etat et de M. D..., qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, les sommes demandées par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de celui-ci la somme demandée par M. D... au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. A... D... et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,
- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de chambre,
Signé : B. Chevaldonnet
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01744